Votre rapporteur englobe dans un même ensemble statistique les personnes ayant fait l’objet d’une reconduite forcée à la frontière extérieure de l’Union européenne – les véritables reconduites forcées – et celles – pour l’essentiel des Roumains et des Bulgares – qui ont bénéficié d’une prime de mille euros pour retourner dans leur pays d’origine, dans le cadre d’une politique fortement dispendieuse de l’argent public et dépourvue d’efficacité, puisque les intéressés revenaient sur le territoire national pour bénéficier une deuxième fois de la prime. Dans ce dernier cas, il ne s’agissait plus d’une politique de reconduite à la frontière, mais d’une dépense inutile et assez peu sérieuse de l’argent public. Nous avons supprimé cette prime, parce que nous considérons que les véritables reconduites à la frontière sont les reconduites forcées hors de l’Union européenne, qui exigent un véritable accompagnement de la part de l’administration.
Enfin, les statistiques présentées par votre rapporteur comportent une troisième catégorie de reconduites à la frontière, vraisemblablement les plus intéressantes à étudier, parce qu’elles correspondent le moins à de véritables reconduites : il s’agit de ce que l’on appelle les OQTF « flash ». Des migrants irréguliers qui décidaient de repartir d’eux-mêmes dans leur pays d’origine se voyaient remettre une obligation de quitter le territoire français, ou OQTF, au moment de leur départ, ce qui permettait d’augmenter très significativement le volume des statistiques des reconduites à la frontière.
Ces chiffres ne correspondent donc absolument pas à la réalité de la politique d’un gouvernement qui a la volonté de lutter effectivement contre l’immigration irrégulière et de procéder à la reconduite forcée de ceux qui doivent l’être. De façon extrêmement précise, les reconduites forcées s’élevaient à 13 000 en 2009, il y a eu un point bas à 11 000 en 2011 et, à la fin de l’année 2015, ce nombre s’élèvera à 17 000. Nous avons donc augmenté en quelques années de près de 13 % le nombre des reconduites forcées à la frontière qui correspondent à des vraies reconduites.
Ces chiffres sont ceux de l’INSEE, ils ne sont pas contestables §et témoignent du caractère curieusement agrégé des chiffres qui, pour des raisons de communication politique que je comprends bien, figurent dans le rapport. Je demande donc que l’on sorte des statistiques les fausses reconduites et les OQTF « flash » et que l’on me dise ensuite si les chiffres que je viens d’indiquer sont vrais ou faux.
À cette remarque, M. le rapporteur me répond que nous donnons les mêmes chiffres, mais que nous ne les regardons pas du même point de vue. Il a raison : les chiffres qu’ils donnent existent bien, ils correspondent à la réalité que je viens de décrire, mais cette réalité ne correspond pas à ce que sont les véritables reconduites à la frontière.
La lutte contre l’immigration irrégulière se mesure également à l’aune du démantèlement des filières auquel nous procédons : ce chiffre a un certain sens et prouve la cohérence d’une politique. En 2014, le nombre de filières démantelées était supérieur de 25 % à celui de 2013. En 2015, ce nombre sera supérieur de 25 % à celui de 2014. En chiffres bruts, depuis le début de l’année 2015, nous avons démantelé 190 filières correspondant à 3 300 personnes interpellées, arrêtées ou reconduites à la frontière. Dans le même temps, l’Allemagne qui dit être confrontée à un flux de migrants de 800 000 personnes à 1, 2 million de personnes a démantelé des filières correspondant à un effectif de 1 800 personnes, c’est-à-dire la moitié de l’effort que nous avons fait nous-mêmes.
On peut donc continuer à aller de tribune en tribune, de micro en micro, d’émission en émission, pour dire que les reconduites à la frontière ont baissé et que l’effort de lutte contre l’immigration irrégulière n’est pas à la hauteur de l’enjeu. On peut le dire, mais cela ne correspond pas à la réalité. Je voulais donc profiter du débat qui nous rassemble pour rappeler la réalité des chiffres et de l’action du Gouvernement.
Nous sommes d’autant plus en situation de procéder à ces reconduites et de mener une politique de fermeté que nous avons recréé des postes dans les services chargés de cette politique. Je veux rappeler, parce que c’est une réalité assez difficilement contestable, que 13 000 postes ont été supprimés dans les services de police et de gendarmerie entre 2007 et 2012. De ce fait, 15 unités de forces mobiles ont été dissoutes, qui font aujourd’hui cruellement défaut. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a annoncé, à l’occasion du débat sur les migrations qui a eu lieu il y a plus de quinze jours dans cet hémicycle, la création de 900 postes pour reconstituer une partie de ces unités.
Par conséquent, si l’on devait mesurer l’action d’un gouvernement à l’aune des postes créés, des reconduites effectuées et des résultats obtenus dans la lutte contre l’immigration irrégulière, on pourrait difficilement contester que ce gouvernement a consenti des efforts très significatifs pour rééquilibrer notre politique migratoire. Voilà pour les faits et les chiffres.
Je voudrais maintenant insister sur les actes que nous avons déjà posés et les décisions que nous avons déjà prises. Je voudrais rappeler à l’ensemble des sénateurs – je n’ai pas besoin de le rappeler au rapporteur, puisqu’il a été l’excellent rapporteur de la loi sur l’asile et qu’il connaît parfaitement le sujet – que, au cours des dernières années précédant la mise en chantier de cette loi, le nombre des demandes d’asile en France avait considérablement augmenté. Les moyens consacrés à la politique de l’asile avaient, au mieux, été maintenus et même parfois diminués. Pendant le quinquennat précédent, alors que les demandes d’asile avaient plus que doublé, les effectifs de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, n’avaient augmenté que de 40 emplois. Pendant la même période, le nombre de places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA, était de 2 500. À la fin du quinquennat en cours, nous aurons créé 18 500 places en CADA et près de 250 postes au sein de l’OFPRA.
Je ne vois pas comment nous pourrions « déstocker » les dossiers de demande d’asile et ramener leur durée de traitement de 24 mois à 9 mois, si nous ne faisions pas cet effort au sein de l’OFPRA, de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, et au sein des préfectures. Je ne vois pas non plus, si nous ne créions pas ces places en CADA, comment la France pourrait être au niveau des meilleurs standards de l’Union européenne en remplissant son devoir pour être en conformité avec l’esprit de la directive européenne. On ne peut pas être la France, avoir une tradition d’accueil des réfugiés, et considérer que le système antérieur était digne au point qu’il fallait continuer de ne rien faire !
Nous avons donc fait tous ces efforts et c’est la raison pour laquelle, madame Benbassa, il est faux de dire que nous avons attendu que le flux de réfugiés se présente pour réagir. Ce gouvernement a inscrit 18 500 places en CADA dans le budget : ce n’est pas rien ! §Ce gouvernement a décidé, à l’occasion du plan présenté en conseil des ministres au mois de juin dernier, de créer près de 11 000 places, en plus de celles créées en CADA, pour accueillir en urgence tous ceux qui ont vocation à être accueillis sur notre territoire : 5 000 places dans le logement de droit commun, 1 500 places en hébergement d’urgence, 4 000 places supplémentaires en ATSA – ou accueil temporaire service de l’asile. Toutes ces places ont été créées au cours des derniers exercices budgétaires, la loi a été discutée à l’Assemblée nationale et au Sénat à partir de l’hiver et a été adoptée au mois de juillet.
C’est pourquoi, lorsque j’entends dire que ce gouvernement aurait été passif sur ces questions et qu’il aurait attendu les photos les plus émouvantes et les flux migratoires les plus importants pour agir, je répète que ces appréciations ne correspondent absolument pas à la réalité de notre action. Le Gouvernement a rehaussé notre dispositif d’asile pour le mettre au niveau des meilleurs standards européens et c’est à son honneur…