Intervention de Patrick Abate

Réunion du 12 octobre 2015 à 16h00
Fonctionnement du service public de l'éducation — Débat sur les conclusions d'une commission d'enquête

Photo de Patrick AbatePatrick Abate :

Les mesures prises dans ces domaines par le gouvernement actuel améliorent, certes, les choses, mais sont encore insuffisantes. Au regard des enjeux et des ambitions affichées, le manque de moyens est encore criant !

De même, ce rapport est-il à la hauteur des enjeux ? Non ! Pour ne prendre qu’un exemple, ne serait-il pas plutôt naïf, voire un peu démagogique, de prêter à l’uniforme tant de vertus républicaines et égalitaires ? On mettrait ainsi des habits sur les inégalités plutôt que de les combattre…

À l’heure où la reproduction sociale est toujours aussi prégnante dans notre société, à l’heure où l’ascenseur social est en panne, il aurait été plus intéressant de s’intéresser aux raisons pour lesquelles certains jeunes se sentent coupés de la République de ce XXIe siècle, plutôt que de s’inspirer trop souvent d’un modèle hérité de la IIIe République !

Notre attachement à un système éducatif qui favorise la réussite et l’égalité de fait, indépendamment des conditions préalables d’existence et des déterminismes sociaux, est sans faille. C’est l’étape fondamentale à la sensibilisation républicaine.

Je citerai Camille Peugny qui, dans son ouvrage Le destin au berceau, rappelle que sept enfants de cadres sur dix exercent un emploi d’encadrement à l’issue de leurs études, quand sept enfants d’ouvriers et employés sur dix exercent, eux, des emplois d’exécution. L’école devrait pourtant permettre la réalisation de l’idéal républicain, l’émancipation et l’ascension sociale par le savoir et la raison.

Il ne s’agit pas ici de soutenir qu’aucune perturbation n’a eu lieu à l’occasion des commémorations des événements de janvier et que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes en la matière. Il ne s’agit pas de faire l’autruche, chère collègue. Il s’agit de prendre un minimum de recul et de sortir du registre du pathos.

À ce titre, il paraît aujourd’hui essentiel de réfléchir à la pratique mémorielle dans notre pays.

Elle devrait permettre le dialogue autour des événements, ainsi que la réflexion et la prise de conscience d’une histoire collective. Aurions-nous eu ces perturbations si, au lieu d’une minute de silence, avait été organisée et préparée une journée de parole dans les écoles ?

Une minute de silence, c’est compliqué… Quand elle a été respectée, qui peut savoir si elle l’a été parce qu’elle a été péremptoirement imposée, ou si elle l’a été parce qu’elle a été bien comprise et intégrée ?

Mes chers collègues, c’est à la société tout entière, et à l’école en particulier, de permettre à ses enfants, tous ses enfants, de prendre racine, de se nourrir et de grandir, en puisant dans le sol et dans l’histoire de notre pays ce qui leur permettra de produire et de rendre, tel un arbre, à partir de leur propre histoire et de leurs singularités, les fruits qui feront notre richesse collective, les fruits qui feront République !

Nous sommes bien loin de cette vision des choses dans ce rapport. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe CRC ne s’inscrit pas dans les propositions de la commission d’enquête.

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