Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 7 octobre 2015 à 14h30
Droit des étrangers en france — Article additionnel avant l'article 1er

Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur :

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques, qui tendent à instaurer l’obligation pour le migrant de faire la preuve de sa capacité d’intégration dans la société française avant sa venue en France, cette obligation étant appréciée avant la délivrance d’un visa de long séjour et comme condition d’obtention de celui-ci.

Bien entendu – je veux vous rassurer, monsieur Karoutchi –, le Gouvernement est tout à fait sensible à la nécessité d’assurer une préparation beaucoup plus efficace de la migration dès le pays d’origine, afin de favoriser une installation rapide en France et une véritable capacité d’intégration.

Si je suis en désaccord avec vous, c'est non pas sur l’objectif, mais sur les modalités que vous proposez pour permettre cette appropriation, modalités que nous considérons comme peu réalistes et inappropriées.

En premier lieu, vous reprochez au Gouvernement de vouloir remplacer le dispositif actuel dit du « pré-CAI », c'est-à-dire précontrat d’accueil et d’intégration, qui consiste en une initiation à la langue française et aux valeurs de la République.

Ce dispositif a fait l’objet d’une évaluation par les inspections générales de l’administration et des affaires sociales, qui ont mis en exergue son caractère inégalitaire. Il n’est d’ailleurs pas mis en œuvre dans tous les pays d’origine et est considéré comme inefficace. Son contenu est redondant avec les formations dispensées à l’arrivée en France.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite lui substituer un dispositif plus juste et plus opérationnel. Il consistera, comme le pratiquent désormais la majorité des pays européens, en la mise à disposition d’informations juridiques, administratives et pratiques utiles à l’étranger pour connaître l’organisation de la vie en France.

Seront ainsi présentés l’ensemble du parcours d’intégration, les obligations que le migrant devra accomplir ainsi que les démarches pratiques à effectuer pour accéder le plus rapidement possible à l’autonomie, notamment en matière de santé et d’éducation. Ce support d’information sera traduit et diffusé de façon dématérialisée.

Je le redis, nous voulons substituer à un dispositif inefficace une information plus large et mieux actualisée, indiquant clairement aux candidats à la migration leurs droits et leurs devoirs.

Les étrangers s’engageront ainsi dans un parcours d’intégration républicaine bien mieux préparé, caractérisé par des prestations renforcées à l’arrivée en France et par un relèvement du niveau d’exigence linguistique attendu. Un tel dispositif sera beaucoup plus efficace.

En second lieu, les conditions auxquelles vous entendez soumettre la délivrance des visas de long séjour sont manifestement inappropriées. Vous souhaitez ainsi que le demandeur justifie d’une maîtrise de la langue française du niveau B1, correspondant à une communication élaborée, soit le niveau exigé aujourd’hui pour une naturalisation, acte qui – vous en conviendrez, monsieur Karoutchi – suppose une intégration plus profonde dans notre société qu’un visa de long séjour.

Il ne nous paraît pas envisageable de s’opposer à la délivrance de visa de long séjour à un conjoint de Français au motif, par exemple, qu’il n’aurait pas atteint le niveau susmentionné de maîtrise de la langue, sauf à méconnaître son droit à mener une vie familiale normale, étant entendu que, par ailleurs, il pourra tout à fait acquérir ce niveau de langue ultérieurement.

Conditionner l’obtention d’un visa de long séjour à la maîtrise du même niveau de langue que celui qui est requis pour une naturalisation n’est pas une mesure d’une grande lisibilité.

L’intégration est indissociable de l’accueil. Elle ne saurait être appréciée de façon abstraite, a priori, sauf à vouloir, en réalité, en faire une barrière. Au contraire, elle doit se concevoir dans le cadre d’un parcours jalonné d’étapes successives, et c’est précisément ce que prévoit le projet de loi qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs.

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