Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que la France dispose du deuxième espace maritime mondial, ses ports de commerce ont connu une longue période de déclin, dans un contexte de concurrence intense avec les autres ports européens.
Les réformes de 1992 et 2008 ont tenté d’enrayer cette tendance et de relancer la compétitivité de nos ports en agissant, notamment, sur l’organisation de la manutention portuaire.
Les difficultés liées aux travaux de manutention, en particulier leur dangerosité et leur pénibilité, imposent de disposer sur place de dockers, employés dotés de qualifications professionnelles très spécifiques.
Afin de conserver une main-d’œuvre indispensable pour des raisons de sécurité des personnes et des biens, mais sujette aux fluctuations du commerce, un système de priorité à l’embauche sur les autres personnels des ports maritimes a été mis en place dans notre pays, créant une entorse pleinement justifiée à la liberté d’entreprendre.
Ainsi qu’il a été rappelé, ce droit dérogatoire au droit commun est loin d’être une spécificité française.
La présente proposition de loi a pour objet de préserver l’existence du métier de docker en procédant à une clarification essentielle du droit, rendue nécessaire par l’apparition de contentieux tels que celui de Port-la-Nouvelle, à la suite duquel un groupe de travail rassemblant l’ensemble des acteurs concernés a été mis en place autour de Martine Bonny, ancienne présidente du directoire des grands ports maritimes de Rouen et Dunkerque.
En contradiction avec l’esprit de la loi du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes, dite « loi Le Drian », le code des transports lie l’application de la règle de la priorité d’emploi des dockers à l’existence de dockers intermittents sur les ports maritimes de commerce figurant sur une liste, liste qui, n’ayant jamais été actualisée, ne correspond plus à la réalité. Or la disparition progressive du régime des dockers intermittents sur les ports maritimes de commerce risque d’entraîner de nouveaux conflits si les dispositions en cause du code des transports ne sont pas revues. En supprimant cette corrélation, l’article 1er de la proposition de loi améliore l’intelligibilité du droit sur ce point.
Par ailleurs, le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale poursuivait le toilettage du code des transports d’une manière à nos yeux utile en modifiant le périmètre de la priorité d’emploi des dockers sur deux points.
D’une part, si la détermination des travaux de manutention pour lesquels cette priorité s’applique relève de la partie réglementaire du code des transports, qu’il suffirait d’actualiser, préciser dans la loi le champ du décret présentait l’avantage de donner un fondement législatif au recours aux ouvriers dockers, justifié par des motifs d’intérêt général liés à la sécurité des personnes et des biens, ainsi que Martine Bonny le souligne dans son rapport.
D’autre part, le texte adopté par l’Assemblée nationale prenait en compte la situation des nouvelles installations industrielles titulaires d’autorisations d’occupation du domaine public comportant le bord à quai ; il offrait une solution intéressante en renvoyant à l’adoption d’une charte nationale négociée entre les différents acteurs.
Ces deux mesures, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a malheureusement supprimées, n’entravaient en rien les évolutions qui seront éventuellement nécessaires à l’issue du comité du dialogue social sectoriel européen de 2016. Pour l’heure, l’état du droit peut induire en erreur les entreprises de manutention ; il convient donc de rétablir l’article 6 de la proposition de loi, qui leur éviterait de naviguer en eaux troubles et préviendrait les conflits susceptibles de naître de ce fait dans les ports maritimes.
Enfin, bien que l’article 5 de la proposition de loi protège les dockers occasionnels du recours abusif au CDD d’usage et fixe le principe de la mensualisation, nous regrettons que la commission ait supprimé la définition de cette catégorie de personnel, qui ne me semblait pas remettre en cause le recours à l’intérim classique dans la mesure où les dockers occasionnels bénéficient d’une priorité d’embauche pour les travaux inclus dans le périmètre de la priorité d’emploi.
Le travail collectif dont la proposition de loi initiale était le fruit a été fondé sur la concertation et animé par le souci de la sécurité et de l’organisation sereine de la manutention portuaire. Malheureusement, nous ne retrouvons que partiellement cet esprit dans le texte issu des travaux de la commission. Aussi ai-je déposé, avec plusieurs de mes collègues du RDSE, des amendements visant à revenir à la rédaction de la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale. Si le travail collectif qui a été mené ne doit pas faire obstacle à l’adoption de nouvelles dispositions, le législateur devant exercer pleinement son rôle, nous estimons que les équilibres fragiles qui ont émergé de la concertation méritent d’être préservés.