Nous avons mobilisé, il y a un mois, l'ensemble des communes volontaires. Les préfets Brot et Arhoul assurent un suivi en continu. Le premier recensement des capacités d'accueil a fait état de 4 800 logements, en trois semaines - nous sommes dans une excellente dynamique. Ces logements sont destinés à accueillir les demandeurs d'asile qui recevront le statut de réfugiés. Pour l'heure, les préfets identifient les bâtiments qui répondent aux normes d'accessibilité et de sécurité. Leur nombre devrait toutefois être très significatif, offrant des conditions convenables dans la durée.
Le travail du ministère de l'intérieur est d'assurer la plus grande fluidité possible au traitement des dossiers, à l'Ofii et l'Ofpra. Le Gouvernement, avant même de s'engager dans le processus de relocalisation, a décidé d'y créer 50 équivalents temps plein (ETP) l'an dernier, auquel sont adjoints 196 autres, pour près de 85 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2016, afin de remettre le système d'asile de la France à niveau. Certains déclaraient tout à l'heure qu'il n'était pas à la hauteur de ce qu'il devrait être. Nous en sommes conscients : pendant longtemps il n'y a eu aucune création de place en Cada ni en hébergement d'urgence, pas d'augmentation des effectifs de l'Ofpra ni de l'Ofii, pas de mise en oeuvre des dispositions de la directive européenne de 2004 relative au séjour, y compris sur la pénalisation du refus de prise d'empreintes digitales ou la mise en place de la convention retour... Nous avons donc pris un ensemble de dispositions budgétaires et administratives très importantes dans les préfectures, à l'Ofii et à l'Ofpra.
À la fin du quinquennat, nous aurons créé 18 500 places en Cada, soit quasiment le nombre de créations nécessaires évalué par le rapport de Jean-Louis Touraine et Valérie Létard, qui était de 20 000. Nous n'avons pas attendu la crise humanitaire pour armer le dispositif mais l'avons, au contraire, anticipée, en mettant notre législation en conformité avec les directives européennes et en procédant à une montée en puissance de notre système d'accueil.
Notre objectif est que les personnes soient prises en charge immédiatement après leur arrivée, obtiennent une place en Cada, puis un logement de droit commun afin de s'intégrer, libérant ainsi la place pour d'autres réfugiés. Je tiens beaucoup à la fluidité de ce parcours, sans quoi nous serions en difficulté. La partie n'est pas gagnée, mais la mobilisation du ministère est très forte.
Je serai en Jordanie avec le directeur de l'Ofpra et ses équipes, qui s'y rendent du 24 au 26 octobre, afin de procéder au traitement de 400 dossiers - la moitié à Amman et l'autre à Beyrouth. J'attache grand prix à cette mission, qui doit apporter la démonstration de notre capacité à assurer la relocalisation et la réinstallation des personnes dans de bonnes conditions.
Madame Peyrol-Dumont, la répartition se fait sur la base du volontariat, ou selon le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile inscrit dans la loi. Je préfère la mobilisation spontanée des collectivités territoriales à la coercition, mais l'État, s'il y était obligé, prendrait ses responsabilités pour respecter ses engagements européens.
Je suis très préoccupé de la situation dans les camps de réfugiés, qui est un extraordinaire argument des réseaux de passeurs qui promettent un eldorado et conduisent des familles vers la mort, ou un exode extraordinairement difficile. Le patron du HCR, Antonio Guterres, une personnalité absolument remarquable, effectue un travail considérable. Il est parfaitement conscient de la nécessité de rehausser les moyens du HCR, ce qui est la priorité absolue pour éviter davantage de drames humanitaires.
Mme Demessine m'a interrogé sur la situation à Calais, qui fait l'objet de beaucoup d'instrumentalisations, de polémiques, et qui pose des difficultés dont on ne prend pas la mesure. Notre politique est d'abord que tous ceux qui, à Calais, relèvent du droit d'asile en France y accèdent. Sinon, ils emprunteront toutes les nuits le chemin du tunnel et certains mourront. J'ai renforcé considérablement les moyens de l'Ofii et de l'Ofpra sur place. Les résultats sont là : 300 demandes d'asile en 2013, 1 200 en 2014 et 1 700 au cours des neuf premiers mois de cette année.
En revanche, je souhaite la reconduite de tous ceux qui ne relèvent pas de l'asile en France, venant de pays où ils ne sont pas menacés. Nous avons procédé à 1 700 éloignements depuis le début de l'année, soit autant que le nombre de titres d'asile accordés.
Afin de lutter contre les filières de passeurs, les effectifs des forces de l'ordre à Calais ont crû de 550 personnes. Nous avons, en conséquence, démantelé près de 40 filières depuis le début de l'année, ce qui représente près de 800 individus. Je salue le travail de ceux qui remplissent ces missions difficiles avec un haut niveau de professionnalisme et d'engagement.
Les moyens humanitaires sont renforcés. Lors de mon premier déplacement à Calais, quelques mois après mon arrivée au ministère, j'ai constaté que l'État ne menait aucune action humanitaire. Depuis, un accueil de jour fournit environ 1 300 repas quotidiens aux réfugiés. Nous sommes en discussion avec la Commission européenne pour qu'elle abonde cet effort, que j'ai l'intention d'amplifier. Nous travaillons avec la maire de Calais, la sénatrice Natacha Bouchart du groupe Les Républicains. J'ai accepté, à sa demande, la mise en place du centre Jules-Ferry. En outre, 100 places ont été réservées aux enfants et aux femmes vulnérables. Elles seront doublées voire triplées. Je ne veux pas qu'un enfant ni une femme dorme dans la rue, cet hiver, à Calais.
Quelque 18 millions d'euros sont consacrés à l'aménagement de la lande, avec un accueil initial de 1 500 personnes ; 2 000 places supplémentaires seront créées en Cada d'ici la fin de l'année pour ceux qui relèvent du droit d'asile.
L'emportement d'Emmaüs est très injuste, compte tenu de ce que nous faisons. Les sommes consacrées à Calais sont de 12 millions d'euros pour l'accueil de jour, de 17 à 18 millions d'euros pour l'aménagement de la lande, de 11 millions d'euros pour les places en Cada, soit 44 millions d'euros ces derniers mois. Cela mérite une autre qualification qu'« inhumanité », « désintérêt » ou « cynisme ». Les associations devraient dépasser la posture classique d'opposition au ministère de l'intérieur pour travailler avec lui, la situation étant suffisamment compliquée.
Si, demain, nous envoyons aux passeurs de signal que la frontière avec la Grande-Bretagne peut être traversée sans problème, nous n'aurons plus 4 000 migrants, mais 40 000 ou 50 000. J'appelle l'attention de tous sur les conséquences humanitaires de cette solution. Je ne suis certes pas un soutien inconditionnel de l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, mais il a eu raison de signer les accords du Touquet avec la Grande-Bretagne. Il a eu tort de le signer dans un cadre léonin, où les Britanniques laissaient tout le poids sur les Français - à présent, ils dépensent 35 millions d'euros et sont beaucoup plus présents -, mais la philosophie de ces accords était bonne. Une décision d'ouverture de la frontière, que je ne prendrai pas, provoquerait un désastre humanitaire en quelques semaines à peine.
La situation de Calais est difficile, elle suscite des commentaires injustes ou des approximations - je ne parle pas de ceux qui y restent quelques minutes après avoir prononcé un discours de campagne, sans jamais voir ni une association, ni un réfugié, et instrumentalisent un drame dans la démagogie la plus pure.
Monsieur Cazeau, vous évoquez la coordination en matière de santé. Nous articulons de plus en plus nos interventions avec la ministre de la santé. Le médecin dont vous avez cité le cas, en Dordogne, a trouvé à travailler dans de bonnes conditions au Puy-en-Velay. Quant au devoir de réserve, comme le disait le président Chaban-Delmas, « quand la réserve s'active, l'active se réserve ». Il faudra ici qu'elle s'active, compte tenu de l'urgence humanitaire. Les préfets appliqueront avec discernement le devoir de réserve.
Monsieur Cambon, votre question est délicate. L'État assure toute sa compétence dans le financement des Cada et l'intégration professionnelle. Le logement est pris en charge par les collectivités territoriales. J'aurai l'honnêteté de vous dire que je ne peux pas, de façon rétroactive, assurer la prise en charge de tous ceux qui ont été accueillis au titre de l'asile avant la mise en place du processus de relocalisation. Cela nous conduirait très loin vers des effets budgétaires que nous ne saurions pas maîtriser. Je sais que cette réponse ne vous satisfait pas.