Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 15 octobre 2015 à 15h00
Débat sur le thème « la politique étrangère de la france : quelle autonomie pour quelle ambition ? »

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je commencerai par un constat. Syrie, Irak, Afrique, Palestine, terrorisme, multiplication des zones de non-droit ou de non-gouvernance, petits arrangements entre amis et voisins – je pense au Yémen – : jamais la planète n’a connu autant de soubresauts et de conflits non maîtrisés, avec leurs cortèges de larmes, de sang, de migrants, de populations massacrées. L’invasion de l’Irak en 2003 – cela vient d’être évoqué – a conduit à cette situation.

Jamais l’insécurité juridique, en particulier sur le plan du droit international, n’a été aussi forte. La Charte des Nations unies, qui devrait être notre référence commune, a été écrite par des esprits peu prospectifs, puisqu’elle ne permet aucun mécanisme de révision.

Depuis, bien d’autres forces ont émergé, alors que nous continuons à traiter entre États. Ne serait-il pas temps, monsieur le ministre, de reprendre une nouvelle fois le bâton de pèlerin pour essayer de modifier quelque peu le fonctionnement des Nations unies et du Conseil de sécurité, dont on a vu à quel point il était inopérant et inefficace ?

Le système de sécurité collective alors imaginé était construit sur trois piliers.

Le premier pilier était l’interdiction faite aux États de recourir à la force armée. On en voit le résultat ! Le deuxième pilier était de qualifier la situation. Ensuite, le Conseil de sécurité, s’il avait identifié « une menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression », devait alors décider. Pour cela, il eût fallu appliquer l’article 43 de la Charte, qui prévoyait la mise à disposition de contingents armés à travers des accords spéciaux. Cela n’a jamais été le cas. Le troisième pilier consistait en une règlementation des armements.

On a masqué cet échec par des manipulations diverses. Monsieur le ministre, je crois que le temps est venu de reprendre cette réflexion. Le monde a changé et nous ne pouvons rester dans cette situation.

La Syrie est bien la preuve de cette faillite des mécanismes de sécurité collective. Le groupe UDI-UC pense que priorité doit être donnée à la lutte contre Daech et que le départ du président Bachar al-Assad ne doit se faire que dans un deuxième temps. Sans passer par pertes et profits le comportement sanguinaire et génocidaire qu’il a eu vis-à-vis de son peuple, il faut maintenant travailler ensemble d’abord contre Daech.

Les conflits gelés constituent un autre aspect du blocage des mécanismes. Monsieur le ministre, il faut s’intéresser au Caucase. Vous l’avez dit vous-même : celui qui, dans la difficulté, renonce à soutenir ses amis perd la confiance de ses partenaires. Plus que l’Azerbaïdjan, j’évoquerai ce qui est en train de se passer en Ukraine où, du fait de la déliquescence de la situation, nous avons aujourd’hui des camps de terroristes djihadistes composés de Géorgiens, d’Ouzbeks, de Kazakhs, mais aussi de Turcs qui n’ont qu’à traverser la mer Noire pour arriver dans cet État qui n’en est plus un et qui connaît des zones de non-gouvernance.

Haut-Karabakh, Abkhazie, Ossétie et Transnistrie sont des conflits gelés, pour lesquels l’ONU et les mécanismes de sécurité collective n’ont toujours pas trouvé de solutions. Or il en faudrait, car la Crimée et le Donbass s’apprêtent à rejoindre cette liste...

La Palestine constitue un autre blocage international, Robert Hue en a parlé. La Palestine n’est pas un territoire occupé, c’est un territoire qui a disparu des écrans radars ! Ni le président Obama ni le président Hollande ne l’ont mentionnée à la tribune des Nations unies… La désespérance du peuple palestinien est telle qu’une autre intifada se dessine, une intifada « au couteau » que personne ne peut soutenir et qu’il faut dénoncer.

Israël doit vivre dans des frontières sûres et reconnues, mais le peuple palestinien doit avoir son État. Monsieur le ministre, vous étiez présent lors de la levée des couleurs du drapeau palestinien au siège des Nations unies. Nous avons été nombreux à être émus par ce symbole, mais cela n’est pas suffisant pour un peuple assoiffé de reconnaissance, humilié et occupé. Je l’ai dit et je le répète : la Palestine n’est pas une terre occupée, c’est une terre disparue.

Israël s’est rapproché de la Russie – encore elle –, alliée de Bachar al-Assad, une alliance autour de la question du Golan.

L’Iran, grâce à ses réseaux, pourra vraisemblablement jouer un rôle pacificateur dans la région. Là aussi, la France doit reprendre son bâton de pèlerin.

Monsieur le ministre, j’ai une demande personnelle à vous faire. Avec votre collègue ministre de la justice, il faudrait vraiment abroger l’infamante circulaire du 12 février 2010 qui porte au paroxysme la confusion entre l’action politique de boycott et l’antisémitisme. Cette circulaire est une honte !

S’agissant de l’Iran – pays pour lequel vous savez que j’ai les yeux de Chimène – et son retour sur la scène internationale, je suis contente de constater, comme je l’ai fait lors de mes très nombreux voyages, que le changement de ton que vous avez souligné lors de l’arrivée du président Rohani s’est accompagné d’un changement de fond. Votre voyage à Téhéran a été un vrai succès. La venue sur le territoire français du président Rohani marquera aussi une nouvelle étape.

Le président Hollande a lui aussi obtenu un très grand succès en étant le premier président occidental invité par le Conseil de coopération des États arabes du Golfe. Pour avoir l’honneur de présider le groupe d’amitié France-Pays du Golfe, je sais que nous avons d’excellents rapports avec ces pays, ce qui devrait permettre à la France de préparer un mariage de raison entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui constituent les deux puissances régionales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion