Madame la ministre, ma question sur les conditions de vente des logements appartenant à la société Immobilière Caisse des dépôts, Icade, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, envisagée pour l’été 2009, est un sujet qui, ces derniers mois, a maintes fois été abordé par mes collègues parlementaires de tous bords politiques.
En effet, l’annonce faite par Icade au travers d’un communiqué de presse le 12 décembre dernier, sans concertation aucune, a suscité un vif émoi !
Cependant, à ce jour, après que M. le ministre du budget et vous-même, madame la ministre du logement, avez été interpellés par les maires et les associations des communes concernées, aucune réponse satisfaisante n’a été apportée par le Gouvernement.
La vente de 34 000 logements de ce parc social de fait, construits avec des fonds publics et situés principalement dans des villes de la région parisienne où la question du logement est particulièrement sensible, ressemble de plus en plus à une partie de ping-pong où chacun ne cesse de renvoyer la balle à l’autre et à un jeu de dupes, dont les locataires et les salariés, vendus avec les murs, feront les frais.
Faut-il le rappeler, ces logements initialement construits par la SCIC, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, ont été financés avec de l’argent public. À l’époque, de nombreuses municipalités avaient d’ailleurs mis à disposition des terrains, au franc symbolique, ou offert des conditions particulières dans le but de réaliser du logement social ou du logement intermédiaire. Une grande partie de ces logements ont été conventionnés via des prêts d’État.
Alors que, lors de l’entrée en bourse de la société en 2006, ce parc de logements avait été évalué par l’Autorité des marchés financiers à 1, 426 milliard d’euros, Icade affiche aujourd’hui son intention de vendre l’ensemble de son pôle logement au prix de 2, 935 milliards d’euros. Comment une telle augmentation a-t-elle pu intervenir en si peu de temps, en pleine crise immobilière, et alors que le patrimoine de la société compte 10 000 logements de moins, vendus entre-temps ?
Alors que notre pays manque cruellement de logements pour faire face à la demande, que la récente loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, que vous avez fait voter, madame la ministre, prévoit le rachat de 30 000 logements à des promoteurs privés pour augmenter le nombre insuffisant de logements sociaux, comment accepter que les bailleurs sociaux, candidats au rachat de ces logements, payent une telle plus-value aux actionnaires privés d’Icade ?
À cette question s’ajoute celle d’un évident conflit d’intérêts pour la Caisse des dépôts et consignations, partie prenante de cette cession à tous les niveaux, à la fois comme vendeur, en tant que maison-mère d’Icade, et acquéreur, puisque la SNI, chef de file du consortium des bailleurs candidats au rachat, est également une filiale de la Caisse des dépôts et consignations. J’ajoute que la même CDC sera sans doute le principal prêteur des bailleurs candidats à la reprise de ce patrimoine.
Ainsi la Caisse des dépôts et consignations va-t-elle non seulement récupérer le produit de la cession au prix qu’elle se sera elle-même fixé, mais bénéficiera en sus d’intérêts sur les prêts octroyés ! Une telle situation a fait dire à certains de mes collègues, pourtant plus proches de votre sensibilité politique, madame la ministre, que nous serions face à un véritable scandale d’État !
La vente elle-même soulève certaines questions. Évidemment, les maires des villes concernées souhaitent, en toute logique, que ces logements soient rachetés par des bailleurs sociaux, afin de conserver la vocation initiale de ces logements.
Céder aujourd’hui contre paiement dans de telles conditions le patrimoine d’Icade à des bailleurs sociaux revient à faire financer ces logements une deuxième fois par des fonds publics, puisqu’ils ont été construits à l’aide de financements adossés à des dispositifs publics garantissant un coût de construction modéré, sur des terrains parfois cédés par les communes, je l’ai dit, au franc symbolique.
Il paraît donc scandaleux que, après avoir largement amorti la construction de ses immeubles grâce à l’accumulation des loyers, dont certains ont subi des hausses inadmissibles alors qu’ils étaient versés par des locataires aux ressources modestes, Icade ait pu, au détour d’une introduction en bourse, privatiser son patrimoine, de manière à le revendre quelques années plus tard dans une opération purement spéculative et à un prix qui frise l’indécence.
J’ajoute qu’aucune démarche transparente de concertation n’a été engagée avec les élus.
Madame la ministre, quels éléments concrets et quelles réponses pouvez-vous apporter aux maires des communes d’Île-de-France possédant des logements Icade sur leurs territoires au sujet du droit de regard qu’ils demandent sur cette vente concernant directement la politique de l’habitat de leurs villes ?
Que compte faire votre ministère, ainsi que celui du budget, pour que les bailleurs sociaux puissent acquérir ces logements à un prix qui n’alimente pas le jeu d’une spéculation honteuse ? Quelle sera la destination de la plus-value réalisée ? Quelles garanties donnerez-vous aux salariés en matière d’emploi ?
Enfin, madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour que ce parc social de fait soit pérennisé et que les locataires actuels aient la garantie d’un maintien dans les lieux, assortie d’un loyer social, adapté à leur situation ?