La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la santé.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
J’informe le Sénat que le groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en remplacement de M. Pierre Jarlier, démissionnaire d’office de son mandat de sénateur, et de M. Hervé Maurey, démissionnaire.
Ces candidatures vont être publiées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 7 octobre 2015, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
– l’article L. 631-19-1 du code de commerce (cession forcée des droits sociaux d’un dirigeant dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire) (n° 2015–486 QPC) ;
– l’article L. 624–5 du code de commerce (ouverture d’une procédure collective à l’encontre du dirigeant d’une personne morale placée en redressement ou en liquidation judiciaire) (n° 2015-487 QPC) ;
– l’article 280-1 ancien du code civil (indemnité exceptionnelle accordée à l’époux aux torts duquel le divorce a été prononcé) (n° 2015-488 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 7 octobre 2015, que, application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux arrêts de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur :
– l’article L. 464-2, I, alinéa 4, du code de commerce (Autorité de la concurrence – Décisions et voies de recours) (2015-510 QPC),
– et l’article 18-6, 6°, de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 (Implantation des points de vente de presse) (2015-511 QPC).
Le texte de ces arrêts de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France (projet n° 655 [2014-2015], texte de la commission n° 717 [2014-2015], rapport n° 716 [2014-2015], avis n° 2).
Nous en sommes parvenus à l’examen du texte de la commission.
TITRE Ier A
DISPOSITIONS RELATIVES AUX ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE NATIONALE D’IMMIGRATION ET D’INTÉGRATION
[Division et intitulés nouveaux]
L’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration peuvent faire l’objet d’un débat annuel au Parlement. »
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France devrait avoir le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire.
C’est au Parlement qu’il revient, d’abord, de conduire un débat approfondi, à partir d’un rapport du Gouvernement intégrant toutes les dimensions de la politique nationale d’immigration et d’intégration, à savoir les indicateurs chiffrés rendant compte des flux d’entrée, de séjour et d’éloignement ; les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles ; les capacités d’accueil de notre pays ; les actions conduites par les collectivités territoriales ; l’articulation avec la politique européenne d’immigration et d’intégration.
Je suis cosignataire d’un amendement qui prévoit que le Parlement, en définissant chaque année les orientations pluriannuelles de la politique nationale d’immigration, détermine le nombre des étrangers admis à s’installer en France de façon durable, pour chacune des catégories de séjour, exception faite de l’asile.
L'amendement n° 107 rectifié bis, présenté par Mmes D. Gillot, Tasca, Meunier et Lepage, M. Duran, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Masseret et Labazée, Mmes Monier et S. Robert et MM. Cornano et Raoul, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Cet amendement vise à supprimer l’article 1erA, ajouté au texte par la commission, sur proposition du rapporteur.
L’article 1erA introduit la possibilité d’organiser un débat annuel au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration.
Sur la forme, il me semble – mais je ne suis pas membre de la commission des lois – que cet amendement n’est pas de nature législative. L’emploi du verbe « pouvoir » suscite des questions concernant les intentions de la commission. Pour avoir relu le compte rendu des débats, je comprends que l’affichage est essentiel, mais tout de même !
Bien évidemment, le Gouvernement peut obtenir, s’il le souhaite, un débat au Parlement, tout comme les assemblées peuvent l’organiser, notamment au moment de la présentation du rapport du Gouvernement sur les orientations pluriannuelles de la politique de l’immigration, conformément à l’article L. 110-11 du CESEDA, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article me paraît donc superfétatoire, outre le fait que le verbe « pouvoir » n’a pas de caractère législatif.
Sur le fond, les débats qui se sont tenus hier soir nous instruisent de la teneur des échanges sur ces questions, qui deviennent rapidement passionnés, manichéens, voire caricaturaux.
C’est donc l’intention réelle justifiant l’insertion de cet article qui pose question. Mais est-il nécessaire de prévoir, chaque année, un débat qui divise nos concitoyens, en exacerbant les instincts primaires ?
M. le président de la commission des lois s’exclame.
Monsieur le rapporteur, vous avez expliqué en commission, à propos de cette disposition, qu’il était essentiel d’« afficher ». Mais afficher quoi ? Alors qu’il s’agit de débattre et de voter une loi prévoyant justement de sécuriser et de simplifier le séjour des étrangers sur notre territoire, il ne me semble pas judicieux d’introduire une insécurité et de prévoir un rendez-vous conflictuel de cette nature.
Dans un contexte de défiance et de stigmatisation, apaiser et agir avec bienveillance me paraît essentiel. C’est pourquoi je propose la suppression de cet article.
La commission est défavorable à cet amendement de suppression de l’article 1erA, qui vise à instaurer un débat annuel sur les politiques d’immigration.
Je formulerai deux observations.
D’abord, personne ici ne souhaite susciter un comportement primaire, quel qu’il soit. Nous avons simplement pu constater hier, à l’occasion des débats, qu’il pouvait y avoir entre nous des points de divergence, mais aussi de convergence, la nature et la qualité des échanges permettant parfois de retrouver un peu de sérénité ou, du moins, une forme de transparence, puisque la représentation nationale peut alors parfaitement donner son point de vue sur le sujet.
C’est la raison pour laquelle j’ai pensé qu’il était utile que le Parlement puisse avoir ce type de débats.
Ensuite, la rédaction retenue, notamment le verbe « peut », est non seulement de nature législative, mais de surcroît respectueuse de la Constitution, le Gouvernement étant seul maître en la matière.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cela a été dit, le rapport du Gouvernement au Parlement sur les orientations de la politique de l’immigration et de l’intégration est déjà prévu par la loi. Le Gouvernement se tient bien naturellement à la disposition du Parlement, en particulier du Sénat, pour tout débat ou échange sur ces questions, comme il le fait à chaque initiative parlementaire, et comme nous l’avons fait en 2013 s’agissant de l’immigration professionnelle et de la mobilité étudiante.
L’article 1erA adopté par la commission des lois, qui prévoit la faculté d’organiser un débat, n’a pas de portée normative. Pour cette raison, le Gouvernement est favorable à l’amendement de suppression.
Cet amendement est symptomatique des échanges que nous avons eus hier soir. Les débats relatifs à l’immigration et à l’intégration sont malheureusement rarement sereins. On l’a vu, ils peuvent être électrisés à outrance par des propos polémiques ou dignes d’un autre temps, qui empêchent surtout l’analyse des problèmes de fond, notamment les causes de l’immigration internationale, les conditions d’accueil et de traitement du dossier des étrangers et, bien sûr, la lutte contre l’immigration irrégulière.
Finalement, l’examen de ce projet de loi, compte tenu du contexte, n’échappe pas à la règle, comme en témoignent l’ajout de cet article mais aussi la modification en commission, par la majorité sénatoriale, du titre même du texte.
Bien entendu, je soutiendrai l’amendement visant à la suppression de l’article 1erA. On a en effet l’impression que tout n’est que méfiance et suspicion lorsqu’on parle de l’étranger.
Le Gouvernement, lui, n’est tombé ni dans le simplisme ni dans l’angélisme. Il s’est attaché à maintenir une séparation étanche entre les demandeurs d’asile et les étrangers qui souhaitent entrer ou se maintenir en France pour divers motifs. J’en veux pour preuve les deux projets de loi distincts déposés au Parlement, l’un relatif à l’asile, l’autre au droit des étrangers.
J’insiste sur ce point important, le texte présentement à l’étude n’a plus grand rapport avec le texte initial, ce que nous regrettons. L’esprit d’équilibre qui le caractérisait, alliant simplification des procédures administratives, renforcement de l’attractivité de la France, respect de la dignité des étrangers et lutte contre l’immigration irrégulière, a été balayé. Il ne demeure finalement qu’un catalogue de mesures fondamentalement hostiles à l’étranger, à l’image de l’instauration d’un forfait pour bénéficier de l’aide médicale de l’État ou du durcissement des conditions d’éligibilité au regroupement familial.
En ces temps où les vagues d’immigration sont aussi meurtrières, aussi tristes, par ce qu’elles signifient ou ce qu’elles voilent à peine, j’aimerais citer – il est bon de citer parfois des auteurs dans cette enceinte - un extrait de L’Eldorado de Laurent Gaudé, que vous connaissez sûrement : « Il n’était plus personne. […] Rien d’autre qu’un homme de plus, un pauvre homme de plus sur la route de l’Eldorado ». Combien de « pauvres hommes de plus », d’étrangers inconnus, ont participé à la richesse de la France ?
Je soutiens cet amendement de suppression de l’article 1erA.
Chacun le sait, ce n’est pas avec une loi, quelle qu’elle soit, que nous réussirons à maîtriser le mouvement qui nous emporte. Nous devons en être à la soixante-quinzième ou soixante-dix-septième révision des lois sur l’immigration !
Il me semble donc que la prudence et la modestie devraient nous inciter à ne pas prendre ce sujet comme tremplin, mais à nous contenter d’apporter notre pierre à la réflexion.
Très franchement, je ne crois pas que l’institution d’un débat supplémentaire annuel sur cette question changera quelque chose à l’affaire, au contraire ! C’est dans un rapport de 2006, me semble-t-il, que le Conseil d’État constatait déjà que tout sujet du 20 heures est une loi potentielle. On le vérifie aujourd'hui… De grâce, n’en rajoutons pas !
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très surpris de nos échanges sur ce débat annuel. Précisément, le fait qu’il s’agisse d’un sujet de société suscitant les passions constitue un argument non pas contre, mais pour un tel débat.
Il appartient bien sûr à chacun d’entre nous d’avancer des constatations, des propositions et des analyses raisonnables, pour faire face aux défis que représentent les phénomènes de l’immigration clandestine et du maintien sur le territoire national des déboutés du droit d’asile. Oser affirmer que cette question ne justifierait pas un débat annuel du Parlement est, de mon point de vue, tout à fait stupéfiant. Ainsi donc, ici, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, on discuterait de tout, sauf des questions essentielles aux yeux de nos concitoyens !
Nous avons su, par le passé, réviser la Constitution lorsque cela s’est révélé nécessaire. Par exemple, pour ce qui concerne la sécurité sociale, nous avons instauré, à l’instar de l’examen du projet de loi de finances s’agissant du budget de l’État, un débat annuel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agissait de maîtriser à la fois l’évolution des droits sociaux et les conditions de l’équilibre financier de notre protection sociale. En effet, si ces conditions ne sont pas réunies, les acquis sociaux sont bien évidemment en péril.
De la même façon, quand il s’agit de l’immigration, plutôt que de rester front contre front face à cette délicate question, il est hautement préférable que la démocratie parlementaire s’empare du débat. Fuir le débat, refuser qu’il ait lieu, rejeter sa périodicité, c’est tout simplement nier l’apport de la discussion parlementaire, qui permet justement d’apporter la sérénité que vous réclamez, chers collègues.
Rien ne nous empêche d’avoir ici un débat permettant à la société française d’avancer dans la prise en compte de ces questions délicates.
C’est la raison pour laquelle il me paraît tout à fait vital pour notre démocratie, par-delà les prétextes juridiques invoqués, d’accepter le principe d’un débat parlementaire annuel sur la politique d’immigration.
Je souscris pleinement aux propos de Philippe Bas ; je suis, à l’inverse, totalement imperméable aux arguments de notre collègue Dominique Gillot.
Je ne vois pas, en effet, pour quels motifs nous déciderions que certains débats seulement sont légitimes dans cette assemblée, à l’exclusion des autres. On allègue que les débats relatifs à l’immigration seraient particulièrement passionnés ; mais c’est précisément l’honneur du débat parlementaire que de s’inscrire dans un cadre raisonné et courtois, à l’abri des risques de posture.
Pour répondre à notre collègue Pierre-Yves Collombat, je voudrais citer un auteur qu’il apprécie sans doute, à savoir Clemenceau, qui disait que l’on ne discute honorablement et dignement que des sujets dont on peut discuter librement.
Ce type de sujets a toute sa place dans cette assemblée.
J’ai bien entendu les arguments avancés par nos collègues.
Ce qui me gêne dans cet article 1er A, ce n’est pas que nous puissions débattre de la politique d’immigration, c’est que nous soyons conduits à discuter à nouveau chaque année des « orientations » pluriannuelles de cette politique.
L’immigration est un vrai sujet. Or les forces républicaines ne s’en emparent pas suffisamment dans notre pays, ce qui laisse tout loisir à d’autres forces, que je qualifierai d’antirépublicaines, de s’en saisir et de l’instrumentaliser à des fins que l’on ne connaît que trop.
Les élus et responsables politiques que nous sommes doivent donc s’emparer de ce débat, mais pas simplement dans le cadre d’un projet ou d’une proposition de loi.
Je rappelle à chacune et à chacun ici que nous avons d’ores et déjà toute latitude pour saisir la conférence des présidents d’une demande d’organisation d’un débat sur tel ou tel sujet, y compris celui de l’immigration.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous voterons l’amendement n° 107 rectifié bis déposé par nos collègues du groupe socialiste et républicain, qui vise à supprimer l’article 1er A.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Marques de surprise sur certaines travées du groupe Les Républicains.
J’ai bien entendu les arguments qui ont été développés, et je ne souhaite pas polémiquer.
Je constate simplement que la transparence de la politique nationale en matière d’immigration et de sa mise en œuvre est déjà garantie par un article du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En vertu de cet article, l’Assemblée nationale et le Sénat peuvent tout à fait organiser, soit de leur propre initiative, soit à l’invitation du Gouvernement, un débat permettant de réorienter la politique d’immigration ou d’en préciser les modalités.
Nous avons entendu, pas plus tard qu’hier soir, M. le ministre de l’intérieur évoquer les mesures prises – ou plutôt celles qui ne l’ont pas été – en 2011, au moment de la crise migratoire consécutive aux événements en Tunisie, et s’interroger sur les raisons pour lesquelles les dispositions que la loi prévoyait n’avaient pas été appliquées par le gouvernement de l’époque.
Elle est là, la transparence ! Il n’est pas nécessaire de réintroduire dans la loi des dispositions qui la garantissent.
Quant à la comparaison proposée par M. Philippe Bas, entre le débat sur la politique d’immigration et le débat d’orientation relatif au PLFSS, excusez-moi, mais il ne s’agit pas tout à fait, de part et d’autre, du même nombre d’usagers…
… ni du même type de budget. Je pense que cette comparaison ne se justifie pas, monsieur le président de la commission des lois.
Je vote donc pour mon amendement !
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Frassa et Cambon, Mme Canayer, MM. César et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. Dufaut, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, de Legge, Retailleau, Saugey et Soilihi, Mme Troendlé, MM. Lefèvre, B. Fournier, Mayet, Calvet, Dallier, Mandelli, Bouchet, Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Nougein, Vogel, Masclet, Pillet, Morisset et Doligé, Mmes Procaccia et Duchêne, M. Duvernois, Mme Kammermann, MM. Falco et Charon, Mme Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel et D. Laurent, Mme Lopez, MM. A. Marc, Portelli, Raison et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Bouvard et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. J.P. Fournier, Laménie, Lenoir, Mouiller, Nègre, Savary et Pellevat, Mme Keller, M. Chasseing, Mme Imbert, M. Pointereau, Mme Morhet-Richaud, MM. Cornu et Delattre, Mmes Deseyne, Duranton et Primas et MM. Gournac, Vasselle et Gremillet, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -10. – Les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration peuvent faire l’objet d’un débat annuel au Parlement.
« Le Parlement prend alors connaissance d’un rapport du Gouvernement qui indique et commente, pour les dix années précédentes :
« a) Le nombre des différents visas accordés et celui des demandes rejetées ;
« b) Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;
« c) Le nombre d’étrangers admis au titre du regroupement familial et des autres formes de rapprochement familial ;
« d) Le nombre d’étrangers admis aux fins d’immigration de travail ;
« e) Le nombre d’étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celui des demandes rejetées ;
« f) Le nombre d’attestations d’accueil présentées pour validation et le nombre d’attestations d’accueil validées ;
« g) Le nombre d’étrangers ayant fait l’objet de mesures d’éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;
« h) Les procédures et les moyens mis en œuvre pour lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers ;
« i) Les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d’œuvre étrangère ;
« j) Les actions entreprises avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une politique de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement ;
« k) Les actions entreprises pour favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière ;
« l) Le nombre des acquisitions de la nationalité française, pour chacune des procédures ;
« m) Des indicateurs permettant d’estimer le nombre d’étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.
« Le Gouvernement présente, en outre, les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles dans lesquelles s’inscrit la politique nationale d’immigration et d’intégration. Il précise les capacités d’accueil de la France. Il rend compte des actions qu’il mène pour que la politique européenne d’immigration et d’intégration soit conforme à l’intérêt national.
« L’Office français de protection des réfugiés et apatrides et l’Office français de l’immigration et de l’intégration joignent leurs observations au rapport du Gouvernement.
« Le Sénat est consulté sur les actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d’immigration et d’intégration.
« Le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
J’ai entendu que l’on qualifiait le débat d’hier soir de « passionné ». Mais, à ce compte, quel qualificatif devra-t-on inventer pour les débats qui ont lieu dans la presse ou par meetings interposés ?
Je sais bien que le Sénat ou l’Assemblée nationale sont des bulles protégées, mais les assemblées doivent-elles pour autant ignorer la réalité du pays ?
Chers collègues, si vous refusez que notre assemblée soit le lieu d’un vrai débat et de vrais engagements, cela se fera ailleurs, et dans des conditions sans doute beaucoup plus dures, qui ne seront pas celles d’un débat équilibré fait d’argumentations posées, mais qui privilégieront l’émotion et la réaction, au détriment de la réalité des choses.
Le droit d’asile est un droit spécifique : il concerne des personnes persécutées dans leur pays, individuellement ou pour leur appartenance à un groupe particulier, ou des personnes menacées par un conflit armé : de telles situations légitiment leur protection, et il n’est pas question, s’agissant du droit d’asile, d’introduire un quelconque plafond, ou même d’instaurer un débat.
Mais pour le reste – ce que l’on appelle l’immigration régulière, hors droit d’asile, donc –, pour quelles raisons l’instauration d’un débat parlementaire annuel serait-elle injustifiée ?
Un tel débat intégrerait toutes les dimensions de la politique nationale d’immigration et d’intégration – conditions économiques, politiques, géopolitiques, démographiques, capacités d’accueil et d’intégration –, et permettrait, sur cette base, de dégager pour deux ou trois années, en accord avec le Gouvernement – ce n’est pas forcément la guerre entre nous ! –, des perspectives en matière d’immigration.
Il est préférable qu’un tel débat ait lieu ici, plutôt que dans la rue ou dans la presse, où chacun avance des arguments plus ou moins fantaisistes, souvent peu en prise avec la réalité, conduisant à des positions extrêmes.
Pour ma part, je fais confiance à la sagesse du Sénat et de l’Assemblée nationale pour définir ce qui est le mieux.
Cet amendement vise donc à ce que les orientations pluriannuelles de la politique nationale d’immigration soient définies dans le cadre d’un débat parlementaire annuel.
L'amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. M. Mercier et Zocchetto, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 111 -10. – Chaque année, une loi détermine pour les trois années à venir le niveau d’étrangers admis à séjourner en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception des étrangers admis au titre du regroupement familial, des autres formes de rapprochement familial et de l’asile.
« Est annexé à cette loi un rapport du Gouvernement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration qui indique et commente :
« a) Le nombre des différents visas accordés et celui des demandes rejetées ;
« b) Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;
« c) Le nombre d’étrangers admis au titre du regroupement familial et des autres formes de rapprochement familial ;
« d) Le nombre d’étrangers admis aux fins d’immigration de travail ;
« e) Le nombre d’étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celui des demandes rejetées ;
« f) Le nombre d’attestations d’accueil présentées pour validation et le nombre d’attestations d’accueil validées ;
« g) Le nombre d’étrangers ayant fait l’objet de mesures d’éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;
« h) Les procédures et les moyens mis en œuvre pour lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers ;
« i) Les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d’œuvre étrangère ;
« j) Les actions entreprises avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une politique de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement ;
« k) Les actions entreprises pour favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière ;
« l) Le nombre des acquisitions de la nationalité française, pour chacune des procédures ;
« m) Des indicateurs permettant d’estimer le nombre d’étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.
« Le Gouvernement présente dans ce rapport les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles dans lesquelles s’inscrit la politique nationale d’immigration et d’intégration et précise les capacités d’accueil de la France. Il rend compte des actions qu’il mène pour que la politique européenne d’immigration et d’intégration soit conforme à l’intérêt national.
« L’Office français de protection des réfugiés et apatrides et l’Office français de l’immigration et de l’intégration joignent leurs observations au rapport du Gouvernement.
« Le Sénat est consulté sur les actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d’immigration et d’intégration. »
La parole est à M. Michel Mercier.
Nous devons tenter d’aborder la question de l’immigration de la façon la plus sereine possible, en nous gardant de tout mélanger, afin que notre pays puisse accueillir non seulement les étrangers dont il a besoin, mais également ceux qui, désireux de venir en France, auraient pour le faire un motif légitime – soit parce que le statut de réfugié leur est octroyé, soit parce qu’ils ont de la famille dans notre pays.
Le Parlement est le lieu où une telle politique peut être déterminée : c’est là notre rôle.
La loi permet déjà quantité de choses, et vous souhaitez pourtant en élargir le champ, sans quoi nous ne serions pas réunis aujourd’hui pour discuter d’un nouveau texte. M. le ministre de l’intérieur nous a présenté hier les excellents résultats qu’il a obtenus dans le cadre du droit actuel : nous savons donc parfaitement qu’une nouvelle loi est inutile…
S’il a décidé malgré tout de demander au Parlement de voter une nouvelle loi, c’est qu’il doit avoir des motifs pour le faire. Or je peine à voir, parmi les dispositions qui figurent dans le texte déposé par le Gouvernement, ce qui pourrait prétendre à constituer un tel motif. Nous tentons donc à notre tour, madame, de faire en sorte que le vote d’une nouvelle loi se justifie.
Sourires.
Il me semble naturel que le Parlement soit invité à délibérer. Nous essayons de dire des choses très simples : d’une part, certains étrangers ont un droit individuel à être accueillis dans notre pays. Il s’agit des demandeurs d’asile, ou de ceux qui ont des motifs familiaux pour immigrer en France – dans le cadre du regroupement familial au sens le plus strict du terme, ou parce qu’ils se marient avec une personne de nationalité française et souhaitent vivre en France avec elle.
S’agissant de l’immigration économique, l’organisation d’un débat parlementaire tenant compte de la situation, des besoins et des capacités de l’économie nationale est tout à fait légitime. Il n’est sans doute pas nécessaire d’accueillir les étrangers auxquels la France sera incapable d’offrir une vie meilleure que celle qu’ils ont dans leur pays d’origine. Il faut le dire, et en parler, plutôt que de laisser s’exacerber les passions.
L’amendement que j’ai déposé avec François Zocchetto au nom du groupe UDI-UC a donc simplement pour objet de reconnaître, s’agissant de l’immigration économique, la nécessité – une fois réservés les droits individuels et ceux qui sont liés au droit d’asile – de fixer des niveaux…
… qui seraient fonction de la situation de l’économie nationale. Ces niveaux ne sont ni des quotas ni des objectifs : ce sont des niveaux destinés à planifier les modalités de l’accueil des étrangers qui souhaitent immigrer en France. Et mieux vaut préparer les choses plutôt que de les subir, au risque, ce qui est déjà arrivé certaines années, de devoir voter trois lois sur l’immigration !
Oui, cela ne sert à rien, trois lois. Et nous en sommes très exactement à vingt-deux lois en trente-cinq ans, dont beaucoup n’ont eu aucune conséquence juridique !
Je demande donc au Sénat de voter cet amendement.
Ces deux amendements ont le même objectif. Il consiste à compléter le projet de loi initial en permettant au Parlement, au-delà du débat que nous avons introduit à l’article 1er A, de fixer un niveau – le terme a été expliqué par notre collègue Michel Mercier – ou un plafond – ce qu’on appelle communément des quotas – d’accueil d’étrangers dans notre pays. Une telle disposition garantirait que le débat sur l’immigration ait lieu de façon transparente et apaisée – du moins l’espérons-nous.
La commission des lois avait simplement souligné que les dispositions prévues par ces amendements, dans l’état initial de leur rédaction, pourraient contrevenir à plusieurs principes fondamentaux, concernant en particulier le regroupement familial.
Nous avions, pour cette raison, sollicité le retrait de ces amendements, tout en reconnaissant leur intérêt.
Notre collègue Michel Mercier vient cependant de nous communiquer un amendement rectifié, dont les dispositions excluent de leur champ les demandes d’asile, ce qui est parfaitement légitime, comme Roger Karoutchi l’a également souligné, ainsi que le regroupement familial.
Sous réserve d’une telle amélioration – elle pourrait se traduire par une proposition de rectification de la part de M. le président de la commission des lois –, et sachant que la commission ne s’est pas réunie de nouveau, je pourrais émettre un avis personnel favorable.
J’ai bien perçu ce qui distingue les deux amendements – différence dont M. Mercier a précisé la nature au moment de sa présentation.
S’agissant du premier point, à savoir la question déjà traitée à l’occasion de la discussion de l’amendement n° 107 rectifié bis, je rappelle que le Gouvernement est à la disposition du Parlement pour débattre, échanger, faire le point, expliquer, transmettre toutes les informations dont les parlementaires souhaiteraient prendre connaissance concernant la politique d’immigration. Il n’est pas nécessaire d’y revenir.
Les dispositions prévues par ces deux amendements ne se limitent cependant pas à de telles dispositions institutionnelles : ils visent l’un et l’autre, par-delà de réelles différences de rédaction, à proposer l’instauration d’un système de quotas – vous parlez de « niveau », monsieur Mercier, mais votre amendement revient bien à fixer une limite – déterminés par le Parlement pour chacune des catégories de séjour.
L’amendement présenté par M. Mercier excluant explicitement, outre l’asile, le regroupement familial, le champ d’application de cette logique de « niveau » est donc différent, celui que propose M. Mercier étant plus étroit que celui que défend M. Karoutchi.
Quoi qu’il en soit, que vous parliez de « niveau » ou de « quota », vous reprenez une idée déjà largement évoquée dans le débat public. Je souhaite donc vous répondre de manière précise sur le fond.
En 2008, M. Brice Hortefeux, alors ministre chargé de l’immigration, avait institué une commission sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique de l’immigration, présidée par Pierre Mazeaud. Il y avait eu, chacun s’en souvient, un débat assez approfondi sur les quotas d’immigration. Et, je vous le rappelle, cette commission avait conclu que ces quotas seraient « irréalisables ou sans intérêt ». notant qu’une « politique de quota migratoire global ou par grand type d’immigration » n’était pratiquée « nulle part en Europe ».
J’observe d’ailleurs qu’un tel choix n’a pas été retenu sous le quinquennat précédent. Les raisons qui avaient conduit à écarter cette option conservent toute leur pertinence aujourd'hui.
S’agissant de l’immigration familiale, elle est garantie par des principes fixés par la Constitution, par des conventions internationales ou par des directives européennes. C’est, me semble-t-il, le sens de la distinction que M. Mercier a opérée en excluant le regroupement familial. Dans ces domaines, en effet, une politique de quotas aboutirait à méconnaître les principes de notre droit.
Pour ce qui est de la mobilité étudiante, le Gouvernement ne partage pas l’idée selon laquelle notre pays devrait accueillir des quotas d’étudiants étrangers chaque année. Certes, c’est ce que vous avez essayé de faire sous le mandat précédent, avec la circulaire du 31 mai 2011. Mais cela revient à nous fermer aux mobilités étudiantes, à porter atteinte à la francophonie – or je sais que nous y sommes tous très attachés –, à condamner le rayonnement et l’influence de la France dans le monde et à nous priver de futurs talents.
J’en viens à l’immigration professionnelle. Notre législation encadre déjà l’emploi des nouveaux immigrés, par exemple via les autorisations de travail. Les États qui, à l’instar du Canada, mettent en place des quotas sur ce type d’immigration connaissent des flux migratoires sans commune mesure avec les nôtres.
Monsieur Mercier, j’ai bien noté que votre proposition de « niveau » d’étrangers admis ne concernait pas l’immigration professionnelle.
Dans ce cas, il faudrait que vous m’expliquiez en quoi.
En tout état de cause, vous serez au moins d'accord avec moi pour constater que le Canada connaît des flux migratoires deux ou trois fois plus importants que ceux de la France.
Dont acte !
Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas favorables aux quotas d’immigration. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Les deux amendements qui viennent d’être présentés justifient amplement la position défavorable qui était la mienne quant à l’organisation du débat annuel.
J’ai l’impression que, loin d’aborder le problème de fond, nous discutons des difficultés que soulève l’immigration sud-américaine en France… Mais ce n’est pas le problème ! Le problème, ce sont les milliers de miséreux qui sont à nos frontières !
C’est différent, me dit-on : évidemment, on peut toujours découper les sujets et en faire autant de lois…
Mais, quand on décide d’une politique, c’est pour régler les problèmes qui se posent, pas pour régler ceux qui n’en sont pas ou ceux auxquels nous savons déjà répondre ! D’ailleurs, ce que je reprochais au projet de loi initial, c’est précisément de ne pas poser les vraies questions.
Nous préférons en rester là, à mouliner toujours les mêmes discours. S’attaquer aux véritables problèmes, qui sont bien plus amples, c’est une autre paire de manches ! Et ce n’est pas avec de nouvelles lois qu’on va arriver à les régler !
Je suis d'accord pour avoir un débat de fond qui aborde les vrais problèmes. Mais ce n’est pas en ergotant pour la énième fois sur telle ou telle catégorie ou sur le regroupement familial que l’on va avancer !
Le jour où l’on prendra le problème à bras-le-corps, on aura peut-être une petite chance de commencer à le régler !
Au-delà des considérations sur l’opportunité ou non d’un débat, l’amendement de M. Karoutchi me pose une vraie difficulté.
Notre collègue nous propose d’ajouter les mots : « Le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national. »
Or, ainsi que cela a été rappelé hier soir, et M. Mercier y a également fait référence, sur les 209 000 titres d’admission au séjour qui ont été accordés, 92 000 relèvent de l’immigration familiale ou du mariage, 66 000 concernent les migrations étudiantes, 13 000 ont des motifs divers, 19 000 tiennent à des raisons humanitaires, dont l’asile, et 19 000 sont liés à l’immigration économique.
En d’autres termes, nous n’avons que très peu de marges de manœuvre. Or la proposition qui nous est soumise laisse penser que nous en aurions beaucoup !
Je m’étonne d’ailleurs que deux sénateurs représentant les Français de l’étranger aient cosigné l’amendement de M. Karoutchi. On pourra toujours expliquer au conjoint étranger de l’un ou de l’autre qu’il devra attendre trois ans un titre de séjour pour pouvoir venir en France, à cause des quotas fixés par le Parlement…
Sauf à revenir sur les fondements de notre République, nous ne pouvons pas remettre en cause le droit de vivre avec son conjoint ou avec sa famille dans notre pays ! Il est mensonger de prétendre le contraire ! Ou bien alors les auteurs d’un tel amendement veulent chambouler nos principes républicains !
Nous pourrions, certes, débattre de l’immigration économique. Mais, monsieur Mercier, c’est aux entreprises, et non au Parlement, de déterminer les compétences dont notre pays a besoin !
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Nos collègues de droite nous expliquent depuis quinze ans que, à gauche, nous avons tort d’être malthusiens et de prôner le partage du travail ; je vous renvoie à nos débats sur les 35 heures. Selon nos collègues, le travail amène le travail, en créant de nouvelles richesses. Et ceux qui nous tiennent ce discours depuis des années voudraient aujourd'hui limiter l’arrivée de nouveaux talents et de nouvelles richesses dans notre pays ? Ce n’est pas sérieux !
À mes yeux, l’adoption d’un tel amendement, en remettant en cause le droit de vivre en France avec sa famille, changerait profondément nos principes républicains. Ce serait extrêmement dangereux !
Certains tentent de caricaturer nos positions et invoquent des arguments surréalistes pour récuser toute idée de quotas.
Monsieur Collombat, je vous rejoins : le véritable sujet, c’est effectivement ce qui se passe à nos frontières ; je l’ai d’ailleurs indiqué hier. Mais ce n’est pas moi l’auteur du texte dont nous sommes saisis !
En l’occurrence, le problème que vous évoquez relève du droit d’asile. C’est donc hors sujet par rapport au présent projet de loi. Mais, et je l’ai déjà dit ce matin en commission des finances, la situation est totalement surréaliste : le texte dont discutons n’aborde pas les enjeux du moment et porte sur des problèmes que nous aurions pu éviter d’avoir à traiter de nouveau. Toutefois, n’étant pas membre du Gouvernement, ce n’est pas moi qui décide des projets de loi !
Nous allons donc devoir faire face à une crise. Le Gouvernement prétend que nous devrons accueillir 31 000 réfugiés dans les deux ans qui viennent. J’affirme que ce sera au moins le double. Sachant que les réfugiés sont déjà 1, 2 million en Europe, qu’ils devraient être 2 millions à la fin de l’année prochaine et que le droit d’asile, nous explique-t-on, ne relève justement pas de quotas, le chiffrage du Gouvernement n’est vraiment pas crédible !
En revanche, pourquoi nous priverions-nous d’agir dans les domaines où nous avons la maîtrise, c'est-à-dire hors droit d’asile ? Pourquoi le Parlement devrait-il ignorer cette responsabilité ? J’ai entendu M. Leconte indiquer qu’il fallait laisser les entreprises décider des besoins en immigration économique. C’est bien la première fois que j’entends un élu socialiste renvoyer au MEDEF le soin de décider de la politique à mener dans notre pays, singulièrement la politique économique !
Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Pour moi, parce que la représentation nationale représente la Nation, c’est à elle de dire ce qui est bien et ce qui n’est pas bien pour l’ensemble du peuple français ! À défaut, où se ferait la politique de la France ? À la corbeille de la Bourse ? Au siège du MEDEF ? Ce n’est pas ma vision ! Et je demande à ce que l’on me suive.
Applaudissements sur les mêmes travées.
Mon explication de vote porte sur l’amendement présenté par notre collègue Roger Karoutchi, qui recueille un très large assentiment de mon groupe, ainsi que sur l’amendement de M. Mercier.
Les sénateurs centristes et les membres du groupe Les Républicains n’ont jamais eu l’intention d’instaurer des quotas pour le droit d’asile, ce qui serait de toute manière juridiquement impossible.
Madame la secrétaire d’État, vous assénez cet argument qu’une politique de quotas n’existe pas dans le reste de l’Europe. D’abord, cela se pratique dans le reste du monde, mais, surtout, la politique de la France ne se décide pas en fonction de ce qui se fait ailleurs ! Nous sommes la représentation nationale ! Nous sommes libres de faire la loi et de la voter en fonction des intérêts nationaux !
Comme M. le ministre l’a souligné hier soir, les chiffres que l’on se renvoie dans tout débat sur l’immigration sont souvent mal interprétés.
L’immigration est une question grave, qui traverse toutes les sensibilités politiques et qui compte au nombre des préoccupations du peuple français. Voulez-vous que nos compatriotes se sentent tenus à l’écart des choix politiques de la Nation sur un sujet qui leur paraît majeur ?
Pour notre groupe, plus le sujet sera débattu au Parlement, et pas dans la rue ou dans les médias, moins il sera passionnel !
Il n’y a rien de plus légitime pour la communauté nationale que d’exprimer ses choix…
… en fonction de la capacité d’accueil du pays, de l’état de son économie et des phénomènes migratoires, qui, nous le voyons bien, seront de plus en plus prégnants.
Libre à vous de prôner un débat verrouillé, fondé sur les peurs, les slogans ou les statistiques que l’on se jette au visage ! Pour ma part, je préfère un débat apaisé, dans lequel la représentation nationale, issue de la souveraineté populaire, peut exprimer ses choix. Je pense qu’ainsi nous pourrons avancer.
J’invite donc les membres de notre groupe à voter en faveur de l’amendement de Roger Karoutchi et, s’il y a lieu, l'amendement de Michel Mercier.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Philippe Kaltenbach. Le président Retailleau nous invite à avoir un débat dépassionné... Je constate cependant que les différents amendements déposés par le groupe Les Républicains ne visent qu’à attiser les peurs et à faire croire aux Français qu’il y aurait des solutions miracle en matière d’immigration.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Que nous propose-t-on ? Des quotas ! Or, Mme la secrétaire d’État l’a rappelé, cette option avait déjà été étudiée par Brice Hortefeux : le gouvernement que vous souteniez à l’époque, chers collègues de la majorité sénatoriale, avait conclu que celle-ci n’était pas envisageable, car elle ne correspondait pas à la réalité française.
En effet, ce sont 200 000 titres de séjour qui sont délivrés chaque année, un chiffre en quelque sorte incompressible.
Ce chiffre comprend les titres de séjour pour raisons humanitaires, que personne ne veut remettre en cause – nous sommes bien d’accord sur ce point. Il comprend aussi les titres de séjour destinés aux étudiants, qui ne sont que 65 000 par an. Ce n’est pas grand-chose pour un pays comme la France, qui compte 2 millions d’étudiants ! Nous envoyons davantage d’étudiants à l’étranger que nous n’en recevons. Il n’est donc pas question de diminuer encore le nombre d’étrangers qui viennent étudier dans notre pays...
Il y a, enfin, le « gros morceau » : le regroupement familial. Or le droit de mener une vie familiale normale est un principe constitutionnel. On ne peut pas empêcher une personne vivant en France de faire venir son conjoint étranger au prétexte que l’on aurait atteint le quota de 25 000 places ouvert au titre du regroupement familial, par exemple. Ce n’est juridiquement pas possible, sauf à réviser la Constitution et à revoir la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et nos engagements internationaux.
Avec cette histoire de quotas, vous faites croire que vous avez une solution, mais elle ne correspond à rien ! Arrêtons les faux débats et cessons de jeter de l’huile sur le feu !
Avec 200 000 titres de séjour, l’immigration est aujourd’hui très limitée en France. Honnêtement, je ne vois pas comment on pourrait aller en deçà, sauf à interdire aux Français d’épouser des étrangères ou aux étrangers qui vivent en France en toute légalité de faire venir leur famille, alors que c’est un droit, ou bien encore à empêcher les étrangers de venir étudier en France. Il n’y a ni solution miracle ni marge de manœuvre permettant de diminuer ce chiffre !
Les pays qui mettent en place des quotas sont aussi ceux qui font massivement appel à l’immigration. Si, demain, l’économie se portait mieux en France, nous pourrions, à notre tour, nous demander quel type d’immigration nous voulons. Mais, aujourd’hui, celle-ci est au minimum.
Je le redis, nous devons arrêter les faux débats et aller au fond du sujet en nous demandant comment mieux accueillir les étrangers en situation régulière et comment lutter contre l’immigration clandestine. Évitons les effets d’affichage ! Nous ne sommes pas là pour avoir des débats politiciens, mais pour régler les problèmes qui se posent aujourd’hui.
Nous en revenons à la discussion générale, et nous voyons apparaître les limites du présent projet de loi, ainsi que la frontière qui existe entre la vision du Gouvernement et celle de la majorité sénatoriale sur ce texte.
Nous avons une véritable divergence d’appréciation.
La France accueille chaque année, au titre de l’immigration régulière, 250 000 personnes, dont 47 % au nom du regroupement familial, au sens le plus large.
Il a été dit qu’il y avait plusieurs catégories au sein du regroupement familial ; ce n’est pas tout à fait exact.
En réalité, la politique familiale de la France englobe différentes situations : les conjoints de Français, le regroupement familial, les parents de Français, les ascendants étrangers et les enfants étrangers de Français, les liens personnels et familiaux, les étrangers malades, le tout représentant 92 257 personnes.
Il faut y ajouter une part modeste, soit 9 %, constituée par l’immigration économique, puis environ 20 000 personnes régularisées pour des raisons particulières, et enfin 14 000 personnes ayant obtenu le statut de réfugié, qui tendent à devenir des immigrés réguliers.
Dire que l’on ne peut rien faire, sinon suivre un scénario « au fil de l’eau », revient à accepter que ces proportions demeurent et ne soient pas modifiées : c’est aujourd’hui la position du Gouvernement.
La position de la majorité sénatoriale, telle qu’elle s’exprime dans le présent texte et dans les amendements que j’ai déposés, consiste à inverser cette tendance ou à y tendre le plus possible, et à définir une politique claire en nous posant la question suivante : dans l’intérêt de notre pays, veut-on davantage d’immigration familiale ou davantage d’immigration économique ?
Pour ce qui nous concerne, notre choix se porte plutôt vers la seconde solution, c'est-à-dire davantage d’immigration économique.
Un débat annuel au sein du Parlement sur la composition de l’immigration serait un outil permettant de définir une position claire et des choix politiques en la matière, sans cette passion permanente que suscite le sujet.
Nous n’avons pas, à ce stade de la discussion, le même point de vue que le Gouvernement sur l’organisation de l’immigration en France.
Nous souhaitons, pour notre part, que priorité soit donnée à l’immigration économique, que soit contenue l’immigration dite « familiale », au sens large, et que l’on puisse lutter très fermement contre l’immigration irrégulière, notamment en prenant des mesures d’éloignement. Tous les amendements que nous avons déposés vont dans ce sens.
Très bien ! sur certaines travées du groupe Les Républicains.
J’observe que ces deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune sont en réalité très proches l’un de l’autre et qu’il n’y aurait pas à faire un long chemin pour qu’ils puissent dire la même chose.
J’observe aussi – pardonnez-moi ce pragmatisme ! – que, pour réunir une majorité, il faut que les deux groupes dont émanent ces amendements s’entendent.
À cet instant, notre responsabilité est très importante, car nous débattons des fondations du système de contrôle de l’immigration pour l’avenir.
Nous venons de décider, en refusant la suppression de l’article 1er A, que le Parlement devrait se prononcer chaque année sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration. C’est un pas extrêmement important ! Mais nous ne pourrons aller jusqu’au bout de la démarche, nous le savons, qu’en décidant d’une révision constitutionnelle.
Or la situation du pays est tellement grave que nous ne voulons pas attendre que toutes les conditions soient réunies pour l’adoption et l’entrée en vigueur de cette révision constitutionnelle.
Il faut savoir ce que nous voulons.
À ce stade, ce que nous voulons avec ce texte, c’est prendre diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration parce que nous avons conscience que c’est une urgence nationale.
Mes chers collègues, la substance de ces deux amendements est extrêmement importante.
Dans les deux cas, et cela se fait déjà pour la loi de finances initiale et la loi de financement de la sécurité sociale, nous définissons les informations qui devront être obligatoirement transmises au Parlement chaque année. Nous décidons, ensuite, qu’il ne s’agit pas d’une sorte de colloque parlementaire qui se tiendrait dans les hémicycles des deux assemblées, mais bien d’un vote.
Ce vote doit porter sur quelque chose de précis. Puisqu’il s’agit de contrôle de l’immigration, il doit porter – c’est un avis partagé au sein de plusieurs groupes – sur le nombre de personnes que la France est prête à accueillir dans les différentes catégories d’immigration définies par les textes en vigueur.
Il s’agit, tout d’abord, de l’immigration familiale, et plus spécifiquement du regroupement familial. Il n’existe pas aujourd’hui d’accord universel quant au contenu du droit de mener une vie familiale normale, car la famille n’est pas la même sur tous les continents.
L’ouverture au regroupement familial dans notre pays doit donc se faire en fonction de critères.
Il s’agit, ensuite, de toutes les autres catégories - les étudiants, l’immigration professionnelle, l’asile et, enfin, les compétences et les talents.
L’obligation d’arrêter un nombre d’entrées régulières par catégorie ne préjuge évidemment pas de l’effectif qui sera fixé.
Aussi Mme la secrétaire d’État, en nous répondant qu’il ne fallait pas fixer de nombre d’entrées parce que cela serait trop restrictif pour les étudiants, n’a-t-elle pas choisi l’argument le plus adéquat : il nous suffit de fixer un effectif d’étudiants étrangers élevé, et il n’y a plus de difficulté !
Ce qui nous importe, c’est que le Parlement décide, en fonction de l’idée qu’il se fait, à un moment donné, de l’intérêt national.
Deux difficultés se présentent, auxquelles s’applique le même raisonnement : elles concernent le droit d’asile et le regroupement familial.
Dans les deux cas, la Constitution impose des limites à ce que nous pourrions voter, chaque année, dans une loi fixant le nombre d’immigrés réguliers par catégorie. Je l’admets !
Mais cela ne nous dispense pas de définir des objectifs. Nous le faisons bien pour l’assurance maladie : quand nous votons l’ONDAM, l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, nous savons que, les remboursements de soins correspondant à des droits de nos concitoyens, le chiffre que nous adoptons pourra ne pas être totalement respecté, par exemple en cas d’épidémie de grippe.
De la même façon, nous devons pouvoir fixer, dans la loi annuelle relative au contrôle de l’immigration, des objectifs qui respectent tous les droits en matière de regroupement familial, mais qui permettent aussi d’évaluer, dans le cadre des politiques menées et des conditions du regroupement familial, ce qu’il sera possible de faire dans l’année à venir. Cela n’implique nullement de violer les dispositions de la Constitution ou de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatives au regroupement familial !
C’est la raison pour laquelle je propose une rectification à l’amendement n° 1 rectifié ter, si son auteuren est d’accord, afin d’ajouter, au dernier paragraphe, que l’objectif en matière de regroupement familial est établi « dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit ». Après tout, c’est le seul point qui sépare notre amendement de celui qu’a présenté Michel Mercier...
Cela ne nous empêche pas, dans le cadre de notre politique de l’immigration – nous allons d’ailleurs le faire dans le texte relatif au contrôle de l’immigration –, de définir les conditions d’un regroupement familial resserré.
Mais, j’y insiste, nous voulons préciser que l’objectif chiffré en matière de regroupement familial est établi dans le respect des principes qui s’attachent à ce droit. Dans l’esprit des auteurs de l’amendement, notamment de Roger Karoutchi, cela va certainement de soi ; il pourra nous le confirmer. Il n’a certainement pas entendu remettre en cause des droits qui sont consacrés par la Constitution et par l’article 8 de la CEDH...
J’espère que cet amendement, ainsi rectifié, pourra recueillir un large accord.
M. le président. Mes chers collègues, je tiens à attirer votre attention sur le fait que le temps de parole est désormais restreint, décision prise sous l’autorité de M. Karoutchi…
Sourires.
Nouveaux sourires.
Je vous invite tous, y compris M. le président de la commission des lois, avec tout le respect que j’ai pour lui, à respecter le nouveau temps de parole imparti.
Le président de la commission intervient aussi souvent qu’il le souhaite !
À défaut, nous risquons un dérapage non pas verbal, mais temporel, ce qui nous contraindrait à aller ensuite très vite.
Monsieur Karoutchi, que pensez-vous de la rectification proposée par M. le président de la commission ?
J’y suis favorable, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 1 rectifié quater, présenté par MM. Karoutchi, Frassa et Cambon, Mme Canayer, MM. César et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. Dufaut, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, de Legge, Retailleau, Saugey et Soilihi, Mme Troendlé, MM. Lefèvre, B. Fournier, Mayet, Calvet, Dallier, Mandelli, Bouchet, Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Nougein, Vogel, Masclet, Pillet, Morisset et Doligé, Mmes Procaccia et Duchêne, M. Duvernois, Mme Kammermann, MM. Falco et Charon, Mme Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel et D. Laurent, Mme Lopez, MM. A. Marc, Portelli, Raison et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, MM. Bouvard et Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. J.P. Fournier, Laménie, Lenoir, Mouiller, Nègre, Savary et Pellevat, Mme Keller, M. Chasseing, Mme Imbert, M. Pointereau, Mme Morhet-Richaud, MM. Cornu et Delattre, Mmes Deseyne, Duranton et Primas et MM. Gournac, Vasselle et Gremillet, et ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 111-10. – Les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration et d’intégration peuvent faire l’objet d’un débat annuel au Parlement.
« Le Parlement prend alors connaissance d’un rapport du Gouvernement qui indique et commente, pour les dix années précédentes :
« a) Le nombre des différents visas accordés et celui des demandes rejetées ;
« b) Le nombre des différents titres de séjour accordés et celui des demandes rejetées et des renouvellements refusés ;
« c) Le nombre d’étrangers admis au titre du regroupement familial et des autres formes de rapprochement familial ;
« d) Le nombre d’étrangers admis aux fins d’immigration de travail ;
« e) Le nombre d’étrangers ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que celui des demandes rejetées ;
« f) Le nombre d’attestations d’accueil présentées pour validation et le nombre d’attestations d’accueil validées ;
« g) Le nombre d’étrangers ayant fait l’objet de mesures d’éloignement effectives comparé à celui des décisions prononcées ;
« h) Les procédures et les moyens mis en œuvre pour lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers ;
« i) Les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus dans le domaine de la lutte contre les trafics de main-d’œuvre étrangère ;
« j) Les actions entreprises avec les pays d’origine pour mettre en œuvre une politique de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement ;
« k) Les actions entreprises pour favoriser l’intégration des étrangers en situation régulière ;
« l) Le nombre des acquisitions de la nationalité française, pour chacune des procédures ;
« m) Des indicateurs permettant d’estimer le nombre d’étrangers se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.
« Le Gouvernement présente, en outre, les conditions démographiques, économiques, géopolitiques, sociales et culturelles dans lesquelles s’inscrit la politique nationale d’immigration et d’intégration. Il précise les capacités d’accueil de la France. Il rend compte des actions qu’il mène pour que la politique européenne d’immigration et d’intégration soit conforme à l’intérêt national.
« L’Office français de protection des réfugiés et apatrides et l’Office français de l’immigration et de l’intégration joignent leurs observations au rapport du Gouvernement.
« Le Sénat est consulté sur les actions conduites par les collectivités territoriales compte tenu de la politique nationale d’immigration et d’intégration.
« Le Parlement détermine, pour les trois années à venir, le nombre des étrangers admis à s’installer durablement en France, pour chacune des catégories de séjour à l’exception de l’asile, compte tenu de l’intérêt national. L’objectif en matière de regroupement familial est établi dans le respect des principes qui s'attachent à ce droit. »
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?
Le Gouvernement maintient son avis défavorable, monsieur le président.
Pour répondre au président Philippe Bas, qui a fait une bien belle démonstration, il ne s’agit bien sûr pas, dans mon esprit, de remettre en cause un droit constitutionnel, mais bien, s’agissant non pas des seuls conjoints, mais de l’extension au-delà de ce que prévoient les directives européennes, de voir quelles mesures nous pourrions prendre, dans le respect du principe constitutionnel du regroupement familial.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l’article 1er A est ainsi rédigé et l’amendement n° 149 rectifié n’a plus d’objet.
TITRE Ier
L’ACCUEIL ET LE SÉJOUR DES ÉTRANGERS
Chapitre Ier
L’accueil et l’intégration
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 rectifié ter est présenté par MM. Karoutchi et Cambon, Mme Canayer, MM. César et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. Dufaut, Frassa, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, de Legge, Retailleau et Soilihi, Mme Troendlé, MM. B. Fournier, Mayet, Calvet, Dallier, Mandelli, Bouchet, Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Vogel, Pillet, Morisset, Doligé et Charon, Mmes Procaccia et Duchêne, M. Duvernois, Mme Kammermann, MM. Falco et Bonhomme, Mme Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel et D. Laurent, Mme Lopez, MM. A. Marc, Portelli, Raison et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie, Lenoir, Mouiller, Nègre, Pellevat, Savary, Chasseing et Cornu, Mmes Imbert et Morhet-Richaud, MM. Pointereau et Delattre, Mme Deseyne, M. Dassault, Mme Duranton et MM. Vaspart, Gournac, Vasselle et Gremillet.
L'amendement n° 150 rectifié est présenté par MM. M. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 211-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 211 -1 -… – L’étranger qui souhaite s’installer durablement sur le territoire français doit, avant son entrée en France, apporter la preuve de sa capacité d’intégration à la société française. Il doit justifier, à cette fin :
« 1° D’une connaissance suffisante de la langue française ;
« 2° D’une adhésion aux valeurs de la République et aux valeurs essentielles de la société française ;
« 3° De sa capacité à exercer une activité professionnelle ou, s’il ne l’envisage pas, de son autonomie financière. »
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l'amendement n° 5 rectifié ter.
Il s’agit de déterminer les conditions qui peuvent être exigées d’un étranger avant de l’autoriser à s’installer sur le territoire national.
Il serait notamment demandé de justifier d’une connaissance suffisante de la langue française - elle pourrait correspondrait au niveau A2 -, de l’adhésion aux valeurs de la République et de la capacité à exercer une activité professionnelle.
Pour être clair, ces conditions s’appliquent aux étrangers qui souhaitent venir sur le territoire national. Je précise, monsieur Kaltenbach, qu’elles ne concernent pas les personnes relevant du droit d’asile ou du regroupement familial. Je reconnais, cela étant, que le niveau A2 exigé pour la connaissance du français ne peut pas vraiment être considéré comme « suffisant ».
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l'amendement n° 150 rectifié.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques, qui tendent à instaurer l’obligation pour le migrant de faire la preuve de sa capacité d’intégration dans la société française avant sa venue en France, cette obligation étant appréciée avant la délivrance d’un visa de long séjour et comme condition d’obtention de celui-ci.
Bien entendu – je veux vous rassurer, monsieur Karoutchi –, le Gouvernement est tout à fait sensible à la nécessité d’assurer une préparation beaucoup plus efficace de la migration dès le pays d’origine, afin de favoriser une installation rapide en France et une véritable capacité d’intégration.
Si je suis en désaccord avec vous, c'est non pas sur l’objectif, mais sur les modalités que vous proposez pour permettre cette appropriation, modalités que nous considérons comme peu réalistes et inappropriées.
En premier lieu, vous reprochez au Gouvernement de vouloir remplacer le dispositif actuel dit du « pré-CAI », c'est-à-dire précontrat d’accueil et d’intégration, qui consiste en une initiation à la langue française et aux valeurs de la République.
Ce dispositif a fait l’objet d’une évaluation par les inspections générales de l’administration et des affaires sociales, qui ont mis en exergue son caractère inégalitaire. Il n’est d’ailleurs pas mis en œuvre dans tous les pays d’origine et est considéré comme inefficace. Son contenu est redondant avec les formations dispensées à l’arrivée en France.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite lui substituer un dispositif plus juste et plus opérationnel. Il consistera, comme le pratiquent désormais la majorité des pays européens, en la mise à disposition d’informations juridiques, administratives et pratiques utiles à l’étranger pour connaître l’organisation de la vie en France.
Seront ainsi présentés l’ensemble du parcours d’intégration, les obligations que le migrant devra accomplir ainsi que les démarches pratiques à effectuer pour accéder le plus rapidement possible à l’autonomie, notamment en matière de santé et d’éducation. Ce support d’information sera traduit et diffusé de façon dématérialisée.
Je le redis, nous voulons substituer à un dispositif inefficace une information plus large et mieux actualisée, indiquant clairement aux candidats à la migration leurs droits et leurs devoirs.
Les étrangers s’engageront ainsi dans un parcours d’intégration républicaine bien mieux préparé, caractérisé par des prestations renforcées à l’arrivée en France et par un relèvement du niveau d’exigence linguistique attendu. Un tel dispositif sera beaucoup plus efficace.
En second lieu, les conditions auxquelles vous entendez soumettre la délivrance des visas de long séjour sont manifestement inappropriées. Vous souhaitez ainsi que le demandeur justifie d’une maîtrise de la langue française du niveau B1, correspondant à une communication élaborée, soit le niveau exigé aujourd’hui pour une naturalisation, acte qui – vous en conviendrez, monsieur Karoutchi – suppose une intégration plus profonde dans notre société qu’un visa de long séjour.
Il ne nous paraît pas envisageable de s’opposer à la délivrance de visa de long séjour à un conjoint de Français au motif, par exemple, qu’il n’aurait pas atteint le niveau susmentionné de maîtrise de la langue, sauf à méconnaître son droit à mener une vie familiale normale, étant entendu que, par ailleurs, il pourra tout à fait acquérir ce niveau de langue ultérieurement.
Conditionner l’obtention d’un visa de long séjour à la maîtrise du même niveau de langue que celui qui est requis pour une naturalisation n’est pas une mesure d’une grande lisibilité.
L’intégration est indissociable de l’accueil. Elle ne saurait être appréciée de façon abstraite, a priori, sauf à vouloir, en réalité, en faire une barrière. Au contraire, elle doit se concevoir dans le cadre d’un parcours jalonné d’étapes successives, et c’est précisément ce que prévoit le projet de loi qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. Pierre-Yves Collombat. Je suppose que la laïcité fait partie des valeurs de la République. Mais je m’interroge : la formation sera-t-elle différente pour ceux qui veulent s’installer en Alsace-Moselle ?
Sourires sur les travées du groupe CRC.
Ma remarque a pour objet de vous faire comprendre, mes chers collègues, que ce qui peut apparaître comme allant de soi ne va pas forcément de soi !
Je veux bien que l’on continue à faire des lois, mais tout cela ne me paraît vraiment pas opportun et, en tout cas, pas très efficace !
Je le reconnais, parler des valeurs de la République au Sénat, c’est provoquer immédiatement le débat, tant il est vrai que personne ne met la même chose sous ce vocable.
C'est parfait : continuons ainsi, et il n’y aura bientôt plus ni République ni valeurs ! §Chers collègues, je vois bien qu’ici, on est dans une bulle…
Monsieur le ministre, je n’aurais pas déposé cet amendement si, depuis des années, dans tous les rapports que je remets au nom de la commission des finances, notamment sur l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, je ne dénonçais pas l’insuffisance des moyens consacrés à l’intégration dans la République.
On peut avoir des désaccords sur le problème de l’immigration ou sur le nombre d’étrangers qui entrent en France, mais, c’est un fait, et je le répète depuis des années, l’OFII n’a pas les moyens de sa mission.
Les rapports que j’ai faits ont rempli des tiroirs, mais pour autant n’ont servi à rien. On ne cesse de dire depuis des années que l’OFII ne parvient pas à assurer un niveau suffisant de cours de français. Certes, le Gouvernement a relevé le niveau à A2, contre A1 actuellement, mais sans examen. Seule compte l’assiduité aux cours, et peu importe le niveau réellement atteint au terme de la formation.
Arrêtons avec l’irréalisme ! Franchement, en quoi est-il surnaturel de demander à ceux qui veulent s’intégrer dans notre pays d’avoir un niveau minimum de maîtrise de la langue française – je ne leur demande pas de s’exprimer comme Zola ou Balzac ! – pour se débrouiller, ne pas être tenus par des réseaux et faire eux-mêmes les démarches qui leur sont nécessaires ?
Monsieur Collombat, les personnes qui veulent s’installer en France et qui doivent s’intégrer doivent savoir ce qu’est la République et ce que sont ses valeurs. Vous avez ironisé en faisant allusion à l’Alsace-Moselle ; personnellement, cela ne me fait pas rire, car certains étrangers arrivés dans notre pays ne veulent pas de la République et n’aiment pas la France.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur Karoutchi, je suis absolument d’accord avec vous sur un point : nous ne voulons pas accueillir des personnes qui refusent la République et ses valeurs et qui n’aiment pas la France, car c’est la meilleure manière de rendre impossible la conduite d’une politique migratoire digne de ce nom. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui sont prêts à accepter cela et, de l’autre, ceux qui sont résolument déterminés à l’empêcher.
Hier, je disais la volonté du Gouvernement d’obtenir un consensus sur ces questions : il n’est pas nécessaire de créer sur ce sujet des clivages qui n’ont pas lieu d’être. Je le redis, je n’ai rien à retirer à la fin de votre propos.
Néanmoins, à partir du moment où l’on est d’accord sur l’objectif, il faut s’interroger sur la meilleure manière de l’atteindre. Certaines personnes arrivent aujourd’hui en France sans connaître notre langue, mais sont tout à fait désireuses de s’intégrer dans notre pays, d’adhérer aux valeurs de la République : elles pourront facilement apprendre le français si on permet à ceux qui sont chargés de la mise en œuvre du contrat d’accueil et d’intégration de mettre en place des conditions favorables à un tel apprentissage.
C'est d’ailleurs la raison pour laquelle, monsieur Karoutchi, nous avons relevé le niveau de langue exigé, en allant au-delà du niveau imposé par François Fillon, qui avait institué une mesure tout à fait positive avec le contrat d’accueil et d’intégration, en 2003.
Si l’on fait de la condition de la maîtrise de la langue française au niveau exigé pour la naturalisation la condition de l’obtention d’un titre de séjour, on est dans une tout autre démarche : l’objectif n’est plus de permettre l’apprentissage de la langue française, mais de rendre impossible la délivrance du titre de séjour en faisant de la langue un obstacle. C’est la différence qui nous sépare.
Je le répète, je ne suis pas en désaccord avec le propos que vous avez tenu à la fin de votre intervention ; en revanche, je ne partage pas votre point de vue sur les modalités. Pour moi, la langue ne peut pas être un obstacle à l’intégration ou à l’arrivée dans notre pays ; elle doit, au contraire, être un instrument de l’intégration sur le territoire national.
Ne créons pas sur ce sujet des clivages qui n’existent pas !
En matière d’exigence linguistique, il faut savoir de quoi l’on parle. Je l’ai dit hier, parlant au nom de la commission de la culture, lors de la discussion générale, la France est le pays d’Europe qui a le niveau d’exigence linguistique le plus bas : nous demandons le niveau A1. 1, qui ne figure même pas dans le référentiel européen.
Je voudrais, mes chers collègues, vous rappeler à quoi correspondent les niveaux A1 et A2, car cela ne vous dit sans doute rien.
En ce qui concerne l’écriture, pour atteindre le niveau A1, il faut, au bout d’un an, savoir écrire une carte postale simple et porter des détails personnels dans un questionnaire, par exemple, inscrire son nom, sa nationalité et son adresse sur une fiche d’hôtel.
Franchement, j’estime que la France devrait avoir un niveau d’exigence plus élevé !
Monsieur le ministre, je vous l’ai dit hier soir, c'est à vous d’en décider, car cela relève du domaine réglementaire. Mais cela me paraît important pour accueillir des étrangers chez nous et faire en sorte qu’ils puissent s’insérer. Je rappelle que, dans un rapport conjoint publié en octobre 2013, l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des affaires sociales constataient que les efforts étaient insuffisants en matière de formation linguistique, alors même que la langue demeure l’obstacle principal à l’intégration.
Alors, soyons un peu plus ambitieux et faisons en sorte que l’intégration soit réussie. Car, que ce soit pour une recherche d’emploi ou tout simplement pour les démarches du quotidien, il faut avoir un minimum de connaissance de la langue, ce qui nécessite de relever le niveau de A1 à A2.
Précisément, à quoi correspond le niveau A2 ? Il s’agit de pouvoir écrire des notes, des messages simples et courts, une lettre personnelle très élémentaire consistant, par exemple, à dire « merci ».
C’est pourquoi, franchement, monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant d’être un peu plus exigeant !
Monsieur Kennel, je veux tout de même rappeler les faits.
Le niveau de langue exigé, avant que ce texte ne soit présenté à la délibération de la Haute Assemblée, était le niveau A1.1. À quoi correspond ce niveau, qui, d’ailleurs, n’a pas été inclus dans le contrat d’accueil et d’intégration par le gouvernement actuel mais par un précédent, qui était soutenu par une autre majorité ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vous confirme que nous essayons, dans tous les domaines, de faire mieux que la précédente majorité !
Souriressur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur Kennel, ma réponse vous intéresse-t-elle ?
Le niveau A1.1 a été inclus par M. Fillon dans le contrat d’accueil et d’intégration en 2003…
Laissez-moi vous donner tous les éléments, mesdames, messieurs les sénateurs. Vous pourrez, bien entendu, les contester ensuite ; je ne doute d’ailleurs pas une minute que vous le ferez !
Ce niveau A1.1, disais-je, correspond à un niveau extrêmement rudimentaire, qui ne permet quasiment pas à l’étranger de communiquer dans la société française. Il n’est d’ailleurs pas référencé dans le cadre européen commun de référence pour les langues, qui commence au niveau A1.
La France est, avec le Luxembourg, le seul pays de l’Union européenne à exiger un niveau aussi faible. Ainsi, on demande le même niveau pour un renouvellement de titre de séjour au bout d’un an que pour l’établissement de la carte de résident au bout de cinq ans ; en outre, son atteinte n’est pas sanctionnée.
Constatant que ce niveau n’était pas du tout à la hauteur de l’ambition d’un véritable contrat d’intégration, nous avons décidé, dans ce texte, de relever le degré d’exigence existant pour le fixer au niveau A2, qui conditionnera la délivrance de la carte de résident.
Selon la nomenclature, ce niveau rapproche l’étranger de l’autonomie, puisque celui-ci peut alors comprendre et exprimer des messages plus élaborés relatifs à sa vie quotidienne ; il peut aussi accomplir sans aucune aide toutes les tâches administratives. C’est le niveau en vigueur chez de nombreux voisins européens, tels que l’Italie et l’Autriche.
Ce renforcement de l’effort de formation linguistique nécessite une mesure nouvelle de 21 millions d’euros sur cinq ans, dans le cadre d’une montée en charge progressive du dispositif. Il s’agit donc d’un effort important mais réaliste, et qui permet d’obtenir le niveau de langue que je viens d’indiquer, conformément à la nomenclature.
Cela ne correspond donc pas à ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur. Or, sur ces sujets, il convient d’être extrêmement précis et de donner des éléments incontestables, de sorte que nous sachions de quoi nous débattons.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir rappelé le contenu du cadre européen commun de référence des langues, qui avait été un peu caricaturé auparavant.
Par ailleurs, je souhaite faire valoir le témoignage d’un Français qui a longtemps vécu à l’étranger. Finalement, mes chers collègues, la langue s’apprend dans le pays, donc il est légitime d’augmenter le niveau d’exigence avec la durée du séjour et à mesure que les cartes successives sont délivrées. Je rejoins d’ailleurs M. Karoutchi sur le niveau que nous exigeons des personnes qui résident longtemps en France.
Toutefois, la meilleure manière de faire apprendre, comprendre et partager nos valeurs consiste à ne pas poser d’exigence a priori ; je le répète, c’est dans le pays que l’on apprend le mieux la langue. Par ailleurs, il faut s’assurer que l’on respecte les droits des étrangers.
Ce sont donc les valeurs vécues, et non théoriques, qui se partagent et qui permettent de s’intégrer.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 5 rectifié ter et 150 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er.
I. – L’article L. 311-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :
« Art. L. 311 -9. – L’État met, dans le pays d’origine, à la disposition de l’étranger qui souhaite s’installer durablement sur le territoire français une information, dans une langue qu’il comprend, sur la vie en France ainsi que sur les droits et devoirs qui y sont liés.
« L’étranger admis pour la première fois au séjour en France ou qui entre régulièrement en France entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans révolus et qui souhaite s’y maintenir durablement conclut un contrat d’intégration républicaine, qui comprend :
« 1° La formation civique prescrite par l’État, relative aux principes, aux valeurs et aux institutions de la République, à l’exercice des droits et devoirs liés à la vie en France ainsi qu’à l’organisation de la société française ;
« 2° La formation linguistique prescrite par l’État, visant à l’acquisition de la langue française ;
« 3°
Supprimé
« Ces formations sont prises en charge par l’État.
« Est dispensé de la signature du contrat d’intégration républicaine l’étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée aux articles L. 313-6, L. 313-7 et L. 313-7-1, au 2° de l’article L. 313-10, aux 8° et 11° de l’article L. 313-11 et aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-23-1.
« Est également dispensé de la signature de ce contrat l’étranger ayant effectué sa scolarité dans un établissement d’enseignement secondaire français à l’étranger pendant au moins trois années scolaires ou qui a suivi des études supérieures en France d’une durée au moins égale à une année scolaire. Il en est de même de l’étranger âgé de seize à dix-huit ans révolus pouvant prétendre à un titre de séjour et relevant des dispositions prévues à l’article L. 314-12.
« L’étranger n’ayant pas conclu un contrat d’intégration républicaine lorsqu’il a été admis pour la première fois au séjour en France peut demander à signer ultérieurement un tel contrat.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
I bis
II (Non modifié). – À l’article L. 117-1 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « d’accueil et d’intégration » sont remplacés par les mots : « d’intégration républicaine ».
L'amendement n° 148 rectifié, présenté par MM. M. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Chaque étranger contribue financièrement aux formations qu’il doit suivre, à la hauteur de ses ressources, selon des modalités définies par décret.
La parole est à M. François Zocchetto.
Le présent amendement vise à préciser que chaque étranger ayant conclu un contrat d’intégration républicaine contribue financièrement aux formations qu’il doit suivre, à hauteur de ses ressources et selon des modalités définies par décret.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 108 rectifié bis, présenté par Mmes D. Gillot, S. Robert, Meunier, Tasca et Lepage, MM. Duran, Masseret et Labazée, Mme Monier et M. Raoul, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger qui s’engage dans le parcours mentionné au présent article conclut avec l’État un contrat d’intégration républicaine par lequel il s’engage à suivre ces formations.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Cet amendement vise à réintroduire, après l’alinéa 7, un alinéa supprimé par la commission.
Il s’agit de prévoir que l’étranger s’engage, par le contrat d’intégration républicaine qu’il conclut, à suivre les formations adaptées qui lui sont proposées aux termes du présent article.
Bien que les étrangers aient vocation à s’insérer dans les dispositifs de droit commun, les députés avaient jugé utile de prévoir un accompagnement adapté pour faciliter l’accueil et l’intégration de ces personnes. Certes, le parcours d’intégration est formalisé par un contrat – par nature, personnalisé – qui correspond aux besoins du demandeur, mais il y a vraiment du sens à préciser que ce parcours suppose un engagement réciproque pour que l’intégration soit réussie, grâce à la bienveillance et à l’adhésion de part et d’autre.
Il est défavorable, puisque cet amendement avait été supprimé par la commission. Celle-ci avait souhaité simplifier le dispositif du contrat d’intégration républicaine en supprimant cette notion de « parcours », qui paraît floue. Le parcours est, par définition, individuel et se traduit par le contrat, auquel nous avons souhaité nous en tenir.
Je ne suivrai pas la commission. En effet, je me bats depuis des années pour que tout soit fait de sorte que l’intégration réussisse et que l’étranger se sente concerné, impliqué. Ainsi, à de multiples reprises, j’ai proposé des révisions du contrat d’accueil.
Je pense donc qu’il faut soutenir tout ce qui peut donner le sentiment que celui qui arrive en France doit prendre des engagements républicains et se sentir impliqué ; c’est pourquoi je demande à la commission d’y réfléchir. Certes, prendre un engagement ne signifie pas forcément le respecter, mais tout ce qui peut aller dans le sens de l’intégration et du sentiment que l’on s’oblige soi-même à suivre ce parcours d’intégration constitue un « plus ».
Je ne sais pas s’il y a un argument juridique qui s’oppose à cette mesure mais, franchement, on ne peut pas dire à l’étranger qui veut s’intégrer que, comme nous venons de le voter, il doit contribuer selon ses capacités au financement de sa formation, mais qu’il ne doit pas prendre d’engagement à suivre cette formation.
Pour toutes ces raisons, je voterai cet amendement.
Je salue ce que vient de dire M. Karoutchi.
En outre, l’avis de la commission me semble en contradiction avec l’amendement n° 148 rectifié, qui visait à faire payer à l’étranger une formation dispensée sur notre territoire, puisqu’il s’agit de proposer une formation indispensable au processus d’insertion et d’intégration. C’est pourquoi, pour ma part, je voterai bien sûr l’amendement présenté par Mme Gillot.
Toutefois, il me semble que cet amendement annulerait le précédent. En effet, je vois mal comment un étranger arrivant sur le territoire français suivra une formation, sachant qu’il n’a pas le pécule nécessaire pour payer quoi que ce soit et qu’il est dans la plus grande détresse.
Je veux montrer la contradiction entre ces deux amendements en prenant un exemple.
Les formations sont les plus bénéfiques quand elles peuvent s’adapter. Souvenez-vous, mes chers collègues, de ce programme européen qui tenait compte des contraintes des femmes avec enfants arrivant sur le territoire ; c’est non seulement la prise en charge de la formation, qui était obligatoire, mais aussi la fixation d’horaires adaptés aux heures de garde des enfants qui ont permis d’obtenir des résultats.
En l’espèce, je demande l’application du droit commun, mais de manière adaptée. Qu’il soit obligatoire de suivre une formation est évident, mais demander aux étrangers de la payer me paraît totalement démagogique.
J’aurais pour ma part tendance à adhérer à ce que vient de dire notre collègue René Vandierendonck.
Toutefois, je ne suis pas favorable à l’amendement de Mme Gillot, pas plus qu’au précédent, celui de M. Zocchetto. En effet, je veux rappeler ici l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, à propos de ces contrats.
La CNCDH se pose la question de la pertinence de l'utilisation de la notion de « contrat » pour qualifier juridiquement le CAI : « Contrairement à ce que son intitulé suggère, il ne produit aucun effet de droit à l'égard des cocontractants que sont l'étranger et l'administration : le sérieux dans le suivi de la formation n'entraîne aucun droit opposable à l'administration, pas plus que le non-respect par l'étranger des dispositions de ce “contrat” ne permet en pratique à l'administration de justifier un refus de titre de séjour. »
En outre le Conseil d'État relève que « conçu au départ comme un contrat d'information, facultatif ou volontaire, [le CAI] est rapidement devenu obligatoire et fonctionne désormais comme un contrat déséquilibré dans ses obligations, comme un contrat injonction à l'égard des étrangers ou comme un contrat allégeance, pour reprendre la terminologie du professeur Alain Supiot. Ce type de contrat, éventuellement assimilable à un contrat d'adhésion, s'apparente fortement à un acte unilatéral. »
J’aurai donc plutôt tendance, pour ma part, à suivre la CNCDH.
L’amendement instaurant la prise en charge financière par l’étranger de ses frais de formation a été voté, donc il est inutile d’y revenir.
Je veux en revanche apporter tout mon soutien à l’amendement présenté par notre collègue Dominique Gillot et relatif à l’engagement à suivre une formation ; je salue à cet égard la position de M. Karoutchi. Il me semble que cette question illustre parfaitement ce qui nous distingue dans le regard que nous portons sur les étrangers.
Nous considérons que nous devons tout faire pour inciter l’étranger arrivant chez nous à ménager les conditions nécessaires pour s’intégrer, bien vivre parmi nous et adopter nos valeurs. C’est pourquoi, pour nous, le parcours de formation est si fondamental : on ne peut exiger d’un étranger choisissant de venir vivre chez nous qu’il ait déjà toutes les capacités, y compris linguistiques, nécessaires à son intégration – j’aimerais que l’on ait le même degré d’exigence pour tous nos petits écoliers, car on en est bien loin…
En revanche, il est parfaitement normal de demander à cet étranger de s’engager de manière très volontaire dans un parcours qui fera de lui, à une échéance la plus brève possible, une personne heureuse de vivre parmi nous parce qu’elle y vivra bien.
Je le redis, ce qui nous distingue, c’est le regard que nous portons sur les étrangers. Vous accumulez les mesures dissuasives et les barrages, mais nous devons aussi, comme l’a d’ailleurs souligné tout à l’heure M. Karoutchi, allouer des moyens suffisants aux mesures d’accompagnement. Pour notre part, nous voulons avant tout inciter l’étranger arrivant chez nous à cheminer dans le bon sens.
J’ai l’impression que l’on fait une confusion.
L’amendement n° 148 rectifié, présenté par MM. Mercier, Zocchetto et les membres du groupe UDI-UC, ne fixe pas d’obligation pour les étrangers de payer les formations qu’ils suivent : il prévoit que les étrangers contribuent en fonction de leurs ressources. Autrement dit, rien n’interdit la gratuité ; la contribution des étrangers ne sera pas systématique.
Par ailleurs, la situation varie selon les territoires. Ma commune fut la première de sa région à créer un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, un CADA. En outre, des associations, que l’on subventionne, proposent aux étrangers des formations pour apprendre à compter, lire et écrire, à travers une structure dénommée le point CLE. Laissons la possibilité à nos territoires de s’adapter. Je le redis, la gratuité est tout à fait possible.
J’ai le sentiment d’assister à un débat quelque peu surréaliste…
Je voudrais livrer un témoignage personnel. Mon beau-père, jeune maçon italien, ne connaissait pas le français lorsqu’il est arrivé dans notre pays en 1945. Au fil des années, il a appris à le parler, mais, à la fin de sa vie, il ne savait toujours pas l’écrire.
Pourtant, il a participé à la reconstruction de la France au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, à la croissance économique des Trente Glorieuses, et même s’il ne savait pas écrire la langue de Molière, il savait payer ses impôts en France !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
J’ai été troublée par les propos de notre collègue Éliane Assassi. Toutefois, j’estime que proposer à un étranger arrivant sur le sol français de conclure un contrat avec l’État, c’est le considérer comme une personne responsable et prendre en compte sa volonté de s’intégrer au travers d’un engagement à suivre un parcours de formation. C’est à mon sens une manière de respecter la personne.
Je voudrais rappeler que nous discutons d’un modeste problème de rédaction, qui ne touche pas au fond de l’article. Sur la nécessité de réaliser un travail important pour accueillir correctement les migrants et les former, nous nous accordons tous sans difficulté.
Cependant, sur toutes les travées, nous ne cessons de répéter que les textes de loi sont trop compliqués, pas assez clairs, sujets à interprétation.
En l’occurrence, il nous semble que la notion de parcours n’a pas, en tant que telle, d’intérêt législatif supplémentaire par rapport à celle de contrat, qui traduit la réalité de l’engagement passé avec la personne signataire. Il ne s’agit que de cela !
L'amendement est adopté.
La parole est à M. Félix Desplan, pour explication de vote sur l'article.
Je regrette la suppression par la commission d’un alinéa, introduit par l’Assemblée nationale, selon lequel la formation dispensée au titre du contrat d’intégration inclut dans les régions et départements d’outre-mer une initiation à l’histoire et à la géographie de ces territoires.
La commission a considéré qu’une telle disposition relevait davantage du décret d’application. L’amendement visant à la rétablir que j’avais déposé a été déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution par le président du Sénat. Cette mesure avait pourtant été adoptée par nos collègues députés…
Je déplore cette situation, car nos territoires présentent des contextes socioculturels spécifiques et des identités propres au sein de la République. Toute démarche d’intégration sociale de primo-arrivants implique la maîtrise de connaissances et de codes, ne se limitant naturellement pas au référentiel de la France hexagonale, qui leur permettront de mieux connaître le fonctionnement des sociétés ultramarines, afin de prendre part à la construction d’un projet commun.
Comme le disait notre collègue Jean-Pierre Sueur en commission, « quand on veut s’intégrer en Guyane, à Mayotte ou en Polynésie, il y a quelques spécificités à connaître ».
J’espère être entendu par le Gouvernement, détenteur du pouvoir réglementaire.
L'article 1 er est adopté.
L’article L. 314-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « suffisante de la langue française dans des conditions définies » sont remplacés par les mots : « de la langue française, qui doit être au moins égale à un niveau défini » ;
2°
Supprimé
L'article 2 est adopté.
(Non modifié)
Le chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’intitulé est complété par les mots : « et la carte de séjour pluriannuelle » ;
2° Les sous-sections 3 et 4 de la section 2 sont abrogées.
Les articles de ce chapitre consacrent un engagement fort du Gouvernement, avec l’instauration de la carte de séjour pluriannuelle, qui vise à répondre le plus concrètement possible à la problématique des étrangers installés depuis au moins un an sur notre sol.
En effet, les lois votées jusqu’alors n’ont jamais résolu le problème de la reconduction des titres de séjour et des files d’attente interminables devant les préfectures.
Cette instabilité de notre droit et cette précarité du statut des étrangers sont autant de freins à une intégration réussie, qui se transforme souvent en parcours du combattant. Pourquoi soumettre ces centaines de milliers d’étrangers à de multiples passages en préfecture ?
Je ne vois que des avantages, dès lors que les conditions seront réunies, à la mise en œuvre du titre de séjour pluriannuel. Ce sera un gain de temps et d’énergie pour les étrangers, qui vivront moins de moments angoissants lors des passages en préfecture. Cela permettra aussi d’améliorer et de renforcer le parcours d’intégration, en mettant un terme à des situations précaires liées à des titres de séjour précaires.
Enfin, mettre un terme aux files d’attente et, dans certains cas, à la thrombose des services préfectoraux devant l’afflux des demandeurs aux guichets, ce sera assurément permettre aux préfectures d’être plus efficaces dans le domaine de la lutte contre la fraude, d’autant qu’elles pourront désormais user du droit de communication et d’information dont disposent déjà les administrations fiscales et sociales.
Je veux donc saluer le projet de carte de séjour pluriannuelle du Gouvernement, car la stabilité du séjour est l’une des conditions de l’intégration. L’instauration de ce titre de séjour pluriannuel permet de traiter la question des étrangers avec dignité et efficacité, dans la fidélité à nos valeurs républicaines.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
L’article 3 modifie l’intitulé du chapitre III du titre Ier du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en introduisant la mention de la carte de séjour pluriannuelle, à côté de celle de la carte de séjour temporaire. Cela traduit une promesse de campagne de l’actuel Président de la République.
L’instauration de cette carte créera un appel d’air et l’illusion que le droit au séjour, une fois acquis pour une année, l’est en fait pour plus longtemps, voire de manière presque définitive.
Il est à craindre que la délivrance de cette carte ne prenne un caractère quasiment automatique. Cette mesure ne vise qu’à régler le problème des queues d’attente devant les préfectures, comme vient de le souligner M. Courteau.
L'article 3 est adopté.
I. – L’article L. 311-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 311 -1. – Sous réserve des engagements internationaux de la France ou des dispositions de l’article L. 121-1, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l’un des documents de séjour suivants :
« 1° Un visa de long séjour, d’une durée maximale d’un an ;
« 2° Un visa de long séjour, d’une durée maximale d’un an, conférant à son titulaire, en application du troisième alinéa de l’article L. 211-2-1, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 313-20 et L. 313-21 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d’une durée inférieure ou égale à un an ;
« 3° Une carte de séjour temporaire, d’une durée maximale d’un an, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre III du présent titre ;
« 4° Une carte de séjour pluriannuelle, d’une durée maximale de quatre ans, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au même chapitre III ;
« 5° Une carte de résident, d’une durée de dix ans ou à durée indéterminée, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre IV du présent titre ;
« 6° Une carte de séjour portant la mention “retraité”, d’une durée de dix ans, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre VII du présent titre. »
II. – L’article L. 211-2-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d’y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour. La durée de validité de ce visa ne peut être supérieure à un an.
« Dans les conditions définies par décret en Conseil d’État, ce visa confère à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 313-20 et L. 313-21. » ;
2° Le troisième alinéa est supprimé ;
3° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois » sont remplacés par les mots : « Le visa de long séjour » ;
b) (Supprimé)
3° bis Au cinquième alinéa, les mots : « la demande de visa de long séjour formée par le conjoint de Français » sont remplacés par les mots : « les demandes de visa de long séjour formées par les conjoints de Français et les étudiants » ;
4° Le dernier alinéa est supprimé.
III
Non modifié
Il est important que des contingents limitatifs d’immigration soient définis et que le Parlement ait désormais le pouvoir de déterminer, chaque année, le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France.
Je suis cosignataire d’un amendement ayant pour objet de permettre le rejet d’une demande de visa de long séjour ou de carte de séjour lorsque le contingent est rempli.
L'amendement n° 65, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer le mot :
maximale
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Le principe général, appliqué aujourd’hui, de l’annualité des cartes de séjour conduit à l’examen fastidieux et répétitif des conditions de séjour pendant les premières années de présence sur le territoire, avant l’obtention d’une carte de résident d’une durée de dix ans.
Cet examen continu et complexe, réalisé par les préfectures, place les ressortissants étrangers dans une situation de grande précarité.
Si nous considérons, avec le Défenseur des droits et les nombreuses associations de défense des droits des étrangers, que seule la délivrance de la carte de résident de dix ans permettrait de simplifier et de sécuriser le statut des ressortissants étrangers, nous sommes cependant favorables à la généralisation d’un véritable titre pluriannuel de séjour.
Le dispositif du projet de loi prévoit que la carte de séjour pluriannuelle aura une durée de validité de quatre ans, hormis dans une série de situations spécifiques liées par exemple à la durée des études pour les étudiants ou à la durée des soins pour les malades.
Nous regrettons vivement les multiples exceptions apportées à la durée de validité de la carte selon une approche catégorielle. Nous soulignons d’ailleurs que le rapport remis au Premier ministre par Matthias Fekl en mai 2013 insistait sur la nécessité de prévoir un périmètre de mise en œuvre du titre pluriannuel le plus large possible, afin que la réforme ait du sens et que ses effets soient concrètement ressentis par les ressortissants étrangers.
C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, de réaffirmer clairement le principe d’une durée de validité de quatre ans de la carte de séjour pluriannuelle.
Avis défavorable. Il existe des situations dans lesquelles prévoir une durée de principe de quatre ans n’est pas possible, par exemple pour les étudiants, qui ne peuvent bénéficier d’une carte pluriannuelle qu’à partir du master.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 146, présenté par Mmes D. Gillot et S. Robert, MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’étranger qui séjourne au titre de l’un des documents mentionnés aux 2° et 3° du présent article peut solliciter la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle ou d’une carte de résident, dans les conditions prévues, respectivement, à l’article L. 313-17 et aux articles L. 314-8 à L. 314-12, sous réserve des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code. »
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Cet amendement vise à rétablir une disposition précisant les conditions de passage du visa de long séjour ou de la carte de séjour temporaire à un titre pluriannuel ou à une carte de résident. Les ressortissants étrangers sont obligés de se présenter de manière répétée en préfecture et sont confrontés à la complexité des parcours administratifs et à des conditions d’accueil souvent dégradées. Cette situation n’est de nature à améliorer ni la productivité de l’administration préfectorale ni son image. C’est pourquoi je voudrais, par le biais de cet amendement et conformément à l’esprit du présent projet de loi, clarifier et simplifier le parcours administratif de l’étranger.
Cette disposition a été supprimée par la commission, qui l’a jugée redondante avec les dispositions des articles L. 313-17, L 314-8 et L. 314-12 du CESEDA. Celles-ci exposent déjà très clairement comment passer d’une carte de séjour temporaire à un titre pluriannuel puis à une carte de résident. L’avis de la commission est donc défavorable.
Cet amendement tend à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, qui nous paraît beaucoup plus conforme à l’esprit du texte présenté par le Gouvernement. J’émets donc un avis favorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 3 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi et Cambon, Mme Canayer, MM. César et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. Dufaut, Frassa, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, de Legge, Retailleau et Soilihi, Mme Troendlé, MM. Lefèvre, B. Fournier, Mayet, Calvet, Dallier, Mandelli, Bouchet, Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Vogel, Pillet, Morisset, Doligé et Charon, Mmes Procaccia, Duchêne et Kammermann, M. Falco, Mme Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel et D. Laurent, Mme Lopez, MM. A. Marc, Portelli et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. J.P. Fournier, Laménie, Lenoir, Mouiller, Nègre, Savary, Pellevat et Chasseing, Mme Morhet-Richaud, MM. Pointereau et Delattre, Mmes Deseyne, Duranton et Primas et MM. Vaspart et Gournac, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après l’article L. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 311-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 311 -1 -… - Toute demande de visa de long séjour ou de carte de séjour mentionnés à l’article L. 311-1 peut être rejetée lorsque, pour la catégorie de séjour concernée, le nombre annuel des étrangers admis à s’installer durablement en France, fixé par le Parlement en application de l’article L. 111-10, a été atteint. La demande peut faire l’objet d’un réexamen l’année suivante. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
Sauf erreur de ma part, monsieur le président, les amendements n° 3 rectifié ter et 2 rectifié ter sont devenus sans objet. En effet, le Sénat a rejeté l’instauration de plafonds pour le nombre d’étrangers admis à s’installer durablement en France, ce que je regrette infiniment… Je retire donc ces amendements.
L’amendement n° 3 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 44 rectifié bis, présenté par MM. Leconte, Yung et Sutour, Mmes Yonnet et Espagnac, M. Durain et Mme Lepage, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 15
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « ou futur conjoint » ;
…) Après le mot : « fraude », sont insérés les mots : «, d’opposition à mariage, » ;
II. – Alinéa 16
Rétablir le b) dans la rédaction suivante :
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint ou futur conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. » ;
III. – Alinéa 17
Après les mots :
les conjoints
insérer les mots :
ou futurs conjoints
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Le présent amendement tend à sécuriser juridiquement le traitement des demandes de visa en vue de célébrer un mariage civil entre un Français et un étranger sur le territoire français, en calquant son régime sur celui des visas de long séjour accordés aux couples franco-étrangers ayant déjà célébré leur union.
En effet, non explicitement prévues par la loi, les conditions d’obtention ou de refus de visa en vue de la célébration d’un mariage franco-étranger en France font l’objet de pratiques consulaires très disparates.
Lorsqu’un couple franco-étranger souhaite se marier en France, le futur conjoint étranger est contraint de solliciter un visa de court séjour de droit commun, dont la délivrance est subordonnée à des conditions de ressources financières et à des garanties de retour. Le cas échéant, il est fréquent que le consulat exige la production d’un certificat de publication des bans, d’un certificat de non-opposition à mariage ou encore de preuves de l’ancienneté de la relation ou de la réalité concrète du projet de mariage. Or, exiger de telles conditions pour la délivrance d’un visa de court séjour apparaît excessif et portant atteinte au droit à mener une vie privée et familiale, tel qu’il est prévu à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En outre, les motifs de refus n’étant pas non plus encadrés, ils sont souvent stéréotypés et peu explicites. Ils reposent sur la non-satisfaction de conditions matérielles ou sur l’appréciation du passé migratoire du futur conjoint étranger, alors même que, comme l’a rappelé le Conseil d’État statuant en référé-liberté le 9 juillet 2014, il s’agit d’apprécier l’existence d’un projet d’union sur le territoire français.
Cette situation entraîne par ailleurs une différence de traitement et une inégalité quant aux démarches administratives à accomplir pour les ressortissants français souhaitant se marier avec une personne étrangère, selon que cette dernière est astreinte ou non à présenter un visa lors de son entrée en France.
Par ailleurs, un certain nombre d’États interdisent le mariage entre personnes de même sexe, voire le pénalisent. C’est la raison pour laquelle la loi du 17 mai 2013 a prévu que les couples franco-étrangers de même sexe pourraient se marier dans la commune française de leur choix. Or, aucun dispositif n’a finalement été mis en place pour que le futur conjoint étranger puisse effectivement entrer sur le territoire.
Par conséquent, afin de rendre le droit à la vie privée et familiale pleinement effectif pour les futurs époux dont l’un est de nationalité étrangère, il est nécessaire de mettre en place de façon sécurisée la délivrance d’un visa de long séjour en vue du mariage en France et de l’établissement dans notre pays pour les couples qui le souhaitent.
L’adoption de cet amendement permettra de prémunir les demandeurs contre des suspicions de détournement de visa de court séjour lorsqu’ils informent les autorités de l’existence de leur relation affective. Elle permettra d’éviter au conjoint étranger le passage contraint en situation d’irrégularité au regard du droit au séjour en France, ce qui le précarise, ou le retour dans son pays d’origine pour y solliciter un visa d’installation, ce qui entraîne une séparation forcée. Le conjoint étranger pourra prétendre à un titre de séjour, lorsque le couple souhaite mener sa vie privée et familiale sur notre territoire.
Enfin, par cohérence, cet amendement tend à rétablir l’obtention de plein droit du visa de long séjour pour le conjoint de Français, disposition qui a été supprimée par la commission des lois du Sénat, et à l’étendre au futur conjoint de Français.
L’amendement n° 127, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Rétablir le b) dans la rédaction suivante :
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. » ;
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
Cet amendement vise à rétablir un alinéa supprimé par la commission des lois, qui prévoyait la délivrance de plein droit d’un visa de long séjour au conjoint de Français remplissant les conditions prévues à l’article L. 211-2-1 du CESEDA.
En commission, nous avons eu un long débat sur ce sujet. Selon le rapporteur, adopter cette disposition reviendrait à obérer tout pouvoir d’appréciation des autorités diplomatiques et consulaires. Pourtant, le texte de l’amendement précise bien que cette délivrance de plein droit est possible dans les conditions prévues au présent article, lequel dispose que ce visa peut être refusé en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public. L’argument selon lequel les autorités seraient liées, dépourvues de marge d'appréciation, est donc infondé.
Si nous présentons cet amendement, c’est parce qu’il convient de rétablir une disposition qui sécurise la situation des conjoints étrangers de Français. J’ai cru comprendre que, sur certaines travées, d’aucuns voyaient d’un mauvais œil les mariages entre des Français et des étrangers. Pour notre part, nous pensons au contraire que le futur conjoint étranger d’un Français doit pouvoir bénéficier d’un visa de long séjour. Nous souhaitons sécuriser la situation des conjoints étrangers de Français.
L’amendement n° 44 rectifié bis prévoit la délivrance d’un visa de long séjour pour les futurs conjoints de Français de façon automatique, ce qui rendrait plus difficile la lutte contre la fraude et les mariages de complaisance. Il suffirait en effet de déclarer son intention de se marier avec un Français pour obtenir un visa de long séjour, rentrer ainsi sur le territoire et bénéficier d’un droit au séjour d’un an. Il est bien évident que cela n’est pas possible. Je crois que cet amendement est, en fait, révélateur de difficultés, voire de dysfonctionnements, dans les consulats. Cela relève plutôt des bonnes pratiques administratives. La commission a donc émis un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 127, l’article L. 211-2-1 du CESEDA dispose déjà que le visa ne peut être refusé à un conjoint de Français qu’en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public. Il nous paraît donc inutile, voire contradictoire, de prévoir que le visa est délivré « de plein droit ». En prévoyant des exceptions, le CESEDA laisse bien un pouvoir d’appréciation aux autorités diplomatiques et consulaires pour accorder ou refuser le visa. L’avis est donc défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 44 rectifié bis. Le Gouvernement est bien entendu très attentif aux mesures qui concourent à faciliter l’entrée et le séjour des conjoints étrangers de Français et contribuent à la réussite de leur installation en France. C’est la raison pour laquelle le conjoint étranger de Français bénéficie de la délivrance de plein droit du visa de long séjour aux termes de l’article 4 du présent projet de loi. Cette mesure repose d’ailleurs sur le droit au respect de la vie privée et familiale découlant du mariage. En revanche, la seule déclaration d’intention ne saurait permettre de bénéficier de ce dispositif. Aucun obstacle n’est fait à un étranger désireux de se marier avec un ressortissant français et des instructions ont été données aux postes consulaires en vue de faciliter la délivrance de tels visas lorsque le pays où réside le futur conjoint étranger ne connaît pas le mariage entre personnes de même sexe. Par conséquent, l’extension de la délivrance de plein droit d’un visa de long séjour au bénéfice du futur conjoint étranger n’est ni nécessaire ni justifié.
L’amendement n° 127 tend à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Contrairement à ce qu’a estimé la commission des lois du Sénat, la délivrance de plein droit du visa ne priverait pas l’autorité compétente de son pouvoir d’appréciation. La délivrance du visa est en effet subordonnée à la satisfaction des conditions prévues par la loi : absence de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public. Le texte adopté par l’Assemblée nationale, avec l’approbation du Gouvernement, permet donc de procéder à toutes les vérifications nécessaires. La délivrance de plein droit d’un visa de long séjour au conjoint étranger de Français répondant à ces conditions est, selon nous, légitime. Par conséquent, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Je voterai ces deux amendements. L’intérêt de ce texte est de viser à simplifier un paysage législatif très compliqué. On peut parler de casuistique… Tout ce qui va dans le sens d’une simplification, d’une sécurisation, va donc selon moi dans le bon sens, d’autant que cela ne porte pas sur des flux importants. Multiplier les conditions, les catégories est, à terme, tout à fait contreproductif.
Monsieur le rapporteur, comme je l’ai déjà indiqué en commission, je ne comprends vraiment pas votre opposition à l’amendement n° 127.
Vivre avec son conjoint est un droit fondamental reconnu. À partir du moment où ce droit est reconnu, sauf dans les cas, prévus par la loi, de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public, il se déduit évidemment que le visa de long séjour doit être délivré de plein droit au conjoint de Français qui n’est pas concerné par ces situations.
Dès lors, monsieur le rapporteur, que vous teniez tant à faire disparaître la rédaction de l’Assemblée nationale apparaît vraiment incompréhensible, sauf à ce que vous nous donniez un bon argument.
Vous nous dites qu’il faut conserver le pouvoir d’appréciation de l’autorité qui délivre les visas. Cependant, dès lors qu’il est inscrit dans la loi que le visa ne peut être refusé à un conjoint étranger, sauf en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public, je ne comprends pas pourquoi la commission persiste dans son opposition à l’amendement n° 127, qui vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Cher président Sueur, il y a une contradiction dans les termes de cet amendement. Si la délivrance du visa est de plein droit, cela signifie qu’aucun pouvoir discrétionnaire ne peut s’y opposer.
Si vous dites qu’un titre est accordé de plein droit et si vous ajoutez ensuite des conditions à remplir, vous vous contredisez. En effet, l’expression « de plein droit » exclut tout pouvoir d’appréciation.
C’est la raison pour laquelle la commission s’est opposée à cet amendement, qui ne veut rien dire.
Si vous avez introduit dans votre rédaction les mots « de plein droit », c’est que vous avez l’intention de créer un automatisme. Je le répète, il ne saurait y avoir de délivrance de plein droit du visa : celle-ci doit être subordonnée à une appréciation des services consulaires, pouvant donner lieu à une contestation de la réalité du mariage.
L’amendement n’est pas adopté.
La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote sur l’amendement n° 127.
M. Joël Guerriau. Pour moi, le mariage, en droit français, se fonde sur une communauté de vie : c’est le principe de base. J’avoue être très embarrassé : tout en comprenant l’argumentation du président de la commission des lois, je me dis qu’il faut néanmoins voter cet amendement, pour rester dans la logique du droit français, selon laquelle le mariage suppose la vie commune, qui ne saurait cependant être considérée comme une contrainte…
Sourires.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.
L’amendement n° 45 rectifié bis, présenté par MM. Leconte, Yung et Sutour, Mmes Yonnet et Espagnac, M. Durain et Mme Lepage, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À l’avant-dernier alinéa, après les mots : « marié en France », sont insérés les mots : « ou à l’étranger à condition que le mariage ait été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Le présent amendement vise à étendre le dispositif de l’alinéa 6 de l’article L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile aux conjoints de Français dont le mariage a été célébré à l’étranger, à condition qu’il ait été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français.
En effet, aujourd’hui, seuls les conjoints étrangers dont le mariage avec un Français a été célébré en France peuvent obtenir un titre de séjour permanent dans notre pays. Si le mariage a été célébré à l’étranger et transcrit sur les registres de l’état civil français, les conjoints étrangers ne bénéficient pas de ce droit : ils doivent retourner dans leur pays d’origine pour solliciter un titre de séjour.
Ce système est une aberration, en particulier pour les couples qui voyagent et se trouvent bloqués par cette discrimination, relevée par le Conseil d’État, lorsqu’ils doivent revenir en France.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement qui vise à établir l’égalité entre les conjoints étrangers dont le mariage a été célébré en France et ceux dont le mariage a été célébré à l’étranger et transcrit sur les registres de l’état civil français.
Cet amendement est relatif à la délivrance du visa de conjoint de Français par les préfectures.
Je rappelle que l’article L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile permet, depuis 2006, à un conjoint de Français dont le mariage a été célébré en France d’obtenir un visa de long séjour auprès de la préfecture, sans avoir à retourner dans son pays d’origine.
Il n’apparaît pas opportun d’étendre le bénéfice de ce dispositif à un conjoint de Français dont le mariage a été célébré à l’étranger, car cette personne doit s’adresser, par définition, au consulat du pays où a été célébré le mariage afin d’obtenir un visa d’entrée en France.
Enfin, le principe de l’obligation d’obtention d’un visa pour que le conjoint puisse entrer en France doit demeurer.
La commission des lois a donc émis un avis défavorable.
Nous pouvons avoir des sensibilités politiques différentes et des divergences d’appréciation, mais, sur un sujet pareil, on n’a pas le droit de tenir de tels propos, monsieur Buffet !
Comment peut-on trouver normal, par exemple, qu’une Centrafricaine ayant épousé un Français et vivant au Canada soit obligée, pour venir résider en France avec son conjoint, de retourner à Bangui pour y solliciter un visa de long séjour ? Comment peut-on présenter cette situation comme naturelle, alors que le mariage a été reconnu par la France, puisqu’il a été transcrit sur les registres de l’état civil ?
Je pourrais vous citer quarante cas de vies brisées, d’enfants privés d’un de leurs parents, tout simplement parce que le conjoint étranger n’a pas de visa lui permettant d’entrer en France ! Cet amendement vise à remédier à des situations profondément injustes.
L’amendement n’est pas adopté.
Nous en arrivons à l’amendement n° 2 rectifié ter. Monsieur Karoutchi, vous avez annoncé tout à l’heure que vous retiriez cet amendement et l’amendement n° 3 rectifié ter, au motif qu’ils étaient devenus sans objet. Or il n’en est rien, du fait de l’adoption de l’amendement n° 1 rectifié quater. Cette précision étant apportée, souhaitez-vous finalement défendre les amendements n° 2 rectifié ter et 3 rectifié ter ?
On n’y comprend plus rien, monsieur le président, le désordre est total ! Vous nous avez dit tout à l’heure que l’amendement n° 1 rectifié quater était rejeté…
Si vous nous dites maintenant que cet amendement a en fait été adopté, notre débat n’a plus de sens ! Nous avons tous compris que cet amendement avait été rejeté : si tel n’est pas le cas, cela signifie que nous discutons dans le vide depuis tout à l’heure ! Je demande une suspension de séance pour essayer de clarifier la situation.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.
Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir excuser mon emportement, mais la situation était un peu trouble… Nous avions compris que l’amendement n° 1 rectifié quater, fondateur de tout notre dispositif, avait été rejeté. Je vous remercie de me confirmer qu’il a été adopté.
Dans ces conditions, je confirme le retrait de l’amendement n° 3 rectifié ter, qui porte sur le même sujet, mais je défendrai l’amendement n° 2 rectifié ter.
L’amendement n° 2 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi et Cambon, Mme Canayer, MM. César et Danesi, Mmes Deroche, Des Esgaulx et Di Folco, MM. Dufaut, Frassa, J. Gautier et Gilles, Mme Giudicelli, M. Joyandet, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, de Legge, Retailleau et Soilihi, Mme Troendlé, MM. Lefèvre, B. Fournier, Mayet, Calvet, Dallier, Mandelli, Bouchet, Lemoyne, Genest, Allizard, Pierre, Vogel, Pillet, Morisset, Doligé et Charon, Mmes Procaccia, Duchêne et Kammermann, M. Falco, Mme Gruny, MM. Houel, Houpert, Kennel et D. Laurent, Mme Lopez, MM. A. Marc, Portelli et Revet, Mmes Mélot et Micouleau, M. Chaize, Mme Estrosi Sassone, MM. J.P. Fournier, Laménie, Lenoir, Mouiller, Nègre, Savary, Pellevat et Chasseing, Mme Morhet-Richaud, MM. Pointereau et Delattre, Mmes Deseyne, Duranton et Primas et MM. Vaspart, Gournac, Vasselle et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après l’article L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un article L. 211-2-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 211 -2 -1 -… – La demande de visa pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois peut être rejetée lorsque, pour la catégorie de séjour concernée, le nombre annuel des étrangers admis à s’installer durablement en France, fixé par le Parlement en application de l’article L. 111-10, a été atteint. La demande peut faire l’objet d’un réexamen l’année suivante. »
Vous avez la parole pour le présenter, mon cher collègue.
Les demandes de visa pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois doivent pouvoir être rejetées si le nombre de visas accordés au total a atteint le plafond annuel qui sera fixé par le Parlement. Tel est, pour l’essentiel, l’objet de cet amendement.
Je suis défavorable à cet amendement, dont l’adoption perturberait le bon fonctionnement de l’administration en conduisant les personnes concernées à formuler leur demande de manière anticipée, avant que le plafond ne soit atteint.
Par ailleurs, je pense que cet amendement est inconstitutionnel et inconventionnel. Pour des raisons de droit, il ne doit donc pas être adopté.
À mon sens, cet amendement est très dangereux, outre que, comme vient de le dire M. le ministre, il est inconstitutionnel.
Si le Parlement venait à fixer un plafond pour le nombre des étrangers admis chaque année à s’installer en France, par exemple au titre du regroupement familial, …
… les demandes de visa présentées une fois ce plafond atteint seraient renvoyées à l’année suivante.
De la même manière, il serait tout de même fort de café qu’une université ayant accepté l’inscription d’un étudiant étranger dans un premier temps la reporte finalement à l’année suivante après s’être aperçue que le plafond fixé par le Parlement a été atteint.
On voit bien tous les effets pervers qu’entraînera la mise en place de tels plafonds pour l’accès des étudiants étrangers à nos universités, le regroupement familial et même l’immigration économique, qui concerne moins de 15 000 personnes chaque année, admises à entrer dans notre pays à la condition expresse qu’aucun Français ne soit en situation d’occuper les emplois auxquels elles prétendent.
Je demande que cet amendement soit mis aux voix par scrutin public, afin que les positions soient bien clarifiées.
Je voudrais tenter de rassurer à la fois M. le ministre et M. Kaltenbach.
L’amendement n° 1 rectifié quater, que nous avons adopté tout à l’heure, a été rectifié sur mon initiative de sorte que les demandes de visa formulées au titre du droit d’asile ou du droit constitutionnel au regroupement familial ne soient plus concernées par les plafonds.
Seules sont visées les demandes de visa relevant de l’immigration économique ou de l’immigration temporaire pour cause d’études : il n’y a donc pas de problème au regard du respect des conventions ou de la Constitution.
Si c’est cette seule crainte qui vous retenait, monsieur Kaltenbach, vous pouvez voter l’amendement sans états d’âme !
Monsieur Bas, je ne partage pas votre analyse.
La rectification opérée tout à l’heure sur votre initiative, dont vous estimez qu’elle rend constitutionnel le dispositif de l’amendement, n’exclut que le seul regroupement familial du champ des quotas applicables : restent concernés par ceux-ci les conjoints étrangers de Français. Je conteste totalement que le droit à une vie familiale normale ne prévale pas dans un tel cas de figure. Je ne doute pas qu’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ce sujet prospérerait.
J’irai même plus loin : le fait que vous ayez soustrait du champ du dispositif les personnes formulant une demande de visa au titre du droit au regroupement familial rend la mesure plus inconstitutionnelle encore qu’elle ne l’était auparavant.
M. le président de la commission des lois le conteste.
J’ajoute d’ailleurs que, en 2008, M. Hortefeux, alors ministre de l’intérieur, avait préconisé l’adoption d’une telle mesure. Il avait confié à M. Pierre Mazeaud, qui n’est pas un dangereux gauchiste, le soin de rédiger un rapport sur ce sujet. M. Mazeaud avait conclu que cette disposition était tout à fait hasardeuse, inconstitutionnelle et inconventionnelle. Il l’avait même jugée irréaliste et sans intérêt.
Je fais mienne l’analyse juridique de Pierre Mazeaud et je ne partage pas la vôtre, monsieur le président de la commission des lois.
Monsieur le ministre, en faisant cette démonstration, vous nous donnez des arguments.
Si Pierre Mazeaud, éminent juriste devant l’Éternel, avait considéré que la proposition était inconstitutionnelle, il l’aurait taxée non pas d’irréalisme, mais d’inconstitutionnalité.
Je le redis, l’amendement n° 1 rectifié quater ne vise pas les demandes de visa formulées au titre du regroupement familial ou de l’asile : la France n’a-t-elle pas le droit d’accepter ou non des demandes relevant de l’immigration économique ou pour cause d’études ?
En 2008, monsieur le ministre, le Parlement n’était pas en mesure d’avoir un débat sur les orientations de la politique d’immigration et de fixer des plafonds. Dès lors que nous nous sommes donné cette prérogative en adoptant l’amendement n° 1 rectifié quater, ces plafonds devront bien entendu être respectés. Sinon, nos votes n’auraient aucun sens.
En conséquence, j’invite le Sénat à voter l’amendement n° 2 rectifié ter.
Monsieur le sénateur, si Pierre Mazeaud a jugé que le dispositif en question était irréalisable, c’est précisément parce qu’il était inconstitutionnel. Comme tout bon juriste, il considère que ce qui est inconstitutionnel n’est pas réalisable. Il s’agit d’un principe de droit auquel on peut très facilement acquiescer, me semble-t-il. Tel était son raisonnement.
Je le répète, je conteste absolument que le principe du droit à une vie familiale normale, qui s’applique aux étrangers souhaitant faire venir leur famille en France, puisse ne pas prévaloir pour les conjoints étrangers de Français. Cela serait inconstitutionnel au regard tant des Français concernés que de leurs conjoints étrangers.
Cet amendement m’apparaît donc totalement inconstitutionnel et non conventionnel. Cela étant, rien ne vous empêche de l’adopter : le Conseil constitutionnel se chargera, le moment venu, de le censurer.
Monsieur le ministre, comme vous pouvez l’imaginer, j’apprécie particulièrement les discussions d’ordre juridique. Celle-ci mérite d’avoir lieu.
Vous avez tout à fait raison de souligner que le droit de mener une vie familiale concerne les relations aussi bien avec les enfants qu’avec le conjoint. C’est bien ce que nous avons entendu signifier au travers de l’amendement n° 1 rectifié quater. Dès lors que tous les motifs familiaux pouvant être invoqués pour formuler une demande de visa sont bien couverts, il n’y a plus de problème de constitutionnalité ni de conventionalité. Je persiste donc dans ma position. Notre souhait n’est certainement pas de faire adopter par notre assemblée un amendement qui serait non conventionnel et non constitutionnel : bien au contraire, nous voulons que le Sénat vote un dispositif permettant d’instituer, à la différence de celui qui faisait l’objet de l’étude de 2008, des contingents d’immigration régulière en dehors des cas où la venue en France est un droit propre dont l’exercice ne saurait être subordonné au respect de ce contingentement.
Faute d’avoir le texte de l’amendement n° 1 rectifié quater sous les yeux, je me permets de poser une question précise : la rectification concerne-t-elle uniquement le regroupement familial ?
Ces longs échanges prouvent à mon sens très clairement que l’amendement n° 1 rectifié quater est inconstitutionnel.
Par ailleurs, la mise en œuvre de plafonds est impraticable ; c’est ce que nos collègues ne veulent pas admettre ! Ils ne seront donc pas appliqués, mais les demandeurs de titre de séjour en pâtiront.
Enfin, ce dispositif est un leurre à l’adresse de l’opinion publique. Ses auteurs essaient de faire croire à nos concitoyens que la maîtrise de l’immigration passe par l’établissement de tels plafonds. Nous avons la conviction que c’est tout à fait illusoire.
M. Philippe Kaltenbach applaudit.
Vérification faite, la rectification ne concerne que le regroupement familial. Cela signifie, très concrètement, que le conjoint étranger d’un Français ne pourra rejoindre celui-ci dans notre pays si le quota prévu est dépassé. Le conjoint français se trouvant dans cette situation sera en droit d’en appeler à la Constitution.
De plus, la mise en œuvre d’un tel dispositif irait à l’encontre du principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Ce serait là un second problème de constitutionnalité.
Monsieur le ministre, nous avons entendu, par regroupement familial, tout ce qui concerne l’immigration familiale. C'est la raison pour laquelle nous ne sommes pas entrés dans une distinction entre les conjoints et les enfants. S’il y a la moindre ambiguïté dans ce domaine, nous aurons tout le temps nécessaire, au cours de la navette, pour préciser les choses.
Élevons-nous un instant, non pas à l’interprétation littérale des choses, mais à l’intention du législateur que nous sommes, qui veut pouvoir créer des contingents d’immigration régulière par un vote du Parlement. Il est conscient que l’on ne peut intégrer à ces contingents les personnes excipant de motifs d’entrée en France fondés sur des droits individuels. Il a donc exclu du champ du dispositif aussi bien l’asile que tout ce qui concerne l’immigration familiale – ce qui n’empêche d'ailleurs pas de réglementer davantage l’immigration familiale au travers d’autres dispositions du texte.
Si nous voulons boucler le dispositif, il faut bien que, à un moment donné, pour les catégories d’étrangers faisant l’objet d’une autorisation annuelle d’entrée sur le territoire, il y ait impossibilité de délivrer des visas une fois que le contingent voté par le Parlement est rempli. Sinon, le vote du Parlement sera un coup d’épée dans l’eau !
Améliorons le texte pour éviter les ambiguïtés que vous avez relevées, monsieur le ministre, mais traitons avant tout le problème de fond, qui est de créer un contingentement réellement opposable pour toutes les catégories d’étrangers dans les limites du respect de la Constitution et des conventions internationales.
Je déduis des propos de M. le président de la commission des lois que l’on vise l’immigration économique et les étudiants, ce qui me semble totalement aberrant au regard des intérêts du pays !
Je souligne que les étrangers relevant de ces deux catégories vont et viennent. Ainsi, au terme de leur cursus ou d’une première expérience professionnelle, de nombreux étudiants repartent. Pour l’immigration économique, c’est la même chose.
Au-delà de ce nouveau dispositif, combien de contrats la France a-t-elle déjà perdus parce que nous n’étions pas en mesure d’accorder des visas à des pilotes, à des contremaîtres qui avaient besoin de se former chez nous pendant six mois ou un an ? On nous propose maintenant d’aggraver encore la situation ! Autant dire tout de suite à nos entreprises exportatrices de renoncer ! Plus personne ne pourra venir se former en France !
Que veut-on ? Favoriser le développement économique de la France ou adopter une politique de fermeture sur le modèle de la Corée du Nord ? Je crois, pour ma part, qu’il faut que nos entreprises puissent faire venir en France les personnes qui ont besoin de se former à l’utilisation des équipements que nous exportons. Ne travaillons pas en silo ! Soyons responsables, permettons à la France de se développer !
Mme Dominique Gillot et M. Philippe Kaltenbach applaudissent.
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié ter.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 5 :
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
L'article 4 est adopté.
L'amendement n° 51 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme Lepage, MM. Yung et Assouline et Mmes Conway-Mouret, Yonnet, Espagnac et Jourda, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 1° du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° À l’étranger résidant de façon habituelle dans un des pays figurant sur une liste définie par décret et inscrit dans un des établissements d’enseignement supérieur dont la liste figure au même décret, sous réserve d’une entrée régulière en France et sans que la condition prévue à l’article L. 311-7 soit exigée ; ».
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Mes chers collègues, je me demande s’il ne faut pas désespérer de vous convaincre après un tel vote, absolument contraire à nos intérêts économiques et à notre rayonnement ! Néanmoins, je vais encore essayer…
Nous mettons en place un certain nombre de dispositions pour attirer en France les étudiants étrangers, mais ceux qui ont l’obligation d’obtenir au préalable un visa doivent se rendre dans un consulat pour la prise d’empreintes biométriques, ce qui peut être très compliqué pour eux, en particulier quand ils sont originaires de pays très vastes, comme le Brésil, ou de pays où les transports sont très coûteux, comme le Japon. La situation est particulièrement compliquée dans les pays où nous n’avons plus de représentation consulaire, ce qui contraint les étudiants à se rendre dans un autre pays pour y déposer leur demande de visa portant la mention « étudiant ». Par exemple, les étudiants originaires du Nicaragua désireux de venir en France n’ont d’autre choix que de se rendre au consulat français du Honduras ! Ces formalités pèsent finalement sur notre attractivité et nous pénalisent par rapport à nos concurrents et partenaires qui n’ont pas de telles exigences.
Je propose que les étudiants étrangers concernés inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur figurant sur une liste établie par décret soient autorisés à entrer en France avec un simple visa de tourisme, à charge pour eux de faire une demande de carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » directement auprès d’une préfecture. Une telle simplification me semble indispensable. Je vous demande, monsieur le ministre, de revoir votre position sur cette question, car notre réseau consulaire n’est plus aussi dense qu’il l’a été.
Cet amendement vise à créer un nouveau cas de délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ».
Sur ce point, le principe adopté par la commission est de conserver au préfet son pouvoir d’appréciation : cette considération justifie à elle seule un avis défavorable.
Ce dispositif serait en outre très compliqué à mettre en œuvre. En effet, son adoption impliquerait la fixation par décret d’une liste de pays et d’une liste d’établissements d’enseignement supérieur. Il faudrait alors justifier d’un certain nombre de critères, ce qui constituerait presque une affaire diplomatique sensible…
Sur le fond, il me semble que le problème tient d’abord à l’organisation de notre réseau diplomatique et consulaire…
… et qu’il doit être réglé par la voie réglementaire.
L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Monsieur le sénateur, je vous dois une explication extrêmement précise des raisons pour lesquelles je ne suis pas convaincu par votre argumentation.
Dans un souci de rationalisation du réseau français à l’étranger, le Gouvernement a souhaité que les activités consulaires, notamment la compétence que certaines de nos représentations exercent en matière de visas, soient regroupées auprès de postes de rattachement consulaire.
S’agissant de la délivrance des visas, un arrêté pris en octobre 2014 fixe la liste des pays ou des zones géographiques pour lesquels la compétence territoriale en matière de visas s’exerce, en tout ou partie, en dehors du cadre de la circonscription consulaire. Cet arrêté précise ainsi les dispositions prises pour les étrangers souhaitant solliciter un visa de long séjour dans les États où il n’existe pas de poste consulaire habilité à en délivrer.
Depuis la publication de l’arrêté, d’autres postes ont été concernés par des mesures similaires ; actuellement, vingt-deux postes sont rattachés à un poste consulaire situé dans un État tiers. Le volume d’activité concerné représente quelques centaines de visas de long séjour et quelques milliers de visas de court séjour.
Le Gouvernement est bien conscient des contraintes supplémentaires qu’entraînent ces redéploiements pour les usagers des services des visas. En ce qui concerne les visas de court séjour, il cherche, chaque fois que cela est possible, à se faire représenter localement par un partenaire Schengen, cette représentation n’étant en revanche pas envisageable pour les visas de long séjour, qui ouvrent le droit à l’obtention d’un titre de séjour en France. Les services de prestataires extérieurs en matière d’accueil des demandeurs de visa sont également sollicités pour ouvrir des centres dits « délocalisés », chargés de recueillir les demandes et de les transmettre au poste consulaire de rattachement.
Cette opération, totalement transparente pour le demandeur, entraîne des frais supplémentaires pour lui, liés au transfert de son dossier, même s’ils sont très inférieurs aux dépenses qu’il aurait à exposer s’il devait se rendre en personne au poste de rattachement.
Nous avons ouvert un tel centre à Katmandou, d’où les dossiers sont envoyés à New Delhi. Nous menons par ailleurs des discussions pour permettre l’ouverture d’un autre à Port Moresby, alors même que le nombre des mesures en cause est très faible, avec seulement six visas de long séjour délivrés en 2014.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces précisions. Comme vous l’avez indiqué, là où le volume de visas de court séjour est suffisant pour justifier l’intervention d’un prestataire extérieur, il n’y a pas de problème. En revanche, lorsque tel n’est pas le cas, en particulier dans certains petits pays, la délivrance des visas de long séjour se trouve compromise.
Il en va de même pour des pays tels que le Brésil ou le Japon. Nous y avons des consulats, mais bien des demandeurs de visa doivent parcourir des milliers de kilomètres ou dépenser des milliers d’euros pour s’y rendre.
Il est indispensable de faire évoluer le dispositif actuel, et cela vaut aussi pour la délivrance des passeports. La transformation du réseau diplomatique pose de plus en plus problème, pour les Français comme pour les étrangers qui veulent se rendre en France.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 53 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet, Espagnac, Jourda et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 5° du II de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation scolaire, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigé. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement a pour objet la délivrance de plein droit d’un titre de séjour temporaire portant la mention « étudiant », dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire, aux jeunes étrangers qui ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, entre seize et dix-huit ans et qui sont scolarisés depuis au moins six mois.
En l’état actuel du droit, aucune carte de séjour n’est délivrée de plein droit aux jeunes confiés à l’ASE entre seize et dix-huit ans, y compris s’ils sont scolarisés ; seuls les étrangers confiés à l’ASE avant l’âge de seize ans peuvent, sous certaines conditions, bénéficier de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
Il faut favoriser la réussite de jeunes qui ont bénéficié d’un investissement des pouvoirs publics. Il est à mon sens indispensable de ne pas les précariser à leur majorité.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les mêmes conditions, si la formation suivie n’est pas destinée à lui apporter une qualification professionnelle, la carte de séjour temporaire prévue à l’article L. 313-7 peut lui être délivrée. »
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
L’amendement n° 53 rectifié tend à revenir sur un choix effectué par le législateur lors de l’élaboration de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Le législateur avait alors choisi de distinguer entre, d’une part, les mineurs isolés entrés en France avant l’âge de seize ans, qui obtiennent à leur majorité une carte de séjour temporaire de plein droit, et, d’autre part, ceux qui, entrés après l’âge de seize ans, peuvent bénéficier d’une admission au séjour dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour. Pour mémoire, avant 2011, aucun document de séjour n’était prévu pour ces mineurs.
Il ne semble pas opportun d’aller plus loin. En effet, il convient de veiller à prévenir l’action des filières d’immigration clandestine, qui détournent les procédures et dont les premières victimes sont d’ailleurs les mineurs.
L’amendement n° 54 rectifié est quant à lui satisfait par le droit positif. En effet, rien n’empêche les préfets de délivrer une carte de séjour portant la mention « étudiant » aux mineurs isolés. La circulaire du 28 novembre 2012 avait d’ailleurs prévu ce cas de figure.
L’avis de la commission sur les amendements n° 53 rectifié et 54 rectifié est donc défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 53 rectifié, nous comprenons la préoccupation de M. Leconte. Afin de répondre aux difficultés posées par l’application des dispositions qu’il a évoquées et de simplifier l’instruction de ces demandes de façon à assurer une mise en œuvre homogène du dispositif sur le territoire national, je me propose de prendre très prochainement une instruction interministérielle relative à la situation des mineurs isolés étrangers. Répondant ainsi à la préoccupation que vous avez exprimée, monsieur Leconte, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 53 rectifié.
En ce qui concerne l’amendement n° 54 rectifié, la position du Gouvernement est la même que celle de M. le rapporteur. L’avis est défavorable.
Monsieur Leconte, les amendements n° 53 rectifié et 54 rectifié sont-ils maintenus ?
Je vais les retirer, compte tenu de l’engagement pris par M. le ministre.
Les amendements n° 53 rectifié et 54 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du 2° bis de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : «, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement est inspiré par la même préoccupation que les précédents. Il vise à supprimer, pour la délivrance, permise depuis la loi du 24 juillet 2006, d’une carte de séjour de plein droit portant la mention « vie privée et familiale » à l’étranger confié à l’ASE avant l’âge de seize ans et entrant dans le champ d’application du 2° bis de l’article L 313-11 du CESEDA de la condition d’absence de liens avec la famille restée dans le pays d’origine.
En effet, la circulaire du ministre de l’intérieur du 28 novembre 2012 rappelle à l’autorité administrative qu’elle n’a pas à opposer systématiquement le critère fondé sur la nature des liens avec le pays d’origine mentionné à cet article du CESEDA si ces liens sont inexistants, ténus ou profondément dégradés.
Or, en pratique, cette instruction n’est pas appliquée : des actes de décès des parents sont sollicités dans de nombreux cas par les préfets, y compris lorsque l’ensemble des autres conditions sont remplies, ce qui fait obstacle à la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
Le présent amendement vise à remédier à cette situation.
Cet amendement concerne les étrangers confiés à l’ASE avant l’âge de seize ans.
Je voudrais rappeler que, en l’état du droit, trois critères doivent être respectés pour qu’une carte de séjour temporaire puisse leur être délivrée : l’insertion dans la société française, le sérieux de la formation suivie et l’absence de liens avec la famille restée dans le pays d’origine.
En pratique, le préfet interprète cette dernière condition de manière assez souple, conformément à la circulaire que vous avez mentionnée, mon cher collègue.
Par ailleurs, nous devons rester vigilants à l’égard des filières d’immigration clandestine.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Comme l’a souligné M. Leconte, la circulaire du 28 novembre 2012 invite les préfectures à faire preuve de discernement dans l’appréciation du critère en question et à ne pas l’opposer systématiquement au jeune majeur si ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine sont ténus ou profondément dégradés.
Je veux vous rassurer, monsieur le sénateur, sur le fait que le Gouvernement veille scrupuleusement à la bonne application de cette instruction et, en particulier, à ce qu’elle ne donne pas lieu à des demandes de pièces injustifiées.
C’est la raison pour laquelle je vous invite à retirer cet amendement, compte tenu de la mobilisation de nos services sur ce point ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Je le retire, en espérant que l’application de la circulaire du 28 novembre 2012 sera désormais très précise.
L'amendement n° 56 rectifié est retiré.
L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : «, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise les mineurs confiés à l’ASE entre seize et dix-huit ans.
Tous nos amendements visent à simplifier la situation de mineurs dont le placement s’est bien passé. On constate que, parfois, les préfectures demandent la production de documents tels que les actes de décès des parents, ce qui aboutit à précariser la situation des jeunes qui ne peuvent pas les fournir.
L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons qu’à propos de l’amendement précédent.
L'amendement n'est pas adopté.
(Supprimé)
L’article L. 311-11 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 311 -11. – Une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l’étranger ayant obtenu, dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret et qui :
« 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret.
« À l’issue de cette période de douze mois, l’intéressé pourvu d’un emploi ou d’une promesse d’embauche satisfaisant aux conditions énoncées au premier alinéa du présent 1° est autorisé à séjourner en France au titre de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux 1°, 2°, 4° ou 8° de l’article L. 313-20 ou de la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l’article L. 313-10, sans que lui soit opposable la situation de l’emploi ;
« 2° Soit justifie d’un projet de création d’entreprise dans un domaine correspondant à sa formation.
« À l’issue de la période de douze mois mentionnée au premier alinéa du présent article, l’intéressé justifiant de la création et du caractère viable d’une entreprise répondant à la condition énoncée à l’alinéa précédent est autorisé à séjourner en France sous couvert de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 5° de l’article L. 313-20 ou de la carte de séjour temporaire mentionnée au 3° de l’article L. 313-10. »
L'amendement n° 159, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux, Aïchi et Archimbaud et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéas 2, 4 et 6
Remplacer le mot :
douze
par le mot :
vingt-quatre
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
L’article 5 prévoit que les étrangers ayant obtenu en France un diplôme au moins équivalent au master et souhaitant compléter leur parcours par une première expérience professionnelle ou par la création d’une entreprise peuvent se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour d’une durée de validité de douze mois, non renouvelable.
Or, dans les faits, la recherche d’un premier emploi est souvent longue : près de 30 % de nos jeunes diplômés sont toujours à la recherche d’un emploi un an après l’obtention de leur diplôme.
En outre, qui aujourd’hui est en mesure de remplir toutes les conditions requises pour créer une entreprise dans un délai d’un an ? Nous ne pouvons pas être plus durs avec les étudiants étrangers qu’avec les étudiants français. Il faut mettre un peu de souplesse dans ces dispositions, sinon elles ne pourront jamais profiter aux étudiants étrangers, ce qui, je le sais, ne correspond pas à votre intention, monsieur le ministre.
Pour tenir compte des difficultés actuelles d’insertion des jeunes diplômés, il convient de porter à vingt-quatre mois la durée de validité de l’autorisation provisoire de séjour.
Cet amendement vise à porter à deux ans la durée de validité de l’autorisation provisoire de séjour destinée aux étudiants.
Or, une durée de validité d’un an apparaît cohérente avec le caractère provisoire de cette autorisation de séjour destinée à permettre à l’étudiant de chercher un emploi, en aucun cas de s’installer définitivement sur le territoire.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 160, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux, Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer le mot :
non
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Il s’agit d’un amendement de repli : les écologistes prennent acte de votre refus de porter la durée de l’autorisation provisoire de séjour à vingt-quatre mois. Une autre solution serait, tout en conservant la durée de validité de douze mois, de rendre l’autorisation provisoire de séjour renouvelable, selon des critères qu’il appartiendra au Gouvernement de fixer.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que pour l’amendement précédent.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 161, présenté par Mmes Blandin, Bouchoux, Aïchi et Archimbaud et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
master
par le mot :
licence
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Dernière tentative pour donner de l’oxygène à nos universités…
Sourires.
Le master a été établi comme le niveau d’études requis pour la délivrance à un étudiant étranger d’une autorisation provisoire de séjour.
Le texte a pu être amélioré par l’Assemblée nationale en incluant les diplômes de niveau bac+2, tels que le BTS ou le DUT, et en prévoyant la fixation d’une liste de diplômes par décret ; pourquoi exclure la possibilité de la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour aux étudiants ayant obtenu un diplôme au moins égal à la licence ? Nous estimons que des étudiants titulaires d’un diplôme de niveau bac+3 présentent de bonnes chances d’insertion.
Je rappelle que les étudiants étrangers représentent 41 % des effectifs en doctorat, 19 % en master et seulement 11 % en licence. Ceux qui redoutent un afflux massif d’étrangers n’ont donc rien à craindre de cet amendement…
Là encore, la commission émet un avis défavorable.
Cet amendement vise à étendre aux étudiants titulaires d’une licence la possibilité de bénéficier d’une autorisation provisoire de séjour, que le texte prévoit de réserver aux titulaires d’un master ou d’un diplôme figurant sur une liste fixée par décret. La commission a souhaité en rester au dispositif actuel, sachant que 95 000 étudiants étrangers seraient potentiellement concernés.
Je plaide en faveur de l’adoption de cet amendement.
Progressivement, on considère les étudiants étrangers de manière plus positive, et non comme d’éventuels futurs immigrants clandestins. La loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a doublé la durée de l’autorisation provisoire de séjour, en la portant à douze mois, et a prévu que les bénéficiaires pourraient cumuler plusieurs expériences professionnelles durant ce laps de temps.
Le projet de loi qui nous est soumis prévoit la délivrance d’une carte pluriannuelle de séjour pour les étudiants en licence, alors que cela ne concerne pour l’heure que les étudiants en master. Par parallélisme, on pourrait également étendre le bénéfice de l’autorisation provisoire de séjour aux étudiants étrangers justifiant d’une licence, afin qu’ils puissent également acquérir une première expérience professionnelle.
L’adoption de cet amendement irait dans le sens d’une meilleure reconnaissance de l’implication des étudiants étrangers dans le développement économique de la France.
À ce sujet, permettez-moi de vous lire un extrait d’un récent article de presse :
« Le meilleur entrepreneur du monde en 2015, élu en juin dernier à Monaco, est un Français. Mais Mohed Altrad est aussi syrien : ce Bédouin, pas vraiment certain de sa date de naissance, garderait encore des chèvres dans le désert près de Raqqa – dans l’hypothèse où Daech, aujourd’hui maître de la ville, le lui permettrait – s’il n’avait été repéré par son instituteur. L’ex-élève doué raconte qu’il était trop pauvre pour acheter tous ses livres scolaires, et qu’il devait recopier ceux de ses camarades. Une bourse lui a permis, dans les années 1970, de venir étudier à Montpellier… où il a inventé un ordinateur portable (de 25 kilos !) avant de reprendre une entreprise d’échafaudages en faillite, et de bâtir autour d’elle le groupe qui a fait sa fortune. »
Il est monté à la tribune pour recevoir son prix avec un drapeau français dans chaque main. Cela montre qu’un étudiant étranger accueilli sur le sol français peut faire beaucoup pour notre pays !
J’irai dans le même sens que Mme Dominique Gillot.
Nous avons reçu dans cet hémicycle, il y a quelques mois, le Président de la République tunisienne, M. Béji Caïd Essebsi. Il a souligné que les jeunes de Tunisie rencontraient de grandes difficultés pour venir étudier en France et qu’il leur était plus facile de se rendre dans d’autres pays, par exemple en Chine ou au Canada.
Il faut vraiment avoir conscience que les étudiants qui viennent du monde entier suivre des études en France sont une chance pour notre pays, pour notre culture, pour notre économie, pour notre rayonnement. Ils resteront ensuite attachés et reconnaissants à la France. Une fois entrés dans la vie professionnelle, ils parlent en faveur de notre pays, œuvrent pour lui, commercent avec lui, aident nos entreprises.
Par conséquent, il serait souhaitable de lever les obstacles à l’accueil de ces étudiants. Il est vrai que nous consentons déjà beaucoup d’efforts, mais d’autres encore doivent l’être. Cet amendement me paraît aller dans le bon sens.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
dans un domaine correspondant à sa formation
par le mot :
viable
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Cet amendement vise à modifier légèrement la formulation de la disposition permettant à un étudiant étranger de séjourner en France pour créer une entreprise. Le texte prévoit que cette création d’entreprise doit intervenir dans un domaine correspondant à la formation de l’étudiant. Or, ce qui compte lorsque l’on crée une entreprise, c’est qu’elle soit viable, et non qu’elle corresponde à la formation initiale de la personne : on peut très bien avoir une formation de philosophe et vouloir créer une entreprise de maçonnerie. Ce serait d’ailleurs peut-être préférable pour l’économie de la France…
Même si je comprends que le contrôle bureaucratique soit plus facile avec la formulation actuelle, il me semble opportun de modifier celle-ci.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement tendant à modifier le dispositif de l’autorisation provisoire de séjour délivrée aux anciens étudiants souhaitant créer une entreprise en France.
Pour faciliter la compréhension du dispositif, il convient d’aligner celui-ci sur l’autorisation provisoire de séjour existant pour les anciens étudiants salariés, dont la délivrance exige que l’emploi exercé ait un lien avec la formation ayant été suivie.
En outre, l’ancien étudiant étranger souhaitant créer une entreprise dont l’activité n’aurait pas de lien avec sa formation pourra toujours solliciter un passeport « talents », au titre des dispositions de l’article L. 313-20 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
S’il s’agit de maintenir les critères en vigueur, je comprends de moins en moins pourquoi on fait une loi !
Les étudiants étrangers ayant suivi un cursus en France ont une formation et des qualités qu’ils peuvent mettre à profit pour créer une entreprise, de l’emploi : pourquoi ne pas leur faciliter la vie, plutôt que de les contraindre à subir les arcanes bureaucratiques et à perdre un temps fou dans des démarches ? J’ai un peu de mal à comprendre…
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 17, présenté par M. Grosperrin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. Jacques Grosperrin.
Étendre le dispositif de l'autorisation provisoire de séjour d'un an accordée aux étudiants étrangers titulaires d'un master pour chercher un emploi salarié à ceux qui souhaitent créer une entreprise est une bonne idée.
En revanche, supprimer le renvoi à un décret en Conseil d'État pour fixer les conditions d'application de l’article est une erreur. Il nous semble important de bien encadrer le dispositif, afin d'éviter tout effet d'aubaine ou détournement à d'autres fins.
Le présent amendement, qui s’inspire des orientations formulées par le rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, vise à encadrer par un décret en Conseil d’État l’application de l’autorisation provisoire de séjour aux étudiants.
Il s’agit, selon la commission des lois, d’une précision utile, reprenant les dispositions de l’actuel article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le projet de loi prévoit d’étendre l’autorisation provisoire de séjour actuellement réservée aux titulaires d’un master aux titulaires d’un autre diplôme figurant sur une liste fixée par décret, ainsi qu’aux étudiants souhaitant créer une entreprise dans leur domaine de formation.
Vous proposez d’introduire un renvoi à un décret en Conseil d’État pour fixer les conditions d’application de l’article. Or ce renvoi n’apparaît pas nécessaire, le Gouvernement étant de toute façon en mesure de prendre par voie réglementaire les mesures qui s’imposent.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
Il me semble qu’il faut encadrer davantage le dispositif afin d’éviter tout effet d’aubaine ou détournement.
À cet égard, permettez-moi de rappeler, monsieur le ministre, que, lors de votre audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale, vous avez déclaré que vous souhaitiez que ces facilités soient réservées aux meilleurs étudiants et aux titulaires de master afin d’éviter tout effet d’aubaine.
Comment sera-t-il possible de justifier d’un projet de création d’entreprise au moment de demander une autorisation provisoire de séjour, puis du caractère viable de l’entreprise au moment de demander un changement de statut au terme de l’autorisation provisoire de séjour ?
Je voterai l’amendement de M. Grosperrin visant à rétablir le renvoi à un décret en Conseil d’État qui était prévu dans la rédaction initiale de l’article, car il faut bien préciser les choses. Auriez-vous peur du Conseil d’État, monsieur le ministre ?
L'amendement est adopté.
L'article 5 est adopté.
(Non modifié)
Le second alinéa de l’article L. 313-1 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La durée de validité de la carte de séjour pluriannuelle ne peut être supérieure à quatre ans.
« À l’expiration de la durée de validité de sa carte, l’étranger doit quitter la France, à moins qu’il n’en obtienne le renouvellement ou qu’il ne lui soit délivré un autre document de séjour. » –
Adopté.
I. – L’article L. 313-2 du même code est ainsi rétabli :
« Art. L. 313 -2. – Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-7-2, L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-23-1 sont subordonnées à la production par l’étranger du visa de long séjour mentionné au 1° ou au 2° de l’article L. 311-1.
« Le cas échéant, la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20 et L. 313-21 peut être délivrée par l’autorité diplomatique ou consulaire, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
II. –
Supprimé
III
L'amendement n° 189, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer la référence :
L. 313-7-2,
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 7 est adopté.
La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre III du même code est complétée par un article L. 313-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 313 -5 -1. – L’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle doit pouvoir justifier à tout moment qu’il continue de satisfaire aux conditions fixées pour la délivrance de cette carte. L’autorité administrative procède aux contrôles et convocations nécessaires pour s’assurer du maintien de son droit au séjour.
« Si l’étranger cesse de remplir l’une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée ou son renouvellement refusé par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu’après que l’intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues par l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
« N’est pas regardé comme ayant cessé de remplir la condition d’activité prévue au 1° de l’article L. 313-10 et à l’article L. 313-20 l’étranger involontairement privé d’emploi au sens de ces mêmes articles. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 66 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 163 est présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 66.
L’article 8 permet au préfet de contrôler, à tout moment, la situation des étrangers bénéficiaires d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle en cours de validité.
Ce dispositif soumet les ressortissants étrangers au contrôle continu et aux convocations inopinées de l’administration aux fins de vérifications, sous peine de retrait ou de refus de renouvellement du titre.
Il s’agit là à nos yeux d’une disposition disproportionnée, qui maintient les ressortissants étrangers dans l’inquiétude permanente de perdre leur titre de séjour.
Comme le soulignent notamment la Commission nationale consultative des droits de l’homme et le Défenseur des droits, l’article 8 est à mettre en relation avec l’article 25 du projet de loi, dont nous demanderons également la suppression, lequel organise un droit de communication, par le biais d’un accès généralisé des préfectures, à toutes sortes d’informations et de fichiers, dans le but de détecter d’éventuelles fraudes.
La possibilité de contrôles continus et impromptus, combinée à la généralisation de l’accès aux fichiers et des échanges d’informations, entraînera une ingérence selon nous disproportionnée de l’autorité administrative dans la vie privée des ressortissants étrangers, contraire au principe du respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 8 du projet de loi.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 163.
L’article 8 prévoit que l’autorité administrative puisse à tout moment effectuer un contrôle des conditions de séjour d’un étranger. Son dispositif étend ainsi considérablement les pouvoirs de l’autorité administrative, l’objectif réel étant d’inciter à la pratique de contrôles inopinés, entraînant une précarisation du statut des étrangers séjournant de façon régulière en France.
Au fond, l’article 8 est contraire à l’esprit même du projet de loi, qui s’attache à consolider les droits des étrangers en France et à sécuriser leur parcours migratoire. Nous demandons donc sa suppression.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Je rappelle que l’article 8 tend à organiser les contrôles mis en œuvre par les préfectures pour vérifier que les titulaires d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle continuent de remplir les conditions de délivrance de ces titres. Cet article implique d’ailleurs un profond changement méthodologique : il s’agit de passer de contrôles annuels réalisés lors du renouvellement des titres à des contrôles a posteriori beaucoup plus ciblés. Ces contrôles permettront de vérifier que l’étranger respecte toujours les conditions d’octroi du titre.
Enfin, je rappelle que ce dispositif de contrôle respecte totalement les droits des étrangers, car il prévoit une procédure contradictoire permettant aux étrangers de faire part de leurs observations.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 313 -5 -1. – Si l’étranger titulaire d’une carte de séjour pluriannuelle cesse de remplir les conditions fixées pour sa délivrance, la carte peut lui être retirée ou son renouvellement refusé. »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le premier alinéa de l’article L. 312-2 du même code est ainsi rédigé :
« La commission est saisie par l’autorité administrative lorsque celle-ci envisage de retirer, de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l’article L. 313-11 ou une carte de séjour pluriannuelle à un étranger mentionné aux articles L. 313-17 à L. 313-23-1 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l’article L. 431-3. »
La parole est à M. Christian Favier.
L’article 8 prévoit que l’étranger doit pouvoir justifier « à tout moment » qu’il continue de satisfaire aux conditions fixées pour la délivrance de son titre de séjour, faute de quoi celui-ci peut lui être retiré ou ne pas être renouvelé. À l’évidence, l’objectif de cet article est d’inciter à la pratique de contrôles inopinés et de précariser le statut des étrangers en situation régulière.
Afin de limiter les effets de l’application de son dispositif, nous proposons d’encadrer a minima ces mesures de contrôle, en prévoyant la saisine obligatoire de la commission départementale du titre de séjour. Déjà saisie en cas de refus de délivrance d’un titre de séjour par le préfet, cette commission, composée de personnalités indépendantes, apporterait un élément sécurisant dans le parcours administratif des étrangers.
L'amendement n° 164, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 313-5-1. – Si l’étranger titulaire d’une carte de séjour pluriannuelle cesse de remplir les conditions exigées pour sa délivrance, la carte de séjour peut lui être retirée ou son renouvellement refusé. »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au premier alinéa de l’article L. 312-2 du même code, les mots : « lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l’article L. 313-11 » sont remplacés par les mots : « lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer de retirer ou de renouveler une carte de séjour temporaire prévue à l’article L. 313-11, une carte de séjour pluriannuelle ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre demande de suppression de l’article 8. Il tend à prévoir que seule la carte de séjour pluriannuelle puisse être retirée ou son renouvellement être refusé à son titulaire si celui-ci cesse de remplir les conditions exigées pour sa délivrance.
De plus, l’amendement vise à prévoir la saisine obligatoire de la commission départementale du titre de séjour avant toute décision de retrait d’un titre de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle.
L'amendement n° 129, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
après le mot :
doit
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
être en mesure de justifier qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. L'autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens.
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
L’article 8 tend à organiser les contrôles mis en œuvre par l’autorité administrative pour vérifier la régularité du séjour de l’étranger.
Tel qu’il était initialement rédigé, cet article n’était pas satisfaisant. Dans sa version première, il prévoyait en effet que l’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle devrait pouvoir justifier à tout moment qu’il continuait de satisfaire aux conditions fixées pour la délivrance de la carte. L’article instaurait ainsi un contrôle permanent et faisait peser sur l’étranger une présomption de présence irrégulière sur le territoire national, que nos collègues députés ont jugé avec raison excessive.
Avec l’accord du Gouvernement, l’article a été récrit dans un sens plus neutre et plus objectif. Il impose désormais à l’étranger d’ « être en mesure de justifier qu’il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte » et prévoit que « l’autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s’assurer du maintien du droit au séjour de l’intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci pour un ou plusieurs entretiens ».
Malheureusement, la commission des lois du Sénat a souhaité revenir au texte initial du projet de loi. Nous sommes convaincus que c’est inutile, et même contreproductif.
La rédaction résultant des travaux de l’Assemblée nationale permet de s’assurer de manière effective de la régularité du séjour de l’étranger. Si la demande lui en est faite, l’étranger devra justifier qu’il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de sa carte de séjour et l’autorité administrative pourra procéder aux vérifications nécessaires et surtout entendre l’intéressé.
La rédaction que le rapporteur propose de rétablir apporte-t-elle un « plus » ? À l’évidence non, puisqu’elle fait peser une suspicion permanente sur l’étranger, ce qui n’est pas de nature à favoriser son intégration. Par ailleurs, elle supprime toute marge d’appréciation pour l’autorité administrative. Nous avions pourtant cru comprendre que le rapporteur y était très attaché.
Le groupe socialiste et républicain croit donc utile de revenir au dispositif proportionné issu des travaux de l’Assemblée nationale.
L'amendement n° 113, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
contrôles ou
insérer les mots :
, sans motif légitime,
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
L'alinéa 3 de l’article 8 prévoit que l'étranger peut se voir retirer son titre de séjour ou voir le renouvellement de celui-ci refusé s'il cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte, s’il fait obstacle aux contrôles ou s’il ne défère pas aux convocations.
L’appréciation de la troisième de ces hypothèses est empreinte de subjectivité. En outre, le simple fait de ne pas déférer à une convocation peut s’expliquer par une absence parfaitement licite et légitime du territoire français, voire du domicile, en cas de maladie ou d’hospitalisation par exemple.
Le présent amendement vise donc à mieux garantir les droits de l'étranger en prévoyant que la carte de séjour peut lui être retirée s'il ne défère pas aux convocations, sans motif légitime. Cela veut dire que, si un motif légitime a empêché l’étranger de se présenter à une convocation, son titre de séjour ne pourra pas lui être retiré. Cette précision utile vise donc à mieux protéger l’étranger.
L'amendement n° 52 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet, Espagnac, Jourda et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de retrait ou de refus de renouvellement de la carte de séjour ne pourra intervenir avant un délai de six mois après la date à laquelle l’étranger a été mis à même de présenter ses observations, ou à la date d’expiration de cette carte si elle est antérieure.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
La mise en place du titre de séjour pluriannuel se conjugue avec les dispositions prévues à l’article 8 et à l’article 25 qui visent à la fois à instaurer une procédure de contrôle et à ouvrir à l’autorité administrative de nouveaux droits lui permettant de recueillir certaines informations sur la manière dont vit la personne bénéficiaire de ce titre de séjour et sur ses activités pendant la durée de ce titre.
Si l’autorité administrative juge que cette personne ne répond plus aux critères qui ont permis la délivrance de cette carte de séjour, une procédure rapide d’annulation du titre est mise en œuvre.
Or si l’on veut que l’intégration fonctionne bien, il importe de sécuriser les procédures. En effet, la vie n’est pas une ligne droite, des changements peuvent intervenir. Un conjoint de Français peut divorcer, un étudiant peut attendre un enfant et interrompre provisoirement ses études. Il ne faut pas que les événements de la vie conduisent à précariser les intéressés.
L’amendement n° 52 rectifié a donc pour objet de sécuriser la procédure de retrait ou de non-renouvellement de carte de séjour prévue à l’article 8 du projet de loi.
L’alinéa 3 de l’article 8, dans sa rédaction actuelle, se borne à prévoir qu’une décision motivée de retrait ou de non-renouvellement est adressée après que l’étranger « a été mis à même de présenter ses observations » sur les informations recueillies par l’autorité administrative. Afin de respecter le principe du contradictoire et de ne pas faire de la carte pluriannuelle un titre qui pourrait être retiré à tout moment alors que la personne étrangère pourrait prétendre au droit au séjour sur un autre fondement que celui sur lequel il a été initialement délivré, il est nécessaire de permettre à l’intéressé de disposer d’un délai durant lequel il pourra faire valoir son droit au séjour auprès de l’autorité préfectorale.
Notre amendement prévoit un délai de six mois ou jusqu’à l’expiration de la date de validité de la carte de séjour initiale, si cette dernière est encore valable plus de six mois.
L’idée est de remplacer un an « dur » par quatre ans « mous », durée qui peut toujours être remise en cause si les conditions exigées pour la délivrance du titre ne sont plus réunies. Sur quatre ans, beaucoup de choses peuvent bien entendu évoluer. Il s’agit de permettre à la personne de présenter ses observations sur le dossier constitué par l’autorité administrative, mais aussi éventuellement de se mettre de nouveau en situation de bénéficier d’un titre de séjour pluriannuel.
L’adoption des amendements n° 67 et 164 aurait pour conséquence de supprimer les précisions relatives au contrôle réalisé a posteriori de la délivrance de la carte de séjour temporaire, ce qui, évidemment, n’est pas souhaitable. En effet, l’autorité administrative doit être en mesure de procéder à ces contrôles tout en respectant les droits des personnes concernées, notamment le droit à une procédure contradictoire.
Ces amendements prévoient également la saisine de la commission départementale du titre de séjour pour le retrait ou le refus de renouvellement de la carte de séjour pluriannuelle. Cette disposition alourdirait considérablement la procédure de retrait. Elle serait également redondante avec la procédure du contradictoire prévue à l’article 8.
L’amendement n° 129 prévoit que l’autorité administrative « peut » procéder aux contrôles et non qu’elle « procède » à ces contrôles. Or l’article 8 a bien pour objet de prévoir des contrôles a posteriori de la délivrance des titres de séjour afin de s’assurer – on l’a déjà expliqué – que leurs titulaires continuent de remplir les conditions de délivrance.
La notion de « tout moment » ne fait peser aucune présomption sur les étrangers. Elle permet simplement de poser le principe selon lequel le titre de séjour peut être retiré dès lors que la personne concernée ne respecte plus les conditions d’attribution.
Sur l’amendement n° 52 rectifié, je souligne que le délai de six mois qu’il prévoit pour la procédure du contradictoire réduirait grandement l’efficacité de cette procédure. Il suppose, en outre, d’attendre six mois avant de retirer son titre de séjour à un étranger représentant éventuellement une menace pour l’ordre public, ce qui semble beaucoup trop long.
Enfin, l’amendement n° 113 précise que des « motifs légitimes » peuvent justifier que l’étranger ne défère pas aux convocations de l’autorité administrative.
Or quatre garanties sont déjà accordées aux étrangers risquant de se voir retirer leur titre de séjour pour ne pas s’être présentés aux convocations : premièrement, une procédure contradictoire est prévue ; deuxièmement, ce retrait de titre pour non-présentation aux convocations ne serait qu’une faculté pour la préfecture ; troisièmement, le terme de « convocations » est au pluriel, ce qui signifie que le simple fait de ne pas répondre à une convocation n’entraînerait pas ipso facto le retrait du titre ; enfin, quatrièmement, la proportionnalité de la décision de retrait serait vérifiée par le juge en cas de contentieux.
Il ne semble donc pas nécessaire d’introduire une cinquième garantie dans ce dispositif déjà bien sécurisé. Celui-ci est équilibré en l’état et permettra de lutter contre l’ensemble des comportements qui pourraient être clairement dilatoires ou non-coopératifs
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission est défavorable aux amendements n° 67, 164, 129, 113 et 52 rectifié.
Après les explications du rapporteur, j’irai à l’essentiel.
Le Gouvernement est favorable aux amendements n° 113 et 129 présentés par M. Kaltenbach, qui sont pertinents par les orientations qu’ils prévoient. En précisant clairement les pouvoirs de l’administration, ils renforcent la cohérence du texte.
À l’inverse, les amendements n° 67, 164 et 52 rectifié paraissant de nature à nuire à la capacité de contrôle de l’administration, j’y suis donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
I. – L’article L. 313-3 du même code est ainsi modifié :
1° Après le mot : « temporaire », sont insérés les mots : « ou la carte de séjour pluriannuelle » ;
2° Après le mot : « refusée », sont insérés les mots : « ou retirée ».
II. – L’article L. 313-5 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peut être retirée à l’étranger condamné sur le fondement des articles 222-34 à 222-40, 224-1-A à 224-1-C, 225-4-1 à 225-4-4, 225-4-7, 225-5 à 225-11, 225-12-1 à 225-12-2, 225-12-5 à 225-12-7, 225-13 à 225-15, du 7° de l’article 311-4 et des articles 312-12-1 et 321-6-1 du code pénal. » ;
2° Au deuxième alinéa, après le mot : « temporaire », sont insérés les mots : « ou la carte de séjour pluriannuelle » ;
3° Au troisième alinéa, après le mot : « temporaire », sont insérés les mots : « ou de sa carte de séjour pluriannuelle » ;
4° Au dernier alinéa, après le mot : « code », sont inséré les mots : « ou la carte de séjour pluriannuelle générale portant la mention “étudiant” ».
L'amendement n° 195, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
condamné sur le fondement des
par les mots :
ayant commis les faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux
La parole est à M. le ministre.
J’ai le sentiment, en présentant cet amendement, de me trouver à contre-emploi, si je puis dire, compte tenu de la façon dont un certain nombre de sénateurs se représentent la position gouvernementale sur la question des migrations.
Cet amendement vise à rétablir la possibilité de procéder au retrait d’une carte de séjour temporaire ou d’une carte de séjour pluriannuelle lorsqu’un étranger a commis des faits constitutifs d’une des infractions citées à l’article L. 73-5 du CESEDA sans qu’il soit nécessaire pour cela d’attendre une condamnation définitive.
La commission des lois a, pour des raisons que je ne comprends pas, sur l’initiative du rapporteur – excellent au demeurant – voulu clarifier les dispositions du projet de loi relatives à la réserve d’ordre public, notamment l’article L. 313-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui énonce une réserve générale d’ordre public, et l’article L. 315-5 qui autorise le retrait du titre de séjour d’un étranger ayant commis des faits relevant d’infractions prévues par le code pénal.
La préoccupation qui est la vôtre est partagée par le Gouvernement : le droit au séjour que nous demandons doit assurer un équilibre rigoureux entre les droits et les devoirs. Ce n’est pas parce le texte s’intitulait initialement « projet de loi relatif au droit au séjour des étrangers en France » qu’il visait à ne traiter que des droits et non pas des devoirs, contrairement à ce que certains ont pu comprendre, ce qui a conduit au changement de l’intitulé de ce projet de loi.
D’un côté, nous nous devons de reconnaître un droit au séjour aux étrangers qui remplissent les critères et nous devons aussi les accueillir dans les meilleures conditions.
De l’autre côté, les étrangers doivent, comme tout un chacun, respecter nos lois et l’ordre public. Il est légitime que ceux qui manqueraient à ces devoirs élémentaires et troubleraient l’ordre public puissent se voir retirer leur droit au séjour. Si nous ne le faisions pas, plus rien n’aurait de sens !
Or, dans le même temps où votre commission des lois allongeait la liste des infractions susceptibles de justifier d’un retrait de carte de séjour, elle a prévu que le retrait ne pouvait intervenir qu’après condamnation définitive, exigence qui n’est pas énoncée par le texte aujourd'hui applicable.
Celui-ci prévoit en effet que la procédure de retrait peut être engagée dès la commission des faits relevant d’une infraction pénale visée par le CESEDA, sans qu’il soit nécessaire d’attendre la condamnation définitive.
Monsieur le rapporteur, vous avez donc réduit considérablement, par l’amendement que vous avez introduit, la portée de cet article, contre la volonté de fermeté du Gouvernement, notamment du ministère de l’intérieur, en ces matières.
La rédaction de la commission, si elle devait être maintenue, ne permettra plus de procéder à des retraits de titre de séjour dans certains cas de menaces évidentes à l’ordre public. Compte tenu de la responsabilité qui est la mienne en tant que ministre de l’intérieur, ainsi que de la détermination et de la fermeté qui m’animent, je ne peux pas me satisfaire de cet amendement voté par la majorité sénatoriale.
J’ajoute qu’aucun principe constitutionnel, conventionnel ou jurisprudentiel n’exigeait de revenir à une telle disposition. J’aurais d'ailleurs totalement compris que ce fût le cas si de tels principes s’appliquaient. Mais si des considérations de cette nature s’étaient imposées, je n’aurais pas proposé que le texte initial du Gouvernement fût écrit de la manière dont il l’a été.
Le Conseil constitutionnel a été extrêmement précis sur cette question. Dans sa décision du 13 mars 2003, il a en effet estimé que le pouvoir de retirer la carte de séjour temporaire prévu à l’article L. 313-5 n’était pas contraire aux principes de valeur constitutionnelle, s’agissant d’un pouvoir de police administrative exercé en raison de la menace à l’ordre public que représentent les faits en cause. Lorsque le Gouvernement et le ministère de l’intérieur adoptent une démarche de fermeté, c’est systématiquement en conformité avec les principes constitutionnels, ce qui est toujours mieux.
En outre, le principe de la présomption d'innocence n’est en rien méconnu, car il ne s’agit pas de se placer sur le terrain de la sanction pénale, mais il s’agit uniquement de se placer sur celui de la police administrative. Dans le cadre de ce dernier pouvoir, l’intéressé a la possibilité, comme la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations le prévoit de façon obligatoire, de présenter ses observations avant que l’administration ne prenne sa décision.
Il est éminemment souhaitable, et je voudrais vraiment en convaincre la majorité sénatoriale, que, face à un risque avéré de trouble important à l’ordre public, compte tenu du contexte particulier que nous connaissons au regard de menaces incontestables, l’autorité préfectorale puisse prendre sans retard les mesures nécessaires pour sauvegarder l’ordre public et, en l’occurrence, retirer le titre de séjour. Je tiens beaucoup, pour cette raison, à ce que le Sénat adopte cet amendement n° 195.
Je rappelle que l’article L. 313-5 du CESEDA vise des faits dont la gravité ne fait aucun doute : trafic de stupéfiants et recel – ce n’est pas rien –, traite des êtres humains, proxénétisme, exploitation de la mendicité, vol commis dans les transports en commun, demande de fonds sous contrainte, prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables, réduction en servitude ou en esclavage, travail forcé, c'est-à-dire tous les sujets sur lesquels j’ai demandé à mon administration, à la police et à la gendarmerie de se mobiliser.
Dans tous ces cas, l’administration doit pouvoir se fonder sur la commission, par l’intéressé, de faits qui l’exposent aux condamnations visées et dont peuvent attester, par exemple, les procès-verbaux, sans qu’il y ait lieu d’attendre le terme de la procédure judiciaire.
Vraiment, mesdames, messieurs les sénateurs, la fermeté du Gouvernement en matière de lutte contre la délinquance justifie que vous reveniez sur la disposition adoptée en commission, dont je ne comprends ni la philosophie ni l’opportunité !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est peut-être le seul moment de l’examen du projet où j’apparaîtrai comme un dangereux laxiste, puisque, depuis hier, on ne cesse de dire, à l’inverse, que je suis un abominable personnage, qui durcit les dispositions du texte, qui est très méchant avec les étrangers et qui ne les aime pas…
Sourires
Je vais expliquer pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Je tâcherai, en dépit de la grande technicité de mon propos, d’être aussi pédagogique que possible.
Cet amendement vise à retirer les titres accordés aux personnes ayant commis des faits les exposant à certaines condamnations pénales.
En réalité, aujourd'hui, il existe deux régimes juridiques permettant de retirer un titre de séjour.
Le premier découle des dispositions de l’article L. 313-3 du CESEDA, qui prévoient un retrait en cas de menace pour l’ordre public sans condamnation pénale préalable. L’existence d’une menace pour l’ordre public caractérisé permet à l’autorité administrative de retirer le titre de séjour sans autre forme de procès. D’ailleurs, la commission a renforcé ce pouvoir dont bénéficie l’administration, puisqu’elle l’a étendu aux cartes de séjour temporaire.
Le second régime est défini par les dispositions de l’article L. 313-5 du même code, qui visent une liste limitative d’infractions, comme le trafic de stupéfiants – M. le ministre l’a rappelé. En l’état du droit positif, le simple fait d’être « passible » d’une condamnation peut justifier le retrait d’un titre de séjour. Cette possibilité existe donc d'ores et déjà !
Toutefois, cette procédure est peu utilisée par les préfets, car elle est peut-être un peu fragile sur le plan juridique. En effet, en l’absence de condamnation judiciaire, comment prouver qu’un individu a réellement commis les faits qui lui sont reprochés ? La question n’est pas que théorique. La circulaire du 20 janvier 2014 prévoit qu’un simple rapport administratif des services de police peut justifier le retrait du titre de séjour, en dépit de sa valeur probante limitée. En outre, il n’appartient pas au préfet de constater des infractions pénales, même dans le cadre d’une procédure administrative.
À cet égard, la proposition du Gouvernement de préciser que la personne doit avoir « commis les faits » ne modifie pas, à mon avis, le risque d’insécurité juridique tel qu’il existe aujourd'hui. C’est pourquoi la commission des lois a souhaité que le recours à l’article L. 313-5 du CESEDA ne soit possible qu’après l’existence d’une condamnation pénale. Avant celle-ci, le préfet pourra toujours utiliser, quelles que soient les circonstances, le premier régime de retrait de titre – celui de l’article L. 313-3 du CESEDA – en cas de menace à l’ordre public. L’action de l’administration sur le plan de la prévention et de la sécurité publique sera donc non pas affaiblie, mais renforcée, son cadre juridique ayant été consolidé.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement. Au demeurant, si le Sénat estime que je suis trop laxiste, je me soumettrai à sa décision !
Pour commencer, monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’attention votre intervention. Non, vous n’êtes pas à contre-emploi ; vous êtes même « à plein emploi », si j’ose dire ! En effet, il est de votre responsabilité de montrer votre fermeté.
D’ailleurs, j’avoue que les arguments que vous avez employés ont continué à me convaincre de la nécessité de voter votre amendement. En effet, il me semble important de préciser qu’il est possible de retirer rapidement la carte de séjour remise à un étranger ayant troublé l’ordre public en vertu des articles rappelés dans l’objet de l’amendement.
J’espère que le Sénat vous suivra sur cette position, qui est extrêmement importante.
J’ai bien écouté l’explication de M. le rapporteur de la commission des lois – dont je ne fais pas partie. L’avis rendu m’a convaincu sur le plan technique, mais pas suffisamment pour remettre en cause ma décision. Bien évidemment, je le prie de bien vouloir m’en excuser !
L’intervention à la fois technique et politique de M. le ministre a achevé de me déterminer à voter cet amendement. Je pense qu’un certain nombre de mes collègues en feront autant !
L’amendement du Gouvernement nous rappelle quelques points essentiels relatifs au droit des étrangers dans notre pays.
Dans ce droit, la souveraineté de l’État s’exprime naturellement. Or il ne faut pas confondre les mesures qui tiennent à l’expression de la souveraineté de l’État dans le cadre de la police administrative avec celles qui relèvent du droit pénal.
Si je comprends très bien la position de la commission, elle confine à faire de la suppression de la carte de résident ou de séjour une sorte de peine complémentaire à la condamnation pénale. Or, entre le moment où les faits sont commis et celui où la condamnation pénale devient définitive, s’écoule forcément un délai extrêmement long, ne permettant pas à l’autorité administrative de faire correctement son travail. Il faut veiller à ce que l’action de police administrative, qui est une action de prévention, soit distinguée de l’action de politique pénale, qui est une action de répression. C’est d'ailleurs une position assez traditionnelle de notre droit, qui a été établie vers 1935 par le Conseil d'État.
C'est par fidélité à cette distinction entre police administrative et mesures pénales que je considère que nous pouvons sans problème voter l’amendement du Gouvernement et lui donner les moyens d’agir, sans que personne ne soit déjugé. Puisque M. le ministre nous a dit qu’il voulait être ferme, il serait malvenu que nous lui coupions les moyens de sa fermeté !
Je remercie M. le rapporteur de l’avis qu’il a émis. Sa démonstration a été extrêmement précise et nous a permis de comprendre quelles avaient été les motivations de la commission des lois et la sienne propre.
Toutefois, pour conclure ce débat, je veux que chacun comprenne ici qu’il est de ma responsabilité de ministre de l’intérieur de garantir, avec la plus grande fermeté et la plus grande clarté – je l’assume complètement –, que l’accueil des réfugiés persécutés ait pour contrepartie une très grande rigueur à l’encontre de ceux qui, parmi eux, ne respectent ni les règles ni le droit de notre pays.
Dans un contexte de menace élevée et de risque avéré de troubles à l’ordre public de la part d’individus qui peuvent vouloir saper la République dans ses fondements, j’estime qu’il est normal que l’État se dote de tous les instruments de fermeté possibles, en usant des moyens de police administrative et sans attendre les condamnations, pour éviter la réalisation de ces troubles. Tel est l’esprit de l’amendement gouvernemental. Je souhaite, bien entendu, que le Sénat le comprenne.
Je souscris totalement aux propos de Michel Mercier sur la distinction entre police administrative et police judiciaire, sur le séquencement chronologique des pouvoirs des uns et des autres et sur la différenciation de ces pouvoirs. Néanmoins, j’ai besoin de cette mesure !
Je dois d'ailleurs vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que j’ai pris au cours des dernières semaines cinq mesures de déchéance de nationalité ; je rendrai compte devant vous de ces mesures, que j’ai annoncées hier, le 13 octobre prochain. Ces mesures extrêmement fermes, voire extrêmement dures, ont été prononcées à l’égard de personnes qui avaient bénéficié du statut de réfugié, mais dont les comportements étaient de nature à poser problème. Je vous indiquerai pourquoi j’ai pris cette décision, les conditions dans lesquelles je l’ai fait et le nombre de personnes concernées.
Lorsqu’existent des risques graves de troubles à l’ordre public, il n’est pas possible, sur le plan de la police administrative, d’agir autrement qu’avec la plus grande fermeté.
Monsieur le ministre, je crois que votre volonté de fermeté a été entendue par tous. Elle vous honore !
À titre personnel, malgré l’amitié que je porte à notre collègue rapporteur, je voterai pour la proposition du Gouvernement. Je demanderai simplement à M. le ministre d’essayer de faire partager sa volonté de fermeté à certains de ses collègues du Gouvernement – vous voyez de qui je parle…
L'amendement est adopté.
L'article 8 bis A est adopté.
La sous-section 2 bis du chapitre III du titre Ier du livre III du même code est complétée par un article L. 313-7-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 313 -7 -2. – I. – La carte de séjour temporaire est accordée à l’étranger titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieurqui vient en France, dans le cadre d’une convention de stage visée par l’autorité administrative compétente, effectuer un stage dans un établissement ou une entreprise du même groupe, qui justifie d’une ancienneté d’au moins trois mois et qui dispose de moyens d’existence suffisants. Elle porte la mention “stagiaire ICT”.
« La carte de séjour temporaire portant la mention “stagiaire ICT (famille)” est délivrée, s’il est âgé d’au moins dix-huit ans, au conjoint de l’étranger mentionné au premier alinéa du présent I ainsi qu’à ses enfants entrés mineurs en France, dans l’année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou lorsqu’ils entrent dans les prévisions de l’article L. 311-3, sous réserve du respect de la condition prévue à l’article L. 313-2. La durée de cette carte est égale à la période de validité restant à courir de la carte de séjour de leur conjoint ou parent.
« La carte de séjour temporaire portant la mention “stagiaire ICT (famille)” donne droit à l’exercice d’une activité professionnelle.
« L’étranger ayant été admis au séjour dans un autre État membre de l’Union européenne pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au premier alinéa du présent I peut effectuer une mission en France d’une durée inférieure ou égale à quatre-vingt-dix jours dans le cadre du 2° de l’article L. 1262-1 du code du travail, afin d’effectuer un stage dans un établissement ou une entreprise du même groupe sous couvert du titre de séjour portant la mention “ ICT ” délivré dans le premier État membre.
« II. – Lorsque cette mission est d’une durée supérieure à quatre-vingt-dix jours, l’étranger qui justifie de ressources suffisantes est autorisé à travailler et à séjourner en France au titre d’une carte de séjour portant la mention “stagiaire mobile ICT” d’une durée identique à celle de la mission envisagée, dans la limite d’une durée maximale d’un an.
« La carte de séjour temporaire portant la mention “stagiaire mobile ICT (famille)” est délivrée dans les mêmes conditions qu’au deuxième alinéa du I du présent article.
« La carte de séjour temporaire portant la mention “stagiaire mobile ICT (famille)” donne droit à l’exercice d’une activité professionnelle. »
L'article 8 bis est adopté.
L’article L. 313-10 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 313 -10. – Une carte de séjour temporaire, d’une durée maximale d’un an, autorisant l’exercice d’une activité professionnelle, est délivrée à l’étranger :
« 1° Pour l’exercice d’une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l’article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention “salarié”.
« La carte de séjour est prolongée d’un an si l’étranger se trouve involontairement privé d’emploi dans les trois mois précédant son renouvellement ;
« 2° Pour l’exercice d’une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée ou dans les cas prévus aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 du code du travail, dans les conditions prévues à l’article L. 5221-2 du même code. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d’un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention “travailleur temporaire” ;
« 3° Pour l’exercice d’une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d’existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur. Elle porte la mention “entrepreneur/profession libérale”.
« L’étranger se voit délivrer l’une des cartes prévues aux 1° ou 2° sans que lui soit opposable la situation de l’emploi sur le fondement de l’article L. 5221-2 du code du travail lorsque sa demande concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie par l’autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives.
« La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l’emploi, à l’étudiant étranger qui, ayant obtenu un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret dans un établissement d’enseignement supérieur habilité au plan national, souhaite exercer un emploi salarié et présente un contrat de travail, à durée indéterminée ou à durée déterminée, en relation avec sa formation et assorti d’une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret en Conseil d’État. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 68, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
indéterminée
insérer les mots :
ou sous contrat de travail à durée déterminée de plus de douze mois
II. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements n° 68 et 69.
Au-delà de l’absence de dispositions relatives aux droits des travailleurs en situation irrégulière, comme le soulignent le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, le projet de loi fragilise le statut des travailleurs salariés en situation régulière.
L’article 9 distingue les travailleurs selon qu’ils bénéficient d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée. C’est ainsi qu’est supprimée la possible délivrance d’une carte « salarié » aux salariés titulaires d’un CDD de douze mois ou plus.
Monsieur le ministre, je vous avoue que nous ne comprenons pas que des membres du Gouvernement d’aujourd'hui qui, en leur temps, dénonçaient clairement les lois Sarkozy et Hortefeux orchestrent eux-mêmes « l’immigration choisie » par le biais de « passeports talent » et font reculer les droits des travailleurs les plus précaires.
Pour ces travailleurs, seule sera délivrée une carte « travailleur temporaire », sur laquelle figurera le nom de l’entreprise et la durée du contrat de travail. Autrement dit, il s’agira d’un titre de séjour extrêmement précaire !
Quels seront donc les droits de ces salariés, qui ne pourront jamais prétendre à une carte pluriannuelle, alors qu’ils sont bien souvent en France depuis des années ? Ils seront plus que d’autres soumis au bon vouloir de leur employeur afin de pouvoir rester dans la légalité.
Nous sommes également très inquiets de la persistance dans la loi d’une préférence nationale qui ne dit pas son nom, « l’opposabilité de la situation de l’emploi », qui se traduit par la définition de listes de métiers en tension par zone géographique lors de la délivrance de la carte de séjour « salarié ».
Le Premier ministre, alors ministre de l’intérieur, précisait pourtant dans sa circulaire du 28 novembre 2012 que « la situation de l’emploi ne sera pas opposée aux demandeurs » dans le cadre de l’admission exceptionnelle au séjour. Beaucoup de questions restent donc en suspens.
Ces amendements visent humblement, d’une part, à maintenir la délivrance du titre de séjour « salarié » aux travailleurs étrangers qui exercent une activité salariée sous contrat à durée déterminée pour une durée supérieure ou égale à douze mois et, d’autre part, à supprimer toute ambivalence quant à l’opposabilité de l’emploi.
L'amendement n° 114, présenté par MM. Kaltenbach et Leconte, Mme Tasca, MM. Sueur, Delebarre, Marie, Desplan et Sutour, Mmes S. Robert, D. Gillot, Jourda, Yonnet, D. Michel et Cartron, M. Courteau, Mme Khiari, M. Yung et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
indéterminée
insérer les mots :
ou d’un contrat de travail à durée déterminée d’une durée égale ou supérieure à douze mois
II. – Alinéa 5, première phrase
Après le mot :
déterminée
insérer les mots :
d’une durée inférieure à douze mois
La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
Cet amendement concerne les travailleurs temporaires et vise à s’assurer qu’ils ne verront pas leurs droits rognés par ce projet de loi.
L’article 9 vise à réorganiser l’article L. 313-10 du CESEDA relatif à la carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle en s’appuyant sur la distinction entre CDI et CDD. Si une telle distinction a le mérite de la clarté, elle a également pour effet pervers de marquer un recul des droits des détenteurs de CDD d’une durée égale ou supérieure à douze mois, comme vient de le souligner Mme Assassi.
Ainsi, les détenteurs d’un CDD d’un an ou plus ne relèveraient plus de la carte « salarié », mais de la carte « travailleur temporaire ». Or un tel changement de mention constitue un recul en termes de statut, les droits attachés à l’une ou l’autre carte n’étant pas équivalents.
D’abord, parce que l’autorisation de travail accordée au titulaire d’une carte « salarié » lui permet de changer d’employeur, ainsi que de métier, après la troisième année de séjour régulier, ce qui n’est pas le cas de l’autorisation de travail attachée à la carte « travailleur temporaire ».
Ensuite, parce que le titulaire d’une carte « salarié » est protégé contre les effets du licenciement sur le droit au séjour : en cas de perte involontaire d’emploi, la carte de séjour est en effet renouvelée à son expiration pour la durée des droits acquis au titre du chômage. Là encore, ce n’est pas le cas des salariés titulaires d’une carte temporaire.
Si nous souscrivons bien évidemment à la nécessité de simplifier la loi, cela ne peut se faire au détriment des droits des salariés. Le monde du travail est malheureusement marqué par un recours accru aux CDD, notamment dans les métiers peu qualifiés qu’occupent de nombreuses personnes migrantes, déjà précarisées par leur statut. N’ajoutons pas de la précarité à la précarité.
Tel est le sens de cet amendement du groupe socialiste, qui vise tout simplement à maintenir le droit en vigueur applicable aux travailleurs étrangers en CDD d’un an ou plus.
En l’état du droit, les cartes sont différenciées selon la durée du contrat : les cartes « salarié » sont destinées aux étrangers dont le contrat dure plus d’un an et les cartes « travailleur temporaire » aux étrangers dont le contrat dure moins d’un an.
Le Gouvernement a souhaité modifier ce critère de différenciation en privilégiant la nature du contrat, la carte « salarié » étant réservée aux contrats à durée indéterminée et la carte « travailleur temporaire » aux contrats à durée déterminée. Ce choix a le mérite de la clarté.
Nous ne souhaitons pas mélanger les critères de différenciation. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
L’amendement n° 68 tend à prévoir la délivrance de la carte de séjour portant la mention « salarié » aux étrangers justifiant d’un contrat à durée déterminée d’une durée supérieure ou égale à douze mois.
Vous faites état de la précarité de la situation de l’étranger en CDD et bénéficiaire d’une carte de séjour portant la mention « travailleur temporaire ».
Le projet de loi prévoit de distinguer les modalités de délivrance des cartes de séjour « salarié » et « travailleur temporaire » en se fondant non pas sur la durée du contrat, mais sur sa nature, ce qui constitue un critère objectif et pertinent.
En effet, l’accomplissement d’un CDD, quelle que soit sa durée, est par nature temporaire et limité dans le temps. Un tel contrat répond à des objectifs précis – prévus par le code du travail – et comporte une échéance déterminée et connue de l’intéressé.
Le CDI, forme normale et générale de la relation de travail, présente un caractère pérenne. Le salarié bénéficie à ce titre des garanties spécifiques prévues par le code du travail.
L’étranger bénéficiaire d’un CDI s’inscrit dans le cadre d’un projet d’installation durable sur le territoire français, alors que le travailleur temporaire bénéficie d’un droit au séjour limité à l’exécution de son contrat. Les salariés titulaires d’un CDI et d’un CDD se trouvent ainsi, de par la nature même de leur contrat, dans des situations différentes.
Au demeurant, le salarié titulaire d’une carte de séjour « travailleur temporaire » est bénéficiaire des droits acquis à l’allocation d’assurance des travailleurs involontairement privés d’emploi dans les conditions prévues par le code du travail.
Pour ces raisons, le Gouvernement estime que le critère tiré de la nature du contrat rétablit une cohérence entre celle-ci et le droit au séjour, sans porter aucunement atteinte aux droits que les salariés tirent de la législation du travail.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, ainsi qu’à l’amendement n° 114, pour des raisons similaires.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 69, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
la situation de l’emploi
supprimer la fin de cet alinéa.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet, Espagnac, Jourda et Lepage, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l’emploi, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigé.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Le présent amendement vise à sécuriser le parcours d’intégration des jeunes étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance – l’ASE – entre seize et dix-huit ans et justifiant avoir suivi durant au moins six mois une formation destinée à leur apporter une qualification professionnelle en leur attribuant de plein droit une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié ».
Une telle possibilité n’existe actuellement que dans le cadre de l’article L. 313-15 du CESEDA relatif à l’admission exceptionnelle au séjour. Le présent amendement vise à rendre cette délivrance de plein droit si l’ensemble des conditions sont réunies.
L’adoption de cet amendement permettrait de délivrer des titres de séjour de manière égale sur l’ensemble du territoire. Il s’agirait d’une suite logique pour des jeunes confiés à l’ASE et dont les éducateurs et référents œuvrent à l’insertion professionnelle dans notre société sans que cela n’aboutisse nécessairement à l’obtention d’une carte de séjour.
Les dispositions de l’article L. 313-15 du CESEDA resteraient bien évidemment applicables aux étrangers qui ne seraient pas en mesure de fournir les formulaires CERFA exigés.
Les tribunaux administratifs, statuant dans le cadre de recours contre un refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français, ou OQTF, signifié par certaines préfectures, réaffirment régulièrement que la délivrance d’un titre de séjour sur la base de l’article L. 313-15 du CESEDA n’est pas conditionnée à la production d’un contrat de travail. Or l’harmonisation des pratiques administratives conduit pourtant à ce qu’un tel contrat soit demandé de manière quasi systématique par l’autorité administrative. Cet amendement vise donc à clarifier cette situation.
Le présent amendement vise à créer dans le CESEDA un nouveau cas de non-opposabilité de l’emploi en faveur des étrangers qui ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance. Une telle disposition existe dans le code du travail.
Toutefois, n’ayant pu connaître le nombre de personnes concernées par ce dispositif, j’en appelle à la sagesse du Sénat sous réserve, mon cher collègue, que vous acceptiez de rectifier votre amendement en visant non les dispositions de l’article L. 311-7 du CESEDA, mais celles de l’article L. 313-2 du même code.
Monsieur Leconte, acceptez-vous de rectifier l’amendement n° 57 rectifié dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
Je suis donc saisi d’un amendement n° 57 rectifié bis, présenté par MM. Leconte et Yung et Mmes Yonnet, Espagnac, Jourda et Lepage, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La carte de séjour prévue aux 1° ou 2° est délivrée, sans que lui soit opposable la situation de l’emploi, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 313-2 n’est pas exigé.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ainsi rectifié ?
Cet amendement tend à prévoir la possibilité de délivrer de plein droit une carte de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » à l’étranger pris en charge par l’aide sociale à l’enfance entre seize et dix-huit ans, et justifiant suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle.
Si la situation des mineurs isolés étrangers devenus majeurs fait l’objet d’une attention particulière de la part du Gouvernement, l’entrée et le séjour en France d’un étranger pendant sa minorité ne constituent pas, en règle générale et à eux seuls, un élément de nature à lui reconnaître un droit au séjour à sa majorité.
La situation du mineur isolé devenu majeur ne peut ainsi, eu égard aux conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français, entrer dans le champ d’application de la délivrance de plein droit d’un titre de séjour.
Toutefois, afin de leur assurer une protection effective et de prendre en considération la spécificité de leur situation sur le territoire français, les mineurs étrangers peuvent solliciter, à leur majorité, le bénéfice d’une admission exceptionnelle au séjour, conformément à l’article L. 313-15 du CESEDA.
Ce dispositif permet d’apprécier la situation du mineur devenu majeur au regard de l’ensemble des pièces du dossier, en prenant notamment en compte le caractère réel et sérieux des études ou de la formation suivies.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
Je voudrais rectifier l’un de mes propos : j’ai dit qu’un tel dispositif existait dans le code du travail ; il fallait comprendre qu’il figurait « auparavant » dans ledit code.
Je me félicite d’avoir entendu le ministre souligner à deux reprises l’importance de la problématique des mineurs isolés étrangers devenus jeunes majeurs.
Il me semble nécessaire de clarifier rapidement la situation, notamment en termes de prise en charge. Qui des départements, des caisses d’allocations familiales, de l’éducation nationale doit s’occuper d’eux ? Sans compter les différentes aides dont ils peuvent bénéficier de la part de divers organismes. Entre leur dix-huitième et leur dix-neuvième anniversaire, nous sommes dans le flou, ce qui ne va pas sans poser problème.
M. le ministre a raison de souligner qu’il s’agit d’un vrai sujet ; essayons de le traiter rapidement.
Monsieur Doligé, faut-il abandonner le mineur devenu jeune majeur sur lequel la puissance publique a investi ? Faut-il le laisser sur le bord de la route, quitte à le précariser, une fois sa majorité acquise ?
Cet amendement précise bien que le jeune majeur en question doit justifier suivre « depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française ».
Encore une fois, comment dire à ce jeune ne trouvant pas d’emploi qu’il ne peut rester sur notre territoire parce que, devenu majeur, il est désormais en situation irrégulière ? Ce n’est pas possible.
C'est la raison pour laquelle il nous faut sécuriser les parcours. Plus la zone grise entre droit et non-droit restera importante, moins nous pourrons lutter contre l’immigration irrégulière. Et lutter contre l’immigration irrégulière, c’est sécuriser les parcours et faire en sorte que ceux sur lesquels la puissance publique a investi puissent trouver leur place dans la société française et y occuper un emploi.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 9 adopté.
L'amendement n° 70, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l’article L. 311-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition inclut les contrats d’apprentissage et de professionnalisation. »
La parole est à M. Christian Favier.
Je défendrai en même temps les amendements n° 70 et 71, qui font suite aux débats que nous venons d’avoir. Ils concernent les étrangers âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée. Ils reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, s’ils remplissent toutes les conditions mentionnées à l’article L. 311-3 du CESEDA.
Ces amendements visent à préciser que cette disposition inclut les mineurs souhaitant travailler dans le cadre d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
Cette précision nous a semblé nécessaire au regard des pratiques souvent illégales de certaines préfectures, dénoncées notamment par le Défenseur des droits, qui rendent difficiles l’accès aux contrats d’apprentissage et de professionnalisation pour les mineurs isolés étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, l’ASE.
Effectivement, certains guichets de préfecture, méconnaissant les textes, refusent parfois de délivrer un titre de séjour aux mineurs en question, considérant qu’ils ne sont pas tenus de le faire ou que le contrat d’apprentissage ou de professionnalisation n’entre pas dans la catégorie des activités professionnelles salariées prévues par le CESEDA.
Or, conformément aux articles L. 311-3 et L. 313-11 du CESEDA, les étrangers âgés de seize à dix-huit ans, confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leurs seize ans, qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée, doivent se voir délivrer de plein droit une carte temporaire d’un an les autorisant à travailler.
Par ailleurs, et c’est l’objet de notre amendement n°71, au regard de l’article L. 5221-5 du code du travail, les étrangers autorisés à séjourner en France sont simplement tenus d’obtenir une autorisation de travail s’ils veulent exercer une activité professionnelle salariée. Or les mineurs, notamment ceux qui sont pris en charge par l’ASE, sont par définition autorisés à séjourner en France, l’article L. 311-1 du CESEDA disposant qu’ils ne sont pas tenus de posséder un titre de séjour.
Cela signifie concrètement qu’un mineur étranger pourrait s’adresser uniquement aux services de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, pour obtenir son autorisation de travail, sans passer par le bureau des étrangers.
Ainsi, pour contribuer à mettre un terme à ces défaillances portant atteinte au droit à la formation dont doivent pouvoir bénéficier les mineurs isolés étrangers, pour faciliter leurs démarches et, de fait, leur intégration, je vous invite, mes chers collègues, à voter ces deux amendements.
Cet amendement vise à inclure les contrats d’apprentissage et de professionnalisation dans l’article L. 311-3 du CESEDA. La commission y est défavorable.
En effet, cet amendement est déjà satisfait en l’état du droit, les contrats d’apprentissage et de professionnalisation étant considérés comme des contrats de travail, conformément aux articles L. 6221-1 et L. 6325-3 du code du travail.
L’amendement n° 70 est retiré.
L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 9° de l’article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° À l’étranger victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle entre le moment de la déclaration de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle et la date où son état de santé est consolidé par une décision de la caisse primaire d’assurance maladie ; ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Le présent amendement vise à compléter le 9° de l’article L. 314-11 du CESEDA, selon lequel une carte de séjour temporaire est délivrée à l’étranger titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %.
En effet, il vise à prévoir que l’étranger victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle bénéficie d’un titre de séjour provisoire entre le moment de la déclaration de l’accident du travail, ou de la maladie professionnelle, et la date à laquelle son état de santé est consolidé par une décision de la caisse primaire d’assurance maladie.
Comme le note la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le projet de loi ne modifie pas le 9° de l’article L. 313-11 du CESEDA relatif à la protection du travailleur étranger en situation régulière ou irrégulière victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Aux termes de ce texte, l’étranger ne bénéficie d’aucun titre de séjour entre le moment où il procède à la déclaration de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle et la date à laquelle son état de santé est consolidé par décision de la caisse primaire d’assurance maladie ou la caisse générale de sécurité sociale dans les outre-mer, avec un taux d’incapacité permanente égal ou supérieur à 20 %.
Aucune raison objective ne peut justifier ce traitement défavorable infligé à cette catégorie d’étranger. Nous souhaitons en conséquence pérenniser le séjour de l’étranger concerné pendant ce délai.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire d’un an à un étranger victime d’un accident du travail.
Par rapport au droit en vigueur, il ne serait plus nécessaire d’attendre l’attribution d’une rente par les organismes sociaux pour obtenir un titre de séjour.
Or l’évaluation du taux d’invalidité et l’attribution de cette rente sont nécessaires pour que l’autorité préfectorale puisse vérifier que les critères d’attribution du titre de séjour sont bien remplis.
En outre, le taux d’incapacité minimum n’est pas précisé par le présent amendement, et tout accident du travail pourrait donc justifier la délivrance d’un titre, ce qui paraît excessif.
Admettre la possibilité de délivrer de plein droit, comme le prévoit cet amendement, une carte de séjour temporaire à un étranger, risquerait d’encourager les dépôts de demandes infondées.
En outre, un document provisoire tel que vous le préconisez relève davantage de la catégorie des récépissés et des autorisations provisoires de séjour que de celle des titres de séjour.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M’en remettant à la sagesse de la commission et de M. le ministre, je retire cet amendement.
L’amendement n°32 rectifié est retiré.
L'amendement n° 71, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail, après les mots : « en France », sont insérés les mots : «, et à l’étranger âgé de seize à dix-huit ans, pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, sans que la détention d’un titre de séjour lui soit opposable, ».
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Le présent amendement tend à inscrire dans le code du travail que les mineurs admis à l’ASE après l’âge de seize ans peuvent obtenir une autorisation de travail pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
En l’état du droit, il semblerait qu’ils aient accès à une autorisation de travail délivrée au cas par cas par la DIRECCTE, aux termes d’une circulaire du 5 octobre 2005.
Ces cas étant peu fréquents, la commission, qui s’en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée, souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Cet amendement prévoit la délivrance de plein droit d’une autorisation de travail à l’étranger âgé de seize à dix-huit ans et pris en charge par l’ASE pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
Comme j’ai eu l’occasion de le préciser précédemment, le mineur isolé qui souhaite suivre une formation sous contrat d’apprentissage ou de professionnalisation n’est pas soumis à l’obligation de détenir un titre de séjour. Pour suivre sa formation en alternance, il lui appartient de solliciter une autorisation provisoire, qui est examinée dans des conditions assouplies, conformément aux dispositions de l’article R. 5221-22 du code du travail.
Cependant, il n’apparaît pas justifié de rendre automatique la délivrance de cette autorisation, dans la mesure où la délivrance d’un titre de séjour, lorsque le jeune atteint sa majorité, est elle-même soumise à certaines conditions.
Afin de simplifier l’instruction des demandes et d’assurer une application homogène sur le territoire national, une instruction interministérielle relative à la situation des mineurs isolés étrangers sera prochainement publiée. Elle illustre la volonté d’une action commune et nationale, associant plusieurs ministères, et souligne l’importance de mobiliser tous les services de l’État sur la question des mineurs isolés.
Dans ces conditions, le Gouvernement vous demande, monsieur Favier, de bien vouloir retirer votre amendement.
L’amendement n° 71 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.