Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Calais concentre toutes les problématiques les plus cruciales de l’immigration clandestine et fait régulièrement, sur ce sujet, la une de la presse. Vous pouvez vous en rendre compte pratiquement chaque jour.
Je ne vous cache pas ma déception à la lecture du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. À mes yeux, celui-ci ne ferait qu’aggraver le flux migratoire actuel, que nous ne maîtrisons déjà plus, les événements s’étant trop accélérés au cours des dernières semaines. Comment accepter un projet de loi qui donnerait lieu à un appel d’air pour ces milliers, voire ces millions de personnes attendant de passer en Europe depuis l’Afrique et le Moyen-Orient ? Ne vous y trompez pas, je connais la situation dramatique qui pousse ces personnes à fuir leur pays, mais je sais d’expérience que ce n’est pas en assouplissant les règles que l’on trouvera la juste solution.
Ce texte était un contresens ! Comment, en conscience, peut-on encourager l’attractivité de la France pour les migrants, alors que jamais nous n’avons été soumis à une telle pression ? Je le constate chaque jour dans ma ville, cette politique migratoire est un échec !
Monsieur le ministre, avec le projet de loi que le Gouvernement a déposé, vous sonneriez le glas d’une immigration choisie, au profit d’une immigration subie comme une fatalité, face à laquelle on baisse les bras, on se résigne.
J’entends déjà les cris d’orfraie de certains de nos collègues, préférant verser dans l’angélisme au lieu de « parler vrai ». Mais la réalité est qu’on ne peut pas accueillir tout le monde, et j’invite tous ceux qui pensent le contraire à venir à Calais pour comprendre ce que représente, pour un élu, la gestion quotidienne d’une immigration impossible à absorber.
Actuellement, ce sont 4 000 hommes, femmes, enfants – ils étaient près de 3 000 en juin dernier - qui stationnent à Calais, en attendant, pour 90 % d’entre eux, un hypothétique passage en Grande-Bretagne. Ces 4 000 personnes vivent dans des conditions sanitaires qui se sont améliorées, grâce à la mise à disposition d’un centre d’accueil de jour, donnant lieu à une contractualisation entre la ville de Calais et l’État, et financé par ce dernier. Cependant, et malheureusement, à côté, un camp improvisé est devenu un bidonville parce que le Gouvernement, il y a quatorze mois, a refusé son installation en campement provisoire.
Dans cette installation sauvage, nous ne sommes pas capables de dire qui sont ces migrants, d’où ils viennent, par où ils sont passés ni même comment les aider, parce qu’ils ne sont pas identifiés. De plus, pour beaucoup, ils génèrent de la violence et développent des trafics en tout genre, soutenus par des extrémistes No Borders que la justice, de nouveau, laisse faire.
Voilà pourquoi ma conviction et mes valeurs se résument en ceci : l’humanité ne peut pas aller sans la fermeté.
Oui, notre pays doit rester fidèle à sa tradition d’accueil et d’asile ; cela, nous en convenons tous. Mais cet accueil doit se faire au prix de règles que nous fixons et qui, seules, nous permettront d’accueillir des étrangers dans les meilleures conditions.
Parce que, oui, l’humanité c’est aussi être en mesure d’accueillir des immigrés dans des conditions décentes, de leur proposer un toit, un travail, des formations et de les assimiler un jour dans la communauté nationale. Qu’en serait-il avec le texte du Gouvernement, qui, s’il était mis en application, verrait fleurir des « jungles » non plus seulement à Calais, mais en de nombreux points de l’Hexagone ?
Que dire du nombre indécent de morts de migrants ayant pour cause des gestes désespérés, sur le port de Calais ou dans le tunnel sous la Manche ?
Que dire des conséquences sur l’économie locale, qui voit des entreprises fermer et se délocaliser à cause de ce problème ?
Que dire de la montée exponentielle des agressions mettant en cause les migrants ?
Que dire des activistes, qui instrumentalisent ces personnes dans le seul et unique but de nuire à l’ordre public ?
Que dire des réseaux de passeurs, qui se nourrissent de la misère humaine ?
Que dire enfin de l’impuissance des forces de l’ordre, qui ne sont plus en mesure de faire leur travail et chez qui des cas de dépression, voire de suicide ont été constatés ?
Est-ce cela l’humanité de la politique migratoire du Gouvernement ? En tout cas, ce n’est pas ma conception. Ce désastre moral, c’est la conséquence d’un État qui baisse la garde, espérant que les problèmes se résoudront d’eux-mêmes. C’est la conséquence d’une politique européenne construite il y a trente ans et qui est désormais largement dépassée.
Si le projet gouvernemental est finalement adopté, je peux vous l’annoncer, monsieur le ministre, la situation continuera à se dégrader, à Calais comme ailleurs.
Je vous parlais d’humanité, je vais vous parler de son pendant, la fermeté, en revenant sur les problèmes survenus ce week-end à Calais, ceux dont j’ai parlé cet après-midi.
Pourquoi le procureur de la République a-t-il fait savoir qu’il ne poursuivrait pas les vingt-trois personnes interpellées et placées en garde à vue dimanche ? Il justifie sa décision par le fait que ces vingt-trois hommes ne sont pas, à son sens, les instigateurs de cette action. Par ailleurs, le procureur estime qu’il ne serait pas juste de ne poursuivre qu’une partie des personnes coupables.
Je le disais cet après-midi, je le répète ce soir : la coupe est pleine, monsieur le ministre, et c’est à se demander si des instructions n’ont pas été données au parquet, qui se rend complice des manipulations des No Borders, lesquels sont évidemment derrière ces événements. Un tel laxisme est effarant ! Il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’une incitation à continuer de tels actes. Allez-y, introduisez-vous illégalement, de toute façon la justice ferme les yeux !
Cette intrusion sur le site d’Eurotunnel a engendré des dégâts matériels importants. Au-delà de ce simple fait, nous parlons ici d’un site sensible pour l’économie franco-britannique. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à renforcer la gravité de certaines atteintes aux points d’importance vitale pour la défense nationale et aux sites sensibles pour l’économie du territoire.
Cette attitude du procureur dans l’affaire de l’attaque du site d’Eurotunnel est à mon sens le révélateur du problème auquel nous sommes confrontés : celui de l’abaissement de l’autorité de l’État, qui commence par le laxisme de la justice. Le grand malheur que représente le texte gouvernemental est d’en être la consécration. En effet, comme l’a pointé le rapport de notre collègue François-Noël Buffet, près de quatre clandestins sur cinq ne sont pas expulsés. De même que le procureur de la République renonce à poursuivre ces vingt-trois migrants pris en flagrant délit sur le site d’Eurotunnel, parce que les forces de l’ordre n’ont pu interpeller les quatre-vingt-dix autres coupables, la France renoncerait, suivant la volonté du Gouvernement, à une application réelle et efficace des procédures d’éloignement en oubliant la prééminence de la rétention administrative sur l’assignation à résidence. Les reconduites à la frontière doivent pourtant être non pas une option, mais appliquées de manière systématique.
La première étape pour régler le problème de l’immigration clandestine, c’est bien le rétablissement de l’autorité de l’État, et non pas son abaissement. C’est sur ce point, monsieur le ministre, que le Gouvernement et ma famille politique ont une divergence fondamentale.
Calais, encore une fois, est en l’occurrence un laboratoire pour observer les dysfonctionnements de l’État et comprendre les solutions qu’il faut d’urgence mettre en œuvre. C’est ainsi que nous obtiendrons de la justice et des services de l’État en général qu’ils ne puissent plus se défausser.
Rendre systématique, et non plus occasionnelle, la prise des empreintes digitales pour tous les clandestins, c’est la seule manière de pouvoir les prendre en charge, en ayant un suivi réel des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants économiques. J’ai d’ailleurs déposé un amendement à cette fin.
De même, il est indispensable de se donner les moyens de déterminer la minorité ou la majorité des personnes, y compris par les données radiologiques de maturité osseuse, pour éviter à des délinquants de se prévaloir des dispositions spécifiques liées à une prétendue minorité.