Je reviens sur le CICE et ses lourdeurs. Il y a eu un temps d'apprentissage en 2013, notamment sur le plan comptable. Aujourd'hui, les entreprises se sont approprié ce dispositif. Quand le bénéfice de ce dispositif est marginal, les entreprises peuvent décliner ce CICE, mais il s'agit toutefois de cas marginaux.
Je partage vos constats sur l'apprentissage. Le Gouvernement a d'ailleurs mis en avant la nécessité de faire des efforts dans ce domaine. Notre système ne fonctionne pas bien alors même qu'il existe des moyens publics. Le système allemand est éloigné du nôtre. En Allemagne, l'orientation est précoce, l'apprentissage fait partie de la norme sociale tandis qu'il demeure dévalorisé en France. Parmi les éléments positifs, je souhaiterais rappeler que nous avons progressé dans la formation des nouvelles générations, 40 % d'entre elles vont à l'université.
S'agissant de la réduction des dépenses publiques, la méthode du rabot est largement employée en France : on contient les dépenses plutôt que d'opérer des choix. Dans certains domaines, les dépenses publiques doivent être restreintes tandis que dans d'autres, l'intervention publique demeure nécessaire. Il faut opérer des choix, en faisant par exemple des revues stratégiques de dépenses. Par ailleurs, certaines dépenses servent à pallier les dysfonctionnements du marché. Je pense par exemple au logement pour lequel nous consacrons deux points de PIB, avec des résultats médiocres. La construction étant dans une situation difficile, on ne souhaite pas réduire les efforts, mais structurellement ce n'est peut-être pas la meilleure manière d'utiliser l'argent public.
Nous ne ferons pas les mêmes choix que les États-Unis et l'Australie sur les politiques en matière de gaz de schiste. Nous n'avons pas le même environnement. Avons-nous raison d'interdire toute expérimentation ? Ça peut se discuter. Il ne faut pas croire que sur ce sujet nous aurions des mutations qui nous mettraient à égalité avec des pays qui disposent d'un potentiel énergétique considérable et qui peuvent reconstruire une stratégie de réindustrialisation sur le faible coût de l'énergie. Nous avons bénéficié des coûts faibles d'énergie avec le nucléaire. Cependant ce facteur de compétitivité s'érode.
S'agissant du programme d'investissements d'avenir (PIA), le commissariat général à l'investissement nous a demandé d'examiner les performances des PIA 1 et PIA 2 afin de faciliter les choix lors de l'élaboration du PIA 3. J'ai mis en place une commission présidée par M. Philippe Maystadt, ancien président de la Banque européenne d'investissement, qui est chargée de donner des éléments de diagnostic d'ici février-mars 2016. Comme pour le CICE, des évaluations du PIA ne pourront être réalisées que lorsque les programmes auront complètement produit leurs effets, soit d'ici cinq à dix ans.
Sur la baisse du coût du travail, la France se caractérise par des exonérations de cotisations sociales, pour avoir à la fois un salaire minimum net relativement élevé, une protection sociale et un coût du travail qui ne nous pénalisent pas. L'effort budgétaire est en conséquence considérable.
S'agissant des start-up et de l'innovation, nous avons une culture d'ingénieur, d'inventeur mais nous ne sommes pas un pays de « perfectionneurs ». Nous avons une tradition d'innovation radicale qui se revivifie quand on voit le nombre de diplômés qui choisissent l'aventure des start-up. Les dispositifs de soutien sont importants, foisonnants. Il faut ici encore s'interroger pour savoir lesquels sont les plus efficaces. Il faut permettre aux start-up de se développer rapidement. La vitesse de développement est en effet un facteur essentiel du succès. La France est bien positionnée sur la première phase de création d'entreprise, cependant la phase de croissance demeure problématique.
Enfin, sur l'impact des technologies sur l'emploi, les études menées aux États-Unis montrent que le progrès technique crée des emplois très qualifiés, des emplois peu qualifiés et détruit des emplois intermédiaires. C'est très différent de ce qu'on pouvait observer il y vingt -trente ans où l'emploi qualifié augmentait tandis que l'emploi peu qualifié diminuait. On n'observe pas exactement ce phénomène en France, mais je pense qu'on est qualitativement dans le même type d'évolution.