Séance en hémicycle du 12 octobre 2015 à 16h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 8 octobre 2015 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

En application de l’article 57 de la Constitution et de l’article 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, il a été pris acte de la cessation, à compter du dimanche 11 octobre 2015 à minuit, du mandat de sénateur de M. Jean-Jacques Hyest, nommé membre du Conseil constitutionnel.

En application de l’article 32 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître à M. le président du Sénat qu’en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Anne Chain-Larché est appelée à remplacer M. Jean-Jacques Hyest en qualité de sénateur de Seine-et-Marne.

Son mandat a débuté le lundi 12 octobre 2015, à zéro heure.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite à Mme Anne Chain-Larché la plus cordiale bienvenue et j’ai une pensée pour le président Jacques Larché, notre ancien collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 26 août 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger :

- à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Jean Jacques Hyest, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Alain Vasselle, démissionnaire ;

- à la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean Jacques Hyest, dont le mandat de sénateur a cessé.

Ces candidatures ont été publiées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale à l’outre-mer, en remplacement de M. Alain Fouché, démissionnaire.

Cette candidature va être publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession, organisé à la demande de la commission d’enquête (rapport d’information n° 590 [2014-2015]).

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, mes chers collègues, mercredi 1er juillet, la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession m’a fait l’honneur d’adopter mon rapport.

Le débat d’aujourd’hui sur les conclusions de notre commission fait écho à l’avant-propos de mon rapport et aux deux maîtres mots qui m’avaient guidé tout au long de ce travail : sortir du déni face à un ensemble de problèmes et de difficultés connus depuis longtemps, mais face auxquels les pouvoirs publics n’ont pas véritablement réagi, et libérer la parole, à commencer par celle des personnels de l’éducation nationale qui vivent ces difficultés au quotidien.

Nous avons réalisé un travail en profondeur, sans exclusive ni esprit partisan. Il a permis d’aboutir à trois constats, qu’ont clairement mis en évidence nos auditions, nos visites et le vécu de la quasi-totalité des personnes entendues.

Premier constat : les incidents de janvier 2015 ont été un nouveau révélateur.

Si des incidents sont survenus dans de nombreuses écoles lors de la minute de silence, les services de l’éducation nationale ont été incapables de les quantifier. Le ministère a évoqué environ 200 incidents. Selon nos décomptes, il y en aurait plus du double, mais ce nombre est sans doute fortement sous-évalué, car une proportion significative d’incidents ne remontent pas.

Lors de son audition du 2 juin, la ministre avait quant à elle fait part de 816 signalements, mais il s’agit de faits de radicalisation, qu’il ne faut pas confondre avec les incidents dont on parle. Ce chiffre est à ce jour sous-estimé, voire dépassé.

Avec le recul, la minute de silence partait sans doute d’une bonne intention, mais elle a souffert d’une totale impréparation. Ce genre d’exercice n’était peut-être pas approprié pour traiter de la question. Comme l’a dit un de nos interlocuteurs, la compassion ne se décrète pas !

Dans tous les cas, la minute de silence aurait dû être précédée d’une « heure de parole », pour reprendre l’expression de la présidente de la commission d’enquête, Mme Françoise Laborde.

Mais l’essentiel est ailleurs : si les incidents de janvier n’ont pas affecté de manière grave le service public de l’éducation, ils ont révélé un état d’esprit, et même un malaise profond, que le rapport Obin, il y a dix ans, avait déjà parfaitement diagnostiqué.

Deuxième constat : le sentiment d’appartenance se délite. Le malaise de l’école est en bonne part lié au délitement du sentiment d’adhésion de beaucoup de jeunes à des valeurs qu’ils ne connaissent pas bien ou que, pour certains, ils rejettent.

De quelles valeurs parle-t-on ? Pour faire simple, j’ai gardé l’expression « valeurs républicaines », mais il serait plus judicieux de parler des « valeurs de l’école républicaine », sur lesquelles devraient s’accorder tous les membres de la communauté éducative. Elles incluent la laïcité et la neutralité des enseignements, l’égalité de tous sans considération d’origine, de religion ou de croyance, une stricte égalité entre les filles et les garçons, la conviction que l’émancipation de chacun passe par le savoir plutôt que par les dogmes, le respect mutuel entre tous les membres de la communauté éducative, ainsi que le crédit attaché à la parole de l’enseignant.

Cette liste n’est bien sûr pas figée et ces valeurs se déclinent au quotidien à tous les instants de la vie scolaire.

La laïcité reste la première de ces valeurs, car c’est par la laïcité que l’école parvient à assurer le vivre ensemble, sans distinction d’origine ou de confession religieuse, et la neutralité des enseignements.

Nos travaux avaient aussi montré, chez certains jeunes, une difficulté à se reconnaître membre à part entière de la communauté nationale, au profit d’autres repères identitaires comme le quartier, le groupe ethnique, la communauté religieuse, la nationalité des parents. Le problème est que ces groupes ont leurs propres lois, leurs codes, leurs repères, leurs croyances, ce qui place les élèves en porte à faux.

En tout état de cause, je considère que ces « valeurs particulières » ne doivent pas prendre le pas sur celles de la République, car la République est la seule à garantir à tous l’égalité devant ses lois, sans considération d’origine, de religion ou de croyance.

Si les valeurs de la République sont méconnues, voire rejetées, c’est parce que – l’avis est presque unanime – le mode actuel de transmission de nos valeurs nationales par l’école laisse fortement à désirer. Les enseignants sont d’ailleurs les premiers à le déplorer, eux qui ont un besoin de soutien dans cette mission essentielle.

Il est évident que la précarité économique et sociale des quartiers, le chômage et les phénomènes de ghetto ne facilitent pas l’adhésion aux valeurs traditionnelles prônées par l’école.

Les enseignants eux-mêmes subissent une dégradation constante de leur statut, à la fois matériel et social.

Aujourd’hui, la parole du professeur est de plus en plus concurrencée : généralisation du relativisme, envahissement du « bruit numérique », travail de sape des théories du complot...

Certes, le temps des fameux « hussards noirs de la République » est derrière nous, mais leur mission de transmission des valeurs demeure pleinement légitime.

Si elle veut contrer les dérives et restaurer les canaux de transmission du sentiment d’appartenance, l’école doit redonner à ses enseignants confiance en eux-mêmes ; c’est la première des priorités pour que, à leur tour, les professeurs soient à nouveau en mesure de transmettre des valeurs qui soient perçues non pas comme des contraintes imposées, mais comme des facteurs d’émancipation et de libre arbitre.

Troisième constat : la perte des repères résulte d’un certain nombre de fragilités structurelles. Nos travaux ont mis en évidence un certain nombre d’entre elles - elles sont largement détaillées dans notre rapport - auxquelles nous devons apporter des solutions ambitieuses.

Sans les énumérer toutes, je crois indispensable de pointer celle qui me paraît la plus grave : aujourd’hui, un taux considérable d’élèves ne maîtrise pas le socle de connaissances et de compétences requis à leur niveau, en particulier en français. Ce problème avait été soulevé par de très nombreux enseignants lors des auditions, et il apparaît clairement dans toutes les grandes enquêtes internationales sur les résultats de notre système d’enseignement.

Pour y remédier, la commission d’enquête suggère de travailler dans deux directions, vers les élèves, d’un côté, vers les enseignants, de l’autre.

Les élèves, d’abord : trop de jeunes arrivent en sixième sans maîtriser le français. Dès lors, comment leur transmettre des valeurs dans une langue qu’ils ne comprennent même pas ?

Nous proposons donc – c’est l’une de nos propositions fortes - d’investir massivement dans l’apprentissage du français dès la maternelle, à l’école primaire et au collège. Dans mon esprit, une maîtrise suffisante du français en fin de CM2 doit devenir une condition de l’accès en sixième.

Les enseignants et l’institution scolaire, ensuite : il faut en priorité – c’est la priorité la plus flagrante - revoir la formation des enseignants, surtout la formation continue, qui est en totale déshérence.

Par ailleurs, il faut permettre à l’école républicaine de pratiquer de manière tangible et au quotidien les valeurs qu’elle est chargée de transmettre, notamment en favorisant certains rites républicains. Loin de moi l’idée d’imposer une sorte de catéchisme laïc ! Il s’agit simplement de marquer un certain nombre de repères bien visibles favorisant l’émergence du sentiment d’adhésion.

Je crois indispensable d’associer les parents à cet effort et de les responsabiliser, car l’éducation ne s’arrête pas à la sortie de l’école : les familles sont à 100 % parties prenantes de ce processus.

Vous noterez que nous n’avons pas proposé de réforme institutionnelle majeure : l’idée était non pas de revenir sur la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, mais de faire en sorte que cette loi s’applique mieux et qu’elle favorise une authentique transmission des valeurs de la République.

En revanche, il a semblé à beaucoup d’entre nous que le Parlement n’était pas assez associé à la définition des choix stratégiques qui organisent l’école et qui, comme tels, déterminent la formation des citoyens de demain, même si les assemblées votent des lois comme celle de juillet 2013 et que, chaque année, nous avons un débat sur les crédits de l’enseignement.

Aussi, sur un thème aussi fondamental, le débat d’aujourd’hui trouve toute sa pertinence. À cet égard, nous regrettons fortement l’absence de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ou de son secrétaire d’État, dont la présence aurait été un signal fort en direction des sénateurs et une marque d’intérêt pour la politique éducative.

Les représentants de la Nation doivent débattre plus régulièrement, et ce dans un cadre adapté, des orientations et des problématiques de l’éducation nationale, cette dernière constituant le premier poste du budget.

Mes chers collègues, vous connaissez les propositions de la commission d’enquête, organisées en quatre axes prioritaires. Elles sont encore plus nécessaires au regard de l’actualité. Permettez-moi de vous les rappeler : il faut favoriser le sentiment d’appartenance et l’adhésion de tous aux valeurs de la citoyenneté ; restaurer l’autorité des enseignants ; mettre l’accent sur la maîtrise du français, mieux responsabiliser tous les acteurs.

J’en tire au moins deux certitudes. La première est que nous avions dressé un constat général objectif qui, à mon avis, ne peut qu’être partagé par tous ceux qui ont participé à nos travaux ; la seconde est que l’école de la République est confrontée à une crise grave du fait de constantes revendications mettant en danger le respect de la laïcité dans son fonctionnement.

C’est pourquoi, à la suite de cette commission d’enquête, j’ai déposé une proposition de loi, cosignée par près de trente de nos collègues, visant à renforcer les repères républicains dans le fonctionnement du service de public de l’éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Les mesures les plus importantes portent sur trois axes.

Premièrement, nous proposons une tenue vestimentaire uniforme pour les élèves, complétée par l’interdiction d’une tenue vestimentaire manifestant une appartenance religieuse étendue aux parents accompagnateurs lors des sorties scolaires, lesquels doivent être considérés comme des collaborateurs occasionnels du ministère de l’éducation nationale. On a d’ailleurs vu des mères porter le voile en déposant leurs enfants à l’école le matin, puis accompagner une classe dans la journée, tête découverte. La règle étant comprise, à nous, législateurs, d’être clairs et fermes.

Deuxièmement, l’accès au collège doit être subordonné à une maîtrise suffisante du français, dont on sait qu’il constitue l’assise nécessaire de tous les autres savoirs, le socle du socle.

Troisièmement et enfin, les allocations familiales doivent être modulées à la baisse en cas d’absentéisme.

Mme Maryvonne Blondin manifeste son désaccord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Grosperrin

Nous avons retenu cette mesure pour aider les conseillers principaux d’éducation.

Mes chers collègues, vous l’avez compris, la défense de l’école républicaine et la promotion des valeurs de la République à l’école doivent être un combat de tous les instants, le combat de chacun d’entre nous.

Nous le savons, l’école ne peut répondre seule à tous les problèmes, mais elle ne doit pas être une exception. Comme le disait Régis Debray, elle doit être caractérisée par une enceinte et par un règlement.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de saluer le rapporteur de la commission d’enquête, Jacques Grosperrin, qui vient de s’exprimer, ainsi que Mme Laborde, présidente de cette commission, qui ne peut être présente parmi nous aujourd’hui. Elle est en effet retenue dans son département par des engagements pris avant que la date de ce débat ne soit fixée.

Je remercie sincèrement Mme Laborde et M. Grosperrin d’avoir pensé à associer la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à leurs travaux, en amont de leur restitution, et notamment de leur présentation à la presse, il y a quelques semaines de cela. Je leur sais gré de cette marque de confiance, et de cette attention.

À cet égard, je souligne combien il est important de corréler les travaux des instances de contrôle parlementaire avec ceux des commissions permanentes.

Bien sûr, en tant que présidente de la commission de la culture, je serai particulièrement attentive au débat qui va avoir lieu. Au demeurant, je note que plusieurs membres de notre commission y prennent part. Ces échanges vont nécessairement nourrir notre réflexion au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

… madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, en préambule à mon intervention, je tiens à saluer la qualité du travail mené par cette commission d’enquête et la très bonne direction proposée pour notre école à travers ses préconisations.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous avez le soutien du FN, monsieur le rapporteur ! Cela devrait vous faire réfléchir…

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Monsieur le rapporteur, permettez-moi un léger bémol : pourquoi, quand vos amis étaient au pouvoir, il n’y a pas si longtemps, n’ont-ils pas mis en œuvre ces mesures ? C’est là la vraie question. Comme sur tant de sujets, la droite est forte dans ses propositions lorsqu’elle est dans l’opposition, mais bien faible lorsqu’elle a la possibilité de les mettre en œuvre.

Toutefois, ne boudons pas notre satisfaction. Vos propositions vont dans le bon sens…

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

… et rejoignent, pour un grand nombre, celles que contient depuis longtemps le projet du Front National. Ces mesures visent à redonner ses lettres de noblesse à l’école, qui est malheureusement devenue depuis des décennies le terrain de jeu de l’idéologie libertaire post soixante-huitarde, bien représentée ici.

Sourires sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Quelle mission pour l’école ? C’est la question fondamentale dans ce débat. Pour y répondre, je reprends volontiers les propos de M. François-Xavier Bellamy, jeune philosophe auditionné par votre commission : la mission propre de l’école est « la transmission du savoir et de la culture ». Il me semble nécessaire que les enseignants retrouvent ce rôle, si beau, de passeur, de transmetteur.

Transmettre quoi ? Les savoirs, à commencer bien sûr par notre langue. À cet égard, je rejoins totalement les propositions de votre troisième axe, monsieur le rapporteur.

Néanmoins, il faut également transmettre la culture, c’est-à-dire notre histoire, qui, je le rappelle, n’a pas commencé en 1789, voire en 1793, comme semble le considérer la gauche de cet hémicycle. Nos héros, et nos héroïnes, tout aussi nombreuses, nos valeurs, nos arts… La liste est suffisamment longue pour que l’on se concentre d’abord, à l’école, sur ces sujets.

Vous faites le constat que la société va mal et que la décadence de l’école, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

… à l’œuvre depuis des décennies, en porte une large responsabilité.

Vous constatez que des jeunes Français, convertis, partent faire la guerre en Syrie contre nos valeurs, alors même qu’ils ont été formés et, en réalité, déformés par nos écoles et, plus largement, par notre société !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

Pourquoi ? Parce que vous ne leur avez jamais proposé, spécialement via l’école, de s’inscrire dans le roman national. Vous ne leur avez jamais proposé de héros ni d’idéal. Bref, vous ne leur avez jamais proposé de grands penseurs, dignes de celui qui, à la fin du XIXe siècle, déclarait : « À qui veut régénérer une société en décadence, on prescrit avec raison, de la ramener à ses origines ».

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et vous, qui vous a formé ? Les pétainistes ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Rachline

À ce titre, je me réjouis de cette prise de conscience qui transparaît dans les préconisations de votre axe n° 1, sur le sentiment d’appartenance nationale.

Pour conclure, je tiens à dire que le débat de ce jour me semble éminemment plus important que celui qui nous a occupés depuis des mois, sur les rythmes scolaires, malgré les difficultés opérationnelles que connaît leur mise en œuvre.

Depuis des décennies, les réformes de l’école se sont focalisées sur la forme et non sur le fond, qui, lui, était modifié en profondeur, mais en toute discrétion. Je crois que, malheureusement, cela était voulu.

Ce rapport marque une réelle prise de conscience, et j’espère que les mesures qu’il contient seront mises en œuvre rapidement pour redresser notre école. C’est là le préalable au redressement de notre pays, tant attendu par nos compatriotes !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous dire que mon discours aura une tonalité légèrement différente du précédent...

Heureusement ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

En effet, je suis, personnellement, un enfant de l’école publique et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Nous sommes nombreux à l’être dans cet hémicycle !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Or les valeurs que dispense cette école publique et républicaine sont, à mes yeux, essentielles pour former des citoyens.

Bien entendu, cela ne signifie pas que notre modèle scolaire, bâti au XIXe siècle, ne peut connaître aucune évolution. Mais les axes de référence demeurent inchangés, n’en déplaise à certains.

Cette mise au point étant faite, je vous prie d’excuser l’absence de ma collègue Françoise Laborde. En tant que présidente de la commission d’enquête, elle avait demandé la tenue de ce débat, mais la date finalement retenue pour son inscription à notre ordre du jour ne lui permet pas d’être parmi nous, en raison d’engagements auxquels elle ne peut se soustraire. Elle m’a chargé de vous dire combien elle était satisfaite d’avoir pu conduire ce travail de fond, durant six mois, aux côtés des membres de la commission d’enquête et des services du Sénat qui les ont assistés.

Une seule équipe pédagogique a refusé de faire part de ses expériences à la commission d’enquête, sur les 170 personnes rencontrées hors les murs. À cette exception près, la parole s’est libérée, sans tabou. Les faits relatés, les souffrances morales, la passion et les compétences se sont dévoilés pour être partagés.

Il est inutile de revenir sur les événements qui ont servi de justification à la création de cette instance de contrôle, à la demande du groupe Les Républicains : le rapport les développe largement.

Madame la secrétaire d’État, en tant que présidente de la commission d’enquête, Françoise Laborde tient néanmoins à vous faire part de sa satisfaction. En effet, certaines des préconisations formulées par la commission d’enquête, parmi celles qui lui tenaient le plus à cœur, ont d’ores et déjà été reprises dans les annonces de la rentrée scolaire. C’est le cas, notamment, de la priorité donnée à l’apprentissage du français.

Dans ce domaine, la simplicité est certainement la plus grande des qualités. À ce titre, je ne résiste pas à la tentation de citer, sans préciser son nom, un précédent ministre, qui avait signé la préface d’un ouvrage de pédagogie, dont on pouvait dès lors considérer qu’il l’avait lu. Évoquant les enfants jouant dans la cour de récréation, sans doute avec un ballon de rugby, il avait eu cette phrase magnifique pour illustrer un propos principalement consacré à la simplicité : « Les apprenants tentent de maîtriser le paramètre rebondissant aléatoire dans un espace interstitiel de liberté. »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

M. François Fortassin. Tout le monde l’aura compris, en la matière, la simplification était au rendez-vous…

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Mais j’en reviens au rapport, qui conclut à la nécessité de donner priorité à l’apprentissage du français, par un plan d’action global pour la maîtrise de la langue, ou encore à la formation des enseignants et à la grande mobilisation de l’école sur les valeurs de la République, « pour une école exigeante pour la réussite de tous les élèves, une école dans laquelle tous les élèves acquièrent les connaissances, les compétences et la culture requises dans notre société, une école qui permet, à tous, de mieux apprendre. »

Mes chers collègues, quand il s’agit d’affirmer des convictions profondes, je ne recule pas devant l’idée d’égratigner certaines personnes. Moi qui suis laïque jusqu’au bout des ongles et qui, dans une vie antérieure, ai été professeur d’histoire-géographie, je serais heureux que la notion de laïcité imprègne l’ensemble des enseignants de l’école publique, pour ne pas dire la totalité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… et ce n’est pas en cachant cette réalité que l’on améliorera les choses.

Dès l’instant où l’on s’engage dans cette profession, on doit en avoir les bénéfices, qui, c’est clair, ne sont pas financiers, mais qui se traduisent par une grande richesse, sur les plans du contact avec les élèves comme de la connaissance. Néanmoins, on doit également répondre aux exigences que la société peut fixer pour l’ensemble du corps enseignant de ce pays.

Ce n’est pas, de ma part, une critique violente ou virulente. C’est tout simplement un constat de bon sens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Ensuite, l’école ne peut pas résoudre tous les problèmes de notre société. On ne peut pas tout lui demander !

Enfin, l’éducation nationale, institution de la République, doit fonctionner de manière identique sur l’ensemble du territoire, en respectant les personnalités de chacun et en veillant à combattre les inégalités.

J’ai été un temps, par plaisir, professeur d’occitan. Je n’y voyais que des avantages. À vrai dire, j’apprenais surtout à mes élèves à chanter en gascon…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Au-delà des difficultés spécifiques à chaque établissement et des disparités qui se font jour, l’une des missions de l’éducation nationale est aussi de donner à chacun de ses acteurs un certain nombre de réponses communes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Or, parmi la vingtaine de propositions formulées dans le rapport, à court et à moyen terme, pour consolider l’avenir, ce qui suffit aux uns ne répond peut-être pas à la problématique des autres.

Bien entendu, il faut donner aux équipes pédagogiques les moyens dont elles ont besoin.

Pour les membres du RDSE, l’adhésion à toutes les valeurs de la citoyenneté doit être l’axe majeur de toute politique éducative dans notre pays !

Je vous remercie de votre attention, mes chers collègues, et je prie Mme la présidente de bien vouloir m’excuser si j’ai quelque peu dépassé mon temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant tout, je tiens à dire à Mme la secrétaire d’État combien je suis ravie de la voir au banc du Gouvernement. En d’autres circonstances, j’aurais pu débattre avec elle de l’artisanat et des petites entreprises, sujets qu’il me semble assez bien connaître.

Néanmoins, les discussions d’aujourd’hui touchent à l’éducation nationale. À cet égard, je regrette que l’agenda de Mme la ministre de l'éducation nationale ne lui permette pas d’aborder avec nous la question essentielle qui nous réunit aujourd’hui. Son intitulé résume à lui seul l’ensemble des difficultés qui se font jour, et l’ensemble des inquiétudes que nous éprouvons tous.

Je tiens à saluer le travail accompli par nos collègues Françoise Laborde et Jacques Grosperrin, respectivement présidente et rapporteur de cette commission d’enquête. Certes, leur mission était ardue, mais ils ont su l’accomplir et ils ont tenu bon face aux critiques qui – on peut le dire sans exagération – se sont parfois révélées difficiles.

Mes chers collègues, en tant que vice-présidente de cette commission d’enquête, j’ai été au cœur de ces travaux, et je suis heureuse d’être aujourd’hui parmi vous, afin d’échanger dans le cadre de ce débat. En effet, il était important de revenir sur nos conclusions et sur nos propositions.

Malheureusement, certains ont trouvé là une occasion de polémiquer, …

Sourires sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il est vrai que les propositions de la commission d’enquête ne sont pas polémiques du tout…

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

… alors que nous sommes tous animés, je le crois et l’espère, par les mêmes intentions, à la suite des attentats qui, en janvier 2015, ont endeuillé notre pays.

Je ne peux que regretter le procès d’intention qui a pu nous être fait. Comme moi, vous avez sans doute lu les articles de presse dénonçant « les vieux sénateurs réactionnaires », « bien loin des réalités de terrain », « qui ne se posent pas les bonnes questions ». On nous a même accusés de récupération politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Il me semble que pointer un problème afin de trouver des solutions est une démarche positive. La politique de l’autruche n’est jamais constructive !

Nous avons parfois eu l’impression que les parlementaires n’avaient pas de légitimité à s’emparer de ce sujet. Bien au contraire, ce qui s’est passé nous oblige !

Comme je l’avais signifié lors de l’examen du rapport devant la commission d’enquête, j’ai beaucoup de mal avec la politique politicienne, et j’ai assez mal vécu le procès qui nous a été fait par certains. « Que la droite balaye devant sa porte ! », disiez-vous…

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Le constat dont nous avions tous connaissance, le drame de janvier dernier devaient déclencher une véritable et durable prise de conscience.

Nous sommes tous sur le terrain au quotidien. Je rencontre régulièrement, comme beaucoup d’entre vous, de nombreux professeurs de mon département. Nous connaissons les difficultés qu’ils vivent et combien ils se sentent souvent isolés et démunis pour y répondre. La perte des valeurs républicaines, des valeurs de l’école républicaine, en fait malheureusement partie. L’acceptation, la compréhension, l’appréhension de la laïcité sont au cœur de ce phénomène.

Bien évidemment, cela ne veut pas dire que des problèmes existent dans toutes les écoles, dans tous les collèges et dans tous les lycées de France et de Navarre §– cela n’a d’ailleurs jamais été dans l’esprit des membres de la commission d’enquête, me semble-t-il.

Rappelons qu’il y a eu seize semaines d’auditions, de tables rondes et de déplacements sur le terrain. Les membres de la commission ont réalisé un vrai travail d’analyse approfondi, toutes sensibilités politiques confondues, pour ceux qui ont bien voulu y participer.

La commission a donc été créée à la suite des différents incidents qui ont eu lieu lors de la minute de silence organisée, dans tous les établissements scolaires du pays, en hommage aux victimes des attentats et en signe de rejet de la barbarie.

Ces incidents n’ont évidemment pas été le reflet du soutien et de la solidarité exprimés par les élèves dans leur grande majorité, sur tout le territoire. Ils ont cependant bien eu lieu et les professeurs qui ont dû y faire face n’ont pas toujours été en capacité d’y répondre. Ils n’ont pas toujours su comment réagir, et on peut le comprendre. Aucune formation, aucun élément de langage n’étaient à leur disposition pour les aider à parler de ces événements avec leurs élèves.

Ce n’était pas la première fois que ce genre de problèmes survenait. En effet, déjà, lors des minutes de silence organisées pour les attentats du World Trade Center et à la suite de la tuerie perpétrée par Mohamed Merah, des événements dramatiques de ce type avaient déjà été signalés à plusieurs reprises.

De nombreux jeunes sont aujourd’hui en perte de repères et en recherche d’idéal. Fragilisés, ils ne se tournent pas toujours vers les bonnes personnes pour trouver des réponses. C’est une réalité, et nous devons essayer de trouver des solutions pour endiguer le phénomène.

Il est de notre responsabilité de nous emparer des difficultés que rencontre notre jeunesse pour l’aider. Il nous faut trouver pourquoi les jeunes sont aussi nombreux à se sentir incompris, exclus d’une société, la nôtre, dont ils sont censés être l’avenir.

La réponse à cette question n’est pas simple. Alors, au lieu de rejeter la faute sur les uns et les autres, nous devrions savoir travailler ensemble.

C’est pourquoi je pense sincèrement qu’il était opportun de créer cette commission d’enquête.

Nous ne sommes pas les seuls à nous être inquiétés de cette situation, d’ailleurs. De manière plus large, le ministère de l’éducation nationale lui-même, ainsi que le ministère de l’agriculture se sont également saisis de ce sujet.

La ministre a présenté onze mesures issues de la Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, autour de la transmission des valeurs républicaines, de la laïcité, de la citoyenneté, de la culture de l’engagement, de la lutte contre les inégalités, de la mixité sociale et de la mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche, en précisant que cette grande mobilisation était celle de toute l’école, y compris de l’enseignement agricole et de l’enseignement privé sous contrat.

Vous connaissez d’ailleurs mon engagement tout particulier pour la défense de l’enseignement agricole : ce dernier n’a pas été en reste, plusieurs initiatives ayant été lancées afin d’en mobiliser l’ensemble de la communauté éducative. Trois débats ont notamment été organisés et un plan d’action a été mis en place, pour partie commun à l’éducation nationale et à l’enseignement supérieur, pour partie propre à l’enseignement agricole.

J’en viens plus précisément aux travaux de la commission. Quatre axes de réflexions et de propositions ont été développés.

Le premier axe vise à favoriser le sentiment d’appartenance et d’adhésion de tous aux valeurs de la citoyenneté. La maîtrise et la défense des valeurs de la laïcité et des valeurs citoyennes autour de sujets d’actualité sont primordiales.

Le deuxième axe, justement, tend à restaurer l’autorité des enseignants et à mettre en place une véritable formation des professeurs à la transmission des valeurs de l’école républicaine.

Le troisième axe vise à mettre l’accent sur la maîtrise du français et à veiller à une meilleure concentration des élèves. La maîtrise de la langue est essentielle. Nous avons malheureusement tous constaté le taux croissant d’élèves qui arrivent en classe de sixième avec de réels problèmes d’expression, d’écriture et de lecture. Des évaluations doivent absolument avoir lieu en amont pour que l’on puisse les aider. On en revient à l’éternel problème de la maîtrise du socle commun de compétences.

Le quatrième et dernier axe tend, quant à lui, à mieux responsabiliser l’ensemble des acteurs, que ce soit les familles, les professeurs ou le ministère de l’éducation nationale.

Ces pistes de réflexion et ces travaux ont pour objectif de faire bénéficier les élèves d’actions les aidant à développer une ouverture d’esprit, un respect des différences et d’autrui, ainsi qu’une notion de tolérance, en créant un lien social fort et en travaillant collectivement.

De nombreuses actions ont déjà lieu sur le terrain. Je prendrai pour exemple ce qui se fait dans mon département, la Marne. Nous avons développé de nombreuses mesures afin d’associer pleinement les parents à la mission éducative de l’école, ce qui me semble essentiel. Dans tous les collèges a été mis en place un espace numérique de travail, ou ENT, un espace collaboratif qui permet d’établir un lien virtuel entre le collège, les équipes administratives, les enseignants, les parents et les élèves. Ce lieu permet d’associer les familles de façon plus étroite au dialogue éducatif.

Des actions d’ouverture de ces établissements vers l’extérieur sont également mises en place, avec, par exemple, le dispositif « collèges en scène », qui regroupe dix-huit initiatives.

Nous ne sommes pas tous d’accord sur les solutions à apporter, certes : ce n’est ni la première fois ni la dernière et, quelque part, c’est heureux, car la confrontation des idées est toujours positive. Alors, pourquoi refuser d’échanger et de travailler ensemble sur un sujet aussi important ?

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Au travers de leurs travaux, les membres de la commission d’enquête n’ont en aucun cas essayé de stigmatiser une catégorie de jeunes. Nous sommes bien évidemment conscients que nombre des incidents qui ont pu avoir lieu au moment de la minute de silence n’étaient que le simple reflet de provocations propres à l’adolescence.

Il nous faut agir à présent, et agir ensemble !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission de la culture, mes chers collègues, la commission d’enquête lancée sur l’initiative de nos collègues de droite butait, dès le départ, sur un écueil, celui de définir clairement son sujet pour mener des investigations précises, sauf à engager, si ce n’est un procès, du moins une mise en examen de l’école pour fonctionnement mal-républicain ou non-républicain, alors même que les perturbations lors de la minute de silence ont concerné – il faut tout de même le rappeler - quelques centaines de cas sur 65 000 établissements scolaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Par ailleurs, il est regrettable que cette commission se soit si souvent transformée en une commission sur la laïcité, avec une vision biaisée d’une laïcité qui exclut plutôt et stigmatise souvent.

Un certain nombre des propositions de ce rapport vont dans ce sens. Il en est ainsi des mesures discriminatoires ou répressives, comme la suppression des allocations familiales, l’évaluation, dont on a du mal à cacher qu’elle fonctionnera comme une sanction et un barrage en CM2, ou encore la création d’établissements spécialisés pour des jeunes difficiles, pour ne citer que ces quelques exemples.

Je regrette que certains de nos collègues se lancent ainsi, peut-être à l’approche d’échéances électorales, dans une course plutôt démagogique où ils dressent un tableau apocalyptique de notre école, qui serait rongée par un intégrisme larvé.

Je ne peux que marquer mon désaccord avec les préconisations du rapport et la proposition de loi de M. Grosperrin qui en découle. Je vois surtout quelques propositions qui n’en sont pas vraiment, car elles sont déjà satisfaites, comme le fait de faire figurer les emblèmes de la République au fronton de nos écoles, le meilleur signalement des absences et l’organisation d’un débat au Parlement, ou de simples propositions de bon sens, qui s’imposent sans qu’il y ait lieu de légiférer en grande pompe, comme le fait de mieux faire remonter les incidents, de veiller à une meilleure concentration des élèves, de remplacer systématiquement les enseignants en zone difficile et de ne pas y nommer de débutants, ou encore de requalifier la formation continue.

Pour le reste, les propositions sont marquées du sceau de la division entre les citoyens. Cette fuite en avant, cette recherche de la norme ethnocentrée ne peuvent que nous conduire à un désastre et à une guerre de tranchées dans les écoles, alors même que notre République s’est construite et affermie sur la rencontre de composantes hétérogènes qui s’enrichissent mutuellement.

Le rejet de ce rapport, globalement, par la communauté scolaire ne doit pas être vu comme une manifestation de plus du « mammouth scolaire », qui s’opposerait à tout changement.

Les enseignants le savent bien : on ne décrète pas l’efficacité de l’imprégnation des valeurs républicaines. C’est le résultat d’une alchimie complexe dans laquelle l’enseignant est un vecteur essentiel qui doit avoir les moyens de donner son cours, mais aussi de faire vivre sa classe par la reconnaissance et le respect de la diversité, ainsi que par l’esprit critique.

L’enseignement des valeurs républicaines passe par l’enseignement de symboles, par le biais de cours d’enseignement civique, d’histoire, de géographie et de français. Certes ! Pour autant, les programmes scolaires doivent permettre la transmission des valeurs de la République, non pas comme un étendard porté aveuglément, mais plutôt comme une prise de conscience de ses bienfaits.

À ce titre, l’instauration de rites républicains comme une fin en soi paraît au mieux inefficace, ne constituant qu’un vernis, au pire tout à fait contre-productive.

Je rappelle notre attachement au métier d’enseignant, à sa revalorisation, à son autorité – les deux étant liés –, qui passe par la formation initiale, la formation continue, les conditions de travail et la rémunération. Nous sommes en revanche opposés à la restauration de cette autorité de façon factice, selon des préceptes d’un autre temps. Les coups de règle sur les doigts en feraient-ils rêver certains ?

L’alchimie dont je parlais se construit et doit trouver son ancrage dans la démonstration irréfutable que la République est efficace et qu’elle est le régime politique le plus favorable au citoyen. L’école est, là, en première ligne.

Les attaques des gouvernements que la droite sénatoriale a soutenus ont mis à mal l’idéal républicain de l’école : suppression de la formation des enseignants, entrave à la scolarisation pour les moins de trois ans, concurrence entre les établissements, carte scolaire, réduction des personnels et des moyens de fonctionnement – RGPP oblige ! L’ensemble de ces mesures a affaibli l’école et terni l’image d’une école émancipatrice, capable de réduire les inégalités entre les enfants et permettant l’intégration de tous dans notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Abate

Les mesures prises dans ces domaines par le gouvernement actuel améliorent, certes, les choses, mais sont encore insuffisantes. Au regard des enjeux et des ambitions affichées, le manque de moyens est encore criant !

De même, ce rapport est-il à la hauteur des enjeux ? Non ! Pour ne prendre qu’un exemple, ne serait-il pas plutôt naïf, voire un peu démagogique, de prêter à l’uniforme tant de vertus républicaines et égalitaires ? On mettrait ainsi des habits sur les inégalités plutôt que de les combattre…

À l’heure où la reproduction sociale est toujours aussi prégnante dans notre société, à l’heure où l’ascenseur social est en panne, il aurait été plus intéressant de s’intéresser aux raisons pour lesquelles certains jeunes se sentent coupés de la République de ce XXIe siècle, plutôt que de s’inspirer trop souvent d’un modèle hérité de la IIIe République !

Notre attachement à un système éducatif qui favorise la réussite et l’égalité de fait, indépendamment des conditions préalables d’existence et des déterminismes sociaux, est sans faille. C’est l’étape fondamentale à la sensibilisation républicaine.

Je citerai Camille Peugny qui, dans son ouvrage Le destin au berceau, rappelle que sept enfants de cadres sur dix exercent un emploi d’encadrement à l’issue de leurs études, quand sept enfants d’ouvriers et employés sur dix exercent, eux, des emplois d’exécution. L’école devrait pourtant permettre la réalisation de l’idéal républicain, l’émancipation et l’ascension sociale par le savoir et la raison.

Il ne s’agit pas ici de soutenir qu’aucune perturbation n’a eu lieu à l’occasion des commémorations des événements de janvier et que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes en la matière. Il ne s’agit pas de faire l’autruche, chère collègue. Il s’agit de prendre un minimum de recul et de sortir du registre du pathos.

À ce titre, il paraît aujourd’hui essentiel de réfléchir à la pratique mémorielle dans notre pays.

Elle devrait permettre le dialogue autour des événements, ainsi que la réflexion et la prise de conscience d’une histoire collective. Aurions-nous eu ces perturbations si, au lieu d’une minute de silence, avait été organisée et préparée une journée de parole dans les écoles ?

Une minute de silence, c’est compliqué… Quand elle a été respectée, qui peut savoir si elle l’a été parce qu’elle a été péremptoirement imposée, ou si elle l’a été parce qu’elle a été bien comprise et intégrée ?

Mes chers collègues, c’est à la société tout entière, et à l’école en particulier, de permettre à ses enfants, tous ses enfants, de prendre racine, de se nourrir et de grandir, en puisant dans le sol et dans l’histoire de notre pays ce qui leur permettra de produire et de rendre, tel un arbre, à partir de leur propre histoire et de leurs singularités, les fruits qui feront notre richesse collective, les fruits qui feront République !

Nous sommes bien loin de cette vision des choses dans ce rapport. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe CRC ne s’inscrit pas dans les propositions de la commission d’enquête.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Je tiens tout d’abord à rappeler que le groupe socialiste s’est opposé à la création de cette commission d’enquête voulue par les sénateurs UMP « à chaud », au lendemain des attentats de janvier 2015.

L’institution scolaire y était soupçonnée de cacher des informations, au moment même où notre pays avait besoin de cohésion pour faire front. Ce procédé accusatoire et stigmatisant a été vivement ressenti dans la communauté enseignante, car – il faut bien le dire – il a instauré un rapport de méfiance et un sentiment d’instrumentalisation. D’ailleurs, c’est la première fois que des personnes refusent d’être auditionnées, l’absence de conséquence à ce refus prouvant bien que le recours à une telle commission était disproportionné. La présidente de la commission d’enquête, Françoise Laborde, l’a reconnu elle-même, en précisant dès le départ qu’elle n’utiliserait pas les prérogatives d’une commission d’enquête.

Dès le début de cette procédure exceptionnelle, que nous avons jugée inadaptée aux circonstances et au débat, nous avons refusé de prendre des responsabilités dans le bureau de cette commission d’enquête, dont nous avons suivi les travaux sans la cautionner.

En effet, nous pensons toujours que les attentats de janvier et la légitime émotion qu’ils ont soulevée dans le pays méritaient mieux qu’une tentative d’instrumentalisation de certains faits, certes graves et significatifs, comme le refus ou la contestation de la minute de silence. Rappelons que, dès le lendemain de ces faits, des mesures fortes ont été prises par le Gouvernement pour que soient signalés et sanctionnés les actes ou paroles faisant l’apologie du terrorisme, du racisme, de l’antisémitisme et de la haine de l’autre.

Les attentats, mais aussi la montée des extrémismes et des populismes, ont montré que c’est malheureusement notre société elle-même qui est en proie à la confusion sur les valeurs de la République. Nous pensons que c’est à tous les niveaux de la société que des réponses fortes doivent être apportées.

Pour le rapporteur et son parti, Les Républicains, les maux seraient ancrés dans l’école et pollueraient une société qu’ils voudraient voir obéir à leurs standards et à leur programme électoral pour l’éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

« Perte de repères et rejet des valeurs républicaines depuis plus de dix ans », écrivez-vous dans votre rapport. Mais qui a enterré le rapport Obin sur les signes religieux à l’école, en 2004 ? La mise sous le boisseau d’informations dérangeantes, c’est la droite qui l’a pratiquée ! Tout au contraire, l’une des premières mesures, en 2012, prises par le nouveau ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, a été, en réaction aux procédés du quinquennat précédent, de rétablir la transparence, avec la publication de tous les rapports sans exception.

Et qu’a pointé en premier M. Obin, inspecteur général de l’éducation nationale, lors de son audition ? L’aggravation de la ghettoïsation des quartiers depuis dix ans et le manque de formation des professeurs, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

… cette même formation que la droite a jugée superflue et a cru bon de supprimer !

Cette décision a été catastrophique pour notre système scolaire, et l’urgence a été de reconstruire une vraie formation professionnelle initiale, ce que nous avons fait avec la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.

Et ce sont les mêmes qui veulent aujourd’hui réviser les maquettes de formation des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPÉ, et qui demandent des moyens pour la formation continue et pour les remplacements, alors qu’ils ont supprimé 80 000 postes en cinq ans...

En apportant des moyens nouveaux en postes, en recréant une vraie formation professionnelle pour les enseignants, en installant de nouveaux rythmes scolaires adaptés

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Que nous propose la droite ? Un retour à de vieilles recettes inadaptées, autour du triptyque : répression, sanction, coercition. La panoplie est complète : il faudrait le retour du vouvoiement, de l’uniforme, du rituel matinal… Et surtout, le retour de la loi dite « Ciotti », qui instrumentalise la suppression des allocations familiales comme une arme de dissuasion à l’encontre des parents pour inciter au présentéisme scolaire. Pourtant, ce dispositif a déjà démontré son inefficacité par le passé !

Il en va de même avec votre proposition de créer, dans chaque département, un établissement labellisé « spécial perturbateurs». Vous voulez donc ajouter de la ségrégation à la ghettoïsation croissante dont souffre notre système scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Les conclusions de cette commission d’enquête sont, en outre, en contradiction totale avec les politiques menées, dix ans durant, par la droite : elles défendent l’école dès trois ans, afin d’améliorer le niveau de langage des élèves, alors que la droite s’est opposée à la scolarité obligatoire à trois ans quand nous l’avons proposée. Je rappelle que les ministères successifs de droite ont réduit à la portion congrue la préscolarisation en maternelle, mais nous l’avons réactivée depuis 2012.

Je relève encore une contradiction flagrante : le rapport défend la transversalité de l’instruction morale et civique, donc l’interdisciplinarité, en citant même des exemples réussis. Mais qui dénonce sans relâche, depuis des mois, l’interdisciplinarité inscrite dans la réforme du collège proposée par la ministre Najat Vallaud-Belkacem ?

Enfin, l’auteur du rapport constate le creusement des inégalités sociales et scolaires, constat sur lequel nous sommes tous d’accord, mais là, il s’abstient de toute proposition…

Or les premiers défis à relever pour la cohésion de notre société sont bien l’adhésion à la Nation, la mixité sociale. Dans cet objectif, nous avons fait adopter, dans la loi pour la refondation de l’école de la République, un amendement permettant qu’un même secteur de recrutement puisse être partagé par plusieurs collèges publics.

Depuis, l’éducation prioritaire a, elle aussi, été refondée, pour être plus juste, plus égalitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy-Dominique Kennel

D’ailleurs, depuis, cela va vraiment mieux !...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Face à ce bilan à charge très négatif pour l’école publique, nous condamnons l’instrumentalisation de cette commission d’enquête et de ses conclusions, qui visent en fait à présenter le programme éducatif de la droite pour 2017, en s’appuyant sur les événements dramatiques de janvier, qui méritent plus d’impartialité et d’objectivité.

En réalité, dans ce rapport, vous annoncez les éléments structurants de votre programme de 2017 pour l’école : notation et recrutement des professeurs par les chefs d’établissement – c’est un souhait ancien ! –, sanction financière pour les familles en cas d’absentéisme scolaire, mise en quarantaine des élèves perturbateurs, prestation de serment par les enseignants... Par ailleurs, vous émaillez votre texte de références permanentes à la prétendue exemplarité des établissements privés. Je ne pense pas que ce soit l’exemple à suivre pour les écoles publiques.

Et, pour finir, monsieur le rapporteur, vous utilisez le rapport de la commission d’enquête comme lanceur de la fusée qui porte votre propre proposition de loi. On comprend mieux, désormais, les vraies motivations qui présidaient à toute cette agitation autour de l’école…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Nous avions des doutes sur la sincérité des objectifs annoncés lors de la mise en place de cette commission d’enquête. Les conclusions et l’utilisation politicienne qui en est faite nous donnent d’autant plus raison aujourd’hui.

Monsieur le rapporteur, vous avez au moins reçu, cet après-midi, le soutien que vous attendiez, avec l’approbation du représentant du Front National. Cela nous désole !

Mes chers collègues, je pense que le Sénat s’honorerait à ce que le travail de contrôle soit mis au service de l’intérêt général.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Sans revenir sur les vifs débats qui ont eu lieu au moment de l’installation de la commission d’enquête, je déplore l’occasion manquée au regard de la question que cette commission prétendait aborder.

Vous avez beaucoup travaillé, monsieur le rapporteur. Vous nous avez pris beaucoup de temps... Mais un siècle après l’invention de la stéréo, vous n’entendez toujours que de l’oreille droite !

Rires sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Et pour quel résultat ? Les conclusions sont, en fait, un mélange contrasté.

Certaines des préconisations peuvent être partagées, comme veiller au remplacement systématique en zone difficile, ne pas y nommer de débutants, prêter un serment - je préfère un code de déontologie - et, bien sûr, mettre l’accent sur la maîtrise de la langue française. Et puis, requalifier la formation continue en déshérence – intéressant, pour une majorité qui avait supprimé les postes et la formation initiale !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Il y a aussi la reprise de dispositifs existants : les emblèmes de la République, les valeurs républicaines dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, le signalement des absences ou le débat au Parlement.

Et puis, il y a des propositions à risque, comme un sermon hebdomadaire nourri de la frénésie de l’actualité transmise par les médias, ou d’autres mal ciblées, comme l’interdiction des tablettes. Comme si c’était l’utilisation en classe du numérique qui diminuait la concentration, alors que la cause en est la télévision nocturne et les usages privés !

Il trouve surtout, dans votre rapport, le recyclage des vieilles propositions les plus droitières : la suppression des allocations familiales, l’évaluation barrage en CM2, l’interdiction des accompagnantes voilées ou les établissements pour perturbateurs.

Comment en est-on arrivé là ?

Par parti pris : vous ne vous êtes pas penché sur les incivilités liées, par exemple, à la montée de la xénophobie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

La banalisation de ce type de discours m’inquiète plus que les mamans voilées accompagnantes.

Par manque de rigueur, ensuite : j’ai souligné des contre-vérités, par exemple la confusion entre les écoles Freinet et Montessori ou le travestissement des programmes d’histoire proposés par le Conseil supérieur des programmes. Et ces contre-vérités étaient énoncées face à des auditionnés qui avaient, eux, prêté serment de dire la vérité !

Enfin, par renoncement à enquêter vraiment : peu de questions précises, pas d’investigation poussée, une complaisance rare avec les commentateurs venus débiter le discours attendu.

Dans le même temps, vous criez au déni à chaque fois que des acteurs de terrain, ayant prêté serment, nuançaient vos alarmes, en montrant la diversité des difficultés, le trouble des lycéens et en présentant des outils pour surmonter les tentatives de déstabilisation.

Cette commission d’enquête a consommé de précieux moyens d’investigation du Parlement pour, comme dans les émissions people, mettre en scène des déclinistes, à mille lieues de la rigueur du Sénat et des valeurs intégratives de la République.

N’avez-vous pas envisagé, monsieur le rapporteur, la venue de Zemmour et fait entendre Natacha Polony le jour où nous devions recevoir Marcel Gauchet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Cette commission d’enquête a renoncé à tirer la politique vers le haut, au service du bien commun, pour surfer sur une vague idéologique dont Mme Morano est l’écume.

Et pourtant, il y a des difficultés, et il y avait matière et il y a urgence à entendre.

Après les sinistres départs vers la Syrie de jeunes embrigadés, après l’indignation et l’émotion issues des attentats, plusieurs intervenants, aussi choqués que nous, nous ont dit, avec des mots différents, l’importance d’entendre les questions des jeunes, l’importance de ne jamais perdre le fil de la communication, lorsque des questions, des contestations, surgissent.

La représentante de l’association des professeurs d’histoire-géographie citait certaines questions de jeunes, par exemple : « Pourquoi avoir invité à la manifestation du 11 janvier des chefs d’État ne respectant ni la liberté d’expression ni la démocratie ? » Ou encore : « Un parti antisémite ou xénophobe peut-il être républicain ? » Il faut entendre les élèves, nous disait-elle, afin de déconstruire les stéréotypes. Leur intimer de se taire les enfermerait dans le faisceau d’opinions qu’ils pensent être des réalités.

Il faut du temps et une bonne formation pour appuyer la construction des réponses sur des faits et des savoirs, plutôt que sur des endoctrinements ou des théories du complot. Pas facile, alors même que l’école s’est retrouvée au cœur des questionnements de la société, voire au banc des accusés. Je reconnais qu’au fil des mois, monsieur le rapporteur, vous avez pris plus de précautions sur ce point, et la présidente Laborde y a veillé.

Néanmoins, le regard soupçonneux exclusivement tourné vers certains élèves, la commission n’a pas su exploiter les exemples de réussite et les pistes pour lever les difficultés que rencontrent les enseignants.

L’enjeu de notre école, c’est de permettre aux jeunes de sortir de la logique d’enfermement grâce à un travail patient et constant de désintrication entre les croyances, d’une part, les savoirs, d’autre part. La laïcité et les valeurs de la République – on peut d’ailleurs noter que le rapport omet curieusement la fraternité - ne se parachutent pas comme un catéchisme, sans preuve ni débat ; elles deviennent l’objet d’une adhésion par la démonstration quotidienne de leur intérêt.

Et il n’y a pas de démonstration sans échange, sans pratique, sans prise en considération de chacun, avec égale dignité, d’où qu’il vienne. La raison ne se construit pas dans l’arbitraire de la règle non expliquée ou, pire, dans la règle démentie par les faits, à commencer par l’égalité des territoires, des droits ou des orientations des élèves. Vous ne vous êtes pas assez penché sur cette égalité, valeur de la République !

Les écologistes ne sont ni naïfs ni angélistes, mais, contrairement aux prophètes de malheur, ils ont confiance dans l’école de la République, et ils aiment la France métissée !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. C’est plus que de l’audio, monsieur le rapporteur, c’est de la 3D !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis quelques années, l’opinion est de plus en plus souvent alertée par les signes de dégradation des comportements scolaires traduisant un rejet des valeurs de l’école républicaine. Ces actes se multiplient et découragent les enseignants.

Les exemples, malheureusement nombreux, ont été parfaitement identifiés dans le rapport Faire revenir la République à l’École : refus d’assister à certains cours ou activités scolaires ou périscolaires, revendications identitaires exprimées au moyen de tenues vestimentaires à connotation clairement religieuse ou de régimes alimentaires spécifiques, absentéisme à répétition au moment de la célébration de fêtes religieuses, contestation systématique de certains contenus d’enseignement, comportements sexistes ou discriminatoires entre les élèves, notamment à l’encontre des jeunes filles, propos racistes, antisémites ou anti-Français, refus de la mixité, prosélytisme et pressions sur des élèves ne respectant pas certaines prescriptions religieuses, mise en cause de la légitimité des professeurs à intervenir sur certaines questions comme l’histoire des religions.

Ce rejet des valeurs républicaines à l’école a trouvé sa forme la plus poussée au lendemain des attentats de janvier 2015, lors de la minute de silence ou à l’occasion de débats auxquels ces dramatiques événements ont donné lieu en classe, entre élèves et enseignants. Des propos inadmissibles ont été tenus à cette occasion et certains élèves ont refusé de participer à la minute de silence.

Ces incidents ne peuvent pas trouver leur explication dans l’insuffisance des moyens du service public de l’éducation : la France se place en tête des pays européens par son investissement éducatif dans le domaine de l’apprentissage de la citoyenneté.

Depuis les années quatre-vingt-dix, notre pays mobilise dans ses programmes et instructions scolaires les trois principales dimensions qui peuvent constituer une éducation à la citoyenneté : premièrement, des cours d’éducation civique spécifiquement identifiés ; deuxièmement, une participation des élèves tant aux instances de gouvernance des établissements dans le secondaire qui permettent un engagement dans les affaires publiques de l’école - délégués de classe, représentants au conseil d’administration ou au conseil de la vie lycéenne – qu’à des débats dans l’heure de vie de classe ; troisièmement, enfin, des projets d’action éducative visant à ouvrir les jeunes à des actions de responsabilisation citoyenne dans et hors de l’école.

Globalement, le modèle français d’éducation à la citoyenneté présente théoriquement toutes les apparences d’un modèle pédagogique solide et bien articulé entre diffusion des connaissances et compétences autour de la citoyenneté et mise en action des élèves visant à leur faire acquérir attitudes et comportements citoyens au travers d’actes concrets dans lesquels ils s’engagent.

Alors que, dans d’autres pays européens, les notions à acquérir et réflexions à engager par les élèves en matière de citoyenneté sont intégrées dans d’autres disciplines humanistes, la France est le seul pays européen où les cours d’éducation civique sont, depuis le primaire jusqu’à la fin du lycée, à la fois clairement identifiés et, le plus souvent, dotés d’horaires spécifiques.

La crise de légitimité qui affecte le modèle républicain, liée en partie aux nouveaux défis lancés par la mondialisation, semble constituer l’un des facteurs du malaise actuel du système éducatif français. Dans ce contexte, face aux diverses manifestations du phénomène de repli identitaire, il apparaît indispensable que l’éducation civique s’adapte dans ses approches et sa pédagogie.

L’éducation civique doit alors se donner les méthodes nécessaires pour faire comprendre à l’élève que le repli identitaire doit être combattu.

Car le repli identitaire, c’est le communautarisme, qui constitue une menace pour l’unité de la République parce qu’il réduit l’identité de l’individu au périmètre exigu d’une seule appartenance : religieuse, ethnique, sexuelle, etc.

Le repli identitaire, c’est l’opposé du projet d’émancipation de l’individu né avec les premiers humanistes et transformé en volonté politique par la philosophie des Lumières. L’effet le plus diviseur du communautarisme sur la société est le multiculturalisme, cette coexistence au sein de la société de plusieurs systèmes de référence qui deviennent alors incompatibles avec les valeurs et les principes régissant les institutions communes et le droit commun.

Sur ce terrain, l’école a encore un rôle à jouer pour faire comprendre aux élèves la nécessité non seulement de respecter les lois du pays dans lequel ils sont appelés à vivre, mais également, et surtout, de s’en approprier les valeurs et les principes et de les intérioriser !

La crise de la cohésion sociale que nous connaissons actuellement complique aussi dangereusement l’enseignement de l’histoire qui se retrouve « déchirée » par la confrontation des mémoires de groupes. Cette discipline, qui a toujours mis son honneur dans la recherche de la vérité, est aujourd’hui en danger, parce qu’elle risque d’être réduite au plus petit dénominateur commun d’une histoire officielle composée de célébrations, de repentances et d’interdits, sous prétexte d’éviter les dissensions et les procès de mémoire. Non, ce n’est pas cela l’histoire de France !

C’est pourquoi, si l’on favorise chez les enfants la compréhension de la différence entre l’histoire et la mémoire, l’éducation civique pourra alors expliquer que ni le juge ni l’élu n'ont vocation à écrire l’histoire.

Autre réflexion : les premiers rudiments du civisme devraient être enseignés dès les années de maternelle, en même temps que les premières appropriations de la langue, dont ils sont indissociables. L’importance des premières années dans la maîtrise de la lecture et de l’écriture de la langue maternelle, voire simultanément d’une langue étrangère ou régionale, est avérée. L’appropriation précoce du langage est indissociable de l’éducation civique, dans la mesure où l’incapacité de communiquer est l’un des facteurs qui engendrent la violence.

La perte des repères républicains à l’école est aussi souvent corrélée au niveau scolaire des enfants et des jeunes. Être bien formé, faire preuve d’esprit critique suppose à la fois une bonne appropriation de la langue et la réussite scolaire.

Aussi, je crois sincèrement que nous ne faisons pas ce qu’il faut au moment où tout se joue, c’est-à-dire à l’école maternelle. Plutôt qu’à une réforme des rythmes scolaires qui n’améliorera en rien nos performances scolaires et qui grève déjà le budget de nos communes, travaillons donc à proposer des activités en dehors de l’école – peut-être avec les collectivités locales –, des activités de structuration de la langue par le biais du jeu, par exemple, et ce dès la maternelle.

Pour conclure, je tiens à saluer le travail accompli par la commission d’enquête : elle a eu la volonté de sortir du déni et a permis de donner la parole aux personnels de l’éducation nationale qui vivent, constatent et subissent, dans leur quotidien, ces atteintes aux valeurs de l’école républicaine.

Je terminerai en rapportant le témoignage du mathématicien Laurent Lafforgue, qui a été auditionné par la commission d’enquête : « Si vous souhaitez que l’école de la République soit aimée de nouveau, rétablissez des enseignements qui nourrissent. Accordez la priorité absolue à la lecture, à l’écriture, à la grammaire, et à tout ce qui assure la maîtrise de notre langue. »

Mes chers collègues, ayons la simplicité du bon sens, revenons aux fondamentaux, et nous rendrons l’école républicaine et ses valeurs dignes de respect !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je regrette l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Permettez-moi de saluer l’excellent travail de Françoise Laborde et de mon collègue Jacques Grosperrin qui ont, pendant de nombreux mois, procédé à une étude approfondie pour présenter des propositions pratiques et surtout applicables.

Les attentats dramatiques de janvier 2015 ont plongé la France dans le chaos le plus total. Le respect d’une minute de silence a été demandé aux enfants le 8 janvier 2015 dans les établissements scolaires, ce qui a donné lieu à différents incidents. Des propos inadmissibles ont été tenus par certains élèves, qui n’ont parfois pas compris ce qui leur était demandé, allant même jusqu’à dire que les victimes avaient mérité ce qui leur était arrivé.

Ces incidents révèlent un état d’esprit, pis un malaise profond. Ce malaise avait déjà été parfaitement diagnostiqué il y a dix ans, dans le rapport Obin. Ces problèmes étaient connus depuis longtemps, et mon collègue Jacques Grosperrin a su sortir du déni, ce dont je le félicite.

Je voudrais insister sur un point fondamental : il est extrêmement inquiétant de constater qu’un pourcentage considérable d’élèves ne maîtrisent pas le socle de connaissances et de compétences requis à leur niveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Le plus grand échec du collège, c’est le primaire ! Avant de réfléchir à une réforme du collège, il faudrait, dans un premier temps, se pencher sur le primaire.

Les gouvernements successifs ont beaucoup investi depuis plusieurs années sur le collège et le lycée, et sous-investi dans l’enseignement primaire, alors que c’est dès le primaire qu’il faut s’attaquer aux échecs scolaires. Le décrochage en langues, et donc plus particulièrement en français, a lieu dès le début de la scolarité. Dès les premières années de l’école élémentaire, des élèves sont en difficulté et les problèmes ne font que s’amplifier au fur et à mesure que la scolarité avance.

Lorsque la ministre de l’éducation nationale insiste sur l’apprentissage obligatoire d’une seconde langue vivante dès la cinquième, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

… c’est-à-dire un an plus tôt qu’aujourd’hui, pour les élèves en difficultés, elle accentue le décalage. Je crains que Mme la ministre ne prenne le problème dans le mauvais sens…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Si l’apprentissage des langues est une priorité, c’est dans le primaire qu’il faut faire cet effort, en même temps que sur la compréhension de l’écrit et sur les mathématiques qui, je le rappelle, concernent 50 % des enseignements en primaire. Avec la réforme entreprise par Mme la ministre de l’éducation nationale, on va ajouter 54 heures de travail aux élèves de cinquième. Mais c’est déplacer le débat : le problème n’est pas celui du nombre d’heures consacrées à une matière, mais celui des méthodes d’enseignement, qui doivent perpétuellement évoluer, s’adapter aux enfants, et non pas l’inverse !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Les élèves de collège, en France, reçoivent 1 000 heures d’enseignement par an, toutes matières confondues, quand la moyenne des pays de l’OCDE est de 900 heures. Il n’y a donc pas de corrélation entre le volume horaire et la performance éducative.

Je prendrai un autre exemple : nous apprenons que la réussite du système français dépendrait de la suppression du latin ou du grec, de l’inclusion des langues étrangères dans les programmes de cinquième, alors que la réussite dépend d’une réforme beaucoup plus globale du système.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

C’est pourquoi je tiens à nouveau à féliciter mon collègue Jacques Grosperrin d’avoir déposé une proposition de loi, que j’ai cosignée, dont l’article 3 réserve l’accès au collège aux élèves justifiant d’un niveau suffisant de maîtrise du français.

La plus flagrante des fragilités de notre système scolaire est en effet la faiblesse en français, à l’oral comme à l’écrit, d’un très grand nombre de jeunes élèves, qui arrivent en classe de sixième sans maîtriser leur langue maternelle.

Une telle disposition est positive à un double titre. Tout d’abord, elle va permettre de faire passer plus facilement le message des valeurs dans un langage accessible à tous. Ensuite, elle permettra d’attaquer à sa véritable source le problème du décrochage scolaire. Arriver au collège sans savoir ni lire ni écrire convenablement n’est pas concevable. Je félicite donc mon collègue d’avoir proposé cette mesure, car il a le souhait de résoudre le problème en amont, dès le primaire.

Subordonner l’accès au collège au résultat d’une évaluation de la maîtrise du français au cours de l’année du CM2 va aussi permettre naturellement aux méthodes d’enseignement d’évoluer et de s’adapter aux différentes situations.

Je ne vous apprends pas, madame la secrétaire d’État, que savoir lire, écrire et parler le français est la condition de l’accès à tous les domaines du savoir. Je ne vous apprends pas non plus que la langue française est un outil essentiel de l’égalité des chances.

Il est urgent de s’occuper de ceux qui ne réussissent pas dans ce système, en s’attaquant aux difficultés dès le commencement. La performance du système français d’éducation se dégrade, preuve en est le classement international de la France, qui empire depuis ces dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

La proportion de bons élèves ne s’améliore pas et de plus en plus d’élèves sont en échec scolaire : 20 % à l’âge de quinze ans !

Les propositions de mon collègue, notamment l’article 3 de sa proposition de loi, vont donc dans le bon sens.

Aller dans le bon sens, c’est anticiper pour éviter l’amplification des difficultés des élèves.

Aller dans le bon sens, c’est faire en sorte que tous les élèves sachent lire, écrire et s’exprimer avant d’arriver au collège.

Telle est la condition essentielle pour que les enfants puissent s’épanouir, comprendre le sens des valeurs de l’école de la République et ainsi les respecter.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsque, à la suite des événements tragiques de janvier dernier et du refus de quelques élèves de respecter une minute de silence, la constitution d’une commission d’enquête sénatoriale sur le service public d’éducation, la perte des repères républicains et les difficultés rencontrées par les enseignants a été proposée, plusieurs d’entre nous se sont interrogés sur les motivations réelles de ceux qui avaient souhaité recourir à la formule tout sauf anodine d’une commission d’enquête.

Pour ma part, au-delà du côté formel de la procédure, j’ai voulu y voir un espace de réflexion pour contribuer ensemble, car le contexte nous obligeait tous, à enrichir la dynamique engagée ces deux dernières années afin de restaurer l’éducation comme « première, deuxième et troisième priorités », pour paraphraser Michelet.

Dans cet esprit, je me suis alors refusée à tout procès d’intention a priori contre cette commission et j’ai participé à ses travaux autant que faire se pouvait, avec plusieurs collègues du groupe socialiste.

Divers propos entendus lors des auditions, le titre final du rapport et plusieurs interventions à cette tribune démontrent que, pour certains, les objectifs étaient d’un autre ordre et qu’il s’agissait plutôt d’instruire un procès à charge ou, a minima, d’instrumentaliser les faits.

C’est pourquoi je vais tenter de remettre les choses en perspective.

Oui, notre système éducatif traverse des difficultés.

Oui comme dans la société, le vivre ensemble y est souvent difficile et les principes républicains y sont parfois malmenés.

Oui, le mal-être de certains enseignants est réel, et il est multifactoriel.

Oui, nous ne sommes pas bien classés, comme le montrent les chiffres de l’enquête PISA 2013, mais cette situation ne peut être imputée au gouvernement actuel, puisque cette étude porte sur la période 2003-2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

En vérité, depuis 2012, ce gouvernement n’a pas attendu le rapport du Sénat pour s’attacher à redresser la barre, à redéfinir le cap, et il y a beaucoup à faire !

Ainsi, alors qu’entre 2002 et 2012 80 000 postes d’enseignant avaient été supprimés, 35 000 ont d’ores et déjà été recréés, avec un objectif de 60 000 d’ici à la fin de 2017.

Et si le nombre de postes n’est pas l’alpha et l’oméga d’une politique éducative, il n’en reste pas moins qu’une classe surchargée n’offre pas le meilleur contexte pour que l’enseignant soit au plus près de chaque élève et lui inculque un contenu disciplinaire en même temps qu’un comportement citoyen.

Alors que, dans la même période, la formation initiale des enseignants avait été passée par pertes et profits, économies obligent, le Gouvernement a remis en place une véritable politique de formation, qui, aujourd’hui encore plus qu’hier, au regard de l’hétérogénéité des élèves accueillis et des profondes mutations de notre société, est d’autant plus fondamentale.

En effet, comment raisonnablement penser qu’être titulaire d’un master, pour important que soit ce diplôme, pouvait valoir capacité à exercer le passionnant mais difficile métier d’enseignant, qui ne se résume pas à la transmission de savoirs disciplinaires, contrairement à ce que croient ceux qui confondent l’éducation nationale de 2015 et l’instruction publique de 1932 ?

Mme Françoise Férat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Enseigner, mes chers collègues, c’est bien sûr faire partager des savoirs, mais c’est aussi transmettre un savoir-être et des valeurs, c’est contribuer à l’émancipation de chacun.

Contrairement à ce qu’avait osé affirmer un ancien Président de la République, prétendant que, dans la transmission des valeurs, le prêtre était plus important que l’enseignant, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

… c’est bien l’enseignant qui, avec la famille, est le vecteur essentiel de la transmission des valeurs de la République, les fameux « repères républicains »

Oui, triste discours de Latran, qui en dit long sur la pensée profonde de son auteur et de ses thuriféraires, qui en dit long sur leur mépris de notre système éducatif public et des enseignants, mais qui en dit long aussi sur leur conception – ce n’est pas la nôtre - de notre République laïque.

Et, puisque je parle de laïcité, permettez-moi de rappeler que le Gouvernement n’a pas attendu les sinistres événements de janvier pour agir auprès des élèves et rappeler le rôle fondamental de la laïcité dans l’école de la République.

Ainsi, dès le 8 juillet 2013, dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, la charte de la laïcité a été affichée dans tous les établissements scolaires.

Par ailleurs, il faut se féliciter de ce que, dans le cadre de la réforme des programmes, soit prévu un enseignement moral et civique, du CP à la terminale, et que des modules spécifiques soient dorénavant introduits à cet effet dans la formation des enseignants.

Il y aurait encore tant de choses à remettre en perspective, mais mon temps de parole arrive à son terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Aussi dirai-je en conclusion qu’avec les collègues de mon groupe je me refuserai toujours à entrer dans le jeu des déclinistes de tous bords et à stigmatiser notre système éducatif en lui faisant porter tous les maux de la société.

Nous prenons acte de l’engagement de notre ministre de l’éducation nationale et, plus largement, du Gouvernement, de même que nous prenons acte des mesures prises pour que l’école de la République reste bien le pivot du modèle républicain. Qu’elle sache que nous l’assurons de notre soutien dans son action.

Pour toutes les raisons que j’ai dites, nous n’adhérons pas aux conclusions de ce rapport ni à nombre de ses préconisations.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Martine Pinville

Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale, qui est actuellement dans les Alpes-Maritimes auprès des personnels de l’éducation nationale, particulièrement touchés par les terribles intempéries des 3 et 4 octobre.

L’école, notre école, est, par son histoire, profondément liée à la République et à ses valeurs. C’est pourquoi, dès la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, un accent particulier avait été mis sur les valeurs républicaines. Oui, l’école forme les citoyens de demain, et elle est bien, à cet égard, au cœur de la République.

Cette place explique l’intensité avec laquelle elle a été atteinte par les attentats de janvier, qui ont violemment mis en lumière les fractures qui endolorissent notre pacte républicain. Le Gouvernement a immédiatement réagi pour renforcer notre capacité collective à prévenir ce danger planétaire et permanent qu’est le terrorisme et à y répondre.

Garante des valeurs fondamentales de la République, creuset de la citoyenneté, l’école a immédiatement mobilisé l’ensemble des acteurs de la communauté éducative pour la défense de ces valeurs. Dès le lendemain des attentats, la ministre de l’éducation nationale a rencontré de nombreux acteurs de l’enseignement et du monde associatif pour construire avec eux la Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, dont les onze mesures ont été annoncées le 22 janvier.

Au lendemain des attentats, des incidents se sont effectivement produits pendant la minute de silence et à l’occasion des échanges entre les élèves et leurs enseignants qui lui ont fait suite. Sur l’ensemble des établissements français, 200 incidents ont été recensés. Ils sont graves, car ils révèlent l’étendue des fractures qui traversent la société.

Ces données sont déclaratives et ne concernent que les incidents qui n’ont pu être réglés par les enseignants dans le cadre de la classe. Elles ne constituent donc pas un recensement exhaustif de l’ensemble des difficultés qu’ont pu rencontrer les équipes éducatives.

En tout état de cause, ces incidents ont fait l’objet d’une réponse alliant pédagogie et fermeté, conformément à l’exigence de Mme la ministre de ne laisser prospérer aucune atteinte aux valeurs de la République au sein de l’école, de ne laisser aucun incident sans suite.

L’école est le rempart des valeurs de la République et, je le répète, le creuset de la citoyenneté. Les rencontres conduites au lendemain des attentats l’ont montré : la laïcité est une condition indispensable à l’ensemble des autres valeurs. C’est en ce sens que la refondation de l’école, engagée dès 2013, a été conduite par le Gouvernement.

Cette refondation engage une véritable pédagogie de la laïcité, de manière active, par le biais de nouvelles ressources pédagogiques. Au travers du parcours citoyen, qui a été mis en place dès cette rentrée, chaque élève aura, du CP à la terminale, 300 heures d’enseignement moral et civique, qui doivent permettre aux élèves de développer leur esprit critique, de savoir trier les informations, de bien utiliser les outils numériques.

Cet enseignement doit aussi permettre aux élèves de comprendre le principe de laïcité, en s’appuyant notamment sur la charte de la laïcité, que les parents ont été invités à signer en cette rentrée. L’enseignement laïque du fait religieux a en outre été renforcé dans les nouveaux programmes.

Le parcours citoyen vise également à expliciter le bien-fondé des valeurs et des règles qui régissent les comportements individuels et collectifs, à reconnaître le pluralisme des opinions et à construire du lien social et politique. Il devra intégrer pleinement la participation de l’élève à la vie de l’école et de l’établissement, ainsi que les expériences et engagements qu’il connaîtra en dehors de l’école, notamment avec les partenaires associatifs. Il visera en outre à développer l’éducation aux médias et à l’information.

On voit là toute l’importance de la maîtrise du français pour les élèves, qui doivent pouvoir exprimer correctement leurs idées. Dans les nouveaux programmes qui entreront en vigueur à la rentrée prochaine, la maîtrise du langage est prioritaire, une évaluation devant intervenir au cours du premier trimestre de CE2 afin de vérifier les acquis et d’adapter l’enseignement.

Au collège aussi, l’acquisition des fondamentaux, notamment du français, sera mise en valeur. Le développement du travail en petits groupes, prévu par la réforme du collège, ainsi que les enseignements pratiques interdisciplinaires renforceront la maîtrise de notre langue, la capacité à débattre et à devenir citoyen à part entière.

Afin d’accompagner les enseignants dans la mise en œuvre de ce parcours citoyen, 1 200 cadres de l’éducation nationale, chefs d’établissement, inspecteurs, conseillers pédagogiques, « référents laïcité », ont été formés en avril et en mai. Ils formeront à leur tour 320 000 enseignants d’ici à la fin de l’année.

Un « livret laïcité » est également diffusé, pour que la pédagogie de la laïcité soit promue dans l’ensemble des temps de la vie scolaire et que les équipes éducatives disposent à la fois de ressources juridiques et de l’accompagnement nécessaire.

S’agissant, par exemple, des accompagnateurs de sorties scolaires, il faut ici simplement rappeler le droit. Le Conseil d’État a précisé que, n’étant pas des collaborateurs du service public, ils ne sont par conséquent pas soumis à la neutralité religieuse.

La position du ministère est donc claire et opérationnelle pour les équipes éducatives : le refus de principe opposé à des parents accompagnateurs de sorties scolaires au motif de signe d’appartenance religieuse n’est pas fondé en droit. L’acceptation de leur présence doit donc être la règle. Toutefois, les équipes éducatives doivent interdire leur présence en cas de provocation ou de prosélytisme.

Si la laïcité doit être protégée avec la plus grande fermeté, la bonne volonté de parents qui, en encadrant une sortie scolaire, manifestent leur intérêt pour la scolarité de leur enfant et leur désir de coopération avec l’école doit rencontrer le dialogue et non la fermeture.

Toute cette pédagogie, cette prise en compte permanente du dialogue et de l’échange, c’est par les enseignants qu’elles s’incarneront et qu’elles s’ancreront au cœur de l’école.

Oui, pour bien des élèves, c’est au travers de la relation avec le professeur que va se faire la première rencontre avec l’État républicain. Les enseignants, par leur fonction et par leur importance, sont les représentants de la République, et c’est pour cette raison qu’il faut rétablir leur autorité, comme vous le soulignez dans votre rapport.

Rétablir cette autorité, c’est d’abord les former. C’est ce que ce gouvernement a fait en rétablissant la formation initiale supprimée par la majorité précédente, une formation initiale qu’il faut encore améliorer s’agissant du tronc commun relatif à la pédagogie de la laïcité ou la tenue des classes.

Rétablir l’autorité des maîtres, c’est faire respecter les règles de civilité et de politesse. Dans l’intérêt même des élèves, on ne doit avoir aucune faiblesse envers les comportements qui y portent atteinte. L’école doit fixer les limites dont les élèves, en tant que futurs citoyens, ont besoin pour se construire. Ainsi, ces règles doivent dorénavant être systématiquement précisées dans le règlement intérieur de chaque établissement scolaire.

Pour améliorer le sentiment d’appartenance des élèves à la République, qui a ses rites et ses symboles, Mme la ministre de l’éducation nationale a souhaité par ailleurs rétablir des rituels au sein des établissements scolaires.

En premier lieu, une journée de la laïcité sera célébrée dans tous les établissements chaque 9 décembre, jour anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État.

Au-delà, les projets d’école et d’établissement scolaire doivent définir précisément les modalités de participation active des élèves aux commémorations patriotiques, ainsi qu’aux semaines de l’engagement et de lutte contre le racisme.

La ministre a souhaité que l’organisation solennisée d’un temps annuel d’échanges avec l’ensemble de la communauté éducative, la valorisation des réussites des élèves, les spectacles de fin d’année, soient systématisés. Premier examen et premier diplôme, le diplôme national du brevet sera d’ailleurs remis lors d’une cérémonie officielle et républicaine à chaque élève par son établissement dès la fin de cette année scolaire, comme l’a annoncé récemment la ministre.

Nous le savons, l’école joue un rôle essentiel dans la transmission des valeurs de la République. Elle ne doit pas pour autant être laissée seule face à ces défis. Toute la société doit être mobilisée.

Nous pensons évidemment au service civique universel, que le Président de la République a voulu déployer avec force et dont l’éducation nationale accueillera 37 000 volontaires d’ici à 2017.

L’école ouvre aussi ses portes aux personnes de la société civile désireuses de consolider le socle des valeurs partagées. Elles sont déjà 5 000 à vouloir intervenir dans les écoles. Ces réservistes citoyens participent eux aussi à la transmission des valeurs de la République.

Ils offrent aux élèves la richesse de leur expérience vécue. À travers eux, les valeurs ne sont pas simplement des idéaux, mais des actions pratiques, mises en œuvre au sein du monde qui nous entoure.

Cette irremplaçable épaisseur du vécu qui fonde la légitimité du réserviste offre aux élèves une autre voie, un autre chemin. À travers leurs témoignages, ils contribuent aussi à lutter contre la radicalisation en montrant la place que chacun peut prendre dans le monde et comment il peut aussi agir.

En effet, la meilleure façon de lutter contre la radicalisation, ce n’est pas uniquement de punir, c’est aussi de transmettre des savoirs fondamentaux aux élèves, c’est de développer chez eux le sens critique, le sens de l’analyse. C’est là tout l’enjeu de l’éducation aux médias et à l’information.

Aux premiers signes de radicalisation d’un élève, l’école doit pouvoir agir rapidement. Un livret de prévention de la radicalisation a été mis à disposition des chefs d’établissement et des équipes éducatives pour les aider à détecter les premiers signes de radicalisation et à agir en conséquence. Les procédures de signalement et de remontée au ministère ont été renforcées. Il en va de même pour la coopération avec les autres services de l’État compétents en la matière que sont la justice et la police.

Dans les établissements privés hors contrat, de nouvelles mesures ont été prises afin de renforcer le contrôle de l’État. Si la liberté d’enseignement est un droit garanti par la Constitution, la circulaire du 23 juillet 2013 permet de mieux l’encadrer, qu’il s’agisse de s’opposer à l’ouverture d’un établissement, de contrôler son fonctionnement et le contenu pédagogique de son enseignement ou de renforcer la vigilance concernant l’enseignement à domicile.

Parallèlement à la publication de cette circulaire, la Mission de prévention des phénomènes sectaires de l’éducation nationale, la MPPS, a vu son périmètre élargi à la radicalisation religieuse, en constituant une ressource experte partagée entre les inspections générales pour soutenir les académies dans leurs stratégies de contrôle, appuyer et former les corps d’inspection afin de garantir l’effectivité et la qualité des contrôles que l’éducation nationale s’est donné pour objectif de mieux assurer.

Au-delà, c’est dans le temps que l’action de l’école doit être inscrite. Nous ne devons pas nous contenter de réagir.

C’est ce gouvernement qui a choisi de faire du budget de l’éducation le premier budget de la Nation, permettant que 60 000 postes supplémentaires viennent renforcer la présence des adultes auprès de nos jeunes, dans l’ensemble de notre système scolaire, notamment auprès des publics qui en ont le plus besoin, avec la réforme de l’éducation prioritaire, le dispositif « plus de maîtres que de classes » ou le renforcement de la scolarisation des moins de trois ans.

Marques d’approbation sur certaines travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Martine Pinville

Plus d’adultes dans les établissements, c’est la garantie d’une meilleure transmission de la connaissance et des valeurs de la République.

Au-delà, c’est ce gouvernement qui a fait de la laïcité à l’école une véritable priorité. C’est aussi ce gouvernement qui a mis au service de cette priorité de véritables moyens tant en matière de ressources pédagogiques que pour former et accompagner concrètement les équipes éducatives.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, sur un sujet comme celui-ci, et au-delà des polémiques politiciennes, nous devons nous rassembler : c’est la Nation tout entière qui doit se mobiliser pour une école plus forte et plus juste, une école dont le climat sera ainsi apaisé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur le fonctionnement du service public de l’éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l’exercice de leur profession.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté des candidatures pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et pour la commission des affaires européennes.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

-M. Alain Vasselle, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en remplacement de M. Jean Jacques Hyest, dont le mandat de sénateur a cessé ;

-Mme Anne Chain-Larché, membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, en remplacement de M. Alain Vasselle, démissionnaire ;

-M. Alain Vasselle, membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean Jacques Hyest, dont le mandat de sénateur a cessé.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Catherine Procaccia membre de la délégation sénatoriale à l’outre-mer, en remplacement de M. Alain Fouché, démissionnaire.

Mes chers collègues, avant de passer à la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi et la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française, présentées par M. Vincent Eblé et les membres du groupe socialiste et républicain. (rapport n° 29, textes de la commission n° 30 et 31.)

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes seraient examinés conjointement, selon la procédure d’examen en commission prévue par l’article 47 ter du règlement du Sénat. Il s’agit donc d’une première !

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du ou des textes adoptés par la commission.

La commission des lois, saisie au fond, s’est réunie le mercredi 7 octobre pour l’examen des amendements et des articles et l’établissement des deux textes. Le rapport a été publié le même jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Avant de mettre successivement aux voix l’ensemble de chacun des deux textes adoptés par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 ter, alinéa 11, de notre règlement, au rapporteur de la commission, pour dix minutes, puis au Gouvernement et, enfin, à un représentant par groupe pour sept minutes.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, Vincent Eblé et les membres du groupe socialiste et républicain ont déposé une proposition de loi ordinaire et une proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française. Je précise qu’une proposition de loi organique était nécessaire puisque cette initiative concerne également les collectivités d’outre-mer.

Vincent Eblé reformule ainsi une vieille question : comment s’assurer de la connaissance de la loi et de son respect alors que l’adage « Nul n’est censé ignorer la loi » s’impose à tous ?

Voilà donc la question de la publication de la loi qui nous revient. Elle date en fait de l’Ancien Régime – peut-être est-elle même plus ancienne. Sous l’Ancien Régime, la publication était simple : elle se faisait à son de trompe ou au bruit de tambour. La Révolution française a instauré la publication au Bulletin des Lois auquel a succédé, à partir de 1870, le Journal officiel de la République française.

Cent trente ans après, l’ordonnance du 20 février 2004 a introduit une dérogation à ce principe de la publication sur support papier, en permettant, dans certains cas, une publication sous forme électronique.

Cette ordonnance a pour grande vertu de donner la même force probante à la publication électronique qu’à la publication papier.

Vous le savez, il restait deux exceptions : d’une part, un certain nombre de publications sensibles en termes de droits de la personne ne pouvaient être reproduites que sur du papier. Une liste dressée par décret fixe ces catégories d’actes individuels : elle vise notamment les changements de nom, la francisation des noms ou prénoms, l’acquisition de la nationalité française, la naturalisation, la perte de la nationalité française, ainsi que les annonces judiciaires et légales qui mentionnent les condamnations pénales.

En définitive, seulement 8 % des textes publiés au Journal officiel de la République française ne le sont que sur papier. Inversement, des actes administratifs publiés au Journal officiel de la République française ne font l’objet que d’une publication sous forme électronique : les actes réglementaires et les décisions individuelles concernant l’organisation administrative de l’État, les décisions individuelles et non réglementaires relatives aux fonctionnaires et agents publics, aux magistrats et aux militaires, ainsi que certains documents relatifs au budget de l’État comportant des annexes très lourdes et des décisions individuelles émanant des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques.

Aujourd’hui, environ 40 % des textes publiés au Journal officiel de la République française le sont uniquement par voie électronique.

L’objet des deux propositions de loi présentées par Vincent Eblé est simple : « mettre un terme à la version papier de la publication du Journal officiel de la République française pour ne conserver que la version électronique ».

Ces modifications s’appliqueraient rapidement sur l’ensemble du territoire national, puisqu’elles entreraient en vigueur le 1er janvier 2016. Elles seraient étendues aux collectivités ultramarines pour lesquelles la publication au Journal officiel de la République française est régie par des dispositions spéciales, ce qui justifie le vote d’une loi organique. Je rappelle qu’il existe une édition papier pour la Polynésie, qui n’est pas concernée par ces deux textes.

La dématérialisation du Journal officiel est préconisée depuis de longues années par la Cour des comptes et de nombreux parlementaires, le nombre d’abonnés à la version papier ayant chuté de 33 500 à 2 261 entre 2004 et 2015, 90 % des abonnements étant souscrits par des administrations. Cela signifie que l’on ne compte plus qu’environ 220 particuliers abonnés, ce qui relativise les craintes relatives à la « fracture numérique » ; nous y reviendrons.

À l’inverse, on a constaté une montée en flèche des abonnements à la version électronique du Journal officiel : on en dénombrait un peu moins de 66 000 au 31 décembre 2014, 1, 6 million de visites de cette version étant recensées.

La dématérialisation permet de fournir le Journal officiel à titre gratuit – l’abonnement à la version papier coûte 360 euros par an –, rapidement et à la même heure sur tout le territoire, alors qu’aujourd’hui l’édition papier ne parvient outre-mer qu’avec ou un deux jours de retard. De surcroît, la version électronique inclut l’ensemble des pièces non publiées actuellement dans l’édition papier.

La dématérialisation permettra une économie relativement modeste, de l’ordre de 400 000 euros, le coût de l’impression s’élevant à 1 million d’euros, pour un produit des abonnements d’environ 600 000 euros. Elle s’accompagnera d’un impact écologique moindre.

Par ailleurs, la dématérialisation n’entraînera aucune suppression d’emplois. L’impression est aujourd’hui confiée à une société coopérative, la société anonyme de composition et d’impression du Journal officiel, la SACIJO. Un accord social a été conclu avec l’État, qui prévoit certes une diminution du nombre d’emplois, mais non liée à la dématérialisation.

En ce qui concerne la légalité de la dématérialisation, le Conseil constitutionnel sera appelé à examiner, par le biais de la proposition de loi organique, la constitutionnalité de cette modification.

Deux questions constitutionnelles se posent.

En premier lieu, la dématérialisation constitue-t-elle un obstacle à l’accès au Journal officiel, et donc à la connaissance de la loi par l’ensemble des citoyens ? Je répondrai par la négative, la version papier n’apportant pas plus de garanties à cet égard que la version numérisée, au contraire. Si la consultation de cette dernière exige de recourir à un ordinateur, sa mise à disposition « permanente et gratuite » est garantie par la loi, alors que la lecture du Journal officiel sur papier impose de se déplacer en certains lieux ou d’acheter le numéro en cause.

Toutefois, la commission a adopté un amendement présenté par Pierre-Yves Collombat et Jacques Mézard, tendant à permettre à chacun d’obtenir de l’administration la communication sur papier d’un extrait du Journal officiel. Comme Alain Richard et Alain Marc l’ont souligné, l’adoption de cet amendement expose l’administration à devoir faire face à des demandes massives de reproduction, ce qui pourrait susciter des difficultés. La navette parlementaire permettra sans doute d’affiner la disposition.

En second lieu, comment s’assurer de la préservation de la vie privée ? Les moteurs de recherche permettent de collecter diverses informations relatives à la nationalité, aux changements de patronyme et de constituer des fichiers illégaux. À cet égard, la proposition de loi prévoit que la publication des actes s’effectuera dorénavant sous forme électronique, mais « dans des conditions garantissant qu’ils ne [feront] pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche ».

Différents dispositifs peuvent être employés à cette fin. Il convient, à cet égard, de saluer le travail accompli par la direction de l’information administrative et légale, la DILA. On peut notamment évoquer la présence d’un formulaire, l’accès à l’acte publié uniquement à partir du sommaire du numéro du Journal officiel recherché par date, ou encore le recours à un système de sécurité de type « captcha ».

Concernant l’application de cette mesure dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, le président du Sénat a, en application des articles 74 et 77 de la Constitution, consulté l’ensemble des assemblées délibérantes de ces collectivités sur la proposition de loi organique. La commission permanente de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna a émis un avis favorable. Les avis des autres assemblées délibérantes n’étant pas parvenus à la présidence du Sénat dans le délai d’un mois, ils sont réputés favorables.

En conclusion, j’invite le Sénat à adopter ces textes relativement importants pour nos institutions.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d’abord la commission des lois, qui a adopté la semaine dernière la proposition de loi et la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française. Je me réjouis qu’un large consensus ait prévalu lors des débats sur ces textes, qui représentent une avancée importante pour l’amélioration de l’accès aux droits et de la qualité du service public.

La commission des lois a adopté un amendement qui prévoit que « sur demande faite par un administré, l’administration communique sur papier l’extrait concerné du Journal officiel de la République française ».

Je n’étais pas favorable à un tel amendement, car il me semble que le dispositif que nous mettons en place améliorera significativement les conditions d’accès au Journal officiel, d’abord en raison de sa gratuité, ensuite parce qu’internet a permis, nous le constatons chaque jour, de réduire la fracture numérique et de faciliter l’accès aux lois.

J’avais enfin quelques réserves, sur lesquelles je reviendrai, concernant le dispositif proposé.

Le nouveau texte issu des travaux de la commission m’inspire deux réflexions.

Tout d’abord, l’exposé des motifs de l’amendement adopté par la commission précise que celui-ci « vise à prendre acte de la dématérialisation du Journal officiel, tout en aménageant la possibilité pour un citoyen-administré, qui ne bénéficie pas d’un accès aisé à internet, de demander que lui soit envoyé un extrait du Journal officiel ».

Ainsi, même si le texte issu des travaux de la commission n’est pas celui de la proposition de loi ou de la proposition de loi organique, nous voyons bien que, sur l’essentiel, c’est-à-dire sur le principe de la dématérialisation du Journal officiel au 1er janvier 2016, nous sommes tous d’accord. Cette avancée va dans le bon sens.

Je suis aussi très sensible à la volonté des auteurs de cet amendement de préserver et d’améliorer l’accès aux documents administratifs. Le Sénat tient ici parfaitement son rôle. De mon côté, je suis toujours extrêmement attentive, à l’instar de mes collègues du Gouvernement, à ce que la transformation numérique de l’État ne laisse personne sur le bord du chemin. C’est aussi la préoccupation qui sous-tend l’adoption de cet amendement.

Certes, en l’état, le texte pose quelques problèmes qui ont été relevés en commission. Comme l’a très justement rappelé M. le rapporteur, le terme d’« administration » figurant dans l’amendement est très général et mérite d’être précisé.

Je veux surtout rappeler les arguments importants qui ont été développés par les sénateurs Alain Marc et Alain Richard quant au risque d’abus de cette prérogative. Il faut effectivement prendre en compte le risque de voir se développer sur la toile, à l’occasion de débats sensibles, une campagne tendant à demander la reproduction d’une page du Journal officiel à des milliers d’exemplaires.

Mon cabinet, les équipes du secrétariat général du Gouvernement et celles de la DILA évaluent actuellement les options les plus pertinentes en droit et les actions à mener pour répondre aux préoccupations exprimées par la commission des lois au travers de l’adoption de cet amendement.

Compte tenu de notre accord sur l’essentiel du texte et des motivations des sénateurs ayant voté l’amendement, qui rejoignent complètement celles du Gouvernement, je ne doute pas que les prochaines étapes de nos débats permettront d’élaborer un dispositif satisfaisant pour tout le monde. En tout état de cause, le Gouvernement tiendra la commission des lois et son président informés des conclusions auxquelles nous aboutirons.

Pour l’heure, au regard de l’état actuel du texte, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. Vincent Eblé et Mme Françoise Férat applaudissent. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Heureusement, je suis entouré de « petites mains » expertes en l’utilisation de l’outil informatique…

Le Journal officiel constitue le bréviaire quotidien de tout un chacun dans les administrations françaises, centrales et territoriales. La vie parlementaire, nourrie de nos tergiversations, de nos débats et parfois de nos divergences quotidiens, joue évidemment un rôle très important.

Depuis la Révolution française, la loi promulguée est portée à la connaissance des citoyens par sa publication. Cela tendait alors à rompre avec les pratiques arbitraires de l’Ancien Régime, marquées par l’absence d’unité, dans le fond comme la forme, de l’élaboration des normes.

Héritier de la Gazette nationale ou du Moniteur universel, puis publication officielle de la République, dont il résume la vie juridique, le Journal officiel de la République française a pris, depuis 1881, la suite du Journal officiel de l’Empire français, en même temps qu’était consacrée la liberté de la presse en France. Beau symbole de la vie démocratique, l’austérité du Journal officiel constitue la garantie par excellence du respect du principe d’accès au droit, permettant de donner une portée concrète au vieil adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » !

Si, pendant la Commune de Paris, ont coexisté deux éditions, publiées l’une à Paris, l’autre à Versailles, ce sont aujourd’hui deux versions bien différentes du Journal officiel qui se côtoient et se complètent depuis 2004 : la version sur papier et celle sous forme électronique. Cette dernière, en allégeant le contenu de la version papier et en offrant un accès plus simple et plus direct, a permis d’élargir le public du Journal officiel.

L’évolution rapide des technologies et de l’accès à l’information rend aujourd’hui inéluctable la dématérialisation du Journal officiel. Aussi le groupe du RDSE approuve-t-il le principe des présentes propositions de loi, qui permettent un énième petit pas sur le grand chemin de la simplification numérique.

La baisse régulière du nombre d’abonnés à la version papier, lequel s’établit en 2015 à 2 260 et correspond, à hauteur de 90 %, à des administrations, est significative à cet égard. Avec l’administration numérique, les citoyens ont vu leur vie quotidienne amplement simplifiée, puisque nombre de démarches se font désormais en ligne : impôts, carte grise, permis de conduire, etc.

Toutefois, parce que nul n’est censé ignorer la loi et que cette dernière doit être en tout état de cause accessible à tous, nous avons proposé de conserver la possibilité, pour tout administré, de demander à l’administration communication sur papier de l’extrait concerné du Journal officiel de la République française. Cette disposition, approuvée à une large majorité en commission, est de bon sens et de facture modeste. Elle constitue une transition équilibrée vers la dématérialisation complète, dont elle ne remet pas en cause le principe. Elle doit garantir l’accès au Journal officiel, notamment pour les personnes physiques privées d’accès à internet en raison de l’existence de zones blanches ou grises en matière de couverture numérique. Rappelons que, selon les chiffres cités par M. le rapporteur, que je trouve d’ailleurs optimistes, seulement 83 % des ménages avaient, en 2014, accès à internet. Ce taux est important, mais une minorité, qui a cependant tout autant droit que le reste de la population à accéder au droit, se trouve laissée de côté.

La dématérialisation pose des difficultés nouvelles, en même temps qu’elle résout des problèmes anciens. La protection de la vie privée des individus en est une. Plusieurs dispositifs techniques ont été annoncés par le Gouvernement, dans le respect des préconisations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, ce que nous approuvons.

Le coût écologique est une autre difficulté, même s’il s’agit selon moi d’une tarte à la crème. En effet, si la dématérialisation permet de réduire la déforestation, elle est fortement consommatrice d’énergie, pas forcément « propre ». Le papier a un coût, celui de la déforestation, mais il faudra également s’interroger un jour sur la dépense énergétique liée à l’utilisation d’internet : internet n’est virtuel qu’en apparence, puisque sa fréquentation requiert des équipements très concrets qui consomment beaucoup d’énergie, à commencer par les serveurs et les centres de stockage des données. Pour une année, la dépense énergétique nécessitée par l’expédition du courrier électronique d’une entreprise de cent personnes équivaut à quatorze aller-retour Paris-New York. Les data centers, qui regroupent les serveurs indispensables à la circulation des 300 milliards de courriels envoyés quotidiennement, peuvent consommer autant d’énergie qu’une ville de 200 000 habitants.

Par ailleurs, nous le savons, la dématérialisation complète peut poser des problèmes en matière d’archives historiques. Quelle postérité pour ces centaines de milliers de données virtuelles ?

Le début de la navette parlementaire a ainsi permis d’engager un débat sur l’ère numérique et ses conséquences sur la vie de nos concitoyens. Le groupe du RDSE apportera son soutien à ces textes, dont la version adoptée en commission par la Haute Assemblée préserve le droit au droit pour l’ensemble de nos concitoyens, qu’ils disposent ou pas d’un accès à internet.

À cet égard, je salue l’approche très mesurée de la commission des lois et de son rapporteur. La dématérialisation présente d’énormes avantages, mais il convient de ne pas en nier les écueils. Je félicite donc M. le rapporteur et M. le président de la commission du travail de précision accompli. Malgré mon sentiment personnel, je suivrai la position de mon groupe.

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Deromedi

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, si nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il que les citoyens y aient accès. Le choix d’un mode de publication unique sous forme imprimée pour tout l’Hexagone ne s’est imposé que progressivement. Il a été perçu comme une conquête, révolutionnaire allais-je dire, tant pour les administrations et services publics que pour les citoyens.

C’est l’Assemblée constituante qui a introduit un seul mode de publication des lois et règlements pour l’ensemble de la République. La publication par lecture publique, réimpression ou affiche ainsi qu’à son de trompe ou bruit de tambour n’a été supprimée, en principe, qu’en 1795. Le code civil de 1803 a consolidé ces règles. Quant au Bulletin des lois, créé en 1790, il subsista jusqu’en 1931, simultanément avec le Journal officiel, créé, lui, en 1870.

La dématérialisation du Journal officiel n’a commencé qu’avec l’ordonnance du 20 février 2004. Elle a d’abord unifié et simplifié les règles de publication des lois et règlements : un délai unique a été retenu sur l’ensemble du territoire national, à l’exception des collectivités ultramarines situées dans le Pacifique Sud ; est ainsi assurée la diffusion quasiment instantanée de la règle de droit en tout point du territoire.

L’ordonnance a édicté des règles communes pour les lois et autres actes normatifs publiés au Journal officiel. Le principe est celui d’une double forme de publication, sous forme électronique et sur papier, assorti de deux exceptions. La première exception, motivée par le souci de ne pas porter atteinte à la vie privée des personnes, est la publication exclusive sur papier des actes individuels, notamment ceux qui sont relatifs à l’état et à la nationalité. À l’inverse, l’ordonnance du 20 février 2004 permet au pouvoir réglementaire de définir les catégories d’actes administratifs faisant l’objet uniquement d’une publication sous forme électronique. Le décret en Conseil d’État du 29 juin 2004 en a fixé la liste.

Les deux propositions de loi, organique et ordinaire, dont nous sommes saisis aujourd’hui marquent une nouvelle étape de cette longue histoire. Le but est une dématérialisation aussi complète que possible du Journal officiel.

On constate en effet, depuis plusieurs années, une baisse continue du nombre d’abonnements à la version papier. Les chiffres cités en commission sont particulièrement éloquents : entre 2004 et 2015, le nombre d’abonnés à la version papier a chuté de 33 500 à 2 261, dont 90 % sont des administrations et 10 % des particuliers, soit environ 200 personnes. L’impression du Journal officiel pour ses quelque 2 000 abonnés actuels représente une demi-heure d’activité pour les rotatives. Quant aux abonnements à l’édition papier outre-mer, la situation est encore plus éloquente : on en dénombre seulement douze pour les collectivités d’outre-mer. À l’inverse, au 31 décembre 2014, on comptait 65 932 abonnés au sommaire de la version électronique du Journal officiel, tandis que 1, 6 million de visites de la version électronique authentique du Journal officiel étaient recensées.

Certes, une partie de la population ne dispose pas encore d’internet ou ne peut y recourir en raison de l’âge ou de l’absence de couverture suffisante du territoire. Mais, en une décennie, l’internet s’est considérablement démocratisé : selon l’INSEE, 83 % des ménages avaient, en 2014, accès à internet, une proportion en progrès constant puisqu’un peu plus de 64 % des ménages déclaraient disposer d’un accès à internet à leur domicile en 2010, 56 % en 2008 et seulement 12 % en 2000.

En outre, comme l’ont remarqué les différents orateurs en commission, la version électronique offre des fonctionnalités supplémentaires, appelées à croître, par rapport au support papier : une navigation plus fluide, des recherches par mot clé ou encore un accès plus simple au droit à partir du site Légifrance. Autre avantage de l’édition électronique, elle est immédiatement disponible en permanence, alors que la consultation du format papier dans les préfectures et les communes nécessite un déplacement aux heures d’ouverture des services.

Sur le plan des coûts, la dématérialisation devrait procurer une économie d’environ 400 000 euros, donnée d’importance dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.

S’agissant du personnel de la société anonyme de composition et d’impression des journaux officiels, la SACIJO, dont les droits doivent être préservés, un protocole social a été signé entre les organisations syndicales et l’État le 29 juin dernier. Comme l’a fait remarquer notre rapporteur, la baisse du nombre d’emplois, de 211 à 150, n’est pas une conséquence directe de la dématérialisation du Journal officiel, mais celle d’un phénomène plus général de numérisation. Enfin, personne n’est affecté spécifiquement à la version papier plutôt qu’à la version électronique.

Dans un souci de prise en compte des exclus de l’internet, la commission des lois a prévu que tout usager pourrait obtenir communication d’un extrait papier du Journal officiel. Sans doute serait-il nécessaire d’affiner ce dispositif pour éviter les demandes répétitives ou abusives, en s’inspirant de ce qui est prévu pour la communication des documents administratifs.

Notre groupe approuve entièrement cette réforme, qui procurera des économies opportunes, tout en confortant le droit à l’information des citoyens.

Applaudissements au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes tous attachés, dans cet hémicycle, à la qualité de la loi. Pourtant, sans un mode de diffusion adapté, cette qualité ne peut que rester lettre morte. À ce titre, le Journal officiel est à la fois un outil indispensable de sécurité juridique et un souvenir de la conquête de l’égalité de chacun devant la loi.

Il ne s’agit donc en aucune mesure, dans le cadre de l’élaboration de ces deux textes, ordinaire et organique, de remettre en cause l’existence du Journal officiel. Bien au contraire, il s’agit d’adapter celui-ci aux nouveaux modes de diffusion numérique de l’information, afin de le rendre plus facilement accessible à tous.

En effet, la version papier a été largement délaissée au profit de la version dématérialisée disponible sur internet. On comptait en 2004 près de 33 500 abonnés au Journal officiel en version papier. En 2014, ils n’étaient plus que 2 700, dont 90 % sont des personnes publiques. Cette chute brutale des abonnements à la version papier a été largement compensée par le succès de la version internet : 1, 7 million de visites en 2013, pour 4, 3 millions de pages vues.

Nous sommes donc face à un phénomène manifestement irréversible, qui touche progressivement toutes les formes de publications officielles de l’État, comme cela a été rappelé dans le rapport établi par notre collègue Alain Anziani.

Parallèlement à l’évolution des modes de consultation des actes officiels, le Gouvernement a annoncé dès 2013 vouloir simplifier le fonctionnement administratif des pouvoirs publics tout en améliorant les relations avec les administrés.

La dématérialisation du Journal officiel s’inscrit manifestement dans le prolongement de cette démarche, également préconisée par la commission des finances et la Cour des comptes en 2014.

Enfin, de façon plus anecdotique, la suppression de la version imprimée du Journal officiel permettra une économie nette de 400 000 euros pour l’État, ce qui est notable sans être déterminant. Cette suppression permettra également d’économiser le papier, ce qui est tout aussi important.

Il me semble possible d’affirmer qu’il existe un consensus sur la dématérialisation du Journal officiel. Conserver la version papier n’aura bientôt plus grand sens, tant la disparition naturelle de ce format semble inéluctable.

Ce consensus n’efface pourtant pas certaines remarques, qui ont d’ores et déjà permis d’enrichir le texte.

La première concerne l’accès effectif et réel au Journal officiel par le biais d’internet. D’après le rapport, près de 83 % des ménages sont connectés et cette part continue de progresser chaque année. Nous ne parviendrons toutefois jamais, à l’évidence, à une connexion généralisée sur l’ensemble du territoire.

Bien que l’actuelle édition papier du Journal officiel ne soit pas disponible en kiosque, il fallait s’assurer, au moins sur le plan du principe, que chaque personne puisse s’informer. C’est tout le sens de l’amendement adopté sur l’initiative de Jacques Mézard, tendant à permettre à chaque citoyen de demander la copie d’un acte à l’administration. Cette disposition permet de sécuriser le dispositif de ces deux propositions de loi, dans la perspective du contrôle qu’exercera le Conseil constitutionnel sur le texte organique.

La seconde remarque, qui pourra peut-être inspirer nos collègues députés, concerne la sécurité de nos publications. Nous savons tous à quel point les systèmes techniques sont fragiles au regard des risques liés aux attaques informatiques.

C’est pourquoi notre collègue Sophie Joissains avait estimé, lors de l’examen en commission des présentes propositions de loi, que l’administration serait bien inspirée de conserver des archives sur papier pour les textes qui seront, dorénavant, publiés exclusivement par voie électronique. Cette remarque, dictée par la prudence, n’appelle pas nécessairement l’intervention du législateur.

Vous l’aurez constaté, ces remarques ne constituent en rien des réserves et les textes tels qu’issus des travaux de la commission des lois y répondent déjà en grande partie.

J’ajouterai, à ce titre, une dernière observation : les deux présentes propositions de loi ont permis au Sénat d’inaugurer la nouvelle procédure d’examen en commission qui permet de fluidifier le rythme d’adoption de textes ne présentant pas de difficultés manifestes.

Le groupe UDI-UC souhaite féliciter tous les services du Sénat qui ont contribué au succès de la mise en œuvre de cette nouvelle procédure, en espérant qu’elle ne tombe pas en désuétude à l’avenir.

Les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de l’adoption des deux présentes propositions de loi.

Applaudissements au banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen de ces deux textes selon la nouvelle formule définie par un règlement que notre groupe n’a pas approuvé ne constitue, sous bien des aspects, qu’un épisode de la vie et du devenir de l’impression légale et administrative.

Ces deux propositions de loi visent, en quelque sorte par la force des choses, à mettre un terme à la publication sur papier du Journal officiel, comme cela a déjà été le cas pour les éditions rendant compte des débats parlementaires.

La proposition qui nous est soumise aujourd’hui est justifiée, pour l’essentiel, par la chute à quelque 2 500 exemplaires de la diffusion de la version papier du Journal officiel, à mettre en regard du succès relatif de la version électronique, rendue attractive par la gratuité : celle-ci compte plus de 65 000 abonnés.

Ces dernières années, l’impression publique, avec ses différentes entités, a été directement affectée par l’évolution des techniques d’impression, la montée en puissance de l’internet et la modernisation progressive des outils de travail.

L’impression des Journaux officiels a ainsi fait l’objet de lourds investissements en matériels modernes de tirage, noir et blanc comme couleur, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont encore loin d’être pleinement utilisés.

En effet, nonobstant la part mineure que représente la vente au numéro ou par abonnement du Journal officiel dans les comptes de la DILA, il faut bien constater que le regroupement opéré entre l’ancienne direction de la Documentation française et la direction des Journaux officiels ne s’est pas traduit par un développement spectaculaire de l’activité.

Ainsi, dans la loi de finances initiale de 2011, les recettes de fonctionnement inscrites au budget annexe s’établissaient à un peu plus de 203 millions d’euros, quand le projet de loi de finances pour 2016 prévoit un budget annexe s’équilibrant, a priori, avec 197 millions d’euros de recettes de fonctionnement. Cela signifie que, depuis la naissance de la DILA, au début de 2010, l’ensemble ainsi constitué « fait du surplace » et que la charge de travail des compositeurs et des imprimeurs du Journal officiel ne semble pas avoir fondamentalement varié, du moins en termes de valeur commerciale.

Une telle situation pose question, d’autant que l’effectif des personnels en activité de la DILA a connu, ces dernières années, une réduction sensible. L’effectif de la SACIJO a diminué de moitié au fil de restructurations recourant largement à des mesures d’âge, afin qu’elles n’apparaissent pas trop douloureuses, au moins du point de vue de la tutelle.

Un nouveau protocole d’accord, qui ne constitue pas une fin en soi, mais une sorte de modus vivendi, de viatique pour chacune des parties en présence, a été signé en juin dernier. Il fixe comme objectif la mise en œuvre d’une nouvelle réduction des effectifs de la SACIJO, quand bien même les suppressions d’emplois ne pourront, pour l’essentiel, être opérées que sous la forme de départs volontaires, avec des incitations financières à la clé.

Je suis bien sûr conscient de m’être quelque peu éloigné, disant cela, de l’enjeu représenté par l’économie de quelques centaines de milliers d’euros grâce à la suppression de la version papier du Journal officiel, mais la question du développement et du devenir du pôle d’impression publique que constitue la DILA doit être clairement posée.

Financer un certain nombre de départs volontaires dans les quatre ou cinq années à venir se révélera-t-il à terme moins coûteux que rechercher de nouvelles activités pour la SACIJO, comme le prévoit également le protocole d’accord ?

La qualité de la formation et l’expérience des salariés de cette entreprise, qui effectue depuis très longtemps le travail d’impression pour le compte de l’État, sont des raisons suffisantes pour que soit étudiée, avec plus de sérieux que cela n’a été le cas jusqu’à maintenant, la possibilité de lui confier l’exécution d’un certain nombre de travaux d’impression publics, aujourd’hui réalisés par des établissements privés pour le compte de ministères ou d’administrations.

En tout état de cause, il est grand temps que la recherche d’économies en matière d’impression publique passe par l’attribution du plus grand volume d’activité possible à l’imprimerie des Journaux officiels.

Sans nous prononcer positivement ou négativement sur les deux propositions de loi discutées ce jour, nous tenions à souligner la nécessité, voire, sous certains aspects, l’urgence de débattre de la politique de production d’information par l’État, ses ministères et ses administrations, afin de tirer parti du gisement d’économies budgétaires qu’elle représente et de répondre aux préoccupations des salariés concernés.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en cet après-midi du 12 octobre, le Sénat, grâce à l’initiative de notre collègue Vincent Eblé, va vraisemblablement être à l’origine d’une révolution administrative avec la suppression de la version papier du Journal officiel.

J’emploie le terme de « révolution » en pensant à Albert Camus, qui écrivait, en août 1944, qu’« un journal, c’est la conscience d’une nation ». Sans doute aurait-il qualifié le Journal officiel de mémoire vive de la République…

En effet, la publication au Journal officiel conditionne l’application de la loi. Par conséquent, transformer ce dernier comme nous nous apprêtons à le faire aujourd’hui, c’est modifier l’un des éléments constitutifs du fonctionnement de notre République, ce qui ne saurait se faire à la légère. Une telle transformation doit s’opérer avec une certaine solennité, celle qui prévaut dans cet hémicycle ; cela m’amène à remercier notre collègue Eblé d’avoir déposé cette proposition de loi.

« Révolution » est un terme fort, mais, pour des amoureux du papier comme nous le sommes pour la majorité d’entre nous, une bibliothèque sans livres ne saurait être pleinement une bibliothèque. La consultation des débats de nos prédécesseurs, ou même celle des nôtres, via une version électronique du Journal officiel n’aura pas la même saveur que leur lecture sur un support physique : il manquera la texture du papier, l’odeur de l’encre, un « quelque chose » indéfinissable !

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Oui, le papier doit continuer à vivre, mais il est également vrai qu’il faut accepter le réel, même quand il se présente sous une forme dématérialisée, comme c’est de plus en plus souvent le cas aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

L’appétence pour la version papier du Journal officiel a beaucoup diminué au fil des années. Le nombre d’abonnés a chuté alors que, depuis 2004, la consultation de la version électronique connaît une progression constante.

Il est d’ailleurs assez paradoxal de constater que moins la version papier du Journal officiel est lue, plus sa pagination augmente, du fait de l’inflation normative : je ne développerai pas ce sujet aujourd’hui, mais il mériterait un véritable débat de fond au sein de notre assemblée. Ainsi, la volumétrie annuelle du Journal officiel était d’environ 15 000 pages dans les années quatre-vingt, de plus de 20 000 pages au tournant des années 2000, pour atteindre 23 829 pages en 2014 !

Comment le citoyen, qui, selon une célèbre fiction normative, « n’est pas censé ignorer la loi », peut-il s’y retrouver dans cette sédimentation réglementaire et législative chaque jour un peu plus baroque ? Cela paraît bien difficile…

Nous percevons là un autre intérêt de la version électronique du Journal officiel, outre ses avantages environnementaux liés à la diminution de la consommation de papier et de consommables d’impression : la numérisation du support, associée au moteur de recherche intégré de son site, offre un instrument utile à tous les citoyens, dès lors qu’ils ont accès à un ordinateur connecté à internet.

Dans cette perspective, le site du Journal officiel doit être performant, ergonomique et accessible à tout un chacun. Il faut le dire : des progrès sont encore possibles en matière de recherche par mots clefs.

À cet égard, une amélioration me semble nécessaire : l’ajout du site du Journal officiel de l’Union européenne dans le bloc « accès aux sites publics », sur la page d’ouverture du site du Journal officiel de la République française. Il n’y figure pas aujourd’hui, ce dernier se limitant à la loi franco-française, alors même qu’une grande partie de notre législation découle des directives et des normes européennes. Remédier à cette situation serait bien le moins, l’intervention du législateur n’étant pas nécessaire.

La sécurité du site doit également être renforcée et surveillée quotidiennement : dans ce domaine, l’obsolescence n’est pas programmée, elle est inhérente à l’univers et à l’écosystème instable du numérique. Les hackers du monde entier ne cessent de développer des procédés permettant d’exploiter en temps réel la moindre faille et la moindre faiblesse. Le piratage des sites internet du Premier ministre belge et du Parlement bruxellois, avant-hier samedi 10 octobre, en a encore apporté la preuve flagrante : la technologie est toujours faillible face à des personnes déterminées et expérimentées.

La vigilance est d’autant plus nécessaire qu’il est mis fin à l’exception de la publication des actes individuels relatifs à la nationalité française et au changement de nom, qui était jusqu’à présent assurée uniquement via la version papier du Journal officiel : à compter du 1er janvier 2016, elle le sera sous le seul format électronique, même si c’est via une annexe du Journal officiel.

Par-delà les assurances apportées, en matière d’emploi, aux salariés travaillant à l’impression de la version papier du Journal officiel de la République française, une véritable réflexion managériale doit être menée, afin de créer un centre de compétences interne permettant de répondre à tous les aléas techniques et à toutes les demandes des citoyens. Car c’est bien aux citoyens que s’adresse en premier lieu le Journal officiel de la République française ! C’est pourquoi je salue l’adoption, par la commission des lois, des amendements, déposés par mes collègues Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat, visant à permettre à toute personne physique de demander à l’administration de lui transmettre une version papier d’un extrait précis du Journal officiel de la République française. Dès lors que l’on dispose de la version PDF du texte, cela est relativement facile et n’exige pas de moyens considérables.

La mise en œuvre de cette préconisation n’est malheureusement pas de nature à résoudre le problème de la fracture numérique qui existe en France métropolitaine et, plus encore, dans les départements et les collectivités d’outre-mer, mais elle contribuera, je l’espère, à faire prendre conscience que, désormais, tout doit être fait pour la faire disparaître.

Enfin, je puis témoigner que la dématérialisation du Journal officiel des associations et fondations d’entreprise est une réussite. Je pense que la dématérialisation de son « grand frère », le Journal officiel de la République française, en sera également une.

La dématérialisation totale du Journal officiel de la République française sera véritablement révolutionnaire si elle est le symbole du passage à une « e-administration » : cela prouvera que le service public à la française est non pas une notion dépassée, mais, au contraire, un concept qui mérite d’être exporté dans le monde.

Animé de cet espoir, le groupe écologiste votera en faveur de l’adoption de ces deux textes.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, auteur des deux textes aujourd’hui soumis à notre assemblée, il me revient, au nom du groupe socialiste et républicain, de clore ces explications de vote.

La dématérialisation permise par le développement des techniques numériques est vertueuse. Permettez à un ancien président de conseil général ayant intégralement dématérialisé le processus de paie de 5 000 agents territoriaux et l’ensemble des actes des instances de gouvernance – séances publiques et commissions permanentes – d’en attester.

Au travers de ces deux propositions de loi, nous souhaitons réformer le dispositif de publication de nos lois, décrets et actes administratifs de diverse nature au Journal officiel de la République française. Nous souhaitons le faire pour le territoire métropolitain et les départements d’outre-mer – tel est l’objet de la proposition de loi ordinaire –, ainsi que pour les territoires d’outre-mer, par le biais de la proposition de loi organique.

Cette réforme est un vecteur de simplification et d’allégement. L’objectif visé participe, à sa modeste mesure, d’une vision d’un État sobre, à la recherche constante de la meilleure économie de moyens possible. Ainsi, par la dématérialisation intégrale du Journal officiel de la République française, nous économiserons les ressources produits – papier, encre, etc. –, nous ajusterons les moyens humains affectés au strict nécessaire et nous réduirons les délais des processus administratifs et de la communicabilité, tout en améliorant celle-ci de façon réelle et importante.

Le processus dont notre réforme constitue le point d’orgue est en marche depuis longtemps déjà, depuis l’émergence des publications télématiques, voilà plus de trente ans, et l’édition du Journal officiel de la République française en ligne dès les années 1982-1983 ; il s’est poursuivi, à la fin des années quatre-vingt-dix, avec la publication en ligne sur la Toile et, en 2004, avec l’édition du Journal officiel authentifié et un développement continu des consultations dématérialisées.

Aujourd’hui, eu égard à l’évolution constante de notre société, nous proposons de remplacer intégralement la publication sur support papier par l’édition numérique. Nous devons bien sûr veiller à mettre en place le meilleur dispositif technique pour garantir la communicabilité des informations de droit, enfin réunifiée – c’est un progrès ! –, aussi bien, sinon mieux, que par l’édition papier. Nous devons ainsi faciliter l’accès de nos concitoyens à ces données et faire en sorte que la sauvegarde, plutôt que l’archivage par stock, soit assurée et sécurisée. Enfin, les droits individuels des personnes physiques nommément désignées dans ces publications doivent être garantis.

Cette réforme est conduite, comme l’a indiqué Mme la secrétaire d’État, en étroite coordination avec le Gouvernement et les administrations concernées. Les changements d’organisation au sein de la direction de l’information légale et administrative et de son service d’imprimerie ont été anticipés. Il y aura encore quelques ajustements, mais pas de révolution. Les représentants légitimes des salariés concernés ont été associés à ces transformations, et ils sont favorables à cet ajustement du droit qui accompagne l’ultime réorganisation des process et des modalités de travail.

Notre volonté étant d’être en adéquation avec les usages de notre époque, l’objet de ces deux propositions de loi est de supprimer la version papier du Journal officiel de la République française, et ce dès le 1er janvier 2016.

Comme l’a rappelé notre collègue Alain Anziani, rapporteur des deux textes, cette réforme est attendue depuis longtemps. En 2014, la Cour des comptes demandait déjà la réduction du nombre d’exemplaires papier du Journal officiel et jugeait la disparition de cette version inéluctable à court terme. Notre collègue Philippe Dominati, alors qu’il était rapporteur spécial, avait invité le Gouvernement à dématérialiser le Journal officiel.

Entre 1997 et 2014, la diffusion de la version papier a chuté, le nombre d’abonnés passant de près de 50 000 à 2 500, les administrations représentant 90 % du total.

Parallèlement, le nombre d’abonnés au sommaire de la version électronique du Journal officiel a augmenté à concurrence de 67 000, et la consultation des pages correspondantes du site Légifrance s’est accrue pour atteindre 27 millions de visites annuelles. La révolution est donc déjà entrée dans les mœurs : 40 % des textes sont d’ailleurs désormais publiés uniquement au format électronique. Ces chiffres, plus qu’évocateurs, témoignent de la nécessité d’ajuster les règles régissant la publication des actes officiels au Journal officiel de la République française.

Le premier avantage de la dématérialisation intégrale est la gratuité de l’accès, alors qu’il faut aujourd’hui débourser 360 euros par an pour un abonnement à la version papier. La dématérialisation permet également une diffusion homogène et immédiate sur l’ensemble du territoire français, outre-mer compris, et un accès permanent. À cela s’ajoute, accessoirement, un petit gain budgétaire : la version papier coûtant 1 million d’euros et les abonnements, dont le produit est en diminution constante, ne rapportant plus que 600 000 euros, ce sont ainsi au minimum 400 000 euros qui seront économisés chaque année.

Enfin, on ne saurait négliger l’impact écologique de la dématérialisation, sur lequel notre collègue André Gattolin vient à l’instant de mettre l’accent.

Certains de nos collègues s’inquiètent des difficultés d’accès au Journal officiel sous format électronique qui pourraient résulter de la fracture numérique : quelques zones ne sont toujours pas couvertes en France. Cependant, permettez-moi d’indiquer que l’acheminement de la version papier n’allait pas non plus sans difficultés dans certaines parties de notre territoire, au regard de la mobilisation des moyens de transport nécessaires et des coûts liés. La version dématérialisée présente au moins l’avantage de la gratuité. Notons que les amendements déposés par nos collègues Pierre-Yves Collombat et Jacques Mézard que la commission des lois, dans sa sagesse, a adoptés, doivent permettre de lever toute inquiétude à cet égard.

S’agissant de la protection des données individuelles, dont nous sommes tous soucieux, le Gouvernement a envisagé différents dispositifs de restriction d’accès pour freiner les moteurs de recherche, avec, notamment, l’accès exclusif par date de publication sans indexage alphabétique. Le système cryptographique « captcha », avec la reproduction de chiffres et de lettres pour accéder à certains contenus, sera également mis en place.

Le groupe socialiste et républicain votera bien entendu ces deux propositions de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l'ensemble de la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 9 :

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.