Intervention de Marie-France Beaufils

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 14 octobre 2015 à 9h05
Loi de finances pour 2016 — Mission « remboursements et dégrèvements » - examen du rapport spécial

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils, rapporteure spéciale :

Je note d'ailleurs qu'il est constaté une hausse du contentieux de 3,2 % sur la taxe d'habitation et de 4,6 % sur les taxes foncières, sans qu'elle soit compensée par une baisse des demandes gracieuses. Peut-être faut-il y voir, mais ce n'est qu'une hypothèse, une plus grande vigilance des collectivités territoriales sur l'évolution de leurs bases fiscales, dans le contexte de la forte diminution des concours de l'État.

Je souhaite également insister à nouveau sur l'importance de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation, dont l'expérimentation s'est récemment achevée. Au-delà des effets qu'elle aura en matière de justice fiscale et de justice entre collectivités, en permettant de disposer de potentiels fiscaux plus fiables, cette révision pourrait avoir des effets très importants sur les dégrèvements d'impôts locaux, si elle devait se traduire par une baisse relative de la valeur locative des logements des ménages de condition modeste.

Enfin, je profite de la présentation de ce rapport pour vous faire part des premières conclusions du contrôle budgétaire que j'ai commencé au cours de l'année 2015, qui a porté sur le profil des bénéficiaires du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

Le CICE constitue une dépense fiscale extrêmement coûteuse alors même qu'un large consensus s'était formé ces dernières années pour réduire le coût de ces « niches » : le coût budgétaire du CICE, c'est-à-dire le montant de CICE consommé en 2015, devrait s'élever à 12,5 milliards d'euros. Quant à la créance fiscale, qui est supérieure à son coût budgétaire puisqu'elle intègre des créances constituées sur l'État mais non consommées, elle devrait atteindre près de 18 milliards d'euros en 2015 pour atteindre plus de 20 milliards d'euros en 2017.

Tout d'abord, je souhaite rappeler les conséquences de la mise en place du CICE sur les services fiscaux : elle se traduit par une hausse significative des demandes de restitution d'impôts sur les sociétés, dans un contexte de diminution des effectifs. Le dispositif fait peser une charge de gestion - mais aussi de promotion - importante sur l'administration fiscale. Comme j'ai pu le constater lors d'une visite sur place à la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France, le travail préalable de vérification d'un dossier de demande de CICE est très lourd et fait intervenir un grand nombre de logiciels, dont certains apparaissent d'ailleurs vétustes.

Les interlocuteurs que j'ai rencontrés m'ont expliqué les conditions tendues dans lesquelles le CICE a été mis en place : il représentait une priorité politique absolue et a pris le pas sur d'autres dispositifs ou d'autres missions, au détriment du bon fonctionnement des services. Si les années à venir devraient être plus apaisées, en raison de l'adaptation des services à cette nouvelle charge, les représentants syndicaux que j'ai rencontrés ont fait part de leur inquiétude quant aux conditions dans lesquelles les missions de recouvrement et de contrôle sont effectuées et le seront à l'avenir. Or ces missions restent fondamentales : l'administration fiscale a pour principal rôle de recouvrer des recettes, et non de verser des fonds aux entreprises.

En outre, l'analyse du profil des bénéficiaires du CICE fait ressortir que la présentation du dispositif, et son intitulé, ne paraissent pas correspondre à la réalité de son fonctionnement. En effet, le CICE n'est pas concentré sur les entreprises qui sont effectivement soumises à la concurrence internationale, c'est-à-dire celles qui exportent. Je m'interroge donc sur l'intérêt de mettre en place un tel dispositif, d'autant que les allègements de cotisations sociales déjà en oeuvre depuis 1993, ainsi que le crédit d'impôt recherche (CIR), sont maintenus sans que l'impact sur l'emploi et l'investissement dans les entreprises ne paraisse significatif.

Je poursuivrai ce contrôle en 2016 et pourrai donc compléter ces premières observations.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion