Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission examine le rapport de Mme Corinne Bouchoux et élabore le texte de la commission sur la proposition de loi n° 656 (2014-2015) relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.
Cette proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique a été déposée par notre collègue André Gattolin le 24 juillet dernier. Notre commission a maintes fois abordé ce sujet et des amendements en ce sens ont été régulièrement déposés au fil des années. Tel fut encore le cas lors de l'examen de la loi santé où majorité et opposition se sont une nouvelle fois rassemblées pour évoquer la question.
Nous devons aussi inscrire ce débat dans la continuité des travaux menés par MM. Leleux et Gattolin sur le financement de l'audiovisuel public.
Je tiens à rendre hommage à Mme Blandin, l'un des premiers auteurs de la proposition de loi de 2010 sur la publicité à destination de la jeunesse à la télévision.
Avant de présenter ce texte, voici quel serait le calendrier de son examen en fonction des niches allouées au groupe écologiste à l'Assemblée nationale. La seule dont il dispose en 2016 est déjà occupée. Par conséquent, si nous l'adoptons, cette proposition de loi sera examinée au mieux en janvier 2017 par les députés.
Cela dit, ce texte arrive probablement au bon moment car il répond à un impératif de santé publique - protéger nos enfants contre les mauvaises habitudes alimentaires et la pression des marques - mais il permet aussi d'affirmer l'identité du service public de la télévision, qui ne doit pas proposer les mêmes programmes accompagnés des mêmes messages publicitaires que les chaînes privées.
Le rapport présenté par nos collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin sur le financement de l'audiovisuel public a démontré qu'il était urgent de remettre à plat les sources de financement de France Télévisions et de réduire la dépendance à la publicité du groupe public compte tenu de la baisse tendancielle du marché de la publicité à la télévision et de son basculement sans retour sur Internet.
Pourquoi est-il si important de limiter la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse ? Les nombreuses auditions que j'ai menées ces dernières semaines sont sans ambiguïté sur les effets néfastes de la publicité sur les jeunes enfants. Ainsi, pour le docteur Hélène Thibault, pédiatre et membre de l'Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement, il y a une corrélation entre le temps passé devant les écrans et l'obésité et l'effet est plus fort sur les enfants en retard scolaire et sur ceux dont les parents ne sont pas capables de les accompagner dans leur scolarité. Le docteur François-Marie Caron explique que les enfants sont souvent laissés seuls devant les programmes jeunesse d'autant plus que les familles fragiles vouent une grande confiance au service public. La publicité s'en trouve donc légitimée y compris aux yeux de ces parents qui survalorisent les produits industrialisés par rapport aux fruits et légumes non transformés. Le psychanalyste Serge Tisseron rappelle pour sa part que les enfants de moins de huit ans ne sont pas sensibles au second degré et ne font pas la différence entre le personnage du dessin animé et ce même personnage utilisé juste après pour vendre une barre chocolatée ou des céréales saturées en sucre et en gras. J'ajoute que les jeunes enfants ne lisent pas les bandeaux d'alerte sanitaire...
Les arguments en faveur de la suppression de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse sont donc très solides. L'argument selon lequel une interdiction aurait des conséquences sur l'économie l'est moins ! Une étude a montré que 80 % des dépenses publicitaires étaient réalisées par seulement 550 entreprises qui sont pour l'essentiel des multinationales. La publicité à la télévision exclut le tissu des PME et limite même son développement puisque les grandes marques écraseront toujours, dans les linéaires des supermarchés, les produits artisanaux ou réalisés en petits volumes. Les premiers ont une plus grande renommée même si les seconds sont meilleurs et pas nécessairement plus chers.
Il est donc d'autant plus important de protéger nos enfants que, comme l'explique Chantal Jannet, membre de l'Union nationale des associations familiales (Unaf) et siégeant à ce titre au conseil d'administration de France Télévisions, la publicité a pour but, dès l'âge de trois ans, de structurer l'enfant afin d'en faire un futur consommateur.
Si la question de l'encadrement de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse n'est pas nouvelle, aujourd'hui 80% des familles, toutes opinions politiques confondues, soutiennent la mesure proposée, un sondage à paraître demain le montre.
Comment procéder pour tenir compte de la situation économique des chaînes publiques de télévision, qui n'est pas florissante ? Dans une proposition de loi du 1er décembre 2010, plusieurs collègues écologistes dont Jacques Muller et Marie-Christine Blandin proposaient une interdiction de la publicité qui aurait été également applicable aux chaînes privées. André Gattolin, dont le texte est circonscrit au service public de la télévision, préconise plutôt un encadrement volontaire pour les chaînes privées. En distinguant les chaînes privées qui vivent de la publicité et, pour certaines, des abonnements, des chaînes publiques qui ont bénéficié en 2015 de 2,37 milliards de ressources au titre de la contribution à l'audiovisuel public, notre collègue a trouvé le bon équilibre.
Certains d'entre vous s'étonneront sans doute que je ne propose pas d'étendre l'interdiction aux chaînes privées comme dans certains pays. Nous en avons d'ailleurs parlé lors de l'examen du projet de loi santé. Il y a des raisons à cela, qui tiennent aux efforts réels réalisés depuis 2009 par les chaînes et les annonceurs, ces derniers s'engageant en particulier à ne pas encourager des comportements contraires aux recommandations couramment admises en matière d'hygiène de vie et émises par le Programme national nutrition santé (PNNS).
Les principes édictés par l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) sont judicieux et ont permis des progrès. Lorsque l'ensemble d'un repas, déjeuner ou dîner, est visualisé, cette représentation doit correspondre à une situation alimentaire équilibrée ; la publicité ne doit ni contredire, ni ridiculiser les bons comportements alimentaires ; elle ne doit pas inciter à une consommation excessive du produit ; les produits bruts ne doivent pas faire l'objet d'une présentation qui les dévalorise. Tous ces principes sont rassemblés depuis 2009 dans une charte, renouvelée en 2014, faisant l'objet d'une évaluation du CSA et comprenant également la diffusion de messages de prévention.
Cette autorégulation illustre la prise de conscience des annonceurs et des chaînes de télévision. Elle peut être encore améliorée puisque, selon Christine Kelly qui présidait jusqu'à cette année le groupe de travail « santé et développement durable » du CSA, on constate un manque de renouvellement des programmes de prévention. En outre, le CSA devrait assurer avec plus de constance le suivi de ces engagements - son rapport concernant l'exercice 2014 n'a toujours pas été publié alors qu'il aurait dû nous être transmis au printemps.
Je vous proposerai donc une nouvelle rédaction de l'article 1er : plutôt qu'une réglementation par décret en Conseil d'État, il s'agit d'inscrire dans la loi le principe de l'autorégulation du secteur de la publicité. Le CSA remettra au Parlement un rapport annuel évaluant les actions menées par les chaînes pour que les émissions publicitaires respectent les objectifs de santé publique - le Parlement n'est pas suffisamment avisé de ces initiatives. Ma rédaction a reçu un accueil favorable tant de la part des chaînes privées que du CSA.
Concernant le service public, nous devons être plus exigeants encore. Comme l'ont montré Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, la publicité n'est considérée aujourd'hui par France Télévisions que sous l'aspect financier, sans aucune vision globale de l'identité du service public. Il n'y a aucune coordination entre la direction des programmes et la régie publicitaire, qui n'utilisent pas les mêmes références en termes de tranches d'âge. Le résultat de cette politique peut être surprenant comme sur le site Internet destiné aux six-douze ans (ludo.fr) envahi de publicités pour un jeu vidéo et des figurines produits par Warner Bros et Lego. L'habillage du site public est dédié à l'annonceur tandis que des fenêtres publicitaires occupent une autre partie de l'écran et que des vidéos publicitaires sont diffusées avant les programmes. La confusion est telle que des boutons incitant à l'achat immédiat du jeu figurent même en bonne place juste au-dessus de l'application à télécharger du site public ; l'enfant-consommateur est alors redirigé vers le site de Warner Bros. Faut-il préciser que ce grand studio américain est également un fournisseur de programmes destinés à la jeunesse de France Télévisions ? On peut ainsi se demander si certains programmes diffusés par France Télévisions n'ont pas pour principal objectif de vendre des produits dérivés.
Comme notre collègue Jean-Pierre Leleux l'a rappelé dans son rapport, il est temps de réaffirmer la spécificité des valeurs du service public de la télévision. Cela signifie, en particulier, que les programmes diffusés ne doivent pas avoir d'abord pour objectif de vendre soit des produits alimentaires manufacturés, soit des jeux vidéo coûteux, à des familles qui n'ont pas nécessairement les moyens de les acheter, avec les conséquences que l'on imagine sur les relations parents-enfants.
André Gattolin proposait initialement d'interdire les messages publicitaires dans tous les programmes destinés à la jeunesse. Le terme « jeunesse », évoqué sans autre précision, renvoie aux jeunes de zéro à dix-huit ans, ce qui correspondrait à une interdiction très large. Je vous propose une rédaction plus resserrée, limitant l'interdiction des messages publicitaires et des parrainages aux seuls programmes destinés aux jeunes de zéro à douze ans sur les chaînes et les sites Internet de France Télévisions, ce qui aurait l'avantage de limiter la perte de recettes pour le groupe public et de mieux identifier les programmes concernés.
Les évaluations sont très variables, mais France Télévisions estime entre 15 et 20 millions d'euros les recettes selon le périmètre des chaînes et des sites Internet pris en compte. Or le groupe public ne diffuse pas de messages publicitaires dans sa case « zouzous » destinée aux enfants de trois à six ans. Une suppression de la publicité aux moins de douze ans ne toucherait qu'une partie des revenus liés à la publicité à destination de la jeunesse - et pas la plus lucrative. Faute de données plus précises communiquées par France Télévisions, j'estime que cette interdiction - qui correspond aux programmes des cases « Ludo » - entraînerait une perte de revenus de 5 à 7 millions, à comparer aux 2,37 milliards de redevance et 330 millions de recettes publicitaires.
L'autre intérêt d'une limitation de l'interdiction aux enfants de moins de douze ans tient au fait qu'il existe un certain consensus pour protéger cette tranche d'âge, comme nous avons pu le constater lors de l'examen de la loi santé. C'est vrai notamment en ce qui concerne le régime des autorisations pour le cinéma, qui utilise habituellement cette limite d'âge. C'est aussi le cas en matière de publicité puisque l'Association nationale des industries alimentaires (Ania) a adopté en 2008 une motion dans laquelle elle recommandait à ses membres de ne pas recourir aux messages publicitaires destinés aux enfants de moins de douze ans.
Le noeud du problème concerne en fait l'état des finances de France Télévisions. La proposition de loi prévoyait à cet égard un principe de compensation de la baisse de ressources, au moyen d'une hausse de 50 % de la taxe sur la publicité créée en 2009 (soit un produit supplémentaire de 7,5 millions). Il n'est pas opportun de prévoir une telle hausse, parce qu'il n'existe pas d'évaluation précise du préjudice subi par France Télévisions. En outre, le Sénat appelle plus largement à une redéfinition du modèle économique de France Télévisions pour 2018, grâce à une réforme de la contribution à l'audiovisuel public.
Je l'ai dit, si la proposition de loi était adoptée, on ne peut guère espérer une entrée en vigueur avant le 1er janvier 2018. Un tel délai devrait permettre à France Télévisions d'adapter son offre et de réorganiser ses contrats avec ses annonceurs, ce que les centrales d'achat ont d'ores et déjà anticipé.
Je vous propose donc de reformuler les principales dispositions de cette proposition de loi pour tenir compte de la réalité et de la complexité de la situation. Il n'en demeure pas moins que le but est de mieux protéger les enfants de moins de douze sur le service public de la télévision. Ce texte serait une avancée considérable qui pourrait être portée à l'actif du Sénat si nous parvenions à un large accord.
Nous sommes tous d'accord pour mieux encadrer la publicité à destination de la jeunesse et surtout des enfants. Ces messages sont très habiles et incitent le jeune public à consommer, ce qui n'est conforme ni à l'intérêt général ni aux impératifs de santé publique.
Je félicite notre rapporteure qui a rappelé les enjeux du débat et qui propose, après les auditions qu'elle a menées, de modifier des dispositions du texte initial qui étaient ambiguës ou ne pouvaient être maintenues en l'état.
À l'article 1er, Mme la rapporteure propose d'en revenir à une régulation. Depuis la loi de 1986, le CSA doit examiner tous les programmes publicitaires mais il n'a pas toujours été diligent. Nous lui rappelons ici ses obligations en lui demandant un rapport annuel. L'article 2 est sensiblement modifié afin de définir la notion de « jeunesse » et en limitant l'interdiction aux jeunes de moins de 12 ans.
Enfin, notre rapporteure a supprimé la compensation financière prévue par le texte de M. Gattolin. Nous débattrons du financement de France Télévisions lors de l'examen du projet de loi de finances : il ne saurait être question de modifier la structure de son financement au détour d'une proposition de loi. En creux, vous incitez France Télévisions à faire des économies. Dans notre rapport, nous appelons de nos voeux une réforme de la contribution à l'audiovisuel public à compter du 1er janvier 2018. Cette reconfiguration des ressources publiques inclurait l'interdiction de la publicité pour les enfants. Attendons aussi d'examiner les propositions du Gouvernement sur la fiscalité des opérateurs. Quoi qu'il en soit, ce texte est financièrement neutre.
Je préfèrerais préciser expressément que la loi s'appliquera à compter du 1er janvier 2018, plutôt qu'au 1er janvier de l'année suivant sa promulgation. Compte tenu du calendrier que vous avez évoqué, ce serait le cas. Nous nous rejoignons donc. Ce texte devrait faire consensus et être adopté.
L'intention de cette proposition de loi est bonne : protéger les enfants. L'obésité tient à ce que les enfants restent immobiles des heures durant devant les écrans, les publicités ne sont pas seules en cause.
Ce texte traite de l'audiovisuel public, or l'immense majorité des enfants suivent des émissions sur les chaînes privées et sur Internet : 500 millions de connections sur YouTube sans aucune régulation de la publicité ! Grande intention, donc, mais petite loi qui ne touchera, via le secteur audiovisuel public, qu'une infime partie des programmes jeunesse.
En outre, l'audiovisuel est de plus en plus concentré entre les mains de groupes privés puissants, spécialisés dans le BTP ou les câbles, détenteurs de ports en Afrique, tandis que le service public est en grande difficulté financière : 50 millions de déficit structurel par an. Nous y reviendrons lors de l'examen du budget et nous proposerons sans doute d'augmenter encore la redevance d'un euro supplémentaire, pour éviter le naufrage. Or, au nom de la protection des enfants, cette proposition de loi réduirait encore les recettes de la télévision publique d'au moins 10 millions d'euros.
Depuis la loi du 30 septembre 1986, aucun programme « susceptible de nuire gravement à l'épanouissement physique, mental ou moral des mineurs ne [doit être] mis à disposition du public par un service de radiodiffusion sonore et de télévision ». En outre, les publicités sont contrôlées par l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) qui s'est dotée d'une charte publicitaire très stricte. L'article 1er reprend donc une disposition en vigueur depuis 1986.
Arrêtons d'avoir une vision parcellaire de l'audiovisuel en ne touchant qu'au secteur public, sans aucune compensation : ayons le courage d'une grande loi qui protègerait les enfants des excès publicitaires, que ce soit à la télévision ou sur le Net. Mieux vaudrait nous concentrer sur les enfants de zéro à six ans, qui ne sont pas capables de recul. En l'état actuel, ces bonnes intentions se traduiraient par 10 millions de moins pour l'audiovisuel public alors que nous devons absolument le défendre dans un environnement très troublé.
Je félicite notre rapporteure pour son excellente analyse. Nous ne pouvons que souscrire à ses propositions, mais réfléchissons à l'impact financier de la suppression de la publicité. Est-ce envisageable pour les chaînes publiques ?
Difficile de tirer le fil de la publicité sans faire venir toute la pelote du financement de l'audiovisuel public. Nous appelons à une réforme globale du modèle de financement des chaînes publiques, comme le proposent André Gattolin et Jean-Pierre Leleux dans leur rapport d'information. Si cette proposition de loi rejoint ce rapport, nous la voterons.
La télévision publique doit nous cultiver et nous distraire, nous épanouir et nous émanciper. Mais, paradoxe fondamental, elle est adossée à la publicité qui a une vocation aliénante, son but étant de détourner nos cerveaux pour nous transformer en consommateurs.
Le rapport de M. Leleux sur la culture scientifique ou les travaux de Mme Gillot sur le même sujet démontrent la contradiction totale entre un souci d'amélioration de la culture scientifique et la diffusion de messages qui affirment que la lotion beta fait repousser les cheveux et que la lotion alpha rend irrésistible auprès des femmes.
Épargner au moins les enfants : tel est la finalité de la proposition de loi. Notre rapporteure nous a parlé de la santé. Elle aurait pu aussi évoquer le sexisme : les publicités continuent à faire référence à Superman et à la fée Clochette.
M. Assouline estime à juste titre que c'est la télévision dans son ensemble qui rend obèse et qui déconcentre, mais la publicité, par des séquences courtes aux décibels accrus, déstructure plus encore les facultés de concentration. Il s'interroge sur les raisons d'une « petite loi » alors que les dégâts majeurs ont lieu sur le Net. Mais dire que les choses sont pires ailleurs ne peut être un argument, sinon mieux vaudrait supprimer tout de suite la sécurité sociale.
Notre commission a décidé il y a quelques années de voter une toute petite loi pour permettre aux étudiants en médecine en échec de glisser vers les formations paramédicales. Certes, nous n'avions pas à l'époque réformé l'université ni la médecine mais ce fut une amélioration significative.
Et puis, quel plaisir lorsqu'on écoute France Inter ou France Culture, de ne pas être assommé de publicités ! Quant aux économies dans le service public, pourquoi ne pas commencer par réduire les salaires faramineux des animateurs producteurs ?
Bien sûr, le groupe écologiste votera ce texte, tout en considérant que le chemin est encore long. Il y a eu dans le passé une proposition de loi de MM. Muller et Sueur qui visait l'audiovisuel dans son ensemble. Pour que ce texte soit voté, nous nous sommes restreints à l'audiovisuel public et n'avons visé que les enfants de zéro à douze ans. Saisissons l'occasion, sans attendre la grande réforme de l'audiovisuel. La niche des écologistes à l'Assemblée nationale ne sera libre qu'en janvier 2017. Ce n'est donc pas demain que nous allons couper les vannes publicitaires de l'audiovisuel public.
Je suis bien évidemment d'accord avec l'objectif poursuivi. Pour autant, je m'étonne que ce texte se limite au seul audiovisuel public, qui touche peu les enfants. Certes, ils ne peuvent pas lire les messages d'alerte, mais ils ne choisissent pas non plus les chaînes qu'ils regardent en fonction de leur appartenance au service public ou à la sphère privée !
Si l'on étendait cette argumentation à d'autres problèmes de santé publique, on aboutirait à des aberrations avec, par exemple, le tabac ou l'alcool. Si l'objectif est celui de la santé publique et de la protection de l'enfance, comment se limiter au service public ?
J'entends avec surprise les arguments développés par mes amis écologistes : à l'origine, un rapport signé par Evelyne Didier et Jacques Muller faisait des propositions beaucoup plus ambitieuses que nous avions reprises dans une proposition de loi signée par notre groupe en 2010 : sanctuarisation des programmes, maîtrise des contenus publicitaires, renforcement des contrôles et des sanctions, éducation et sensibilisation des enfants et des adolescents, défense de la qualité des productions d'animation. Toutes ses propositions auraient pu faire consensus, mais vous nous expliquez qu'il faut réduire nos ambitions...
Enfin, M. André Gattolin propose d'augmenter la taxe sur la publicité qui touche les chaînes privées. Hélas vous refusez cette mesure. Il n'y aura pas de solution pérenne au financement du secteur public si la régulation du secteur audiovisuel n'est pas revue dans son ensemble, à moins d'augmenter sans relâche la redevance.
Nous sommes partagés car nous approuvons votre objectif mais nous ne pourrons voter cette proposition de loi... qui est soutenue avec enthousiasme par nos collègues de droite.
Vous aurez le soutien du RDSE car ce texte va dans le bon sens, et rejoint les mesures en vigueur en Espagne, en Belgique, en Suède et au Québec. Cependant, quid de la publicité sur Internet qui n'est pas du tout contrôlée ? La réflexion doit donc se poursuivre.
Je remercie tous ceux qui sont intervenus, même si tous ne soutiennent pas cette proposition de loi. J'ai consulté les textes déposés par tous les groupes sur le sujet. J'ai pesé les risques : les chercheurs sont unanimes pour estimer que la publicité est nocive pour les plus jeunes.
Il m'a fallu aussi me montrer pragmatique : évidemment, nous voudrions pouvoir faire plus ! L'heure est au réalisme et à l'action. Demain, un sondage va paraître qui démontrera que les électeurs de toutes les familles politiques attendent des mesures concrètes et significatives en ce domaine. Ce texte concilie les impératifs de santé publique et une forme de réalisme que j'assume.
Un texte trop peu ambitieux ? Je ne le crois pas car le service public se doit d'être exemplaire. On ne peut en rester à une vision strictement comptable. Je veux avancer pas à pas. Avec ce texte, les parents modestes qui confient leurs enfants à la baby-sitter télévision auront la certitude que les chaînes publiques ne diffuseront pas de publicité.
Mes enfants sont grands et pour préparer cette loi, j'ai passé trois mois devant mon écran pour me familiariser avec les programmes jeunesse. Les publicités ont fait beaucoup de progrès avec des images de synthèse qui permettent d'hypnotiser les jeunes enfants : ces nouvelles publicités sont très agressives et préjudiciables. Dans l'intérêt des familles, je maintiens mon texte.
Certes, il faut protéger nos enfants de la publicité, mais encore faut-il que les dispositions que nous adopterons ne ratent pas leur cible. Disposez-vous de données chiffrées sur le nombre d'enfants qui regardent les chaînes privées et les chaînes publiques ?
Ce débat engage les consciences et chacun gardera sa liberté de choix. Je remercie notre rapporteure pour la qualité de son travail, mais je souhaite exprimer quelques réserves en mon nom propre.
Tout d'abord, les règles édictées par la société ne pourront jamais aller jusqu'au coeur des foyers. Plus nous déresponsabilisons les familles, plus la règlementation devient envahissante. Cette tendance à réguler par petits bouts, sans vision globale, risque d'aboutir à déstabiliser l'écosystème du secteur public.
Enfin, nous n'accepterons jamais une augmentation de la redevance tant que nous n'aurons pas l'assurance de comportements exemplaires en matière de dépenses du secteur public : voyez par exemple ces séries américaines ou ces films refusés par le privé parce que trop chers et achetés par le public. Je m'abstiendrai donc sur ce texte.
Cette proposition de loi joue « petits bras ». Mère d'un enfant de huit ans, je ne peux lui imposer de regarder une chaîne plutôt qu'une autre. Les petits savent très bien ce qu'ils veulent voir ! Et ils regardent plutôt les chaînes privées, car les programmes pour enfants du secteur public ne sont pas très attrayants - les autres émissions non plus du reste. Votre proposition de loi ne prend pas cela en compte. Les enfants ne lisent pas les bandeaux, dites-vous : pourtant, manger cinq fruits et légumes par jour, c'est passé dans les têtes. Même chose pour les messages sur la citoyenneté.
Je salue le travail de Mme Bouchoux, mais je ne peux accepter ce qu'elle a dit sur la télévision, baby-sitter des plus petits. On ne peut tolérer l'abandon culturel de ces enfants.
Ce texte permettra de lutter contre l'obésité, dites-vous, mais la suppression de la publicité sur les chaînes publiques ne changera rien à la passivité des enfants hypnotisés par l'écran. N'oublions pas non plus les messages publicitaires sur tous les autres supports.
Disposez-vous de données sur les pays où la publicité alimentaire a été interdite ou règlementée ? Au Québec, l'obésité n'a pas diminué en dépit de la règlementation de la publicité ; même constatation pour les États-Unis où la publicité alimentaire a été supprimée et où un tiers des enfants sont en surpoids ou obèses.
Comment peut-on opposer 10 millions de recettes à une mesure d'intérêt général qui protégerait tous les enfants de moins de douze ans ! C'est une goutte d'eau dans un budget de 3 milliards d'euros. D'autant que le petit monde des producteurs, très éloigné des règles de transparence pratiquées dans les autres services publics, n'est pas en manque d'argent. On ne peut pas lancer un mouvement sans commencer à marcher, même à petits pas.
Veillons à ne pas nous laisser entraîner dans un débat trop manichéen. Pourquoi ne viser que les chaînes de service public ? Le modèle économique de France Télévisions est fragilisé. On questionne le coût de production des émissions pour la jeunesse. Il ne faudrait pas qu'elles perdent en qualité. L'autorégulation professionnelle avec l'ARPP fonctionne bien sur la question des messages publicitaires. Il serait dommage de stigmatiser le service public au prétexte de le rendre plus vertueux, alors même qu'il a déjà mis en place des mesures efficaces. Les enfants ont surtout l'habitude d'aller sur le Net. L'encadrement de cette fréquentation : voilà le sujet dont il faudrait s'emparer.
Le service public doit être exemplaire. De là à lui tirer une balle dans le pied... Les enfants nagent de plus en plus tôt dans un océan d'images que les parents essaient de baliser du mieux qu'ils peuvent. Élargissons notre champ d'action à l'ensemble du paysage audiovisuel, en interpellant les producteurs sur la qualité des programmes et en encourageant les parents à se montrer vigilants.
Que valent 10 millions d'euros face aux dégâts de la publicité sur la santé des enfants ? Il est indispensable d'appliquer cette restriction, quand bien même elle ne toucherait pas d'emblée l'ensemble de la production d'images. Ce sera toujours un début pour atténuer les effets psychosociaux et physiques de la publicité sur les enfants. Certains parents devraient retourner à l'école pour apprendre à contrôler les images auxquelles leurs enfants ont accès. Le texte mériterait d'être encore détaillé sur ce sujet. Mais globalement, il n'y a pas à hésiter !
La publication du rapport est imminente, vous y trouverez des statistiques sur les séquences regardées par les jeunes. S'il est vrai que les enfants regardent beaucoup d'émissions destinées aux adultes, notre proposition de loi ne vise que les programmes jeunesse. Les spécialistes que nous avons auditionnés s'accordent à dire que l'obésité est un phénomène complexe et systématiquement plurifactoriel ; mais qu'un meilleur contrôle de la publicité contribue à le ralentir. La famille est le premier lieu d'éducation. Ne soyons pas hypocrites, chacun connaît le rôle joué par la télévision, par exemple dans certains foyers monoparentaux et défavorisés. On soulagerait les parents en leur garantissant une restriction de la diffusion des publicités. L'intérêt de notre jeunesse est plus important que la somme de tous les intérêts particuliers.
Comme rapporteure, je tiens toujours à être pragmatique et à promouvoir l'intelligence collective, qui est efficace. Lorsque nous avons travaillé avec Jean-Claude Lenoir sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, dans le cadre d'un rapport de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois que présidait David Assouline, certains disaient autour de nous : « il n'y aura même pas de rapport, ils en viendront vite aux mains ». Nous sommes parvenus à faire voter à l'unanimité, dans la loi militaire, une modification du système d'indemnisation. Cela n'avait rien d'évident. Montrons-nous tout aussi entreprenants sur cette proposition de loi. Une mesure vertueuse peut avoir valeur de symbole, avant une action plus générale. Le Sénat sert aussi à cela.
Cette proposition de loi s'inscrit avec beaucoup de cohérence dans les travaux de notre commission. Nous avons lancé, il y a un an, une mission d'information et de contrôle sur le financement de l'audiovisuel public, qui nous offre un cadre de réflexion, avec le rapport de MM. Leleux et Gattolin. Nous pouvons exercer un certain contrôle y compris sur les chaînes privées, via les autorités de contrôle, car le CSA doit nous rendre compte de ses travaux. Nous devons agir avec d'autant plus de rapidité que le modèle audiovisuel est fragilisé.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er
L'amendement n° 1 inscrit dans la loi du 30 septembre 1986 le fait que le CSA adresse chaque année au Parlement un rapport sur l'autorégulation de la publicité dans les programmes destinés à la jeunesse. Cette autorégulation est en place depuis 2009. Le rapport du CSA aura une visée informative, tout en formulant des recommandations pour améliorer encore la protection des jeunes publics, dans le cadre de l'application de la charte alimentaire.
Le groupe socialiste réserve son vote sur tous les amendements et se prononcera en séance.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
Je propose un sous-amendement n° 8 modifiant la rédaction de l'amendement n° 2, qui remplace la formulation « dès la promulgation de la loi » par « dès le 1er janvier 2018 ».
Je suis favorable au sous-amendement de mon collègue. Mon amendement n° 2 circonscrit la réduction de la publicité aux programmes destinés à la jeunesse en retenant le critère des programmes destinés aux enfants de moins de douze ans. Il supprime la référence au principe d'une compensation financière. Il précise que l'article 2 s'appliquera à compter du 1er janvier 2018.
Le groupe CRC ne prendra pas part au vote. En l'état actuel du texte, nous n'y sommes pas favorables. Nous nous prononcerons en séance.
Le sous-amendement n° 8 est adopté.
L'amendement n° 2 ainsi modifié est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Titre II
L'amendement de coordination n° 3 est adopté.
Le Titre II est supprimé.
Article 3
Les amendements identiques n° 4 et 7 sont adoptés.
L'article 3 est supprimé.
Article 4
L'amendement n° 5 est adopté.
L'article 4 est supprimé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements est repris dans le tableau ci-après.
La commission examine le rapport de M. Michel Savin et élabore le texte de la commission sur la proposition de loi n° 489 (2014-2015), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale.
Nous examinons à présent la proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à améliorer leur situation juridique et sociale. Ce texte a été déposé le 15 avril 2015 à l'Assemblée nationale par M. Bruno Le Roux, Mme Brigitte Bourguignon, MM. Patrick Bloche et Pascal Deguilhem et plusieurs autres membres du groupe socialiste républicain et citoyen. Il a été adopté à l'Assemblée nationale le 8 juin dernier, à l'unanimité.
Pas une année ne s'écoule sans que nous n'examinions un rapport sur le sport. Il suffit de citer le rapport d'information de M. Lozach sur les centres régionaux d'éducation populaire et de sport (Creps), publié en 2010 au nom de notre commission ; celui de M. Jean-Marc Todeschini, sur le CNDS, au nom de la commission des finances en 2012 ; celui de M. Jean-Jacques Lozach au nom de la commission d'enquête sur la lutte contre le dopage en 2013 ; enfin, celui de M. Stéphane Mazars, en 2014, sur le sport professionnel et les collectivités territoriales dans le cadre de la mission d'information présidée par M. Michel Savin.
Le 18 février 2015, M. Jean-Pierre Karaquillo a remis son rapport sur la situation professionnelle et sociale des sportifs de haut niveau, à la suite de la mission que lui avait confiée M. Thierry Braillard, secrétaire d'État aux sports. Le texte que nous examinons reprend une grande partie des dispositions législatives proposées, en apportant les solutions concrètes attendues. Il réaffirme l'importance d'un double projet pour les sportifs de haut niveau : ils doivent être incités à conjuguer excellence sportive et réussite scolaire, universitaire et professionnelle. Il comble le manque de couverture sociale des sportifs de haut niveau en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Enfin, il renforce la sécurité juridique de leur statut en encadrant les contrats à durée déterminée d'usage signés par les joueurs professionnels, les mutations temporaires des sportifs et entraîneurs salariés, et le statut de travailleurs indépendants accordé à certaines catégories de sportifs.
L'article 4 assouplit le dispositif des conventions d'insertion professionnelle. En plus du contrat de travail traditionnel, le sportif peut désormais signer un contrat de prestation de services, un contrat de cession de droit à l'image ou un contrat de parrainage, ce qui régularise les situations d'absence de l'entreprise, tout en maintenant l'obligation d'un projet de formation ou d'insertion professionnelle.
L'article 6 bis étend aux sportifs de haut niveau la possibilité de demander la validation des acquis de leur expérience pour justifier tout ou partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l'obtention du diplôme ou titre délivré, au nom de l'État, par un établissement d'enseignement supérieur. L'article 6 ter autorise les sportifs de haut niveau à déroger aux conditions d'âge pour la signature de contrats d'apprentissage. L'article 11 étend aux sportifs et entraîneurs professionnels salariés le bénéfice des périodes de professionnalisation.
Cette proposition de loi responsabilise également les acteurs associés au double projet des sportifs. L'article 4 bis donne valeur législative à l'obligation pour les établissements scolaires du second degré et les établissements d'enseignement supérieur d'aménager l'organisation des études non seulement pour les sportifs de haut niveau, mais également pour les sportifs qui sont en phase d'accession au haut niveau. Quant à l'article 5, il prévoit les conditions d'accès des sportifs de haut niveau, des sportifs Espoir et des partenaires d'entraînement aux formations scolaires, universitaires et professionnelles, aménagées en lien avec les services de l'État et les régions ; il définit également les modalités de leur formation sportive et citoyenne et les modalités de leur insertion professionnelle. Enfin, l'article 6 responsabilise les fédérations en les obligeant à nommer un référent chargé du suivi socioprofessionnel de leurs athlètes de haut niveau. L'article 10 impose une obligation similaire aux clubs employeurs envers leurs joueurs et entraîneurs professionnels salariés.
Pour améliorer la protection sociale des sportifs de haut niveau, l'article 7 institue un dispositif d'assurance « accidents du travail, maladies professionnelles » pris en charge financièrement par l'État. L'article 8 oblige les fédérations sportives délégataires à souscrire des contrats d'assurance de personnes qui couvrent les dommages corporels auxquels une pratique sportive de haut niveau peut exposer.
Le texte sécurise également certaines pratiques du monde sportif professionnel, en créant à l'article 9 un contrat à durée déterminée spécifique pour les sportifs et entraîneurs salariés professionnels. D'une durée comprise entre douze et soixante mois, il doit respecter des règles de forme et de contenu et ne peut être rompu unilatéralement. L'article 12 apporte une sécurité juridique aux opérations de mutation temporaire de sportifs ou entraîneurs professionnels, en étendant à ces opérations les exceptions au principe de prohibition de main-d'oeuvre à but lucratif. Enfin, l'article 13 pose le principe de l'inapplication de la présomption de salariat aux sportifs professionnels indépendants participant à des compétitions sportives.
L'Assemblée nationale a adopté un article 4 bis qui élargit l'accès des sportifs aux formations et cursus aménagés dans l'enseignement secondaire et supérieur. Elle a introduit un article 6 bis qui étend la validation d'acquis d'expérience aux sportifs de haut niveau, et voté un article 6 ter qui supprime la limite d'âge pour la signature d'un contrat d'apprentissage. Enfin, elle a introduit un article 8 bis qui assure une meilleure protection des sportives de haut niveau en cas de maternité.
À l'article 9, l'Assemblée nationale a précisé dans quels cas un contrat de moins d'un an pourrait être conclu entre un sportif et une association ou une société sportive, afin de prévenir tout abus de la part des clubs employeurs. À l'article 13, elle a jugé souhaitable d'introduire une présomption de travail indépendant spécifique aux sportifs professionnels qui participent librement, et pour leur propre compte, à des compétitions sportives. Enfin, à l'initiative du Gouvernement, la commission a adopté un nouvel article 15 A simplifiant les démarches administratives des professionnels de santé qui soignent les sportifs des délégations étrangères sur le territoire français.
Les dispositions de cette proposition de loi, aussi bonnes soient-elles, peuvent encore être améliorées. Il faudrait faire figurer dans la convention signée entre le sportif de haut niveau et sa fédération la question du droit à l'image, qui peut être source de conflits si elle n'est pas réglée dès le début de la carrière sportive. Je vous proposerai également d'étendre le bénéfice des conventions d'insertion professionnelle aux arbitres et juges de haut niveau, qui subissent les mêmes contraintes de temps que les sportifs en raison de leur participation incessante à des compétitions. Les sportifs de haut niveau devraient par ailleurs pouvoir demander la validation des acquis de leur expérience pour l'obtention d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle. Je vous soumettrai aussi un aménagement des contrats d'apprentissage, pour prendre en compte les périodes pendant lesquelles les sportifs de haut niveau pratiquent leur activité sportive. Je vous proposerai d'améliorer les règles liées à la durée du temps de travail dans le nouveau CDD spécifique aux sportifs et entraîneurs professionnels salariés. Enfin, je complèterai le dispositif juridique de l'article 13 afin de préciser que la présomption de salariat prévue dans le code du travail ne s'applique pas aux sportifs professionnels indépendants participant à des compétitions sportives.
D'autres sujets mériteraient d'être examinés, comme l'efficacité des centres d'insertion professionnelle, qui offrent des ressources aux sportifs de haut niveau mais sans véritablement faciliter leur insertion. Les entreprises devraient être associées plus en amont au projet professionnel. La mise en place d'un salariat aiderait les sportifs de haut niveau à résoudre beaucoup de leurs problèmes financiers et sociaux. Par ailleurs, en reconnaissant le rôle fondamental de l'enseignement à distance dans la formation des sportifs de haut niveau, on encouragerait les établissements de l'enseignement supérieur qui ont investi dans ce type de formation à signer des conventions de stage et on leur ouvrirait la possibilité de bénéficier de la taxe d'apprentissage. Il faudra en outre entendre le ministre en séance publique sur la trop faible représentation des sportifs au sein des instances dirigeantes des clubs, des fédérations et des ligues. En ce qui concerne les agents, si on leur donnait un statut, on pourrait les inciter à jouer un rôle de conseillers auprès de leurs clients sur leur reconversion professionnelle. Le financement de la formation des sportifs reste une vraie question. Faut-il imposer des taux de cotisation supérieurs au taux de droit commun de 1 % pour les joueurs dont la carrière est réduite dans le temps ? Faut-il développer des systèmes d'épargne salariale pour financer les actions de formation ? Je comptais proposer la création d'un compte personnel de formation alimenté par les fédérations. À la suite de mon entretien avec le ministre hier soir, j'ai décidé d'attendre la séance publique pour améliorer ma proposition.
Enfin, au cours de mes auditions, j'ai entendu parler de trafics de jeunes mineurs de 14 ou 15 ans, souvent d'origine africaine, que les clubs font venir dans les centres de formation sans qu'ils soient inscrits officiellement, pour les tester. La plupart d'entre eux ne seront finalement pas sélectionnés et se retrouveront sans débouché, sans papiers, parlant mal la langue française. La commission de la culture pourrait ouvrir une mission d'information sur le sujet.
Je tiens à féliciter le rapporteur pour son excellente connaissance du monde sportif. Le rapport de M. Jean-Pierre Karaquillo a montré dans quelle précarité professionnelle et juridique se trouvaient les sportifs. Cette proposition de loi constitue une grande avancée. Je souscris aux propositions du rapporteur au sujet des arbitres et des juges, ainsi qu'à son amélioration de l'article 4. Veillons cependant à ne pas imposer des contraintes de nature à handicaper nos clubs au niveau international. Le mieux serait d'étendre cette proposition de loi aux autres pays européens. Le rôle des agents dans le suivi socio-professionnel des sportifs est indispensable. Nous suivrons le rapporteur.
Nous avons déjà eu l'occasion de débattre de ce sujet lors de la présentation du rapport de M. Jean-Pierre Karaquillo. Nous avons entendu des sportifs de haut niveau lors de nos échanges avec la Fédération nationale des associations et des syndicats de sportifs (Fnass). Ce texte est très attendu : 40 % des sportifs de haut niveau vivent avec moins de 500 euros par mois. L'article 6 est essentiel, car il met les fédérations sportives nationales face à leurs responsabilités. L'article 7 ne l'est pas moins, qui élargit la couverture sociale des intéressés. Le débat reste ouvert quant à la nature du contrat à mettre en oeuvre. Le CDD d'usage est contesté en droit, ce qui crée un vide juridique, que cette proposition de loi vient combler. On parle de plus en plus de la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques en 2024. Le sort que les pays candidats réservent à leurs sportifs nationaux est un des critères que le jury ne manquera pas d'examiner.
Ce texte est une grande avancée pour la protection des sportifs. Je remercie la commission d'avoir pris l'initiative de nous emmener à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep). Les sportifs et plus encore les sportives nous ont tous dit leur souhait de voir leur protection renforcée. L'allongement du congé maternité serait une avancée réelle. Avez-vous prévu un amendement ? L'article 7 sur la couverture sociale est très intéressant. Certains clubs ou fédérations auront du mal à la financer. La création d'un fonds commun serait une bonne manière de les aider. Dans l'ensemble, le groupe CRC est favorable au texte.
Ce texte améliore le sort de nos sportifs. Il rappelle un peu ce qui a été fait pour les intermittents du spectacle. En donnant une formation plus poussée aux agents, on éviterait sans doute que certains d'entre eux fassent venir des mineurs pour les abandonner ensuite s'ils ne donnent pas satisfaction. Dans ce travail que vous avez évoqué avec l'éducation nationale, quelle sera la place des collèges sport-études ? Disposez-vous de statistiques précises sur la répartition entre femmes et hommes parmi les sportifs de haut niveau ? Lors de l'examen de la loi d'août 2014, nous avions fait un travail sur la place des femmes dans les fédérations.
Ce texte est attendu depuis longtemps par les sportifs et les fédérations. L'élargissement des conventions d'intégration professionnelle aux arbitres et aux juges est une plus-value par rapport au texte voté à l'Assemblée nationale, tout comme la validation des acquis de l'expérience et la souplesse donnée aux CDD, avec une durée de douze mois liée à la saison sportive.
Le groupe Les Républicains s'associe au travail de M. Michel Savin. Si la durée de la saison sportive est déterminée par les fédérations, ne peut-on pas prévoir la possibilité, par exemple, que le club de lutte de Besançon puisse continuer à embaucher des sportifs étrangers sur les trois ou quatre mois que dure la compétition nationale ?
Il serait effectivement utile de lancer des discussions à l'échelle européenne. Nous ne pouvons pas être les seuls à nous adapter. Les agents sportifs devraient faire l'objet de mesures particulières, car leur statut n'est pas défini. Certains n'ont qu'une connaissance minimale du milieu sportif. Ce texte est très attendu par les sportifs de haut niveau - certains vivent avec 700 ou 800 euros par mois - et les fédérations. Ces dernières sont responsabilisées : elles participeront au financement des formations par la constitution d'un fonds. L'allongement du congé maternité n'est pas si simple. Nous aborderons le sujet dans la discussion de l'amendement.
Certaines entreprises ne sont plus guère favorables aux conventions d'insertion professionnelle, car les absences trop longues d'un sportif de haut niveau peuvent finir par poser problème, surtout dans une conjoncture économique difficile. Le contrat d'image améliorera la situation. Il ne faudrait pas non plus que certains sportifs arrivent en fin de carrière sans avoir préparé leur reconversion. Les conventions d'insertion encouragent les entreprises à s'impliquer. Un équilibre reste à trouver. Enfin, nous proposerons un amendement pour préciser que des sportifs de haut niveau pourront être engagés dans un club ou une fédération en cours de saison, mais avec un contrat courant jusqu'à la fin de la saison. On évitera ainsi la précarité liée aux contrats de très courte durée qui font qu'un sportif peut commencer la saison dans un club pour la finir dans un autre.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Les articles 1 et 2 sont adoptés sans modification.
Article 3
L'amendement n° 1 insère les mots « établie après consultation des associations ou organisations professionnelles représentant les intérêts des sportifs » après le mot « convention ».
Avis défavorable. La plupart des sportifs de haut niveau ne sont pas syndiqués dans les associations professionnelles, pour la bonne raison qu'ils ne sont pas salariés. Hier, le ministre nous a confirmé que le décret serait très précis sur le contenu des droits et obligations des sportifs et des fédérations.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
L'amendement n° 10 insère le mot « socioprofessionnel ». Il précise ainsi la nature de l'accompagnement en faisant référence au double projet du sportif, à la fois orienté vers la performance sportive et vers la réussite scolaire et professionnelle.
L'amendement n° 10 est adopté.
Mon amendement n° 11 apporte une précision en ajoutant le droit à l'image des sportifs - utilisation, obligations vis-à-vis des partenaires et droits liés à l'exploitation de cette image - à la liste des points abordés dans la convention visée à l'article 3.
L'amendement n° 11 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
Cela me paraît une bonne formule.
L'amendement n° 12 est retiré et l'amendement n° 8 rectifié est adopté.
Mon amendement n°13 apporte une précision rédactionnelle pour respecter les étapes temporelles du parcours du sportif dans l'entreprise : formation puis, le cas échéant, mesures de reclassement.
L'amendement n° 13 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4 bis (nouveau)
Article 5
Article additionnel après l'article 5
Article 6 bis (nouveau)
Mon amendement n° 17 étend aux sportifs de haut niveau la possibilité d'obtenir la validation des acquis de leur expérience pour l'obtention d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle.
L'amendement n° 17 est adopté.
L'article 6 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6 ter (nouveau)
Inspiré des mesures appliquées aux handicapés sous contrat d'apprentissage, mon amendement n° 18 adapte le dispositif de l'apprentissage aux contraintes des sportifs de haut niveau.
L'amendement n° 18 est adopté.
L'article 6 ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 7 est adopté sans modification.
Article 8
L'amendement rédactionnel n° 19 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 8 bis (nouveau)
La date de constatation de l'état de grossesse correspond, pour les sportives de haut niveau, à la déclaration de la grossesse auprès des organismes d'assurance maladie, c'est-à-dire avant la fin du troisième mois. Nous proposons que les sportives de haut niveau continuent à bénéficier des droits inhérents à cette qualité non plus à compter de cette date, mais à partir du premier jour du congé légal de maternité, afin d'éviter les inégalités liées à des déclarations plus ou moins tardives.
Nous comprenons votre souci d'éviter que celles qui déclarent très tôt leur grossesse ne soient pénalisées. Cependant, votre amendement réduit le champ d'application de cette prolongation des droits, puisque la plupart des sportives de haut niveau n'étant pas salariées, elles n'ont pas droit au congé de maternité. Je vous demande donc de le retirer et, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement n° 2 n'est pas adopté.
L'article 8 bis est adopté sans modification.
Article 9
L'amendement n° 3 de Mme Prunaud et le n° 20, dont je suis l'auteur, sont identiques. Je retire le mien.
L'amendement en question renvoie à une convention ou à un accord collectif national la fixation des critères à l'aune desquels le caractère principal de l'activité est apprécié pour les entraîneurs.
L'amendement n °3 est retiré et l'amendement n° 20 est adopté.
Mon amendement n°4 réintroduit la notion de saison sportive pour déterminer la durée du contrat de travail, en renvoyant la définition des modalités spécifiques à une convention ou à un accord collectif national.
Nous partageons cette préoccupation, mais je vous demande de retirer votre amendement en faveur de mon amendement n°21, qui a le même objet.
L'amendement n° 9 adapte lui aussi le contrat de travail à la saison sportive, qui dure moins de douze mois, pour éviter qu'un joueur ne change de club en cours de saison.
Le travail collectif est toujours plus efficace.
L'amendement n° 9 est retiré.
Mon amendement n° 21 lie la durée du contrat de travail à la saison sportive, dont les dates varient d'une discipline à l'autre. Afin de limiter la précarité de l'emploi, il impose également que tout contrat de travail signé au cours d'une saison sportive coure au moins jusqu'au terme de celle-ci. Des exceptions sont prévues, en cas de remplacement lié à une absence, ou une suspension du contrat de travail, ou à une mise à la disposition d'une fédération en qualité de membre de l'équipe de France.
L'amendement n° 21 est adopté.
L'amendement n° 5 répond à une demande exprimée par les associations qui représentent les sportifs professionnels salariés. Ceux-ci sont parfois mis à l'écart par leur club - par exemple pour un conflit lié au transfert du joueur - et contraints d'aller s'entraîner ailleurs. Pour garantir l'équité, nous proposons de remplacer le mot « équivalentes » par le mot « identiques » dans l'alinéa relatif aux conditions de préparation et d'entraînement.
Nous comprenons votre inquiétude, mais votre amendement n'est pas applicable, les sportifs professionnels n'ayant pas un travail posté. L'un ira en salle de musculation, l'autre sur la piste d'athlétisme,... Avis défavorable.
L'alinéa visé est le 29 et non le 28, comme indiqué dans le texte de l'amendement.
Cela ne modifie pas mon avis.
L'amendement n° 5 rectifié n'est pas adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 10
Mon amendement n° 6 étend le suivi socioprofessionnel des sportifs aux entraîneurs professionnels salariés.
Leurs situations ne sont pas comparables. La carrière des sportifs de haut niveau se prolonge rarement au-delà de la trentaine, alors que les entraîneurs peuvent exercer jusqu'à la retraite. En outre ces derniers bénéficient des dispositions du droit commun en matière de formation. Avis défavorable.
L'amendement n° 6 n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté sans modification.
Article 11
L'amendement n° 7 supprime l'article L. 222-4 du code du sport, qui exonère les clubs professionnels du versement de la cotisation de 1 % destinée à financer le congé individuel de formation pour les CDD. Il introduit de nouvelles dispositions orientant une partie des ressources ainsi dégagées vers la prise en charge de bilans de compétences pour les sportifs concernés.
Votre amendement touche à un point important. Mais le voter aurait des conséquences importantes pour les fédérations et les clubs ; cela mérite un véritable débat. Je vous suggère de le retirer, et de le redéposer en séance, pour lancer la discussion avec le ministre.
Article 12
L'amendement rédactionnel n° 22 est adopté.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 13
L'Assemblée nationale a introduit dans le code du travail le principe selon lequel la présomption de salariat est inapplicable aux sportifs professionnels participant à des compétitions sportives selon leur libre choix et pour leur compte.
Mon amendement n° 23 porte exception à une disposition du code du travail et, pour préciser le statut juridique des intéressés, introduit dans le code du sport une présomption de travail indépendant à l'égard de l'organisateur de la compétition (avec pour corollaire l'exclusion de la présomption de salariat prévue par le code du travail pour les artistes du spectacle).
L'amendement n° 23 est adopté.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 14 et l'article 15 A sont adoptés sans modification.
Article additionnel avant l'article 15
L'amendement n° 25 autorise les organisateurs de compétitions sportives à procéder à des croisements de fichiers, afin d'élargir les possibilités de contrôle de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel). Après l'affaire Karabatic, il s'agit de protéger les sportifs contre eux-mêmes et de les préserver de la tentation du jeu. L'opération s'effectuera sous le contrôle de la Cnil.
Avis favorable.
L'amendement n° 25 est adopté et devient article additionnel avant l'article 15.
Article 15
L'amendement de coordination n° 24 est adopté.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements est repris dans le tableau ci-après.
Je tiens à remercier le rapporteur et à vous féliciter pour le travail effectué ce matin, il illustre toute l'utilité du Sénat. Le bicamérisme contribue à améliorer la loi.
La séance est levée à 12 h 20.