Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, l’ordre du jour du prochain Conseil européen porte principalement sur deux sujets : la crise migratoire et le référendum britannique sur la participation du Royaume-Uni à l’Union européenne.
Le temps très limité qui m’est imparti me conduit à centrer mon intervention sur le référendum britannique, peu évoqué par les différents orateurs, à l’exception de M. Requier et de Mme Keller que je viens d’écouter avec beaucoup d’attention.
Thème de campagne du parti conservateur annoncé en 2013, le référendum sur le Brexit pourrait avoir lieu dès le mois de juin 2016, bien qu’aucune date officielle n’ait encore été annoncée. David Cameron a consacré trois minutes, mais trois minutes qui comptent, à l’Europe dans son discours annuel devant les délégués conservateurs réunis la semaine dernière à Manchester.
Il a dressé une liste des points négatifs de Bruxelles que j’avais soulignés, mais j’en viens directement aux pistes d’angles de négociations qui se dessinent du côté britannique : une intégration plus avancée du marché unique, afin de favoriser les échanges et les débouchés du Royaume-Uni ; la poursuite des négociations du Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement, ou TTIP, avec les États-Unis dans une orientation plus libérale qu’à l’heure actuelle ; la défense du principe du fairness en matière économique, à savoir la défense du poids politique du Royaume-Uni dans le processus de décision européen, y compris sur les questions touchant à la zone euro ; un renforcement des restrictions d’accès au sol britannique pour les migrants ; enfin, une demande d’amélioration des conditions actuelles du rabais britannique n’est pas à exclure, tout en relevant, toujours avec le même étonnement, que, à l’horizon 2020, seules la France et l’Italie ne disposeront d’aucun rabais d’aucune sorte vis-à-vis de l’Union.
Ma première question, monsieur le secrétaire d'État, concerne la manière dont notre pays se prépare à cette négociation. Le président Juncker a toujours affirmé son souhait de tout faire pour garder le Royaume-Uni dans l’Union européenne. Il a créé une task force au sein du secrétariat général de la Commission pour coordonner les travaux, avec à sa tête un Britannique, l’ancien directeur général de la direction générale du marché intérieur. Notre pays s’est-il organisé, et si oui, sous quelle forme, pour cette future négociation ?
Ma deuxième question concerne la position française. M. le Président de la République a surpris les dirigeants britanniques et, d’une certaine manière, allemands lors de sa réponse, la semaine dernière, au Parlement européen – je ne parle pas de celle qui a été la plus médiatisée – en disant à Nigel Farage, le leader du UKIP, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni, que les pays ne voulant pas poursuivre le projet politique de l’Union européenne devaient être logiques et partir. Est-ce bien la position officielle de notre pays ? Cette position aura-t-elle vocation à être reformulée ?
Quelles sont, mes chers collègues, les marges de manœuvre du côté européen et français, afin de parvenir à maintenir le Royaume-Uni dans le giron de l’Union européenne, sans pour autant donner un blanc-seing au Premier ministre britannique ?
Pour ne pas adopter un propos trop technocratique, je dirais que le Royaume-Uni ne peut pas vouloir le beurre – le marché intérieur –, l’argent du beurre – ne participer pour le reste qu’à ce qui l’arrange –, et le sourire de la crémière – garder la possibilité de s’opposer aux textes de l’Union européenne.
La question de l’accès du Royaume-Uni aux marchés continentaux, le premier volet que j’évoquais, ne paraît pas la plus complexe sur le plan technique ou poser des problèmes politiques majeurs. Il semblerait que ce soit davantage un signal politique intérieur qu’un véritable sujet.
La deuxième question, celle d’une Europe à géométrie variable, est beaucoup plus délicate. C’est une situation qui ne serait pas totalement nouvelle. Les Britanniques et les Danois bénéficient, en effet, d’opt out. Il est probable qu’un élargissement des opt out puisse être la solution de la négociation à venir. Cela me paraît être le sens du discours sur l’état de l’Union du président Juncker. Cette solution est pragmatique, mais elle ouvre, bien sûr, la porte à des revendications d’autres États membres. C'est la raison pour laquelle la méthode des cercles d’intégration serait à moyen terme la plus raisonnable, la plus efficace. C’est le sens du rapport dit « des cinq présidents » du mois de juin dernier.
Je suis convaincu qu’une étape nouvelle dans la construction politique de l’Europe ne peut être franchie que parallèlement à un renforcement de la participation et du contrôle parlementaire, tant au plan européen qu’à l’échelon des Parlements nationaux.
En conclusion, quand j’évoquais le sourire de la crémière, c'est-à-dire la possibilité pour le Royaume-Uni de s’opposer aux textes de l’Union européenne dans des domaines dans lesquels il n’intervient pas, nous entrons dans ce qui est probablement non négociable, tant pour la France que pour les autres pays d’Europe. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, des réponses que vous voudrez bien m’apporter.