Intervention de Roger Karoutchi

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 octobre 2015 à 9h30
Loi de finances pour 2016 — Mission « immigration asile et intégration » - examen du rapport de m. roger karoutchi rapporteur spécial

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi, rapporteur spécial :

Je veux tout de suite rassurer François Marc : ma réserve vise à attendre la répartition précise des annonces, mais elle s'oriente plutôt vers un vote négatif. Un budget doit être adapté aux réalités. Vous me dites que le budget de cette mission est en augmentation par rapport aux budgets précédents. Mais la situation a complètement changé cette année et nous le savons depuis le mois de juin lorsqu'a eu lieu la première répartition européenne, dont nous pouvions nous douter qu'elle ne serait pas la dernière. J'attends les 279 millions d'euros et leur répartition pour savoir exactement ce qu'il en est, mais cela fait des années que nous signalons que cette mission est sous-budgétée. Je ne suis pas hostile à l'idée que notre politique d'accueil des étrangers soit dynamique, encore faut-il y mettre les moyens !

Le Gouvernement a évoqué 279 millions d'euros supplémentaires. L'Allemagne avait prévu dans le budget 2016 des moyens en très nette augmentation par rapport à 2015 et, avec l'afflux des migrants, a préparé un plan avec 6 à 7 milliards d'euros de plus par rapport à ses prévisions initiales ! L'équivalent allemand de l'Ofpra va recruter 2 000 personnes alors que l'Ofpra ne comptera que 540 employés en 2016, même avec les augmentations de poste. Le directeur de l'Ofpra, que j'ai entendu, m'a dit qu'il était satisfait des créations de postes dont il bénéficiera, pourvu qu'il n'ait pas à accueillir d'étrangers supplémentaires. S'il en recevait 31 000 de plus, il aurait besoin de 50 à 100 postes immédiatement. Sont-ils comptabilisés dans les 279 millions d'euros ? Je ne sais pas. En tout état de cause, il m'a rappelé que, même si le Parlement voulait que le traitement des demandes d'asile soit effectué en 90 jours au maximum, le chiffre réel s'établissait à 200 jours en juin 2015. Les 90 jours ne pourraient être atteints qu'à la condition de ne pas recevoir d'étrangers supplémentaires ou en bénéficiant de 100 nouveaux postes pour accueillir 31 000 migrants de plus.

Je voudrais ajouter que le chiffre de 31 000 n'est d'ailleurs pas du tout crédible, ne serait-ce que parce que ces migrants bénéficieront ensuite du droit au regroupement familial. En outre, l'afflux de migrants va se poursuivre dans les années à venir...

Puisque l'on sait ce qui va se passer, pourquoi ne pas en tirer les conséquences financières dans le projet de loi de finances ? Le rythme de création de nouvelles places en CADA est très inférieur à l'augmentation du nombre de migrants sur notre territoire ! Il n'y a pas d'efforts en matière d'apprentissage du français, en matière d'intégration, le regroupement familial est passé sous silence...

Indéniablement, beaucoup de vous l'ont dit, la charge du RSA pèsera sur les départements. Pour 15 000 réfugiés, la charge annuelle du RSA représente 80 millions d'euros pour les départements. Si on en accueille 31 000, cela signifie 160 millions d'euros de charges RSA ! Les associations aussi sont très inquiètes : il faut un véritable accompagnement social des réfugiés.

Un plan d'ensemble réunissant tous les acteurs et répartissant clairement les rôles est indispensable. Je suis pour ma part favorable à un véritable plan CADA, lieu qui permet un accompagnement approprié. Au total, fin 2017, on aura 33 000 places de CADA : mais si on a les 65 000 demandeurs d'asile classique et 31 000 demandeurs supplémentaires, ce sera complétement insuffisant.

En conclusion, pour répondre à François Marc, s'il n'y avait pas de crise en Europe je vous dirais que ce budget va dans le bon sens, même s'il est sous-budgété. Mais nous allons subir les conséquences de la crise migratoire et il faudra mettre en place un plan pluriannuel à la hauteur de la situation, comme l'a fait l'Allemagne.

À l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

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