Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre de l’éducation nationale, qui est actuellement dans les Alpes-Maritimes auprès des personnels de l’éducation nationale, particulièrement touchés par les terribles intempéries des 3 et 4 octobre.
L’école, notre école, est, par son histoire, profondément liée à la République et à ses valeurs. C’est pourquoi, dès la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, un accent particulier avait été mis sur les valeurs républicaines. Oui, l’école forme les citoyens de demain, et elle est bien, à cet égard, au cœur de la République.
Cette place explique l’intensité avec laquelle elle a été atteinte par les attentats de janvier, qui ont violemment mis en lumière les fractures qui endolorissent notre pacte républicain. Le Gouvernement a immédiatement réagi pour renforcer notre capacité collective à prévenir ce danger planétaire et permanent qu’est le terrorisme et à y répondre.
Garante des valeurs fondamentales de la République, creuset de la citoyenneté, l’école a immédiatement mobilisé l’ensemble des acteurs de la communauté éducative pour la défense de ces valeurs. Dès le lendemain des attentats, la ministre de l’éducation nationale a rencontré de nombreux acteurs de l’enseignement et du monde associatif pour construire avec eux la Grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, dont les onze mesures ont été annoncées le 22 janvier.
Au lendemain des attentats, des incidents se sont effectivement produits pendant la minute de silence et à l’occasion des échanges entre les élèves et leurs enseignants qui lui ont fait suite. Sur l’ensemble des établissements français, 200 incidents ont été recensés. Ils sont graves, car ils révèlent l’étendue des fractures qui traversent la société.
Ces données sont déclaratives et ne concernent que les incidents qui n’ont pu être réglés par les enseignants dans le cadre de la classe. Elles ne constituent donc pas un recensement exhaustif de l’ensemble des difficultés qu’ont pu rencontrer les équipes éducatives.
En tout état de cause, ces incidents ont fait l’objet d’une réponse alliant pédagogie et fermeté, conformément à l’exigence de Mme la ministre de ne laisser prospérer aucune atteinte aux valeurs de la République au sein de l’école, de ne laisser aucun incident sans suite.
L’école est le rempart des valeurs de la République et, je le répète, le creuset de la citoyenneté. Les rencontres conduites au lendemain des attentats l’ont montré : la laïcité est une condition indispensable à l’ensemble des autres valeurs. C’est en ce sens que la refondation de l’école, engagée dès 2013, a été conduite par le Gouvernement.
Cette refondation engage une véritable pédagogie de la laïcité, de manière active, par le biais de nouvelles ressources pédagogiques. Au travers du parcours citoyen, qui a été mis en place dès cette rentrée, chaque élève aura, du CP à la terminale, 300 heures d’enseignement moral et civique, qui doivent permettre aux élèves de développer leur esprit critique, de savoir trier les informations, de bien utiliser les outils numériques.
Cet enseignement doit aussi permettre aux élèves de comprendre le principe de laïcité, en s’appuyant notamment sur la charte de la laïcité, que les parents ont été invités à signer en cette rentrée. L’enseignement laïque du fait religieux a en outre été renforcé dans les nouveaux programmes.
Le parcours citoyen vise également à expliciter le bien-fondé des valeurs et des règles qui régissent les comportements individuels et collectifs, à reconnaître le pluralisme des opinions et à construire du lien social et politique. Il devra intégrer pleinement la participation de l’élève à la vie de l’école et de l’établissement, ainsi que les expériences et engagements qu’il connaîtra en dehors de l’école, notamment avec les partenaires associatifs. Il visera en outre à développer l’éducation aux médias et à l’information.
On voit là toute l’importance de la maîtrise du français pour les élèves, qui doivent pouvoir exprimer correctement leurs idées. Dans les nouveaux programmes qui entreront en vigueur à la rentrée prochaine, la maîtrise du langage est prioritaire, une évaluation devant intervenir au cours du premier trimestre de CE2 afin de vérifier les acquis et d’adapter l’enseignement.
Au collège aussi, l’acquisition des fondamentaux, notamment du français, sera mise en valeur. Le développement du travail en petits groupes, prévu par la réforme du collège, ainsi que les enseignements pratiques interdisciplinaires renforceront la maîtrise de notre langue, la capacité à débattre et à devenir citoyen à part entière.
Afin d’accompagner les enseignants dans la mise en œuvre de ce parcours citoyen, 1 200 cadres de l’éducation nationale, chefs d’établissement, inspecteurs, conseillers pédagogiques, « référents laïcité », ont été formés en avril et en mai. Ils formeront à leur tour 320 000 enseignants d’ici à la fin de l’année.
Un « livret laïcité » est également diffusé, pour que la pédagogie de la laïcité soit promue dans l’ensemble des temps de la vie scolaire et que les équipes éducatives disposent à la fois de ressources juridiques et de l’accompagnement nécessaire.
S’agissant, par exemple, des accompagnateurs de sorties scolaires, il faut ici simplement rappeler le droit. Le Conseil d’État a précisé que, n’étant pas des collaborateurs du service public, ils ne sont par conséquent pas soumis à la neutralité religieuse.
La position du ministère est donc claire et opérationnelle pour les équipes éducatives : le refus de principe opposé à des parents accompagnateurs de sorties scolaires au motif de signe d’appartenance religieuse n’est pas fondé en droit. L’acceptation de leur présence doit donc être la règle. Toutefois, les équipes éducatives doivent interdire leur présence en cas de provocation ou de prosélytisme.
Si la laïcité doit être protégée avec la plus grande fermeté, la bonne volonté de parents qui, en encadrant une sortie scolaire, manifestent leur intérêt pour la scolarité de leur enfant et leur désir de coopération avec l’école doit rencontrer le dialogue et non la fermeture.
Toute cette pédagogie, cette prise en compte permanente du dialogue et de l’échange, c’est par les enseignants qu’elles s’incarneront et qu’elles s’ancreront au cœur de l’école.
Oui, pour bien des élèves, c’est au travers de la relation avec le professeur que va se faire la première rencontre avec l’État républicain. Les enseignants, par leur fonction et par leur importance, sont les représentants de la République, et c’est pour cette raison qu’il faut rétablir leur autorité, comme vous le soulignez dans votre rapport.
Rétablir cette autorité, c’est d’abord les former. C’est ce que ce gouvernement a fait en rétablissant la formation initiale supprimée par la majorité précédente, une formation initiale qu’il faut encore améliorer s’agissant du tronc commun relatif à la pédagogie de la laïcité ou la tenue des classes.
Rétablir l’autorité des maîtres, c’est faire respecter les règles de civilité et de politesse. Dans l’intérêt même des élèves, on ne doit avoir aucune faiblesse envers les comportements qui y portent atteinte. L’école doit fixer les limites dont les élèves, en tant que futurs citoyens, ont besoin pour se construire. Ainsi, ces règles doivent dorénavant être systématiquement précisées dans le règlement intérieur de chaque établissement scolaire.
Pour améliorer le sentiment d’appartenance des élèves à la République, qui a ses rites et ses symboles, Mme la ministre de l’éducation nationale a souhaité par ailleurs rétablir des rituels au sein des établissements scolaires.
En premier lieu, une journée de la laïcité sera célébrée dans tous les établissements chaque 9 décembre, jour anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l’État.
Au-delà, les projets d’école et d’établissement scolaire doivent définir précisément les modalités de participation active des élèves aux commémorations patriotiques, ainsi qu’aux semaines de l’engagement et de lutte contre le racisme.
La ministre a souhaité que l’organisation solennisée d’un temps annuel d’échanges avec l’ensemble de la communauté éducative, la valorisation des réussites des élèves, les spectacles de fin d’année, soient systématisés. Premier examen et premier diplôme, le diplôme national du brevet sera d’ailleurs remis lors d’une cérémonie officielle et républicaine à chaque élève par son établissement dès la fin de cette année scolaire, comme l’a annoncé récemment la ministre.
Nous le savons, l’école joue un rôle essentiel dans la transmission des valeurs de la République. Elle ne doit pas pour autant être laissée seule face à ces défis. Toute la société doit être mobilisée.
Nous pensons évidemment au service civique universel, que le Président de la République a voulu déployer avec force et dont l’éducation nationale accueillera 37 000 volontaires d’ici à 2017.
L’école ouvre aussi ses portes aux personnes de la société civile désireuses de consolider le socle des valeurs partagées. Elles sont déjà 5 000 à vouloir intervenir dans les écoles. Ces réservistes citoyens participent eux aussi à la transmission des valeurs de la République.
Ils offrent aux élèves la richesse de leur expérience vécue. À travers eux, les valeurs ne sont pas simplement des idéaux, mais des actions pratiques, mises en œuvre au sein du monde qui nous entoure.
Cette irremplaçable épaisseur du vécu qui fonde la légitimité du réserviste offre aux élèves une autre voie, un autre chemin. À travers leurs témoignages, ils contribuent aussi à lutter contre la radicalisation en montrant la place que chacun peut prendre dans le monde et comment il peut aussi agir.
En effet, la meilleure façon de lutter contre la radicalisation, ce n’est pas uniquement de punir, c’est aussi de transmettre des savoirs fondamentaux aux élèves, c’est de développer chez eux le sens critique, le sens de l’analyse. C’est là tout l’enjeu de l’éducation aux médias et à l’information.
Aux premiers signes de radicalisation d’un élève, l’école doit pouvoir agir rapidement. Un livret de prévention de la radicalisation a été mis à disposition des chefs d’établissement et des équipes éducatives pour les aider à détecter les premiers signes de radicalisation et à agir en conséquence. Les procédures de signalement et de remontée au ministère ont été renforcées. Il en va de même pour la coopération avec les autres services de l’État compétents en la matière que sont la justice et la police.
Dans les établissements privés hors contrat, de nouvelles mesures ont été prises afin de renforcer le contrôle de l’État. Si la liberté d’enseignement est un droit garanti par la Constitution, la circulaire du 23 juillet 2013 permet de mieux l’encadrer, qu’il s’agisse de s’opposer à l’ouverture d’un établissement, de contrôler son fonctionnement et le contenu pédagogique de son enseignement ou de renforcer la vigilance concernant l’enseignement à domicile.
Parallèlement à la publication de cette circulaire, la Mission de prévention des phénomènes sectaires de l’éducation nationale, la MPPS, a vu son périmètre élargi à la radicalisation religieuse, en constituant une ressource experte partagée entre les inspections générales pour soutenir les académies dans leurs stratégies de contrôle, appuyer et former les corps d’inspection afin de garantir l’effectivité et la qualité des contrôles que l’éducation nationale s’est donné pour objectif de mieux assurer.
Au-delà, c’est dans le temps que l’action de l’école doit être inscrite. Nous ne devons pas nous contenter de réagir.
C’est ce gouvernement qui a choisi de faire du budget de l’éducation le premier budget de la Nation, permettant que 60 000 postes supplémentaires viennent renforcer la présence des adultes auprès de nos jeunes, dans l’ensemble de notre système scolaire, notamment auprès des publics qui en ont le plus besoin, avec la réforme de l’éducation prioritaire, le dispositif « plus de maîtres que de classes » ou le renforcement de la scolarisation des moins de trois ans.