Voici précisément ce que prévoit ce texte ambitieux : viser l’ensemble des acteurs, pour enfin faire reculer l’exploitation sexuelle et la traite.
Comment, dès lors, justifier le fait de vouloir de nouveau supprimer l’un de ses piliers, et ce alors même que tarir la demande a un effet immédiat sur les réseaux et les profits des proxénètes ? Les écoutes téléphoniques menées par la police suédoise l’ont clairement montré, les réseaux se sont détournés de la Suède car « l’investissement » y est devenu moins rentable et ils ne peuvent plus s’organiser librement.
D’autres pays ont ainsi choisi de suivre cette voie : l’Islande, la Norvège, le Canada ou l’Irlande du Nord.
Concernant la Norvège, il est d’ailleurs intéressant de constater que, à l’automne 2013, la majorité des partis soutenant le gouvernement nouvellement élu a souhaité abroger ou assouplir la loi sur l’achat de services sexuels. Il n’en a finalement rien été, les conclusions du rapport d’évaluation ayant montré que la loi norvégienne avait fait diminuer la traite sur le territoire, et qu’elle avait également engendré une évolution des mentalités sur cette question.
Il est temps, en effet, d’envoyer un signal fort à notre société et en particulier à notre jeunesse : non, l’argent ne peut pas tout acheter ! La France ne doit pas être un pays d’accueil pour les réseaux de traite !
Enfin, mes chers collègues, un peu de cohérence !
Vous avez rappelé, madame la secrétaire d’État, les textes internationaux signés ou ratifiés par la France depuis l’adoption, en 1949, de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, dont le préambule dispose en effet : « … la prostitution et le mal qui l'accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ».
Les tout derniers textes émanent du Parlement européen, qui a adopté une résolution tendant à reconnaître que « ... la prostitution, la prostitution forcée et l’exploitation sexuelle sont contraires […] aux principes de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment l’objectif et le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes… », et de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – j’ai l’honneur d’y représenter notre Haute Assemblée –, dont la résolution du 8 avril 2014 appelle les États parties à « envisager la criminalisation de l'achat de services sexuels, fondée sur le modèle suédois, en tant qu'outil le plus efficace pour prévenir et lutter contre la traite des êtres humains, ainsi qu'à mettre en place des programmes de sortie pour les personnes souhaitant arrêter la prostitution ». C’est bien de cela qu’il s’agit dans ce texte.
En conclusion, mes chers collègues, permettez-moi de reprendre les propos d’André Comte-Sponville : « Ce n’est pas le sexe, le plaisir ou la liberté qui font problème dans la prostitution, c’est l’argent, c’est la violence, c’est l’oppression des femmes, c’est le trafic d’êtres humains ». Tout est dit. À nous de prendre nos responsabilités et de voter ce texte.