Surtout, la définition d’un périmètre d’activité réservé aux dockers était fondée sur la nécessité d’intérêt général de « garantir la sécurité des personnes et des biens ».
L’article 7 modifie l’article L. 5343-7 du code des transports, consacré à la définition de la règle de priorité entre les différentes catégories de dockers. Il lève définitivement les ambiguïtés qui demeuraient quant aux dockers intermittents en précisant la possibilité d’y avoir recours « tant qu’il en existe sur le port ».
J’évoquerai enfin le dynamisme économique, qui est assuré, dans le respect des règles européennes, par la mobilisation de toutes les forces vives.
En se fondant sur un arrêt de 1991 de la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne considère que le caractère économique de la manutention portuaire est établi et que cette dernière est, par conséquent, soumise au droit européen de la concurrence.
À ce titre, rappelons que la Commission européenne a engagé plusieurs procédures, contre l’Espagne en 2012, contre la Belgique en 2014, pour défendre cette exigence qui, au-delà de son aspect concurrentiel parfois excessif, participe aussi à la construction d’un espace économique commun.
Dans son rapport, Mme Bonny estime néanmoins que « la Commission admet la reconnaissance d’un métier d’ouvrier docker, assis sur des considérations d’intérêt général, pour des motifs liés à la sécurité des personnes et des biens, et reposant donc sur une qualification professionnelle spécifique ».
À l’opposé des réserves que vous avez émises, monsieur le rapporteur, nous saluons ce sens des responsabilités et cette volonté d’anticiper, qui fait généralement défaut à la France en matière de réglementation européenne. Selon le rapport de l’Assemblée nationale, « l’actualité récente confirme la nécessité pour le législateur français d’être particulièrement vigilant sur ce sujet ». Parfois, il vaut mieux être en avance, monsieur le rapporteur…
Ce constat s’avère d’autant plus fondé que les doubles discours et le refus de s’engager au plus tôt dans la bonne voie se paient quelquefois lourdement sur le terrain social, comme l’a malheureusement démontré le cas belge.
Les dispositions issues du rapport Bonny sont donc de nature à écarter le risque d’une procédure d’infraction.
La proposition de loi mettait en effet en place une solution souple, fondée sur la négociation entre les différentes parties prenantes. L’alinéa 2 de l’article 6 prévoyait en l’espèce que, pour les installations industrielles à venir, comportant le bord à quai, les travaux de chargement et de déchargement seraient effectués conformément à une charte nationale. L’exposé des motifs de la proposition de loi initiale précise que « cette charte sera destinée à faciliter, au niveau local, les relations entre les parties prenantes dans un souci de développement équilibré du port et d’optimisation du service rendu aux utilisateurs ».
Le projet de charte prévoit une procédure pour les nouvelles implantations industrielles, en faisant la place à une large concertation, associant toutes les parties prenantes – dont les dockers, bien entendu –, au respect du droit social applicable et à la prise en compte des spécificités locales, avec l’objectif d’un développement économique durable et partagé. Elle permettra donc, si elle voit finalement le jour, de promouvoir et de sécuriser les investissements privés, contrairement à ce que vous craignez, monsieur le rapporteur.
En outre, l’adoption de cette charte correspondrait parfaitement à l’une des recommandations formulées dans le rapport parlementaire relatif aux enjeux et perspectives de la décentralisation portuaire que j’ai remis au Gouvernement en mars 2014, à savoir « bien prendre en compte la diversité des situations dans les ports décentralisés, s’agissant des équilibres entre performance/productivité/satisfaction des clients et protection des professionnels concernés ».
Le groupe socialiste déplore donc que la majorité sénatoriale au sein de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ait décidé de remettre en cause l’équilibre subtil, adapté et efficace auquel était parvenue l’Assemblée nationale. Cet acte parlementaire est susceptible de prolonger inutilement l’insécurité juridique qui entoure l’exercice de l’activité de docker, au détriment de l’attractivité de nos ports.
C'est la raison pour laquelle nous proposerons des amendements visant à rétablir le texte initial, au service de la croissance bleue française et du dynamisme de nos ports.