Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 6 octobre 2015 à 21h45
Droit des étrangers en france — Discussion générale

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la réforme du droit d’asile, ce projet de loi est le second volet d’une réforme d’ampleur visant à moderniser notre politique migratoire en la rendant plus efficace et plus humaine.

Le sujet est brûlant après les trop nombreux drames survenus notamment en mer qui ont suscité l’émoi du monde entier. Mais un émoi a posteriori ne répare rien s’il n’est suivi d’une action déterminée. C’est pourquoi je tiens à saluer l’action du Président de la République et du Gouvernement pour leur réactivité dans cette crise.

Le présent projet de loi traite du droit au séjour, avec pour triple ambition de sécuriser le parcours d’intégration des étrangers séjournant régulièrement en France, de renforcer l’attractivité de la France au niveau international et de lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière. Sur ce dernier point, le Gouvernement présente déjà un bilan satisfaisant – quoi qu’en disent certains –, comme vous l’avez souligné lors de votre audition devant la commission des lois, monsieur le ministre, et ainsi que vous venez de le rappeler, avec une hausse de 13 % des éloignements contraints entre 2012 et 2015.

Les accusations de « gauche immigrationniste » lancées par certains sont infondées et démagogiques. Ce texte vise à rendre plus efficace la lutte contre l’immigration irrégulière, notamment avec des délais réduits à quinze jours et des modalités procédurales adaptées s’agissant des recours contre des mesures d’obligation de quitter le territoire français non consécutives à un refus de délivrance de titre de séjour, dont les OQTF prises envers les déboutés du droit d’asile.

L’interdiction de retour sur le territoire est généralisée lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger ou lorsque l’étranger n’a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti.

En contrepartie, et dans le respect des droits des migrants, priorité est donnée à l’assignation à résidence plutôt qu’au placement en rétention, qui, lui, est conditionné à l’absence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de soustraction à la mesure d’éloignement. L’Assemblée nationale est même allée plus loin en inscrivant dans la loi l’engagement de campagne de François Hollande visant à rendre quasiment impossible le placement en rétention des mineurs.

En corollaire, le texte consacre une adaptation des pouvoirs des forces de l’ordre en cas de non-respect de ses obligations par la personne assignée à résidence. On voit bien là la recherche d’équilibre entre le respect des droits des étrangers et la nécessité de ne pas « impuissanter » ceux qui ont la charge de faire respecter la loi et donc de lutter efficacement contre l’immigration irrégulière.

Ce projet de loi ne se limite pas à ce seul volet. Il vise aussi à faciliter les démarches pour les étrangers séjournant régulièrement sur le territoire afin de renforcer l’attractivité de notre pays.

La grande avancée est la création de la carte de séjour pluriannuelle de quatre ans délivrée après un premier titre de séjour d’un an, évitant ainsi les démarches fastidieuses, les files d’attente chaque année en préfecture qui se révèlent contraignantes, parfois humiliantes et en tout cas « insécurisantes ».

Parallèlement est mis en place un système légitime de contrôle pendant la durée de validité du titre de séjour afin de vérifier que l’étranger continue de remplir les conditions pour bénéficier de la carte pluriannuelle. À juste raison, l’Assemblée nationale a pris soin d’encadrer le droit de communication dont dispose l’administration pour procéder à ce contrôle.

Est également créée une carte de séjour pluriannuelle « passeport talent », délivrée dès la première admission au séjour pour les étrangers qui apportent une contribution au développement et au rayonnement de la France, mais aussi pour leur famille.

Dans le même esprit, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux étudiants diplômés en France au niveau master et justifiant d’un projet de création d’entreprise. La situation des étudiants mérite une attention particulière, dont traitera ma collègue Dominique Gillot.

C’est donc un projet de loi cohérent que nous présente le Gouvernement, pour lutter contre l’immigration illégale, favoriser le séjour des étrangers en situation régulière et attirer les talents étrangers dans notre pays, un texte qui a gagné en équilibre lors de son passage à l’Assemblée nationale.

Je tiens à saluer la qualité du travail du rapporteur François-Noël Buffet, mais le texte adopté par la majorité de droite de la commission des lois du Sénat brise, hélas ! cet équilibre, en complexifiant les procédures pour les étrangers en situation régulière, notamment en supprimant toute délivrance de plein droit de certains titres de séjour, comme celle de la carte de résident permanent au bout de deux renouvellements de la carte de résident, ou encore en rendant, à l’article 13 septies, le regroupement familial plus difficile, l’étranger séjournant régulièrement en France devant attendre vingt-quatre mois, contre dix-huit actuellement, avant de pouvoir demander que sa famille le rejoigne. Cela va clairement à contre-courant d’un droit communément admis et considéré comme acquis.

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