Intervention de Michel Savin

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 14 octobre 2015 : 2ème réunion
Protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Michel SavinMichel Savin, rapporteur :

Le 18 février 2015, M. Jean-Pierre Karaquillo a remis son rapport sur la situation professionnelle et sociale des sportifs de haut niveau, à la suite de la mission que lui avait confiée M. Thierry Braillard, secrétaire d'État aux sports. Le texte que nous examinons reprend une grande partie des dispositions législatives proposées, en apportant les solutions concrètes attendues. Il réaffirme l'importance d'un double projet pour les sportifs de haut niveau : ils doivent être incités à conjuguer excellence sportive et réussite scolaire, universitaire et professionnelle. Il comble le manque de couverture sociale des sportifs de haut niveau en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Enfin, il renforce la sécurité juridique de leur statut en encadrant les contrats à durée déterminée d'usage signés par les joueurs professionnels, les mutations temporaires des sportifs et entraîneurs salariés, et le statut de travailleurs indépendants accordé à certaines catégories de sportifs.

L'article 4 assouplit le dispositif des conventions d'insertion professionnelle. En plus du contrat de travail traditionnel, le sportif peut désormais signer un contrat de prestation de services, un contrat de cession de droit à l'image ou un contrat de parrainage, ce qui régularise les situations d'absence de l'entreprise, tout en maintenant l'obligation d'un projet de formation ou d'insertion professionnelle.

L'article 6 bis étend aux sportifs de haut niveau la possibilité de demander la validation des acquis de leur expérience pour justifier tout ou partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l'obtention du diplôme ou titre délivré, au nom de l'État, par un établissement d'enseignement supérieur. L'article 6 ter autorise les sportifs de haut niveau à déroger aux conditions d'âge pour la signature de contrats d'apprentissage. L'article 11 étend aux sportifs et entraîneurs professionnels salariés le bénéfice des périodes de professionnalisation.

Cette proposition de loi responsabilise également les acteurs associés au double projet des sportifs. L'article 4 bis donne valeur législative à l'obligation pour les établissements scolaires du second degré et les établissements d'enseignement supérieur d'aménager l'organisation des études non seulement pour les sportifs de haut niveau, mais également pour les sportifs qui sont en phase d'accession au haut niveau. Quant à l'article 5, il prévoit les conditions d'accès des sportifs de haut niveau, des sportifs Espoir et des partenaires d'entraînement aux formations scolaires, universitaires et professionnelles, aménagées en lien avec les services de l'État et les régions ; il définit également les modalités de leur formation sportive et citoyenne et les modalités de leur insertion professionnelle. Enfin, l'article 6 responsabilise les fédérations en les obligeant à nommer un référent chargé du suivi socioprofessionnel de leurs athlètes de haut niveau. L'article 10 impose une obligation similaire aux clubs employeurs envers leurs joueurs et entraîneurs professionnels salariés.

Pour améliorer la protection sociale des sportifs de haut niveau, l'article 7 institue un dispositif d'assurance « accidents du travail, maladies professionnelles » pris en charge financièrement par l'État. L'article 8 oblige les fédérations sportives délégataires à souscrire des contrats d'assurance de personnes qui couvrent les dommages corporels auxquels une pratique sportive de haut niveau peut exposer.

Le texte sécurise également certaines pratiques du monde sportif professionnel, en créant à l'article 9 un contrat à durée déterminée spécifique pour les sportifs et entraîneurs salariés professionnels. D'une durée comprise entre douze et soixante mois, il doit respecter des règles de forme et de contenu et ne peut être rompu unilatéralement. L'article 12 apporte une sécurité juridique aux opérations de mutation temporaire de sportifs ou entraîneurs professionnels, en étendant à ces opérations les exceptions au principe de prohibition de main-d'oeuvre à but lucratif. Enfin, l'article 13 pose le principe de l'inapplication de la présomption de salariat aux sportifs professionnels indépendants participant à des compétitions sportives.

L'Assemblée nationale a adopté un article 4 bis qui élargit l'accès des sportifs aux formations et cursus aménagés dans l'enseignement secondaire et supérieur. Elle a introduit un article 6 bis qui étend la validation d'acquis d'expérience aux sportifs de haut niveau, et voté un article 6 ter qui supprime la limite d'âge pour la signature d'un contrat d'apprentissage. Enfin, elle a introduit un article 8 bis qui assure une meilleure protection des sportives de haut niveau en cas de maternité.

À l'article 9, l'Assemblée nationale a précisé dans quels cas un contrat de moins d'un an pourrait être conclu entre un sportif et une association ou une société sportive, afin de prévenir tout abus de la part des clubs employeurs. À l'article 13, elle a jugé souhaitable d'introduire une présomption de travail indépendant spécifique aux sportifs professionnels qui participent librement, et pour leur propre compte, à des compétitions sportives. Enfin, à l'initiative du Gouvernement, la commission a adopté un nouvel article 15 A simplifiant les démarches administratives des professionnels de santé qui soignent les sportifs des délégations étrangères sur le territoire français.

Les dispositions de cette proposition de loi, aussi bonnes soient-elles, peuvent encore être améliorées. Il faudrait faire figurer dans la convention signée entre le sportif de haut niveau et sa fédération la question du droit à l'image, qui peut être source de conflits si elle n'est pas réglée dès le début de la carrière sportive. Je vous proposerai également d'étendre le bénéfice des conventions d'insertion professionnelle aux arbitres et juges de haut niveau, qui subissent les mêmes contraintes de temps que les sportifs en raison de leur participation incessante à des compétitions. Les sportifs de haut niveau devraient par ailleurs pouvoir demander la validation des acquis de leur expérience pour l'obtention d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle. Je vous soumettrai aussi un aménagement des contrats d'apprentissage, pour prendre en compte les périodes pendant lesquelles les sportifs de haut niveau pratiquent leur activité sportive. Je vous proposerai d'améliorer les règles liées à la durée du temps de travail dans le nouveau CDD spécifique aux sportifs et entraîneurs professionnels salariés. Enfin, je complèterai le dispositif juridique de l'article 13 afin de préciser que la présomption de salariat prévue dans le code du travail ne s'applique pas aux sportifs professionnels indépendants participant à des compétitions sportives.

D'autres sujets mériteraient d'être examinés, comme l'efficacité des centres d'insertion professionnelle, qui offrent des ressources aux sportifs de haut niveau mais sans véritablement faciliter leur insertion. Les entreprises devraient être associées plus en amont au projet professionnel. La mise en place d'un salariat aiderait les sportifs de haut niveau à résoudre beaucoup de leurs problèmes financiers et sociaux. Par ailleurs, en reconnaissant le rôle fondamental de l'enseignement à distance dans la formation des sportifs de haut niveau, on encouragerait les établissements de l'enseignement supérieur qui ont investi dans ce type de formation à signer des conventions de stage et on leur ouvrirait la possibilité de bénéficier de la taxe d'apprentissage. Il faudra en outre entendre le ministre en séance publique sur la trop faible représentation des sportifs au sein des instances dirigeantes des clubs, des fédérations et des ligues. En ce qui concerne les agents, si on leur donnait un statut, on pourrait les inciter à jouer un rôle de conseillers auprès de leurs clients sur leur reconversion professionnelle. Le financement de la formation des sportifs reste une vraie question. Faut-il imposer des taux de cotisation supérieurs au taux de droit commun de 1 % pour les joueurs dont la carrière est réduite dans le temps ? Faut-il développer des systèmes d'épargne salariale pour financer les actions de formation ? Je comptais proposer la création d'un compte personnel de formation alimenté par les fédérations. À la suite de mon entretien avec le ministre hier soir, j'ai décidé d'attendre la séance publique pour améliorer ma proposition.

Enfin, au cours de mes auditions, j'ai entendu parler de trafics de jeunes mineurs de 14 ou 15 ans, souvent d'origine africaine, que les clubs font venir dans les centres de formation sans qu'ils soient inscrits officiellement, pour les tester. La plupart d'entre eux ne seront finalement pas sélectionnés et se retrouveront sans débouché, sans papiers, parlant mal la langue française. La commission de la culture pourrait ouvrir une mission d'information sur le sujet.

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