Par ailleurs, il est regrettable que cette commission se soit si souvent transformée en une commission sur la laïcité, avec une vision biaisée d’une laïcité qui exclut plutôt et stigmatise souvent.
Un certain nombre des propositions de ce rapport vont dans ce sens. Il en est ainsi des mesures discriminatoires ou répressives, comme la suppression des allocations familiales, l’évaluation, dont on a du mal à cacher qu’elle fonctionnera comme une sanction et un barrage en CM2, ou encore la création d’établissements spécialisés pour des jeunes difficiles, pour ne citer que ces quelques exemples.
Je regrette que certains de nos collègues se lancent ainsi, peut-être à l’approche d’échéances électorales, dans une course plutôt démagogique où ils dressent un tableau apocalyptique de notre école, qui serait rongée par un intégrisme larvé.
Je ne peux que marquer mon désaccord avec les préconisations du rapport et la proposition de loi de M. Grosperrin qui en découle. Je vois surtout quelques propositions qui n’en sont pas vraiment, car elles sont déjà satisfaites, comme le fait de faire figurer les emblèmes de la République au fronton de nos écoles, le meilleur signalement des absences et l’organisation d’un débat au Parlement, ou de simples propositions de bon sens, qui s’imposent sans qu’il y ait lieu de légiférer en grande pompe, comme le fait de mieux faire remonter les incidents, de veiller à une meilleure concentration des élèves, de remplacer systématiquement les enseignants en zone difficile et de ne pas y nommer de débutants, ou encore de requalifier la formation continue.
Pour le reste, les propositions sont marquées du sceau de la division entre les citoyens. Cette fuite en avant, cette recherche de la norme ethnocentrée ne peuvent que nous conduire à un désastre et à une guerre de tranchées dans les écoles, alors même que notre République s’est construite et affermie sur la rencontre de composantes hétérogènes qui s’enrichissent mutuellement.
Le rejet de ce rapport, globalement, par la communauté scolaire ne doit pas être vu comme une manifestation de plus du « mammouth scolaire », qui s’opposerait à tout changement.
Les enseignants le savent bien : on ne décrète pas l’efficacité de l’imprégnation des valeurs républicaines. C’est le résultat d’une alchimie complexe dans laquelle l’enseignant est un vecteur essentiel qui doit avoir les moyens de donner son cours, mais aussi de faire vivre sa classe par la reconnaissance et le respect de la diversité, ainsi que par l’esprit critique.
L’enseignement des valeurs républicaines passe par l’enseignement de symboles, par le biais de cours d’enseignement civique, d’histoire, de géographie et de français. Certes ! Pour autant, les programmes scolaires doivent permettre la transmission des valeurs de la République, non pas comme un étendard porté aveuglément, mais plutôt comme une prise de conscience de ses bienfaits.
À ce titre, l’instauration de rites républicains comme une fin en soi paraît au mieux inefficace, ne constituant qu’un vernis, au pire tout à fait contre-productive.
Je rappelle notre attachement au métier d’enseignant, à sa revalorisation, à son autorité – les deux étant liés –, qui passe par la formation initiale, la formation continue, les conditions de travail et la rémunération. Nous sommes en revanche opposés à la restauration de cette autorité de façon factice, selon des préceptes d’un autre temps. Les coups de règle sur les doigts en feraient-ils rêver certains ?
L’alchimie dont je parlais se construit et doit trouver son ancrage dans la démonstration irréfutable que la République est efficace et qu’elle est le régime politique le plus favorable au citoyen. L’école est, là, en première ligne.
Les attaques des gouvernements que la droite sénatoriale a soutenus ont mis à mal l’idéal républicain de l’école : suppression de la formation des enseignants, entrave à la scolarisation pour les moins de trois ans, concurrence entre les établissements, carte scolaire, réduction des personnels et des moyens de fonctionnement – RGPP oblige ! L’ensemble de ces mesures a affaibli l’école et terni l’image d’une école émancipatrice, capable de réduire les inégalités entre les enfants et permettant l’intégration de tous dans notre société.