Je suis absolument sidéré d’entendre tout et son contraire. C’est tout juste si on ne reproche pas à la majorité sénatoriale de travailler en commission et de présenter des amendements sur un projet de loi qu’elle n’a pas demandé, ni même souhaité. D’ailleurs, pourquoi présenter un tel texte aujourd'hui, à deux mois des élections régionales, un texte préparé voilà dix-huit mois ou deux ans, c’est-à-dire à un moment où ce qui se produit actuellement en Europe n’avait aucune réalité ?
Le rôle du politique ne consiste-t-il pas avant tout à s’adapter à la situation, à prendre en compte les événements ? Comme nous sommes là pour représenter et protéger les Français, il nous appartient de dénoncer un projet de loi qui ne correspond plus aux besoins actuels. Le Gouvernement aurait dû le retirer et éventuellement en déposer un autre après les élections régionales, dans un contexte moins passionné et en tenant compte de la réalité européenne d’aujourd'hui. Dès lors, qu’on ne vienne pas nous reprocher de dire ce que nous pensons d’un texte inadapté et, comme l’a souligné notre collègue Michel Mercier, n’apportant pas de véritable changement sur le fond – c’est-à-dire en termes d’intention – alors même, j’y insiste, que la situation a évolué.
Monsieur le ministre, en matière de délinquance et de terrorisme, vous avez su, parce que les choses ont beaucoup changé en un an, prendre des mesures fortes et changer la politique – au sens noble du terme – de l’État. D’ailleurs, nous vous avons soutenu, parce qu’il est parfaitement normal de changer de politique quand la donne change. Autant vous avez respecté ce principe dans ces domaines, autant vous donnez l’impression de ne pas vouloir faire évoluer les textes et, ainsi, tenir compte des phénomènes migratoires auxquels l’Europe et la planète entière font actuellement face. Pourquoi ? On ne sait pas !
On constate au moins – c’est déjà ça ! - une évolution du discours de certains élus de gauche, qui disent que le Gouvernement lutte contre l’immigration irrégulière. Pardon de le dire, mais cela n’a aucun sens ! La lutte contre l’immigration irrégulière ne peut consister à proférer des incantations. C’est une politique qui coûte cher et exige énormément de moyens, d’effectifs, ainsi que la mise en place de mesures lourdes à conduire. Or disposez-vous de l’appui de Bercy sur le dossier, monsieur le ministre ? Non !
Demain matin, je présenterai en commission des finances le bleu budgétaire, du moins les éléments dont nous disposons avant l’examen des amendements à venir. M. Valls a promis 279 millions d’euros, mais, en réalité, le budget des programmes 303 et 104, soit ceux qui concernent l’immigration et la lutte contre l’immigration irrégulière, n’évolue pratiquement pas. Lorsque vous annoncez une lutte contre l’immigration irrégulière, vous témoignez certainement d’une volonté du Gouvernement, mais les moyens étant limités ou inexistants, c’est en réalité une politique que l’on ne conduit pas, ou guère.
Dès qu’on parle d’immigration ou d’étrangers, c’est tout juste si l’on n’a pas dit des horreurs ! Le fait de poser le problème ferait pratiquement de nous des extrémistes… Mais le problème s’est toujours posé en France ! Michel Mercier observait que, entre 1945 et 1980, le nombre de textes de loi sur le sujet a été très faible. C’est exact ! C’était l’époque des Trente Glorieuses, et nous disposions d’une grande capacité – économique et sociale – d’intégration. Mais, auparavant, le sujet avait soulevé de très nombreux débats au sein du Parlement français ou dans l’opinion publique.
Les arrivées massives de Polonais, d’Italiens, de Portugais ont été constatées dans des périodes où nous connaissions un déficit démographique par rapport à l’Allemagne et où la volonté était de réarmer notre pays – ce qui n’a rien de déshonorant. À cette époque, on n’a pas considéré que ces personnes, parce qu’elles n’étaient pas françaises depuis douze générations, devaient se voir interdire l’entrée. Ce n’est pas cela le sujet ! Le sujet, c’est qu’un Gouvernement, un État, une communauté ayant le sens, à la fois, de l’histoire et de l’avenir doit s’interroger sur ses moyens d’actions collectives. Jusqu’où pouvons-nous intégrer ?
Loin de moi l’idée d’exclure qui que ce soit ! Je dis simplement ceci : la France de 2015 n’est pas la France de 1975, ni celle de 1930, et encore moins celle de 1890 ! Dès lors, il est évident qu’il nous revient de définir un certain nombre d’éléments.
Oui, mes chers collègues, je propose par voie d’amendement que le plafond des entrées possibles sur le territoire national soit déterminé dans le cadre d’un débat parlementaire. Mais c’est là une des composantes clés de la souveraineté ! L’État est en droit de savoir qui entre sur son territoire et à combien s’établit le nombre d’entrées ! En quoi est-ce scandaleux ou inadmissible ?
Notre rôle est de faire en sorte que les Français, pas de manière fermée, exclusive, rétrécie, sachent comment se construit l’avenir. C’est pourquoi, monsieur le ministre, je dénonce depuis des années au sein de la commission des finances – ses membres pourront en témoigner – l’insuffisance des moyens accordés à l’intégration. Disant cela, je ne fais pas de procès spécifique à la gauche : la situation était identique sous les gouvernements de droite !
Nous passons notre temps à donner des leçons à la terre entière, mais nos gouvernants, par exemple, octroient très peu de moyens à l’apprentissage du français. Comme cela a été souligné précédemment, les apprenants passent du niveau A1 au niveau A2 sans subir aucun examen. Il leur suffit d’avoir suivi les cours du niveau A2 pour qu’on leur dise : « C’est bon pour vous, au revoir et merci ! » Aucun examen final ne vient contrôler qu’ils ont réellement atteint ce niveau !
De la même manière, l’OFII ne dispose pas de moyens financiers pour améliorer les cours. Les moyens sont également réduits s’agissant de l’instruction civique, de l’éducation et de l’assimilation des valeurs républicaines.
« C’est contraire à nos valeurs », dites-vous, monsieur Kaltenbach… Mais inculquons d’abord ces valeurs à ceux que nous accueillons de manière régulière, qui sont intégrés ou à qui nous accordons le statut de réfugié ! Ce n’est pas le cas aujourd'hui !