Intervention de Hervé Morin

Réunion du 6 mai 2010 à 9h30
Élimination des armes à sous-munitions — Adoption d'un projet de loi

Hervé Morin, ministre de la défense :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, conçues pour disperser une grande quantité de projectiles explosifs, les armes à sous-munitions constituent une grave menace humanitaire, à la fois sournoise et durable, car elles laissent sur le terrain une part significative de sous-munitions non explosées, mais aussi particulièrement lâche, car elles frappent avant tout les populations civiles.

La France est aux avant-postes dans la lutte contre ce fléau. Elle a cessé d’utiliser ce type d’armes dès 1991 et d’en produire dès 2002, et elle a joué un rôle majeur dans l’élaboration de la convention d’Oslo, que nous avons signée le 3 décembre 2008 et ratifiée le 25 septembre 2009.

Nous avons largement anticipé l’entrée en vigueur de cette convention. D’une part, nous avons décidé, dès 2008, de retirer du service opérationnel 22 000 roquettes M26 à grenades du lance-roquettes multiple et 13 000 obus de 155 millimètres à grenades. Ces armes sont stockées en attendant d’être détruites, conformément aux prescriptions de la convention d’Oslo. D’autre part, nous avons présenté, dès le 25 novembre dernier, un projet de loi d’application en conseil des ministres, et c’est précisément ce texte qui vous est soumis aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs.

Madame le rapporteur, je tiens à vous féliciter de l’excellent travail que vous avez fourni. Vous vous investissez depuis longtemps sur le sujet des armes à sous-munitions et votre expertise nous a été extrêmement utile pour élaborer ce projet.

Monsieur le président de la commission, je tiens à vous remercier d’avoir permis que l’examen du texte en commission se passe dans des conditions très satisfaisantes.

Ce projet de loi s’inscrit pleinement dans l’esprit et la lettre de la convention d’Oslo. Il témoigne de notre volonté de respecter rigoureusement les engagements souscrits par la France.

Il prévoit d’abord l’interdiction en toutes circonstances des armes à sous-munitions, qu’il s’agisse d’emploi, de mise au point, de production, d’acquisition, de stockage, de conservation, de transfert, de fabrication, d’offre, de cession, d’importation, d’exportation ou de commerce.

Cette interdiction s’accompagne de lourdes peines et de délais de prescription allongés, dérogatoires du droit commun. Elle s’accompagne également de la possibilité pour la France de poursuivre l’un de ses ressortissants, même si les faits n’ont pas été commis sur le territoire national et même s’ils ne sont pas punis par la législation du pays dans lequel ils ont été commis.

Le texte prévoit aussi la destruction par les armées de leur stock d’armes à sous-munitions dès que possible, dans un délai de huit ans à compter de l’entrée en vigueur de la convention.

Cette destruction sera entièrement financée par le ministère de la défense, pour un coût estimé entre 20 millions et 30 millions d’euros. Elle sera achevée pour nous en 2016.

Conformément aux modalités de la convention, le texte autorise néanmoins la conservation d’un stock d’armes à sous-munitions. Ce stock sera limité aux besoins strictement nécessaires aux activités de formation et de mise au point de techniques de détection, d’enlèvement ou de destruction des armes. Nos sapeurs doivent pouvoir continuer à se former sur ce type d’armes.

Enfin, le projet de loi tend à proposer un suivi rigoureux des stocks d’armes à sous-munitions. D’une part, les compétences de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, la CNEMA, seraient étendues au suivi de la loi d’application de la convention d’Oslo. D’autre part, le ministère des affaires étrangères serait chargé de réaliser un compte rendu annuel destiné au secrétariat général de l’ONU. Le ministère de la défense apporterait évidemment tout son concours à cet exercice.

Naturellement, conformément aux modalités de la convention d’Oslo, ce projet de loi n’interdit pas les actions de coalition avec des pays non signataires. C’est un point essentiel si nous voulons convaincre nos alliés de nous rejoindre dans notre engagement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la France, qui est déjà signataire de la convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel, est fière d’être aujourd’hui au premier rang des grands pays qui s’engagent dans ce domaine.

Cette exemplarité, nous sommes déterminés à en faire preuve en matière d’armes à sous-munitions. Avec ce projet de loi, nous avons l’opportunité de contribuer plus efficacement à la lutte contre ce fléau. Nous disposons également d’un atout majeur pour convaincre nos partenaires de nous rejoindre dans ce combat. La France est ainsi au rendez-vous de la responsabilité et de l’humanisme.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion