Intervention de Christian Favier

Réunion du 8 octobre 2015 à 14h30
Droit des étrangers en france — Article 22

Photo de Christian FavierChristian Favier :

Le paragraphe II de l’article 22 permet à l’autorité administrative de demander au juge des libertés et de la détention l’autorisation de requérir les services de police ou les unités de gendarmerie pour interpeller l’intéressé à son domicile afin de le reconduire à la frontière ou, si le départ n’est pas possible immédiatement, pour lui notifier une décision de placement en centre de rétention. Or le domicile fait l’objet d’une protection particulière en droits français et européen. Selon la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme, le domicile s’entend comme le lieu où une personne réside de façon permanente ou avec lequel elle a des liens suffisants et continus et recouvre donc tous les lieux où l’étranger peut être assigné à résidence.

L’inviolabilité du domicile se fonde sur le droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 9 du code civil et par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle est également l’une des dimensions de la liberté individuelle, définie à l’article 66 de la Constitution.

L’inviolabilité du domicile trouve des exceptions strictement définies par le droit pénal.

La loi du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour supprime le délit de séjour irrégulier et interdit donc de placer en garde à vue des étrangers au seul motif de l’irrégularité de leur séjour, conformément à la jurisprudence européenne reprise par la Cour de cassation. L’interpellation et l’éloignement des étrangers en séjour irrégulier ne relèvent plus donc du droit pénal, mais exclusivement du droit administratif. Dès lors, les exceptions pénales à l’inviolabilité du domicile ne sont pas applicables. L’interpellation de la personne intéressée à son domicile doit donc être exclue, comme le préconise également le Défenseur des droits.

À l’illégalité de l’interpellation à domicile s’ajoute l’étroitesse des délais d’intervention, puisque le juge des libertés et de la détention saisi par requête statue dans les vingt-quatre heures. Son rôle dans la procédure reste d’ailleurs formel, puisqu’il n’exerce aucun réel contrôle de fond. Il se limite en effet à « s’assurer du caractère exécutoire de la décision » et, si nécessaire, à « se déplacer sur les lieux pour veiller au respect des dispositions légales ». Une telle intervention ne semble pas conforme aux exigences constitutionnelles, aux termes desquelles « l’intervention de l’autorité judiciaire doit être prévue pour conserver à celle-ci toute la responsabilité et tout le pouvoir de contrôle qui lui reviennent ».

Le souci d’efficacité d’éloignement du territoire qui nécessite le recours à la force publique manque décidément de garanties matérielles et procédurales. La procédure décrite aux alinéas 15 à 20 de l’article 22, même si elle encadre la procédure applicable, est disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi et contraire au droit au respect de la vie privée et familiale ; elle consacre en effet une approche pénale de l’interpellation de l’étranger, prohibée par le droit européen.

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer la possibilité d’interpellation de l’intéressé à son domicile.

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