Intervention de Jean-Étienne Antoinette

Réunion du 27 janvier 2009 à 22h00
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 1er

Photo de Jean-Étienne AntoinetteJean-Étienne Antoinette :

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux d’apporter ma contribution à la discussion d’une loi dont le principal mérite, au-delà de l’enjeu planétaire qui la sous-tend, est de résulter d’une large coproduction, même si, comme l’a fait remarquer à juste titre notre collègue Claude Lise, l’outre-mer qui joue pourtant un rôle important n’a été « repêché » qu’à la dernière minute.

L’article 1er retient mon attention sur deux points, fondamentaux à mon sens.

Le premier, c’est l’affirmation du développement durable dans ses trois piliers : la préservation de l’environnement, le développement économique et le progrès social. « Concilier », tout est dans ce mot, véritable quadrature du cercle qu’il faut donc avoir le courage non seulement de poser en préambule, mais de réaffirmer, même de manière sous-jacente, dans tous les articles de la loi. En effet, c’est dans cette conciliation d’intérêts, que toute l’évolution économique du monde a opposés durant des siècles, que réside aujourd’hui le vrai défi pour l’action. Et pour relever ce défi, l’article 1er pose une question essentielle : « Quelle terre laisserons-nous à nos enfants ? » C’est bien en effet en pensant à nos descendants que nous sortirons des ornières de l’égoïsme économique de quelques-uns, pour construire le bien de tous, pour demain et pour les générations futures.

Quant au second point, je constate avec intérêt que les collectivités locales d’outre-mer figurent dans une loi de la République, dès son article 1er : « Pour ce qui concerne les régions, les départements et collectivités d’outre-mer, compte tenu de leurs caractéristiques environnementales et de la richesse de leur biodiversité, l’État fera reposer sa politique sur des choix stratégiques spécifiques […]. » On dit que ce qui est rare est cher : je crois que tous mes collègues ultramarins partagent aujourd’hui ce trop rare plaisir de voir nos territoires mentionnés dès le premier article d’une loi générale, pour souligner non ce que nous devons à la nation mais ce que nous lui apportons. Je n’ai d’ailleurs pas résisté à la tentation de déposer un amendement pour conforter davantage ce signe de reconnaissance envers les acteurs que sont non seulement nos territoires mais aussi nos sociétés. Je trouve également remarquable que, dans l’article 1er, le droit à l’expérimentation soit réaffirmé avec la référence au troisième alinéa de l’article 73 de la Constitution.

Mais – il y a évidemment un « mais » –, au regard justement des deux éléments qui m’ont touché dans cet article, deux questions restent pour moi sans réponse, sur lesquelles j’aimerais pourtant être rassuré par le Gouvernement.

Tout d’abord, au regard des trois piliers du développement durable, j’admire la décision du renversement de la charge de la preuve : ainsi, « les procédures de décision seront révisées pour privilégier les solutions respectueuses de l’environnement, en apportant la preuve qu’une décision alternative plus favorable à l’environnement est impossible à un coût raisonnable », peut-on lire au deuxième alinéa de l’article 1er. Mais qu’est-ce qu’un « coût raisonnable » ? Comment va-t-on le calculer ? Combien de générations après nous entreront dans l’évaluation des coûts ou des gains sociaux ou environnementaux d’une décision ? Ne devrait-on pas revoir complètement la définition même de la notion de coût, au regard des nouveaux enjeux pour la planète ?

Par ailleurs – c’est ma seconde question –, en dépit de la richesse en biodiversité des terres ultramarines, que vous avez bien voulu reconnaître dès cet article 1er, ces terres restent dans un « mal-développement » chronique, avec, pour certaines, des indicateurs sociaux dignes de pays sous-développés, voire des pays les moins avancés. Lorsque l’on évoque, dans l’hexagone, le développement durable, on insiste sur le mot « durable » ; en outre-mer, c’est déjà le mot « développement » qui pose problème ! Toutes les observations géostratégiques et le principe d’évidence du développement inégal, fût-il fondé sur des échanges inéquitables à l’échelle de l’histoire, permettent d’expliquer que la forêt primaire ait été préservée.

Voilà pourquoi je me hasarde à poser cette autre question : quand donc les territoires situés outre-mer rejoindront-ils le niveau de développement – durable – des autres régions françaises, en valorisant cette immense opportunité de mener, de façon innovante et volontariste, une politique de développement et de préservation du milieu naturel ? Quel niveau d’effort est-on prêt à concéder pour que des terres qui constituent des atouts pour la France ne soient plus celles où les indicateurs de développement social et économique sont les plus bas ? N’y a-t-il pas là, vu l’enjeu posé dans ce projet de loi, une véritable politique de développement durable à concevoir pour l’outre-mer, plutôt que la petite série de mesures présentée à l’article 49 de la loi ?

Cela dit, je n’entends pas que le présent texte réponde à toutes mes questions. Je sais qu’un projet de loi d’engagement national pour l’environnement, ou Grenelle II, doit suivre, et c’est dans cette perspective que j’inscris dès à présent mon propos. Pour l’heure, je salue un texte qui a le mérite d’exister et d’ouvrir un débat vital qui ne se refermera pas de sitôt, je l’espère !

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