Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Président de la République a récemment inauguré un nouveau porte-conteneurs géant et visité des chantiers navals à Saint-Nazaire. Il a pu, à cette occasion, réaffirmer très fortement sa volonté de promouvoir la « croissance bleue », dont les transports maritimes et, bien sûr, les ports font partie intégrante.
Formidable relais de croissance pour notre pays, gisement d’innovations et d’emplois non délocalisables, acteur majeur de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique, qui seront bientôt à l’ordre du jour de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui se tiendra prochainement à Paris, notre potentiel maritime doit être davantage et mieux exploité.
Cette proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes s’inscrit dans cette perspective.
Nous accueillons donc très favorablement cette initiative de nos collègues députés, qui rejoint la volonté du Président de la République et du Gouvernement de permettre à la France de valoriser pleinement ses atouts maritimes, sur le plan européen comme sur le plan international, tout en confortant notre appareil industriel et les emplois liés dans les zones portuaires.
Héritage de notre histoire sociale et administrative, le régime complexe de priorité d’emploi des dockers se trouve remis en cause avec l’extinction programmée, à l’horizon 2018, de la catégorie des intermittents.
Par ailleurs, ce régime repose sur des notions devenues inadaptées, comme celle de « poste public », eu égard à l’évolution de l’organisation et des trafics portuaires.
Susceptibles de remettre en cause à terme les spécificités statutaires des dockers, au détriment de la sécurité et de l’efficacité, les actuelles ambiguïtés juridiques pourraient donc avoir des conséquences néfastes sur la compétitivité et le dynamisme des infrastructures portuaires et, in fine, sur l’emploi et la solidité des bassins économiques qui en dépendent.
Pour répondre à ces difficultés, qui se sont manifestées sur le terrain judiciaire à l’été 2013, le secrétaire d’État chargé des transports a mis en place un groupe de travail dès le mois de janvier 2014.
Je tiens donc à noter très favorablement la réactivité et le sens des responsabilités du Gouvernement et du département ministériel dont vous avez la charge, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que le sens des responsabilités de tous ceux qui ont œuvré à l’aboutissement équilibré de ce texte.
Présidé par Mme Martine Bonny, inspectrice générale de l’administration du développement durable, ce collectif a permis de trouver, après de très nombreuses auditions et plus de trente réunions officielles, un accord entre les différentes parties prenantes, au terme d’un intense travail en commun, fondé sur un dialogue social exemplaire.
Il est totalement infondé de laisser croire que seules quelques entreprises auraient participé à la construction de cet accord. Celui-ci n’est pas une « entente » entre quelques-uns, comme certains l’ont prétendu : c’est un compromis soutenu par les organisations nationales représentant les industriels comme les dockers professionnels.
Il s’agissait en effet, ni plus ni moins, de remédier à la menace d’une « suppression du métier d’ouvrier docker et à la disparition de la règle de la “priorité d’embauche” des dockers », pour reprendre les termes du rapport remis par Mme Bonny en juillet 2014 et dont la présente proposition de loi est directement issue.
Fruit d’un consensus, elle a donc été très peu modifiée par nos collègues députés, à l’exception d’un article additionnel et de modifications rédactionnelles.
C’est une étape importante dans le processus de modernisation du secteur de la manutention, engagé depuis 1992.
L’introduction de la mensualisation de l’ouvrier docker a été un élément décisif de sécurisation professionnelle et sociale, après des années de précarisation croissante.
Les chiffres communiqués dans le rapport de Mme Bonny attestent par ailleurs que la loi du 9 juin 1992 a permis d’abaisser la moyenne d’âge des dockers et de diversifier les profils recrutés, preuve d’une nouvelle attractivité du métier grâce à une organisation réformée et rationalisée. Ainsi, 60 % des 4357 dockers mensualisés avec un contrat à durée indéterminée ne sont pas issus de l’intermittence.
Ces orientations ont été confirmées par les décisions du comité interministériel de la mer, en 1998, qui ont mis l’accent sur la formation, et prolongées en 2004 avec des actions en faveur de l’embauche et de la formation professionnelle des ouvriers dockers. Il faut également rappeler l’engagement en ce sens des entreprises de manutention portuaire.
La présente proposition de loi poursuit ce cheminement qui conjugue progrès social, simplification administrative et dynamisme économique. Cet équilibre délicat ne doit absolument pas être remis en cause, sauf à vouloir à tout prix refuser les accords issus d’un dialogue social exemplaire, et l’on pourrait alors se demander pourquoi...
J’évoquerai d’abord le progrès social.
L’article 3 lie le statut d’ouvrier docker mensualisé à la signature d’un CDI avec une entreprise ou avec un groupement d’entreprises et insère une référence à la convention collective nationale unifiée « ports et manutention » du 15 avril 2011. Les dockers intermittents, s’il en reste sur les ports, conservent également leur priorité d’accès aux postes de docker mensualisé.
Dans le même esprit, l’article 5 définit le statut de docker occasionnel à partir du contrat de travail qui le lie à un employeur, en l’occurrence pour une durée déterminée, et sécurise son recrutement en cas d’insuffisance du nombre d’ouvriers dockers professionnels, en rappelant le droit commun d’encadrement des CDD – contrats à durée déterminée – prévu par le code du travail et en faisant également référence à la convention collective nationale unifiée.
J’en viens ensuite à la simplification.
S’agissant de la définition des activités concernées par la priorité d’embauche, l’article R. 5343-2 et l’article L. 5343-1 du code des transports renvoient à une liste de ports maritimes de commerce comptant des ouvriers dockers intermittents, dont la loi de 1992 a par ailleurs programmé l’extinction.
Le risque était donc de voir la règle de priorité d’embauche devenir inapplicable et la pérennité même du statut de docker professionnel remise en cause, comme pouvait le laisser penser le contentieux de Port-la-Nouvelle.
Le rapport de Mme Bonny a dénombré 149 ouvriers dockers professionnels intermittents, dont 83 actifs et donc disponibles pour des travaux de manutention.
L’essentiel des départs est programmé pour 2017-2018, le dernier étant attendu en 2026. D’ores et déjà, seuls six des trente et un ports maritimes de commerce fixés par l’arrêté interministériel du 25 septembre 1992 disposent de dockers intermittents relevant d’un BCMO – bureau central de la main-d’œuvre – encore actif.
En supprimant la référence aux dockers intermittents, la réécriture de l’article L. 5343-1 du code des transports clarifie donc l’application du régime de priorité d’embauche.
Quant à l’article 6, qui nous oppose tant, monsieur le rapporteur, il visait à réécrire, dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, l’article L. 5343-7 du code des transports, lequel définit la règle de priorité des dockers sur les autres personnels, en précisant notamment la nature des travaux, à savoir le chargement et le déchargement des navires dans les ports maritimes de commerce. Cette rédaction était juridiquement plus sécurisée que le droit actuellement en vigueur dans la mesure où il est fait uniquement référence aux « travaux de manutention ».