Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteur, mes chers collègues, le sujet que nous étudions aujourd'hui est particulièrement délicat. La proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, que nous avons examinée en première lecture en mars dernier, est de retour dans notre hémicycle, et j’espère qu’elle en sortira améliorée.
Je souhaite participer au débat dans un esprit ouvert, dans le respect des positions de chacun.
Tout d’abord, nous faisons tous le même constat. La prostitution existe dans notre pays : la France compte à l’heure actuelle environ 20 000 personnes prostituées, dont 90 % sont étrangères, la plupart exploitées par des réseaux mafieux en provenance d’Europe de l’Est, d’Afrique ou d’Asie. Environ 15 % des personnes prostituées sont des hommes. Les réseaux de proxénétisme sont nombreux, et une quarantaine d’entre eux sont démantelés chaque année. Les incidents relevés par les forces de police ne sont pas rares, allant parfois jusqu’à l’homicide.
Pourquoi ces personnes entrent-elles dans le système prostitutionnel ? Le rapport de 2011 de la mission d’information parlementaire sur la prostitution en France souligne que la précarité et la vulnérabilité demeurent les facteurs, non exclusifs, mais majeurs, d’entrée et de maintien dans la prostitution.
Notre souhait est, d’une part, de lutter contre ce système prostitutionnel et, d’autre part, de protéger les personnes prostituées et les sortir de ce milieu.
Sur le plan de l’accompagnement des personnes prostituées, la proposition de loi que nous examinons comporte des mesures significatives.
Ce volet social du texte est particulièrement consensuel, il est bon de le souligner.
Le texte instaure ainsi un droit pour toute victime de la prostitution à bénéficier d’un système de protection et d’assistance, et met en place un parcours de sortie de la prostitution. Personnes prostituées à leur propre compte ou victimes de réseaux, toutes doivent pouvoir bénéficier de la possibilité de sortir de ce milieu.
La commission spéciale, dont je salue le travail, a précisé que les associations qui aident et accompagnent les personnes en difficulté pourront participer à l’élaboration du parcours de sortie avec la personne prostituée, et non les seules associations spécialisées dans l’accompagnement des personnes prostituées. Par cette précision, ne sont pas exclues du dispositif les associations potentiellement compétentes et expérimentées, mais qui n’interviendraient pas spécifiquement dans l’aide aux personnes prostituées.
La commission a également renforcé la protection des personnes prostituées en prévoyant que celles qui contribuent par leur témoignage au démantèlement des réseaux pourront bénéficier d’une protection spécifique : protection physique, nouvelle domiciliation, mesures de réinsertion, identité d’emprunt.
Les victimes du proxénétisme et de la prostitution pourront bénéficier, dans des conditions sécurisantes, de places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale. En parallèle, les associations agréées pourront désormais bénéficier de l’allocation de logement temporaire.
Pour les personnes étrangères, est prévue la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour d’une durée minimale de six mois.
En outre, au sein de chaque département, sera créée une instance chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme ou de la traite des êtres humains. L’État assure ainsi la protection des victimes et leur fournit l’assistance dont elles ont besoin.
L’État crée, de plus, un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées.
Enfin, ce texte ouvre aux victimes de proxénétisme un droit, déjà ouvert aux victimes de la traite des êtres humains, à la réparation intégrale des dommages subis du fait de cette infraction, sans preuve nécessaire d’une incapacité permanente ou d’une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois.
Les avancées significatives de ce texte sur le plan social ne doivent pas être occultées par les divergences d’opinions sur les façons de lutter contre la prostitution, que je vais maintenant aborder.
Quelles sont les solutions ?
Oui, la prostitution est la manifestation de la traite des êtres humains. Donc oui, il faut lutter contre ce système prostitutionnel. Mais comment ?
Tout d’abord, il faut un volet préventif.
Sur le plan numérique, la proposition de loi crée une avancée importante. Elle instaure une obligation de vigilance des hébergeurs et des fournisseurs d’accès sur les sites internet susceptibles d’être utilisés par les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains. Nous ne devons pas sous-estimer l’importance d’internet dans cette lutte.
En matière d’éducation, je salue le développement d’une politique de prévention auprès des jeunes. En effet, la proposition de loi inscrit la lutte contre la marchandisation des corps parmi les sujets traités durant la scolarité.
Cependant, la prévention ne suffit pas, la répression est nécessaire. Or la question des mesures répressives reste un point important de désaccord entre les deux assemblées.
Le droit positif actuel prévoit un délit de racolage public. Notre collègue Catherine Troendlé proposera au cours du débat une modification afin de supprimer l’incrimination du racolage dit passif.
Il est en effet difficile pour les forces de l’ordre, pour les magistrats et pour les personnes prostituées elles-mêmes de savoir quelles attitudes relèvent d’un racolage passif.