Dans nos échanges très stimulants, deux débats se superposent. L'un sur les langues régionales, auquel chacun est prêt à prendre part. Je n'ai noté aucune réticence à développer ce que la Constitution reconnaît déjà depuis 2008 comme une partie du patrimoine de la France, et qui a été menacé par le passé. Il est vrai que l'utilisation des langues régionales a donné lieu à des brimades, à des humiliations. Nous pourrions facilement faire l'unanimité au Sénat et au-delà en proclamant notre attachement commun à ces langues. L'autre débat est juridique.
Je ne vous en veux pas, Monsieur Sutour, des termes que vous avez employés ; je regrette seulement de ne pas avoir été suffisamment pédagogue. Je crois que votre passion est inspirée par un amour sincère de la langue occitane et n'y ai pas vu d'hostilité personnelle. Et puis le fleuve impétueux de l'Occitanie a repris son cours normal, sans perdre de sa puissance !
Si ce débat portait sur les langues régionales, non seulement nous serions unanimes, mais c'est la commission de la culture qui en serait saisie... Le problème est d'une autre nature, c'est d'ailleurs pour cela que notre commission a été saisie : il touche à nos principes fondamentaux, dont certains entrent en contradiction avec le système de la Charte. Ce n'est pas par mépris pour les langues régionales que j'ai pris cette position, mais à partir de décisions du Conseil constitutionnel et d'avis réitérés du Conseil d'État. On peut leur opposer des opinions de juristes, mais elles ne peuvent être mises sur un pied d'égalité avec des décisions revêtues de l'autorité de la chose jugée. Je n'y peux rien ; je prends les choses telles qu'elles sont.
S'il s'agissait seulement d'appliquer 39 paragraphes de la partie III de la Charte parmi les 98 proposés, nous n'aurions nul besoin de ratifier une Charte qui entre en contradiction avec les articles 1er et 2 de la Constitution, qui ont pourtant été défendus par des collègues favorables à la ratification - c'est une contradiction qu'ils devront résoudre.
Monsieur Anziani, vous êtes allé un peu vite en disant que la ratification des 39 engagements pris par la France ne posait pas problème. S'il n'y pas de problème pour les appliquer, il est impossible de les ratifier séparément du reste de la Charte, qui doit être ratifiée dans son ensemble pour lui donner une dimension internationale. Mais dimension internationale ou pas, cela revient strictement au même pour la langue occitane. Libre au Gouvernement de proposer des dispositions supplémentaires en la matière.
Non, la déclaration interprétative ne purge en aucun cas les difficultés. Les points d'incompatibilité entre la Charte et la Constitution relevés par le Conseil constitutionnel ne font pas tous l'objet de la déclaration. Partielle, elle ouvre la voie à des contentieux. Il est en outre difficile de souscrire des obligations incompatibles avec la Constitution en se croyant protégé par une simple déclaration interprétative, qui constitue un moyen moins puissant que les réserves. Nous sommes dans une impasse.
M. Détraigne a rappelé que la langue française avait été l'instrument de la promotion de l'unité nationale. Comme M. Mézard, je partage ce point de vue. Je soulignerai que le champenois, qui appartient aux langues d'oïl, a été relevé parmi celles pouvant figurer dans la liste des langues protégées par la Charte - je crois que M. Détraigne ne le réclame pas.