Peut-être n’ai-je pas été assez explicite dans mon discours d’introduction, monsieur le président de la commission. La question n’est pas juridique, et le vote auquel le Sénat va procéder est parfaitement normal du point de vue du fonctionnement des institutions. En revanche, vous ne pouvez pas échapper à la dimension politique du problème.
Vous avez parfaitement le droit de considérer que cette proposition de loi manque de clarté, qu’elle est insuffisante ou constitue un compromis boiteux. Je l’entends. Toutefois, ne caricaturez pas ma position : personne ne remettra en cause, ni aujourd'hui ni demain, le vote qui sera celui de cette assemblée. Je l’ai dit, il ne peut y avoir de conflit de légitimité, puisque le Parlement est seul légitime. C’est dans cette enceinte que le peuple s’exprime !
Par conséquent, je m’étonne que vous poursuiviez le débat. La situation est claire : je respecte votre position, mais je pense que vous commettez une erreur. Cette erreur n’est ni juridique ni institutionnelle ; elle est politique.
Vous prétendez en outre que je n’ai pas parlé d’économie, essayant probablement de reprendre de vieux schémas tirés de votre vision de ce que peut être un gouvernement de gauche… Franchement, le patronat lui-même juge bon le compromis qui a été trouvé ! Dès lors – j’agis ainsi par souci d’efficacité économique, mais ma position aurait été la même dans tous les cas de figure –, je préfère prendre en compte la position des acteurs économiques, plutôt que de recevoir de la part de la majorité sénatoriale un verdict à ce point sans nuance.
On peut penser que patronat et salariés se trompent, mais, de grâce, évitons la caricature ! D’autres questions de même nature se poseront et, à ce titre, je tiens à rappeler certains de mes propos d’ouverture, qui collent parfaitement à l’actualité.
Aujourd'hui, nous avons un certain recul par rapport aux événements qui se sont déroulés à Port-la-Nouvelle, mais, en plein cœur de la crise, peu de solutions ont été avancées. On assistait effectivement à un conflit frontal entre, d’une part, le syndicat des salariés, et, d’autre part, des acteurs économiques – ils n’étaient pas le patronat représentatif –, cherchant à profiter de l’ambigüité de la loi pour faire, de leurs interventions menées dans des conditions sociales inacceptables, un élément préjudiciable aux autres.
Ainsi, dans cette affaire, démarche économique et démarche sociale sont intimement liées, et c’est précisément ce qui nous est dit au travers de la signature de l’accord. Vous ne voulez pas l’entendre, monsieur le président de la commission, et c’est votre droit. Néanmoins, franchement, ne venez pas caricaturer mes propos !
Je respecte la décision du Sénat, mais le conflit a été très dur. Le choix de Frédéric Cuvillier de mettre en place le groupe de travail présidé par Martine Bonny s’est inscrit dans une démarche de recherche d’un compromis et d’une solution. Cela n’a pas été simple ! Il a fallu trente réunions et des mois de travail pour concilier des intérêts évidemment contradictoires. Cependant, la solution est là.
En prenant le risque de rejeter cette solution, au motif qu’elle ne nous plaît pas, on fait renaître la situation de conflit, non pas, j’y insiste, avec les interlocuteurs habituels que sont l’UNIM et, plus généralement, le patronat, mais avec ceux qui vont à nouveau chercher à s’insérer dans les ambigüités ou imprécisions du droit positif pour recréer les conditions d’un conflit.
Nous sommes bien obligés de sortir de ce conflit. On nous propose une solution ; je la soutiens. Je respecte les positions de chacun, mesdames, messieurs les sénateurs. Mais que l’on n’emploie pas, dans le débat, des arguments que je n’ai pas utilisés, y compris l’argument économique !
L’apaisement, la paix sociale, un fonctionnement clairement établi, une concurrence loyale entre tous les acteurs patronaux grâce au respect des mêmes règles sociales m’apparaissent, du point de vue de l’efficacité économique, tout aussi pertinents que les éléments qui ont été avancés.