La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur la mise en œuvre du plan de relance de l’économie pour le premier trimestre 2010, en application de l’article 6 de la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.
(Texte de la commission)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, conçues pour disperser une grande quantité de projectiles explosifs, les armes à sous-munitions constituent une grave menace humanitaire, à la fois sournoise et durable, car elles laissent sur le terrain une part significative de sous-munitions non explosées, mais aussi particulièrement lâche, car elles frappent avant tout les populations civiles.
La France est aux avant-postes dans la lutte contre ce fléau. Elle a cessé d’utiliser ce type d’armes dès 1991 et d’en produire dès 2002, et elle a joué un rôle majeur dans l’élaboration de la convention d’Oslo, que nous avons signée le 3 décembre 2008 et ratifiée le 25 septembre 2009.
Nous avons largement anticipé l’entrée en vigueur de cette convention. D’une part, nous avons décidé, dès 2008, de retirer du service opérationnel 22 000 roquettes M26 à grenades du lance-roquettes multiple et 13 000 obus de 155 millimètres à grenades. Ces armes sont stockées en attendant d’être détruites, conformément aux prescriptions de la convention d’Oslo. D’autre part, nous avons présenté, dès le 25 novembre dernier, un projet de loi d’application en conseil des ministres, et c’est précisément ce texte qui vous est soumis aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs.
Madame le rapporteur, je tiens à vous féliciter de l’excellent travail que vous avez fourni. Vous vous investissez depuis longtemps sur le sujet des armes à sous-munitions et votre expertise nous a été extrêmement utile pour élaborer ce projet.
Monsieur le président de la commission, je tiens à vous remercier d’avoir permis que l’examen du texte en commission se passe dans des conditions très satisfaisantes.
Ce projet de loi s’inscrit pleinement dans l’esprit et la lettre de la convention d’Oslo. Il témoigne de notre volonté de respecter rigoureusement les engagements souscrits par la France.
Il prévoit d’abord l’interdiction en toutes circonstances des armes à sous-munitions, qu’il s’agisse d’emploi, de mise au point, de production, d’acquisition, de stockage, de conservation, de transfert, de fabrication, d’offre, de cession, d’importation, d’exportation ou de commerce.
Cette interdiction s’accompagne de lourdes peines et de délais de prescription allongés, dérogatoires du droit commun. Elle s’accompagne également de la possibilité pour la France de poursuivre l’un de ses ressortissants, même si les faits n’ont pas été commis sur le territoire national et même s’ils ne sont pas punis par la législation du pays dans lequel ils ont été commis.
Le texte prévoit aussi la destruction par les armées de leur stock d’armes à sous-munitions dès que possible, dans un délai de huit ans à compter de l’entrée en vigueur de la convention.
Cette destruction sera entièrement financée par le ministère de la défense, pour un coût estimé entre 20 millions et 30 millions d’euros. Elle sera achevée pour nous en 2016.
Conformément aux modalités de la convention, le texte autorise néanmoins la conservation d’un stock d’armes à sous-munitions. Ce stock sera limité aux besoins strictement nécessaires aux activités de formation et de mise au point de techniques de détection, d’enlèvement ou de destruction des armes. Nos sapeurs doivent pouvoir continuer à se former sur ce type d’armes.
Enfin, le projet de loi tend à proposer un suivi rigoureux des stocks d’armes à sous-munitions. D’une part, les compétences de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, la CNEMA, seraient étendues au suivi de la loi d’application de la convention d’Oslo. D’autre part, le ministère des affaires étrangères serait chargé de réaliser un compte rendu annuel destiné au secrétariat général de l’ONU. Le ministère de la défense apporterait évidemment tout son concours à cet exercice.
Naturellement, conformément aux modalités de la convention d’Oslo, ce projet de loi n’interdit pas les actions de coalition avec des pays non signataires. C’est un point essentiel si nous voulons convaincre nos alliés de nous rejoindre dans notre engagement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France, qui est déjà signataire de la convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel, est fière d’être aujourd’hui au premier rang des grands pays qui s’engagent dans ce domaine.
Cette exemplarité, nous sommes déterminés à en faire preuve en matière d’armes à sous-munitions. Avec ce projet de loi, nous avons l’opportunité de contribuer plus efficacement à la lutte contre ce fléau. Nous disposons également d’un atout majeur pour convaincre nos partenaires de nous rejoindre dans ce combat. La France est ainsi au rendez-vous de la responsabilité et de l’humanisme.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui constitue la traduction concrète de l’engagement de la France en faveur de l’élimination d’armes qui ont causé, de par le monde, des dommages humanitaires considérables.
Je ne reviendrai pas sur un constat que nous avons déjà pu dresser à plusieurs reprises, que ce soit dans le rapport d’information que j’avais présenté dès 2006 avec mon collègue Jean-Pierre Plancade ou lors de la discussion devant notre assemblée de la convention d’Oslo, en septembre dernier. Rappelons simplement que, en raison de leurs caractéristiques, de leur mode de fonctionnement, de la manière dont elles ont été utilisées par certaines armées, les armes à sous-munitions ont provoqué de manière durable des conséquences désastreuses et inacceptables sur les populations civiles, notamment les enfants, dans de nombreuses zones de conflit.
La convention d’Oslo représente une très grande avancée du droit international humanitaire, puisqu’elle pose le principe d’interdiction de ces armes, à l’exception de celles qui répondent à des critères extrêmement précis et stricts garantissant un effet circonscrit aux objectifs militaires.
C’est avec une très grande satisfaction que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a accueilli ce projet de loi de transposition en droit interne de la convention d’Oslo. En effet, nous avons constaté que le Gouvernement avait très fidèlement veillé à reprendre les obligations découlant de la convention, ce qui traduit la volonté de la France d’en appliquer pleinement toutes les dispositions. Nous nous sommes également félicités de la rapidité avec laquelle la France entend mettre en œuvre cet instrument.
La France a retiré du service les armes interdites par la convention avant même que cette dernière soit signée. Elle a été le vingtième État à la ratifier, neuf mois à peine après sa signature, et nous prenons dans la foulée les mesures législatives nécessaires.
Nous souhaitons évidemment que l’Assemblée nationale puisse très prochainement examiner ce texte après le vote du Sénat aujourd’hui. Cela permettrait en effet une promulgation de la loi avant le 1er août prochain, date à laquelle la convention d’Oslo entrera en vigueur dans tous les États qui l’ont ratifiée.
Ce projet de loi est un texte bref qui vise à insérer un nouveau chapitre dans la partie du code de la défense relative aux armes interdites. Ce chapitre relatif aux armes à sous-munitions vient à la suite de celui qui est consacré aux mines antipersonnel, sur lequel il est largement calqué.
Le projet de loi retient un champ d’interdiction rigoureusement conforme à celui de la convention d’Oslo, renvoyant à celle-ci pour la définition des armes prohibées. Il reprend la clause de la convention relative à l’interopérabilité. Cette clause exclut que la participation à une opération militaire internationale aux côtés d’un pays possédant ou utilisant des armes à sous-munitions tombe sous le coup de l’interdiction, sous réserve qu’il n’y ait pas d’implication dans leur mise en œuvre.
Il s’aligne également sur la convention en ce qui concerne les délais de destruction et il précise le nombre très réduit d’armes prohibées que certains services de l’État pourront conserver, conformément à cette dernière, pour la mise au point des techniques de détection et des contre-mesures et pour la formation au déminage.
Le projet de loi met en place le régime de déclaration auprès du ministère de la défense des armes à sous-munitions détenues, qu’elles soient destinées à être détruites ou à être conservées aux fins de recherche et de formation. Il habilite certains agents du ministère de la défense, ainsi que les fonctionnaires des douanes, à constater les infractions.
Enfin, le régime pénal rigoureux prévu par le texte est analogue à celui qui existe pour les mines antipersonnel. Il lève le principe de double incrimination, ce qui permettra de réprimer les infractions à la loi française commises à l’étranger par un ressortissant français, même si l’État concerné ne possède pas de législation équivalente.
Le texte élaboré par la commission, sur lequel nous délibérons aujourd’hui, incorpore neuf amendements au texte initial du Gouvernement.
Outre quelques amendements d’ordre rédactionnel ou de précision, nous avons voulu compléter la définition des armes interdites, afin d’y inclure les petites bombes explosives, que la convention assimile aux armes à sous-munitions.
Il nous a paru également souhaitable de mentionner dans la loi, comme le fait la convention, que la destruction des armes interdites interviendra « dès que possible ». À cet égard, je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez confirmé devant la commission votre intention d’achever cette destruction en 2016, deux ans avant la date butoir prévue.
Je rappelle qu’il s’agit de démanteler environ 35 000 obus ou roquettes comprenant près de 15 millions de sous-munitions. Nous sommes sensibles à l’engagement du Gouvernement sur ce point, d’autant qu’il implique un coût de l’ordre de 20 millions à 30 millions d’euros pour le budget de la défense. Nous espérons bien évidemment qu’une filière française de démantèlement pourra être mise en place, à défaut de quoi ces marchés devraient être confiés à des industriels étrangers, ce qui serait bien évidemment regrettable.
La commission a également souhaité mentionner à l’article 5, relatif à l’entrée en vigueur de la loi, la date du 1er août 2010, qui est celle d’entrée en vigueur de la convention, afin de marquer notre souhait d’un achèvement rapide du processus législatif.
Enfin, nous avons adopté un article additionnel, qui permettra d’élargir les attributions de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, la CNEMA.
Regroupant des parlementaires – j’ai l’honneur d’y représenter le Sénat –, des responsables du ministère des affaires étrangères et du ministère de la défense ainsi que des représentants de la société civile – je pense notamment aux représentants des organisations internationales, qui ont beaucoup milité en faveur de ce texte –, la CNEMA constitue une instance de concertation et de suivi particulièrement utile pour la mise en œuvre de la convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel. La commission a considéré qu’elle avait naturellement vocation à assurer le même type de travail pour la mise en œuvre de la convention d’Oslo, puisque beaucoup de problématiques sont connexes, notamment le déminage et l’assistance humanitaire.
Pour conclure, je voudrais me féliciter du chemin parcouru en quelques années, depuis la lente prise de conscience suscitée par les organisations humanitaires, auxquelles je rends à nouveau hommage, jusqu’au lancement du processus d’Oslo, en 2007, à la conclusion de la convention et à l’examen, aujourd’hui, de ce projet de loi.
Je voudrais également souligner l’engagement de la France dans ce combat, engagement d’autant plus significatif que, à la différence de beaucoup d’États signataires, notre pays est un acteur militaire de premier rang, engagé et exposé sur de nombreux théâtres d’opérations.
L’adoption du projet de loi mettant en œuvre la convention d’Oslo ne saurait toutefois constituer qu’une étape. Beaucoup reste malheureusement à accomplir en matière de déminage et d’aide aux victimes dans les régions affectées par les sous-munitions. Je pense non seulement au Sud-Liban, gravement frappé lors du conflit de 2006, mais également aux pays du Sud-Est asiatique où les conséquences de l’emploi des armes à sous-munitions continuent à se faire sentir plus de trente-cinq ans après la fin de la guerre du Vietnam.
Il nous faut œuvrer sans relâche à l’universalisation de la convention. Actuellement, 90 % du stock mondial d’armes à sous-munitions est détenu par des États non-signataires. Il est donc indispensable de convaincre certains de nos partenaires internationaux actuellement attentistes ou réticents, tels que les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, le Pakistan, Israël, la Turquie, ou même certains États de l’Union européenne comme la Finlande, la Grèce, la Pologne ou la Roumanie
C’est donc en ayant pleinement conscience du chemin restant à parcourir que, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous-munitions que nous examinons ce matin, nous arrivons au terme d’un long processus qui marque une importante avancée du droit humanitaire international, en particulier concernant la protection des populations civiles, qui sont les principales victimes de ces armes.
Nous devons maintenant adapter dans notre droit national les dispositions de la convention dite d’Oslo.
Lors de l’examen du projet de loi autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions, ici même en septembre dernier, j’avais eu l’occasion d’évoquer le lent cheminement de plusieurs années qui avait été nécessaire pour aboutir à cette étape significative sur la voie du désarmement.
J’avais également souligné le rôle déterminant joué par les organisations non gouvernementales, sur le plan tant national qu’international, pour sensibiliser les opinions publiques à cette cause et pour peser sur les décisions des gouvernements.
Je ne reviendrai pas sur ces points, car il ne s’agit pas ce matin de rappeler des thèmes que nous avons déjà évoqués, notamment en septembre dernier.
En revanche, il convient d’apprécier à sa juste valeur le résultat de tous ces efforts. Je voudrais notamment relever le rôle très positif joué par notre pays tout au long de ce processus, bien qu’il ait souvent dû être aiguillonné par des organisations non gouvernementales telles que Handicap international, la Croix-Rouge ou bien encore Amnesty International, comme c’est d’ailleurs leur rôle.
Pour ne prendre que la dernière période, nos armées ont retiré du service les armes interdites par la convention bien avant la signature de cette dernière.
La France a très rapidement ratifié cette convention, et nous examinons les mesures législatives nécessaires à son application avant même la date de son entrée en vigueur sur le plan international.
Je reconnais volontiers que cela témoigne concrètement de la volonté, conforme à nos valeurs républicaines, de parvenir à l’élimination totale de ces armes tellement contraires au droit humanitaire.
L’affirmation de cette volonté pèse d’un grand poids à travers le monde quand on sait non seulement le rôle que joue notre pays sur le plan international en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, mais aussi la place qu’il tient parmi les grandes puissances militaires.
Globalement, ce projet de loi d’adaptation dans notre droit national traduit fidèlement l’ensemble des avancées positives contenues dans la convention d’Oslo, que ce soit à propos de mesures précises de transparence sur la destruction des stocks et la rétention de ce type d’armes, de sanctions pénales fortes ou bien encore de l’établissement d’une juridiction extraterritoriale permettant de sanctionner ces activités commises à l’étranger par des ressortissants français.
Le projet de loi va même dans certains cas un peu plus loin, par exemple en élargissant la notion d’assistance aux activités illégales définies par la convention.
Notre commission a utilement précisé et complété quelques aspects portant sur les définitions, la destruction des stocks et surtout l’élargissement du champ d’intervention de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel.
Cela étant, je regrette que, sur certains aspects, et non des moindres, le projet de loi qui nous est présenté ne soit pas plus précis et plus contraignant par rapport à certaines obligations contenues dans la convention.
Je comprends tout à fait que l’urgence soit aujourd’hui de convaincre les nombreux pays n’ayant pas encore signé ou ratifié cette convention – elle constitue un minimum – de le faire. J’estime pourtant que notre pays pourrait, avec d’autres, créer un effet d’entraînement en prenant quelques mesures importantes précisant certaines obligations. Je vise là très concrètement la question de l’interdiction des investissements et des financements par les États signataires des activités qui ont trait aux armes à sous-munitions.
En effet, la convention d’Oslo, dans le paragraphe 1(c), de l’article 1 permet implicitement d’interdire aux États signataires de financer ou d’investir dans des entreprises fabriquant ou commercialisant ces armes. Je dis « implicitement », car cela est évoqué de façon détournée par l’obligation faite aux États de ne pas « assister, encourager ou inciter quiconque à s’engager dans toute activité interdite » par la convention.
Ces formulations très générales entraînent une incertitude juridique qui permet de nombreuses interprétations de nature à échapper aux interdictions. Je regrette donc, monsieur le ministre, que l’on considère l’interprétation assez large de ces notions comme pouvant suffire à interdire partiellement ces financements.
Il me semble pourtant qu’il y a là une ambiguïté qu’il faudrait lever. Ce serait un acte très concret marquant davantage encore notre engagement dans le combat contre les armes à sous-munitions.
Il y a bien une ambiguïté dans cette position, car pourquoi affirmer une interdiction sans se donner tous les moyens de la faire respecter ? Par parenthèse, cette réflexion est également valable pour d’autres domaines de l’action gouvernementale.
Il est évident que le financement ou l’investissement dans ce type d’activités est l’une des conditions de leur existence. Dès lors, il faut que les choses soient clairement énoncées dans la loi.
Monsieur le ministre, écoutez ce que vous disent les associations qui se préoccupent de cette question. Prenez également en compte l’une des recommandations formulées par cette haute autorité administrative indépendante qu’est la Commission nationale consultative des droits de l’homme : « [...] afin de lever toute ambiguïté juridique sur le principe comme sur l’interprétation […], la CNCDH recommande d’inscrire de manière explicite dans la loi l’interdiction des investissements et financements, tant directs qu’indirects, dans des entreprises menant, même partiellement, des activités prohibées et liées aux armes à sous-munitions ».
Une telle mesure traduirait concrètement la ferme volonté de la France d’éliminer ces armes et permettrait de se mettre en conformité avec des réalités existant déjà dans notre pays et à l’étranger.
En France, par exemple, à la suite d’une action conjointe menée depuis 2006 par les branches françaises d’Amnesty International et de Handicap International, de grands groupes financiers et d’assurance se sont ainsi publiquement dotés de codes de bonne conduite excluant toute forme d’investissement ou de financement dans ce secteur. Adopter une telle disposition législative ne pourrait donc que les conforter dans leur action.
Parallèlement, d’un point de vue strictement économique et non plus simplement éthique, la position de pays comme le Luxembourg et la Nouvelle-Zélande, qui ont interdit ces financements, ou comme la Suisse, l’Allemagne et les Pays-Bas, qui prévoient de le faire, devrait lever la crainte qu’a le Gouvernement de porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises. Je réponds ainsi aux arguments que vous aviez avancés à l’époque.
Enfin, il faudrait à mon avis également compléter cette mesure par l’élargissement de la compétence extraterritoriale de nos juridictions à la possibilité de poursuivre des personnes morales pour ces délits. Tel est le sens des amendements que nous avons déposés sur ce texte.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe communiste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche souhaite que vous preniez en compte ces remarques.
Compte tenu de l’importante avancée que représente globalement ce texte en faveur du droit humanitaire international, il votera le projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous-munitions.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce texte, la France avance dans un processus législatif visant à éliminer les armes les plus perverses dont l’usage cause des dommages physiques irréversibles à des populations civiles.
Au nom du groupe socialiste, je tiens à rendre hommage aux organisations non gouvernementales qui ont été à la pointe de ce combat : Handicap International, Amnesty International, la Croix-Rouge. Elles nous ont permis de mesurer à quel point il était urgent de mettre fin à une telle barbarie.
La loi du 21 septembre 2009 a autorisé la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions. Il s’agissait de la première partie du processus initié avec la signature par la France de la convention multilatérale relative aux armes à sous-munitions, dénommée « convention d’Oslo », qui interdit l’utilisation, la production, le transfert et le stockage des armes à sous-munitions.
Compte tenu du grand nombre de pays ayant ratifié cette convention, nous pouvons espérer que celle-ci entre en vigueur dès le 1er août 2010. À l’instar de Mme le rapporteur, je pense souhaitable que le texte dont nous débattons aujourd’hui soit promulgué avant cette date.
Ce projet de loi constitue une avancée considérable pour la protection des populations civiles, qui sont les principales victimes de ces armes, et parfois très longtemps après la fin des hostilités. Nous approuvons donc la décision du Gouvernement de le soumettre rapidement au vote du Parlement.
Le tribut humain des armes à sous-munitions est bien trop lourd au regard du droit international. L’utilisation massive de ce type d’armes en Asie du sud-est par l’armée américaine et au Liban au cours de l’été 2006 par l’armée israélienne a suscité une véritable prise de conscience. Leur emploi dans des zones habitées et cultivées, conjugué à leur fort effet de dispersion, entraîne un pourcentage très élevé de victimes, notamment parmi les enfants, puisque de nombreux types de bombes ressemblent à des jouets.
Ce type d’armes fait subir aux populations civiles un risque majeur sur le long terme. En raison de leur taux de dysfonctionnement très important, elles restent sur le terrain où elles ont atterri sans avoir explosé et constituent, parfois des années après la fin des conflits, une menace quotidienne intolérable qui interdit, par exemple, la culture des terres.
Cette convention constitue un outil juridique international contraignant qui permet d’aller bien plus loin que les textes antérieurs, telle la convention du 10 octobre 1980 sur l’interdiction ou la limitation de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Cette convention s’était révélée insuffisante.
La convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, dite « convention d’Ottawa », constitue un modèle d’instrument juridique international contraignant.
Comme ma collègue Catherine Tasca l’avait déjà souligné en septembre 2009 à l’occasion de la discussion sur la ratification de cette convention, je veux saluer le choix de Lionel Jospin, lors de son arrivée aux responsabilités, en 1997, d’inscrire notre pays dans cette dynamique internationale pour le désarmement, que la reprise des essais nucléaires en 1994 et en 1995 avait stoppée.
En œuvrant pour la signature de la convention d’Ottawa et en faisant procéder à sa ratification le 8 juillet 1998, le gouvernement français avait relancé le processus de désarmement pour ces types d’armes. La convention d’Oslo poursuit cette œuvre, et l’on peut saluer la continuité de l’action de la France dans ce domaine, d’un gouvernement à l’autre, d’une majorité à l’autre.
La deuxième partie de ce processus concerne, en France, l’adaptation en droit national des prescriptions de la convention. C’est l’objet du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui. Il s’agit d’un texte positif, très attendu.
Ce projet de loi procède à une adaptation fidèle en droit interne des préconisations de la convention. Mais, et nous tenons à le saluer, il va parfois encore plus loin que le texte de la convention, en particulier en ce qui concerne la notion d’assistance, les mesures de transparence et la définition des armes concernées.
M. le ministre s’entretient en aparté avec M. le président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, je m’efforce de rendre hommage en ce moment à l’action de Gouvernement ;…
L’interdiction d’assister, d’inciter ou d’encourager quiconque à s’engager dans les activités couvertes par la convention implique l’interdiction de la fabrication, de l’offre, de la cession, de l’exportation et de l’importation, du commerce et du courtage, ce qui est une première dans un projet de loi connexe au régime des matériels de guerre, armes et munitions.
Il faut toutefois relativiser un peu ce progrès, dans la mesure où la notion de courtage n’existe pas en droit français, mais nous y reviendrons.
Le projet de loi prévoit des mesures précises de transparence sur la destruction des stocks et la détention d’armes à sous-munitions. Nous vous proposerons d'ailleurs de renforcer un certain nombre de ces orientations de bon sens.
Il conviendrait ainsi d’insister, par exemple, sur l’interdiction faite à toute entreprise de financer d’une manière directe ou indirecte, en France ou à l’étranger, des activités condamnées par la convention d’Oslo. Financer une entreprise fabriquant ou commercialisant des armes à sous-munitions revient à encourager une activité interdite par la convention.
Ainsi, bien que ce point soit implicite, il faut comprendre l’interdiction d’assistance inscrite au paragraphe 1(c) de l’article 1 comme visant les financements des entreprises qui produisent ou commercialisent des armes à sous-munitions. De ce point de vue, les relations très étroites que nous entretenons avec certaines entreprises d’armement israélien qui fabriquent par ailleurs des armes à sous-munitions posent problème. Dès lors, ne respecte pas les obligations prévues par le traité tout établissement financier investissant ou finançant des entreprises engagées dans des activités liées aux armes à sous-munitions prohibées par la convention d’Oslo.
Pour respecter aussi bien l’esprit que la lettre de cette convention et pour éviter tout flou juridique, la France devrait donc prévoir expressément, dans ce projet de loi, l’interdiction de toute forme de financement, qu’il s’agisse de financement direct ou indirect.
Il nous semble également que la définition précise des termes « transfert » et « transit » concernant les opérations de circulation d’armes à sous-munitions d’un État à un autre par voie terrestre, maritime ou aérienne, ainsi que celle de « l’interdiction de courtage » nécessitent quelques explications, la notion de courtage étant peu précisée dans la loi française.
Malheureusement, nous ne pouvons pas ignorer que les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan et Israël ne sont pas parties à la convention.
Or, le principe d’interopérabilité inscrit dans la convention autorise bien les États parties à participer à des actions militaires conjointes avec des États qui utiliseraient des bombes à sous-munitions. Ce principe est certes compréhensible du point de vue du réalisme politique et diplomatique, mais il réduit de façon importante la portée juridique et pratique du texte, et nous devons tout faire pour inciter les États non encore signataires de la convention à la ratifier.
Monsieur le ministre, en conclusion, pouvez-vous assurer à la représentation nationale que, à défaut de s’interdire de s’engager dans une coopération et dans des opérations militaires avec des États non parties à la convention – en Afghanistan, par exemple, aux côtés des États-Unis –, la France n’acceptera pas de prendre part à des opérations militaires au cours desquelles seraient employées par nos alliés des armes à sous-munitions ? Si l’on doit comprendre que la France n’exclut pas de s’engager dans des opérations militaires au cours desquelles seraient employées des armes à sous-munitions, je ne suis pas certaine que cette prise de distance avec l’esprit de la convention serait de nature à inciter les États non signataires à devenir parties à celle-ci. Sur ce point, monsieur le ministre, nous demandons des éclaircissements.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à adopter un texte visant à transcrire en droit français les dispositions de la convention d’Oslo sur les armes à sous-munitions ratifiée par la France en 2009.
Conçues pour disperser sur une large surface une grande quantité de projectiles explosifs, ces armes ont provoqué, dans la vingtaine de pays où elles ont été utilisées, des dommages humanitaires disproportionnés au regard de leur justification militaire.
Nous sommes face à la dernière marche d’un long processus d’interdiction totale de ce type d’armement. Il est temps d’aller au bout de ce long processus juridique et politique.
Le Sénat s’honore de s’être intéressé à cette question à plusieurs reprises ces dernières années. En effet, un rapport d’information, rédigé par notre excellent collègue Jean-Pierre Plancade, nous alertait dès 2006 de la gravité de la situation humanitaire liée à l’utilisation des armes à sous-munitions.
M. Plancade n’était pas tout seul, monsieur Fortassin : Mme Joëlle Garriaud-Maylam était également coauteur de ce rapport !
Je vous en donne acte, monsieur le président de la commission.
Depuis plus de vingt ans, la communauté internationale s’insurge contre ce type d’armement, créé pour lutter contre les unités blindées, qui n’a plus aucune justification militaire de nos jours. Faillibles et dépassées, les armes à sous-munitions sont une menace pour les populations civiles, surtout après la fin des conflits.
Deux raisons essentielles peuvent être avancées pour expliquer cette odieuse réalité : d’abord, le rayon d’action de ces armes, et plus particulièrement de certains modèles, est très important ; ensuite, à cause de leur faillibilité, elles créent de nombreux restes explosifs qui provoquent un risque d’explosion permanent. Par ailleurs, leur aspect brillant – elles ressemblent parfois à des cannettes de soda – attire les enfants.
Depuis des décennies, les armes à sous-munitions ont pollué de nombreux champs de bataille à travers la planète. On peut citer notamment le Laos et le Vietnam où, trente-cinq ans après les derniers bombardements américains, plusieurs dizaines de civils sont tués ou blessés chaque année du fait des sous-munitions non encore explosées. Les peuples afghan, libanais ou kosovar ont aussi été victimes de ce véritable fléau. Plus récemment encore, les territoires palestiniens, en 2006, et géorgien, en 2008, ont été le théâtre de conflits dans lesquels ces armes ont été employées.
Alors que le nombre de victimes avérées s’élève à 11 000, certaines évaluations globales, notamment celle qu’a réalisé Handicap International, vont jusqu’à avancer le chiffre de 100 000 victimes depuis 1973.
Conscient de la gravité de la situation, un groupe d’États est parvenu à relancer une discussion internationale ayant vocation à interdire totalement ce type de matériel. Prenant rapidement de l’ampleur lors de la conférence diplomatique de Dublin en mai 2008, cette démarche a abouti à la signature d’un texte par quatre-vingt-quatorze pays le 4 décembre de la même année à Oslo.
Pour la première fois, la communauté internationale s’est dotée d’un texte prohibant les armes à sous-munitions. Ce texte marque une avancée capitale dans les domaines du désarmement, de la dépollution, de la neutralisation de ces armes mais aussi, ce qui mérite d’être souligné, dans la prise en charge des populations civiles victimes.
Le projet de loi initial reprenait l’essentiel de la convention, mais nous pouvons saluer le travail de la commission qui a permis, à juste titre, d’adjoindre certaines précisions telles que l’extension du mandat de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, qui avait par nature compétence à assurer le suivi de la mise en œuvre de la convention, ou le fait que la destruction des stocks d’armes à sous-munitions devra se faire « dès que possible ».
Ce processus d’interdiction n’est pas sans rappeler celui des mines antipersonnel. Dans les deux cas, il faut rappeler – et s’en féliciter – le rôle prépondérant des organisations non gouvernementales, qui ont été les premières à alerter les États sur le drame qui était en train de se dérouler. Le processus d’interdiction des mines antipersonnel a également abouti à l’élaboration d’un instrument juridique, la convention d’Ottawa, ouverte à la signature les 3 et 4 décembre 1997, dont la portée est malheureusement relative.
Dans les deux hypothèses, des pays producteurs et utilisateurs d’armes à sous-munitions ne sont pas partie à la convention. Je pourrais citer en particulier les États-Unis, la Russie, ou encore Israël, …
Effectivement !
… sans oublier la Serbie, où des atrocités ont été commises dans une période très récente. À l’heure actuelle, moins de la moitié des États producteurs et à peine un cinquième des États utilisateurs ont adhéré à la convention.
Dans ces conditions, s’il faut se réjouir de la présentation de ce projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous-munitions que nous sommes invités à voter aujourd’hui, il ne faut pas occulter la réalité afin qu’un maximum d’utilisateurs et de producteurs nous rejoignent au sein de la convention d’Oslo. Le chemin sera long avant que celle-ci ne devienne une véritable norme internationale s’imposant à tous et conduisant à l’éradication pure et simple de cette calamité. La transcription de cette convention dans notre droit nous a cependant permis de prendre un certain nombre d’initiatives qui sont saluées de façon internationale. Il est bon, au regard de nos valeurs, que la patrie des droits de l’homme s’honore de ce type d’action.
Notre pays a depuis l’origine un rôle moteur puisque la France était partie prenante aux discussions internationales qui allaient aboutir quelques mois plus tard à la convention d’Oslo. Par ailleurs, il est à noter que la France a déjà retiré plus de 80 % de ses stocks d’armes à sous-munitions.
Dans le même esprit, le vote à l’unanimité des deux assemblées de la loi du 21 septembre 2009 autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions constitue un signal fort de l’engagement de la France dans cette lutte dont nous pouvons également nous féliciter.
L'ensemble des membres du groupe du RDSE apportera un soutien total à ce texte, qui ancre en droit français la convention d'Oslo, et ainsi l'élimination des armes à sous-munitions. Ils espèrent bien entendu un vote unanime des sénateurs en ce sens.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains de mes propos paraîtront peut-être répétitifs, mais ils ne feront que marteler une réalité et une vérité.
Tout d’abord, au nom du groupe UMP, et probablement de l’ensemble de mes collègues, je tiens à saluer l'excellent travail effectué par Joëlle Garriaud-Maylam, avec la détermination que nous lui connaissons.
La présente séance revêt, à mes yeux, un caractère quelque peu solennel. Ce projet de loi est le fruit de notre engagement, sur la scène internationale, en faveur du désarmement et du respect du droit humanitaire. Permettez-moi, mes chers collègues, de me réjouir de son inscription à l'ordre du jour, et du peu de temps écoulé depuis la ratification de la convention. Trop souvent, plusieurs années passent entre la signature d'un traité ou d'une convention internationale et le vote du projet de loi autorisant sa ratification par les parlements nationaux. L’attente avant sa transposition en droit commun se prolonge généralement de quelques années. En l’espèce, à peine plus d'un an se sera écoulé entre la signature de la convention par la France à Oslo, en décembre 2008, et l’examen de ce texte, qui adapte notre code de la défense ! Je tiens à vous remercier de cette rapidité, monsieur le ministre.
Au-delà, il en va de la crédibilité de la France en tant qu’acteur du désarmement, et ce non seulement face aux autres puissances de la communauté internationale, mais aussi – vous l’avez dit, madame le rapporteur – par rapport aux organisations humanitaires et aux associations, dont il faut saluer la détermination en vue de l'élimination des armes à sous-munitions, dont les conséquences sont terribles.
Initialement conçues pour détruire des concentrations de véhicules blindés, ces armes offrent la possibilité d'atteindre des cibles sur des surfaces étendues, en utilisant moins de munitions que les explosifs classiques. Composées d'une munition mère, ces bombes – obus ou roquettes – dispersent plusieurs munitions destinées à exploser à l'impact. Mais sur le terrain – vous l’avez indiqué, monsieur le ministre –, la réalité est bien différente pour les populations civiles. Depuis plus de quarante ans, ce système d’armes a été employé dans une trentaine de pays : au Vietnam, en Irak, en 1991 comme en 2003, mais aussi au Kosovo, au Sud-Liban en 2006, en Géorgie et en Afghanistan. Leur usage ne s'est, hélas ! pas limité aux seules cibles militaires.
Le système d'armes à sous-munitions souffre d’un problème majeur : cela a déjà été dit, le taux de dysfonctionnement est très élevé par rapport aux autres armes conventionnelles. Une fois larguées, certaines armes à sous-munitions demeurent au sol sans exploser. Or elles peuvent rester actives des années après l'arrêt des hostilités. C’est là l’objet de tous les dangers.
Ces armes s'apparentent ni plus ni moins à des mines antipersonnel, qui mutilent les populations tant dans leur chair que dans leur territoire. Le Sud-Liban en est une dramatique illustration. À cet égard, monsieur le ministre, pourriez-vous nous éclairer sur les opérations de dépollution des sols dans cette partie du pays ?
En outre, je tiens à souligner, mes chers collègues, la qualité du travail accompli par notre commission. L'article 9 de la convention d'Oslo nous invitait seulement à prendre « les mesures législatives, réglementaires et autres » permettant son application pleine et entière. Nous avons été plus loin. En effet, les modifications que nous avons apportées aux articles du code de la défense dépassent le stade de la simple transposition. Je pense notamment à l'article L.2344-4 relatif à la destruction de nos stocks. Il comporte désormais une obligation de procéder, rapidement et dans un délai déterminé, à leur élimination. Cela démontre notre volonté de rigueur et notre souci de précision.
De même, on ne peut que se féliciter de l'extension du mandat de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, la CNEMA. Au-delà de l’élargissement de ses attributions, elle assurera désormais une mission de suivi de l'application de la convention d'Oslo, en plus de celle d'Ottawa. Cela témoigne à la fois de la vision globale de la France en vue du désarmement et de son attachement au droit humanitaire.
Je souhaiterais vous faire part à présent de quelques observations relatives au rôle dévolu aux membres de l'Union européenne en faveur du désarmement en général, et de cette convention en particulier. L'intégration au sein de la Communauté européenne ne peut se limiter au simple respect du pacte de stabilité financière ou d'autres critères d'ordre économique. Il s’agit également d’une communauté de valeurs, parmi lesquelles celle du respect de la vie humaine. Il est donc primordial que nos partenaires européens non seulement signent, mais également ratifient cette convention. Le sol européen, le Kosovo en particulier, est touché par ces restes d’explosifs. Si les forces européennes accomplissent dans bien des domaines un travail post-conflit, les pays destinataires des opérations de maintien de la paix ou de l'aide de l'Union européenne, bien que non membres, devraient être parties à la convention d'Oslo.
À ce sujet, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si l'Espagne poursuit, à la tête de l'Union européenne, l'action et la promotion de la convention menée précédemment par la France ?
Enfin, je vous le rappelle, mes chers collègues, la convention d'Oslo ne nous a pas empêchés de voter, en juillet dernier, la loi de programmation militaire 2009-2014. Nous l'avons adaptée à nos engagements.
Ce projet de loi constitue donc l’aboutissement de notre politique depuis 1996. Nous avions alors décidé le retrait et la destruction des lance-grenades BLG 66, dit « système Bélouga », de notre arsenal.
En conclusion, par l’adoption de ce projet de loi, notre pays adresse un message symbolique à la communauté internationale. Il démontre la possibilité d'être une puissance militaire, de mener une réelle politique de défense et de figurer en amont des négociations en faveur du désarmement. Pour cette raison, le groupe UMP est favorable à ce texte et le votera.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, la France fait partie des pays ayant signé et ratifié la convention d'Oslo relative aux armes à sous-munitions. C'est tout à son honneur ! Je relève d’ailleurs que de nombreux pays, et non des moindres, s'y sont jusqu'à présent refusés.
Je ne reviendrai pas ici sur les dégâts humains, qualifiés de « collatéraux », causés par l’emploi de ces armes, non seulement pendant mais aussi après les conflits armés. Madame Garriaud-Maylam, votre rapport d'information, rédigé en décembre 2006 avec notre collègue Jean-Pierre Plancade, était parfaitement explicite à cet égard. M. le ministre l’a également souligné.
Je tiens à saluer le rôle essentiel joué par les associations et les organisations non gouvernementales, notamment Amnesty International et Handicap International. Elles ont su attirer l'attention des gouvernements sur les conséquences dramatiques de l'usage des armes à sous-munitions, en particulier pour les populations civiles. Ces organismes ont su mettre la pression nécessaire, à tous les niveaux, pour faire avancer le débat.
Le projet de loi soumis à notre examen ce matin vise à transcrire la convention d'Oslo en droit français. Indéniablement, il va dans la bonne direction. Mais permettez-moi, à l’instar des organisations non gouvernementales mobilisées sur le sujet, de m’interroger.
Le projet de loi ne me semble pas transcrire la convention de manière suffisamment précise et peut poser des problèmes d'interprétation. En effet, la transcription qui nous est proposée aujourd’hui me paraît insatisfaisante sur plusieurs points. Mais peut-être craint-on d’effaroucher certains industriels de l'armement ou certains États qui utilisent ou fabriquent des armes à sous-munitions et n’ont pas signé la convention d'Oslo, mais avec lesquels nous intervenons dans des théâtres d'opérations militaires à travers le monde ou nous entretenons des relations économiques ou diplomatiques privilégiées…
À cet égard, nous pouvons regretter que le projet de loi ne reprenne pas explicitement certaines obligations positives contenues dans la convention. Je pense notamment aux dispositions relatives à nos relations vis-à-vis des États non-signataires avec lesquels nous sommes en situation d'interopérabilité sur certaines actions extérieures. Il s'agit là d'une lacune importante. En effet, rien n'est dit sur l'attitude de la France face à l'utilisation d'armes à sous-munitions par nos alliés non-parties à la convention d'Oslo.
De même, le projet de loi ne spécifie pas clairement l'interdiction de financer, directement ou indirectement, des entreprises dont l'activité concerne les armes à sous-munitions, totalement ou en partie. Ne l'oublions pas, « l'argent est le nerf de la guerre ». Prévoir une interdiction, l’assortir de sanctions, mais oublier les financements des activités illicites laissent la porte ouverte au contournement des excellentes dispositions que nous nous apprêtons à voter. Sur ce point, il convient de le rappeler, un certain nombre d’États signataires ont d'ores et déjà adopté une interdiction de ces financements, ou sont sur le point de le faire. De même, plusieurs établissements financiers français ont pris les devants et exclu toute forme de financement et d'investissement, pour compte propre ou de tiers, dans des entreprises impliquées dans la fabrication et le commerce d'armes à sous-munitions ou de mines anti-personnel.
D'autres dispositions du texte méritent également d'être précisées, notamment l'extension des sanctions aux personnes morales, ainsi que la notion de transit des armes à sous-munitions à travers notre territoire national. Faute de ces clarifications, la volonté réelle de la France d'agir efficacement pour une éradication complète des armes à sous-munitions reste en question. Ainsi, dans nos relations diplomatiques et militaires avec plusieurs pays non-signataires, comme lors d’opérations militaires menées conjointement, quels seront les moyens mis en œuvre concrètement par la France pour que soient étendues la signature et l'application de la convention d'Oslo ?
À cet égard, diminuer symboliquement le stock d'armes à sous-munitions conservé aux fins d'entraînement ou de contre-mesures serait un signe fort délivré par notre pays. De même, l'acquisition de sous-munitions hors conteneur est-elle vraiment nécessaire compte tenu du caractère dangereux de leur déplacement éventuel sur le terrain, et de la nécessité de procéder à leur destruction in situ ?
En conclusion, je souhaite que nos discussions permettent de préciser ce texte. Même si ce dernier va dans le bon sens, plusieurs questions importantes restent en suspens. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, faisons en sorte que notre pays soit effectivement aux avant-postes du processus, nécessaire, engagé en faveur de la suppression totale de la fabrication et de l'usage des armes à sous-munitions dans le monde. Tel est le sens des amendements que nous déposons aujourd’hui.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Le titre IV du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Armes à sous-munitions
« Section 1
« Définitions
« Art. L. 2344-1. – Pour l’application du présent chapitre, les mots : « convention d’Oslo » désignent la convention sur les armes à sous-munitions signée à Oslo le 3 décembre 2008.
« Les termes : « armes à sous-munitions », « sous-munitions explosives », « petites bombes explosives », « disperseur » et « transfert » ont le sens qui leur est donné par la convention d’Oslo.
« Le terme : « transférer » désigne l’action consistant à procéder à un transfert au sens de la convention d’Oslo.
« Section 2
« Régime juridique
« Art. L. 2344-2. – La mise au point, la fabrication, la production, l’acquisition, le stockage, la conservation, l’offre, la cession, l’importation, l’exportation, le commerce, le courtage, le transfert, et l’emploi des armes à sous-munitions sont interdits.
« Est également interdit le fait d’assister, d’encourager ou d’inciter quiconque à s’engager dans une des activités interdites susmentionnées.
« Ces interdictions s’appliquent également aux petites bombes explosives qui sont spécifiquement conçues pour être dispersées ou libérées d’un disperseur fixé à un aéronef.
« Art. L. 2344-3. – Nonobstant les dispositions de l’article L. 2344-2, toute personne peut participer à une coopération en matière de défense ou de sécurité ou à une opération militaire multinationale ou au sein d’une organisation internationale, avec des États non Parties à la convention d’Oslo qui pourraient être engagés dans des activités interdites par ladite convention.
« Est interdit le fait pour une personne agissant dans le cadre susmentionné de mettre au point, de fabriquer, de produire, d’acquérir de quelque autre manière des armes à sous-munitions, de constituer elle-même des stocks, de transférer ces armes, de les employer elle-même ou d’en demander expressément l’emploi, lorsque le choix des munitions est sous son contrôle exclusif.
« Art. L. 2344-4. – Nonobstant les dispositions de l’article L. 2344-2, les services de l’État déterminés par décret sont autorisés :
« 1° À conserver les stocks existants d’armes à sous-munitions jusqu’à leur destruction dès que possible et au plus tard huit ans après l’entrée en vigueur de la convention d’Oslo dans les conditions prévues à son article 17, ou au plus tard avant l’expiration du délai supplémentaire fixé par la conférence d’examen ou par l’assemblée des États Parties selon les modalités fixées par la convention d’Oslo ;
« 2° À transférer des armes à sous-munitions en vue de leur destruction ;
« 3°À conserver, acquérir ou transférer des armes à sous-munitions et des sous-munitions explosives pour la mise au point de techniques de détection, d’enlèvement ou de destruction des armes à sous-munitions et des sous-munitions explosives ou pour le développement de contre-mesures relatives aux armes à sous-munitions et pour la formation à ces techniques.
« Le nombre d’armes à sous-munitions détenues aux fins définies à l’alinéa précédent ne peut excéder cinq cents à partir de la fin du délai prévu au 1°. Sont également autorisés, à ce titre, leurs sous-munitions explosives, auxquelles s’ajoute un nombre complémentaire de quatre cents sous-munitions explosives acquises hors conteneur.
« Les services de l’État peuvent confier ces opérations à des personnes agréées.
« Art. L. 2344-5. – Sont soumis à déclaration annuelle :
« 1° Par leur détenteur :
« a) L’ensemble des armes à sous-munitions, y compris les sous-munitions explosives, incluant une ventilation par type, quantité et, si cela est possible, par numéro de lot pour chaque type ;
« b) L’état des programmes de destruction des stocks d’armes à sous-munitions, y compris les sous-munitions explosives, avec des précisions sur les méthodes utilisées pour la destruction, la localisation des sites et les normes observées en matière de sécurité et protection de l’environnement ;
« c) Les types et quantités des armes à sous-munitions détruites y compris les sous-munitions explosives, après l’entrée en vigueur de la convention d’Oslo, avec des précisions sur les méthodes de destruction utilisées, la localisation des sites de destruction et les normes observées en matière de sécurité et protection de l’environnement ;
« 2° Par leur exploitant :
« a) Les installations autorisées à conserver ou à transférer des armes à sous-munitions à des fins de destruction ou pour la mise au point de techniques de détection, d’enlèvement ou de destruction des armes à sous-munitions et des sous-munitions explosives, et pour la formation à ces techniques ;
« b) L’état des programmes de reconversion ou de mise hors service des installations de production d’armes à sous-munitions.
« Section 3
« Dispositions pénales
« Sous-section 1
« Agents habilités à constater les infractions
« Art. L. 2344-6. – Peuvent constater les infractions aux prescriptions du présent chapitre, ainsi qu’aux dispositions réglementaires prises pour son application, outre les officiers de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale :
« 1° Les inspecteurs généraux et les inspecteurs des armées, les membres du corps militaire du contrôle général des armées et les officiers de l’armée de terre, de la marine nationale, de l’armée de l’air et de la gendarmerie nationale titulaires d’un commandement et les membres du corps militaire des ingénieurs de l’armement, lorsqu’ils sont spécialement habilités. Leur habilitation est délivrée pour une durée limitée par arrêté du ministre de la défense. Copie en est jointe aux procès-verbaux de constatation ;
« 2° Les agents des douanes à l’occasion des contrôles effectués en application du code des douanes ou dans le cadre des dispositions de l’article 28-1 du code de procédure pénale.
« Ils adressent sans délai au procureur de la République le procès-verbal de leurs constatations.
« Sous-section 2
« Sanctions pénales
« Art. L. 2344-7. – Le fait de méconnaître les interdictions mentionnées à l’article L. 2344-2 et au deuxième alinéa de l’article L. 2344-3 est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.
« La tentative des délits mentionnés à l’alinéa précédent est punie des mêmes peines.
« Art. L. 2344-8. – Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues à la présente sous-section encourent les peines complémentaires suivantes :
« 1° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de famille ;
« 2° L’interdiction, suivant les modalités prévues par l’article 131-27 du code pénal, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
« 3° La fermeture, soit à titre définitif, soit pour une durée de cinq ans au plus, des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
« 4° L’exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;
« 5° La confiscation des équipements ayant servi à la mise au point, à la fabrication, à la détention ou au stockage des armes à sous-munitions, suivant les modalités prévues à l’article 131-21 du code pénal ;
« 6° L’affichage et la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal.
« 7° L’interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l’article 131-31 du code pénal ;
« 8° L’interdiction du territoire français, lorsqu’il s’agit d’étrangers, prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus.
« Art. L. 2344-9. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies à l’article L. 2344-7 du présent code encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues par l’article 131-39 de ce dernier code.
« L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 du code pénal porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
« Art. L. 2344-10. – Lorsque les infractions définies à l’article L. 2344-2 et au deuxième alinéa de l’article L. 2344-3 du présent code sont commises hors du territoire de la République par un Français, la loi pénale française est applicable, alors même que les faits ne seraient pas punis par la législation du pays où ils ont été commis. Les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 du même code ne sont pas applicables.
« Art. L. 2344-11. – Les modalités d’application des dispositions du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
Dans l’étude d’impact du projet de loi, et en particulier dans le paragraphe consacré aux effets économiques, il est indiqué que « quatre industriels produisant des matériaux ou composants pouvant entrer dans la composition d’armes à sous-munitions étrangères verront leurs exportations contrôlées plus sévèrement, et le cas échéant, interdite ».
Ce constat m’amène à formuler deux questions, monsieur le ministre.
Première question, pourriez-vous être plus explicite, pour l’information de la représentation nationale, quant à l’identité de ces industriels, la nature des produits fabriqués et l’application des mesures, envisagées dans l’étude d’impact, prises à leur encontre ?
Seconde question, dans l’hypothèse où leurs exportations seraient interdites, comme cela est envisagé dans l’étude d’impact, quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour faciliter la reconversion des activités à vocation militaire des entreprises concernées vers des activités civiles ?
Si une telle reconversion soulève des interrogations en matière de transfert technologique du militaire vers le civil et de financement, elle constitue également un enjeu en termes d’emplois, ce qui ne peut évidemment pas être éludé en période de crise.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance des précisions que vous voudrez bien apporter à la Haute Assemblée sur ces deux points, dont l’importance ne vous aura pas échappé.
L'amendement n° 4, présenté par M. Muller, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Boulaud, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme, Besson et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après les mots :
d'Oslo
insérer les mots :
y compris les opérations de transit
La parole est à M. Jacques Muller.
Cet amendement vise à éviter toute ambiguïté d’interprétation du terme « transfert ».
En effet, aujourd’hui, une société privée étrangère qui transiterait par les eaux françaises pour acheminer une cargaison d’armes à sous-munitions vers un État non partie ne serait pas directement concernée par le présent projet de loi.
Certes l’article 2 de la convention d’Oslo, qui définit la notion de transfert, n’interdit pas explicitement le transit des armes à sous-munitions par les États parties, mais rien ne nous empêche d’être plus précis afin d’éviter que les dispositions que nous allons adopter ne soient contournées.
Il nous semble donc nécessaire d’ajouter les mots : « y compris les opérations de transit » afin d’inclure parmi les actes interdits et passibles de sanctions aux termes du présent projet de loi le fait de faire passer des armes interdites d’un bout à l’autre ou au-dessus du territoire national, par tout mode de transport, qu’il soit terrestre, aérien, ferroviaire, maritime ou fluvial.
Tel est le sens de cet amendement de précision.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui nous paraît en contradiction avec le texte de la convention d’Oslo.
En effet, la convention d’Oslo n’inclut pas le simple transit dans la notion de « transfert », qui implique à la fois une « introduction matérielle » des armes interdites et un « transfert du droit de propriété et du contrôle » sur celles-ci.
Je souhaite répondre aux deux questions que M. Muller a soulevées tout à l’heure.
Tout d’abord, monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé sur l’identité des quatre groupes industriels mentionnés dans l’étude d’impact. En l’occurrence, il s’agit d’entreprises que vous connaissez bien, telle SNPE-Eurenco.
Ensuite, vous m’avez questionné sur les mesures envisagées pour faciliter la reconversion des activités militaires de ces entreprises dans l’hypothèse où leurs exportations seraient interdites. Les activités concernées ne constituant pas une part déterminante de la production desdites entreprises, il ne nous paraît pas indispensable de mettre en place des dispositifs particuliers de reconversion, d’autant que ces entreprises vont être amenées par ailleurs à connaître des réorganisations et des restructurations importantes. Bien entendu, si cela se révélait nécessaire, la direction générale de l’armement examinerait avec elles ce qu’il convient de faire.
Sur l’amendement n° 4, ma position est exactement la même que celle de Mme le rapporteur. J’ajoute que le dispositif proposé serait compliqué à mettre en œuvre en cas de transit aérien et de survol du territoire national, car nous ne pouvons pas être dans l’avion !
En outre, je vous rappelle qu’un certain nombre de pays de l’Union européenne n’ont pas signé la convention.
Mieux vaut donc, me semble-t-il, rester dans le cadre du présent projet de loi et de la convention, l’appliquer dans son intégralité, mais ne pas aller au-delà, faute de quoi nous risquerions de rendre certaines de ses dispositions inapplicables.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Le groupe socialiste tient à cet amendement.
En effet, si je suis bien votre raisonnement, monsieur le ministre, il ne faudrait pas prendre de mesures lorsqu’elles posent des difficultés d’application. Dans ce cas, quid des mesures de lutte contre les trafics de stupéfiants ?
En effet, dans le cas d’un avion, c’est difficile. Encore que…
Toutes les mesures destinées à limiter le transit des armes à sous-munitions rendront leur commerce et leur utilisation de plus en plus difficiles.
Certes, la disposition que nous proposons est difficile à appliquer, mais cela sera possible dans un certain nombre de cas. Nous le savons bien, en matière de guerre et de munitions, certains trouvent toujours un moyen de contourner les embargos, les interdictions et autres restrictions. Tout cela nous incite à la prudence et à la méfiance. Il faut donc être parfaitement clair sur les intentions et sur les principes. Aucune source de confusion ne doit subsister.
Nous comprenons évidemment votre objection, monsieur le ministre. Mais nous estimons que ce n’est pas une raison pour baisser la garde.
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, je suis sensible à vos arguments, mais ils me semblent de nature plus juridique que politique.
Pour notre part, nous partageons et soutenons l’esprit du projet de loi. Nous ne ferons donc pas de surenchère et nous ne chercherons pas à nous différencier par esprit de compétition. Telle n’est pas du tout notre intention.
Toutefois, l’argument selon lequel il ne faudrait pas inscrire dans le projet de loi que les transferts comprennent les opérations de transit au motif qu’il serait difficile de contrôler la présence d’armes à sous-munitions dans les avions ne me paraît pas recevable. Nous devons aller de l’avant et marquer notre volonté politique, même si nous savons que certaines vérifications seront très difficiles à effectuer. C’est une question d’état d’esprit, et nous partageons tous le même état d’esprit sur ce texte.
Il serait regrettable de nous priver de cette disposition pour des raisons purement juridiques. En matière d’élimination des armes à sous-munitions, la France se doit d’être à l’avant-garde.
Monsieur le ministre, madame le rapporteur, j’ai écouté avec beaucoup d’attention les observations que vous avez formulées. Permettez-moi de faire deux remarques.
En premier lieu, la liste des moyens de transit n’est pas précisée dans mon amendement. Par exemple, le mot « avion » n’y figure pas.
J’en ai parlé lorsque j’ai présenté mon amendement, monsieur le ministre. En revanche, le texte de l’amendement ne fait pas référence aux avions. Il mentionne les « opérations de transit ». Cela inclut le transit terrestre et maritime, que l’on peut parfaitement contrôler.
En second lieu – et il s’agit là d’une remarque plus politique –, la France, comme cela a été souligné, ambitionne d’être à l’avant-garde en matière d’élimination des armes à sous-munitions. Nous ne devons donc pas faire une transcription minimaliste de la convention.
Nous nous devons d’être précis.
Aussi, je maintiens mon amendement, non pas pour faire de la surenchère, mais afin d’empêcher toute possibilité de contournement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 5, présenté par M. Muller, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Besson, Boulaud, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
le courtage
par les mots :
l'intermédiation
La parole est à M. Jacques Muller.
Le projet de loi ne définit pas la notion de « courtage », qui n'existe pas en droit français.
Certes, un projet de loi portant sur les activités de courtage a bien été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale en 2006, mais il n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour.
Nous souhaitons donc que la notion de « courtage », qui n’est pas définie en droit français, soit remplacée dans le présent projet de loi par celle d’« intermédiation », laquelle est plus large et permet de rendre compte de la réalité de l’ensemble de la chaîne allant du producteur à l'utilisateur final. En effet, interviennent dans celle-ci les courtiers, les transporteurs et les financiers.
Il nous paraît nécessaire d’inclure tous ces acteurs dans le champ d'application de la loi afin de lui permettre d’atteindre les excellents objectifs que nous nous sommes fixés.
Monsieur le sénateur, sur le fond, la commission souscrit totalement à l’objectif que vous cherchez à atteindre avec cet amendement. La notion d’« intermédiation » couvre en effet un champ plus complet que celle de « courtage » au sens strict.
Toutefois, je précise que la notion de « courtage » est définie en droit français dans le code civil et dans le code de commerce, contrairement à la notion d’« intermédiation ». Un projet de loi vise effectivement à définir cette dernière notion, mais il n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour du Parlement.
Par conséquent, même si je reconnais qu’il serait plus pertinent de se référer à l’« intermédiation » – c’est une notion plus large que le « courtage » –, je pense qu’il faudrait d’abord la définir et la consacrer dans la législation.
La commission souhaiterait donc connaître l’avis du Gouvernement sur ce point. Monsieur le ministre, l’inscription à l’ordre du jour du Parlement de ce projet de loi est-elle envisagée ? Par ailleurs, est-il possible de retenir aujourd'hui la notion d’« intermédiation » avant qu’elle ne soit définie dans la loi ?
Compte tenu de ces incertitudes, la commission avait décidé de s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
Comme vous l’avez souligné, madame le rapporteur, le droit français ne connaît que la notion de « courtage », qui est définie par le code civil et le code de commerce. Certes, un projet de loi a été déposé au mois de juin 2007 sur le bureau de la Haute Assemblée pour définir la notion d’intermédiation, mais, compte tenu de l’état actuel du droit positif, il me semble nécessaire de conserver le terme « courtage ». Faire figurer dans le texte aujourd'hui la notion d’« intermédiation », alors qu’elle n’existe pas en droit français, reviendrait à vider le texte de son sens.
Bien entendu, si le droit positif venait à intégrer le mot « intermédiation », il serait alors possible de s’adapter à une telle évolution.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de conserver la rédaction actuelle du projet de loi, sachant qu’il sera possible de déposer un amendement visant à compléter le dispositif actuel lors de l’examen du projet de loi relatif au régime d’autorisation des opérations d’intermédiation.
Après les explications qui viennent de nous être apportées par M. le ministre, je suggère à M. Muller de retirer l’amendement n° 5. À défaut, je serais contrainte d’appeler à voter contre cet amendement.
Compte tenu de la bonne volonté exprimée par Mme le rapporteur, des précisions apportées par M. le ministre et de l’engagement qui vient d’être pris que le texte pourra être modifié par voie d’amendement lorsque la notion d’« intermédiation » aura été définie, il serait sage de voter le texte en l’état.
L'amendement n° 5 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Besson, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Muller, Piras, Reiner, Vantomme, Boulaud et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est interdit le financement, direct ou indirect, de toute entreprise de droit français ou de droit étranger dont l'activité comprend les actions interdites susmentionnées.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
La convention d’Oslo interdit déjà d’« employer », de « mettre au point », de « produire », d’« acquérir », de « stocker », de « conserver » ou de « transférer à quiconque » des armes à sous-munitions ; c’est très bien ! Elle prohibe également le fait d’« assister », d’« encourager » ou d’« inciter » quiconque à s’engager dans toute activité interdite en vertu de cette convention ; c’est encore mieux !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous demande de faire encore un effort et de rendre le texte bien plus précis et percutant en interdisant le financement, direct ou indirect, de toute entreprise de droit français ou étranger engagée dans des activités interdites en vertu de la convention.
En effet, de notre point de vue, investir dans une entreprise fabriquant des armes à sous-munitions ou en faisant le commerce constitue une activité déjà prohibée par la convention d’Oslo, qui interdit le fait d’« assister », d’« encourager » ou d’« inciter » quiconque à s’engager dans de telles activités. La meilleure façon d’ « encourager » ou d’ « inciter » est indéniablement d’investir beaucoup d’argent dans ce type d’industrie ou de commerce à but mortifère.
Certains pays européens, comme la Belgique ou le Luxembourg, ont d’ores et déjà interdit de tels financements dans leur loi nationale. Je crois savoir que d’autres pays qui nous sont proches – la Suisse, l’Allemagne et les Pays-Bas – devraient, à moyen terme, adopter des législations interdisant l’investissement direct ou indirect dans ces industries perverses.
Cet amendement vise donc à compléter utilement le dispositif du projet de loi proposé par le Gouvernement et amendé positivement par la commission.
L'amendement n° 2, présenté par M. Hue, Mme Demessine et M. Billout, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces interdictions s'appliquent également au financement direct ou indirect et en connaissance de cause, d'une entreprise de droit français et étranger engagée, en tout ou partie, dans une des activités interdites mentionnées à l'alinéa précédent.
La parole est à M. Robert Hue.
Mon intervention ira dans le même sens que celle de ma collègue socialiste.
Nous souhaitons que soit clairement inscrite dans la loi l’interdiction de tout financement direct ou indirect d’entreprises engagées dans des activités ayant trait aux armes à sous-munitions. Nous souhaitons ainsi lever une ambiguïté concernant la possibilité de financer des entreprises fabriquant ou faisant le commerce de telles armes.
Les notions d’assistance, d’encouragement ou d’incitation, inscrites au paragraphe 1(c) de l’article 1 de la convention d’Oslo, je le répète, ne sont pas suffisamment explicites.
Certes, ce projet de loi de loi fait consensus aujourd'hui parmi nous, mais il faut savoir que la législation est systématiquement contournée dans ce domaine. Certains groupes s’en sont d’ailleurs fait la spécialité, car des sommes considérables sont en jeu ! C’est pourquoi le texte doit être clair et éviter toute ambiguïté. C’est tout l’objet de cet amendement.
Une telle interdiction traduirait concrètement la ferme volonté de notre pays d’éliminer les armes à sous-munitions. Celui-ci se mettrait ainsi en conformité avec des réalités existant déjà en France et dans d’autres pays. Je l’ai déjà dit dans la discussion générale, plusieurs pays, dont la Belgique, le Luxembourg ou la Nouvelle-Zélande, s’engagent dans cette voie, et d’autres, comme la Suisse, l’Allemagne ou les Pays-Bas, sont en passe de s’y engager. Ils ont interdit dans la loi d’investir dans ces entreprises et de les financer, car ils ont compris quel était l’enjeu.
Ne restons pas en retrait ! Nous allons aujourd'hui franchir une étape importante. Adopter cet amendement serait un geste politique fort. Les ONG l’attendent ; nous aussi !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Ces deux amendements procèdent d’intentions louables. Néanmoins, la commission y est défavorable, car ils présentent au moins deux difficultés.
Tout d’abord, s’ils étaient adoptés, ils interdiraient aux entreprises françaises de nouer tout partenariat avec des groupes étrangers qui seraient concernés, même de manière très marginale ou indirecte, par la fabrication d’armes à sous-munitions ou de certains de leurs composants. Vous le savez, de nombreux pays n’ont pas signé la convention d’Oslo. Pourtant, nous travaillons avec eux.
Les auteurs des amendements ont évoqué le cas de la Belgique ou du Luxembourg.
Sans vouloir faire offense à ces pays, les enjeux ne sont pas les mêmes pour eux que pour nous !
Bien évidemment, nous aimerions aller plus loin, mais il nous faut assumer nos responsabilités de parlementaires.
Ensuite, la notion de financement indirect pose une évidente difficulté de contrôle, par exemple, des fonds d’investissement.
Le dispositif proposé serait donc difficilement applicable. Pour cette raison, je réitère l’avis défavorable émis sur ces deux amendements.
J’aimerais bien ne pas me trouver dans la situation de l’accusé !
J’ai véritablement incité le ministère de la défense à être un acteur de la convention d’Oslo. Je l’ai poussé à travailler en partenariat avec le Quai d’Orsay afin que la France soit exemplaire et défende les idéaux qui sont les siens.
J’aimerais donc bien que l’on ne me fasse pas passer pour l’affreux de service qui tente de limiter le dispositif simplement parce que j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
Disons le franchement : ce n’est pas insulter la Belgique et le Luxembourg que de considérer que ces pays n’ont pas noué des partenariats industriels importants avec les industries étrangères concernées par les activités dont nous parlons.
Or ces partenariats sont un atout considérable pour notre pays. Sans notre industrie d’armement, nous n’aurions pas pu développer les industries civiles dont la France s’enorgueillit aujourd’hui, et, disant cela, je pense à l’industrie aéronautique ou à l’industrie spatiale.
L’industrie française d’armement emploie de 250 000 à 300 000 personnes. Vous demandez en permanence, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce secteur noue des partenariats européens et que l’on construise une industrie européenne de défense. Or nos partenaires européens ont signé une convention qui ne prévoit pas, je le rappelle, le dispositif que vous proposez. Ne soyez donc pas plus royalistes que le roi !
Aujourd’hui, quarante pays seulement ont ratifié la convention d’Oslo, et aucun des pays de l’Union européenne, à part la Belgique et le Luxembourg, ne prévoit une telle interdiction. Si elle était adoptée, celle-ci rendrait la tâche des entreprises françaises extrêmement compliquée, même lorsque leur activité dans le secteur est totalement marginale. Les difficultés d’application d’un tel dispositif seraient considérables : en effet, comment se renseigner sur tel ou tel grand groupe européen ou américain ?
Par ailleurs, certains pays de l’Union, comme la Pologne, avec lesquels nous essayons de nouer des partenariats industriels, n’ont pas signé la convention d’Oslo. Devons-nous refuser tout accord industriel avec eux ? Vous souhaitez pourtant que nous nouions des relations industrielles avec les pays d’Europe centrale et orientale afin de développer une industrie européenne capable de rivaliser avec l’industrie américaine.
Certes, vos intentions sont louables, madame, monsieur le sénateur, et nous sommes tous d’accord avec vous sur le principe. Mais le dispositif que vous proposez est totalement inapplicable, sauf à lourdement handicaper une industrie dont vous souhaitez, comme en témoignent vos nombreuses interventions et vos multiples courriers, qu’elle se maintienne à niveau pour permettre aux 300 000 salariés français qu’elle emploie de continuer à travailler.
La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.
Je disais tout à l’heure que nous étions tous dans le même état d’esprit, mais ce n’est pas le cas !
Pardonnez-moi de le dire avec une certaine gravité : ce qui est en train de se passer me rappelle ce qui est arrivé avec le Grenelle I. Vous êtes tous favorables à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, mais, dès que l’agriculture ou tout autre secteur rencontre une difficulté, vous renoncez ! Il en va de même pour la lutte contre les armes à sous-munitions.
Certains de vos arguments, monsieur le ministre, sont respectables, compréhensibles, admissibles, mais sommes-nous ici pour mettre fin à la fabrication et à l’utilisation des armes à sous-munitions ou pour prendre en compte toutes sortes de bonnes raisons économiques, industrielles ou autres justifiant de renoncer à l’objet initial du texte qui nous est soumis ?
Vous nous dites, monsieur le ministre, que nos intentions sont louables, que le dispositif que nous proposons est intéressant, mais qu’il n’est pas possible de l’adopter, en tout cas pas encore. Je pense pour ma part que la France doit jouer un rôle de leader dans ce domaine. Monsieur le ministre, nous ne sommes pas des va-t-en-guerre : nous vous demandons non pas de renoncer à tout contrat, mais simplement de faire preuve de conviction pour faire connaître nos positions et obtenir de nos partenaires qu’ils s’alignent sur elles. Pour l’instant, vous faites le contraire : vous voulez vous aligner sur des positions contraires à celles que nous souhaitons adopter !
Il est très important de montrer à celles et à ceux qui nous ont initiés à ces problèmes, qui ont nourri notre réflexion, qui nous ont aidés à élaborer ce texte et qui nous ont convaincus de son utilité, que notre attachement à l’élimination des armes à sous-munitions est indéfectible et qu’il ne saurait faire l’objet d’un marchandage, fût-il important pour l’avenir de certaines unités de fabrication de notre pays !
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Je ne reviendrai pas sur ce que vient de dire mon collègue.
Certes, l’industrie française d’armement emploie 300 000 personnes. Devons-nous pour autant continuer à conclure des accords, à créer des joint-ventures, etc., avec certaines entreprises, en particulier israéliennes ?
C’est surtout, et tout à fait normalement, avec Israël que nous collaborons en matière d’armement. Or les industries israéliennes fabriquent des bombes à sous-munitions, car Israël en est un gros utilisateur !
Vous ne voulez pas aller plus loin pour ne pas nuire à ces coopérations !
La question de nos relations industrielles avec Israël est hors sujet ! Très franchement, cette coopération est totalement accessoire.
Vous souhaitez interdire le financement direct et indirect des entreprises engagées dans des activités interdites par la convention d’Oslo. Cela signifie-t-il que vous voulez interdire à une entreprise comme EADS de conclure des accords avec l’industrie américaine et avec ses filiales ? DCNS doit-elle renoncer aux accords qu’elle est en train de conclure avec la Pologne ?
Vous m’avez interrogé pendant neuf mois, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le programme de l’Airbus A400M, vous n’avez pas cessé de vous inquiéter de savoir si la France et l’Europe étaient capables de construire un avion de transport militaire.
Autre exemple : nous avons lancé le programme MUSIS d’observation satellitaire afin de permettre à l’Europe de pouvoir prendre des décisions stratégiques de manière autonome durant certaines crises et de ne pas être dépendante des États-Unis. Devons-nous mettre un terme à ce programme ?
Mais si !
Interdire le financement direct et indirect, c’est interdire tout programme avec une industrie européenne d’un pays n’ayant pas signé la convention d’Oslo ou ne l’ayant pas ratifiée ou adaptée dans son droit positif. Cela signifie qu’il nous faudrait purement et simplement mettre fin à presque tous nos partenariats industriels !
Par ailleurs, madame Cerisier-ben Guiga, cessez de considérer que le problème, c’est Israël ! Les seuls partenariats que nous ayons avec Israël concernent les drones, et ils sont extrêmement limités. Ce n’est donc vraiment pas le sujet.
Si nous adoptions un tel dispositif, contrairement aux autres pays européens, tous les programmes dans lesquels nous sommes engagés tomberaient sous le coup de ce texte.
Il s’agit non pas d’être des va-t-en-guerre et de soutenir une industrie de défense porteuse de misère et de mort pour l’humanité, mais de rester dans le domaine du possible, c’est tout !
Nous avons dit lors de la discussion générale que nous approuvions globalement ce texte.
Les questions qui apparaissent maintenant sont fondamentales, car elles posent le problème de la place de l’industrie d’armement dans l’économie française et internationale, et donc celui du commerce des armes. Il faut appeler un chat un chat !
Si nous nous battons pour cet amendement, c’est parce que nous ne voulons pas que la loi puisse être contournée.
M. le ministre a déclaré tout à l’heure qu’il ne fallait pas handicaper notre industrie d’armement. Pourquoi ne pas plutôt faire autrement avec cette industrie ?
La fuite en avant qui consiste, pour des raisons économiques, à permettre aux entreprises qui font commerce des armes, en France et dans le monde, de contourner un certain nombre des dispositions que nous examinons aujourd’hui est un phénomène gravissime !
Nous le voyons bien avec ce qui se passe actuellement en Grèce : un certain nombre de banques, pour mieux récupérer leurs créances dans le cadre de la mise en œuvre de contrats d’armement conclus avec ce pays, sont en avance sur ceux qui veulent mettre en œuvre un plan d’austérité.
Nous abordons là une véritable question de fond. Elle ne sera peut-être pas tranchée aujourd’hui, …
… mais il faudra bien que nous débattions du problème du commerce des armes et de la part que représente l’industrie d’armement dans notre pays. Si celle-ci devient le seul vecteur de notre puissance économique, cela pose un problème majeur !
Je vous ai parlé non pas du commerce des armes, mais des programmes d’armement réalisés en commun à l’échelon européen, ce n’est pas la même chose ! Ces programmes, nous les appelons tous de nos vœux afin de mutualiser les moyens et de réduire le niveau des dépenses.
Monsieur Hue, lorsque vos collègues communistes prendront la parole pour évoquer la situation de telle ou telle entreprise française, comme DCNS ou le groupe SNPE, je ne manquerai pas de leur rappeler les propos que vous venez de tenir…
Très franchement, heureusement que les entreprises françaises sont en mesure, dans les limites de la réglementation, de s’engager dans la réalisation de programmes avec un certain nombre de pays étrangers !
Mon cher collègue, je vous rappelle que le règlement prévoit une seule explication de vote par orateur. Ma fonction consiste à le faire respecter !
La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
Parmi les amendements que nous avons déposés, l’amendement n° 1 revêt une importance capitale. Nous estimons en effet que l’interdiction que nous proposons doit être inscrite dans le texte.
Le projet de loi est clair concernant l’interdiction de produire et de stocker des armes à sous-munitions. Je regrette, pour ma part, que nous n’ayons pas clarifié les dispositions relatives au transit de ces armes. En revanche, le texte ne peut pas rester silencieux sur les activités financières.
Nous savons que l’activité de production d’armements, et notamment d’armes à sous-munitions, est particulièrement lucrative. Son financement est donc le cœur du problème.
Vous avez évoqué les programmes européens ou internationaux, monsieur le ministre, mais nous ne pouvons pas occulter la réalité : les marchés d’armement se développent, compte tenu de la multiplication des théâtres d’opérations dans le monde. L’alternative est simple : soit nous prenons notre part de responsabilités pour mettre un terme à la production et à l’utilisation de ces armes dans le monde, soit nous passons à côté du problème. Pour des raisons de fond, nous ne pouvons pas ne pas inscrire cette interdiction dans le projet de loi.
Enfin, cette interdiction est applicable. Certains pays qui l’ont adoptée ont déjà été évoqués. J’ajouterai à cette liste la Nouvelle-Zélande, la Belgique, l’Irlande, le Luxembourg, la Norvège, le Rwanda…
… et le Liban. Cela peut vous faire sourire, mais c’est une réalité !
Un bon nombre de pays aujourd’hui assument leur part du combat mondial contre les armes à sous-munitions. Eh bien, assumons aussi la nôtre !
Certains pays ont déjà adopté cette interdiction, d’autres s’apprêtent à le faire : la Suisse, la Hollande, l’Allemagne aussi !
Leurs parlements ont adopté des motions en ce sens, qui vont se traduire dans le droit national.
Certains groupes économiques français, comme AXA, BNP Paribas, le Crédit agricole, la Société générale, Natixis et d’autres, se sont aussi engagés à respecter cette interdiction. À la demande des organisations non gouvernementales, ils ont pris leurs responsabilités et ont cessé de financer ces activités. Alors, si des groupes financiers ont pu s’engager en ce sens, nous pouvons nous aussi, en tant que parlementaires, inscrire dans la loi l’interdiction de ce financement. Je suis convaincu que c’est l’un des arguments essentiels qui permettront à d’autres pays de nous suivre !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.
L’amendement n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote sur l’amendement n° 2.
Permettez-moi d’ajouter un seul argument dans ce débat, car nous avons abordé les points essentiels, même si tout n’a certes pas été dit.
Je ne me permettrai évidemment pas de balayer d’un revers de main les arguments développés par M. le ministre de la défense. Mais il m’est cependant assez facile d’y répondre : il suffit que les partenaires industriels d’EADS ou de DCNS renoncent aux activités interdites et l’affaire est jouée ! Pourquoi faudrait-il que nous renoncions à agir pour poursuivre ces partenariats ? Pourquoi ne demanderions-nous pas plutôt à nos partenaires de faire un effort, si nous sommes sûrs de ce que nous voulons faire ?
Je ne comprends pas cette méthode de travail consistant à présenter des textes qui, grâce aux avancées apparentes qu’ils contiennent, recueillent l’assentiment général, mais s’avèrent n’être que des miroirs aux alouettes, car, sans que cela soit dit, ils donnent en fait un coup de frein extraordinaire, en la circonstance sous prétexte de permettre la poursuite de tous les partenariats !
Je maintiens, monsieur le ministre, qu’il est possible de trouver facilement une issue avec un groupe comme EADS, compte tenu des pays qui financent ses projets et de leur état d’esprit, en le faisant renoncer aux partenariats avec des entreprises engagées dans des activités interdites par la convention d’Oslo. Encore faudrait-il renoncer à cette fausse méthode !
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 6, présenté par M. Muller, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Besson, Boulaud, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 20, première phrase
Remplacer les mots :
cinq cents
par les mots :
quatre cents
La parole est à M. Jacques Muller.
Le projet de loi prévoit des mesures de transparence sur la destruction des stocks et la rétention d’armes à sous-munitions. Il précise le nombre maximal d’armes à sous-munitions et de sous-munitions retenues à des fins d’entraînement de nos troupes qui peuvent rencontrer ce type d’armes.
Cependant, je m’interroge sur les besoins réels de l’armée française en la matière. Un nombre moins important ne pourrait-il pas être prévu dans la loi, ne serait-ce que pour donner un signe clair de la volonté de la France de réduire et d’interdire, à terme, les armes à sous-munitions dans le monde ? Je propose donc de diminuer symboliquement d’une centaine d’unités le nombre maximal d’armes à sous-munitions détenues par la France au terme du délai prévu de huit années.
Monsieur le président, peut-être pourrions-nous examiner en même temps l’amendement n° 7 de M. Muller ?
En effet, nous gagnerions du temps !
J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 7, présenté par M. Muller, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Besson, Boulaud, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :
Alinéa 20, seconde phrase
Supprimer les mots :
, auxquelles s’ajoutent un nombre complémentaire de quatre cents sous-munitions explosives acquises hors conteneur
La parole est à M. Jacques Muller.
L’amendement n° 6 tend à ramener de cinq cents à quatre cents le nombre maximal d’armes à sous-munitions détenues par la France. L’amendement n° 7 vise à supprimer la possibilité, prévue par la convention, de détenir des sous-munitions explosives acquises hors conteneur.
Je renvoie notre collègue et ami Jacques Muller à l’étude d’impact jointe au projet de loi. En effet, celle-ci précise qu’il existe environ 200 types d’armes à sous-munitions dans le monde, détenues à 90 % par des États qui n’ont pas signé la convention d’Oslo. Très honnêtement, mon cher collègue, au vu de ce nombre, dont nous pouvons penser qu’il risque encore d’augmenter dans les années qui viennent, le plafond de 500 armes à sous-munitions détenues par la France est très bas. Je rappelle que nous avons besoin de ces armes pour la formation de nos démineurs et pour l’information de nos forces.
Pour vous parler très franchement, ce nombre me semble même faible. À titre de comparaison, la France est autorisée à détenir 5 000 mines anti-personnel : le décalage est réel !
Aussi, je vous demande, monsieur Muller, de bien vouloir retirer vos amendements. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
Nous avons recensé 218 types d’armes à sous-munitions : cela signifie que nous ne pouvons détenir que deux exemplaires de chaque type d’arme. Je rappelle qu’il faut tout de même que nos démineurs puissent s’entraîner et que nous soyons en mesure d’effectuer une expertise, car nos soldats interviennent sur des terrains où ils sont susceptibles de rencontrer de telles armes. Je ne tiens pas à être désagréable avec vous, monsieur Muller, mais je pourrais l’être !
Monsieur le ministre, vous aurez compris qu’il s’agissait d’amendements d’appel. Je souhaitais simplement obtenir une explication publique, que vous m’avez donnée.
Dans ces conditions, je retire ces deux amendements, qui relèvent de la même philosophie.
Les amendements n° 6 et 7 sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 8, présenté par M. Muller, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Besson, Boulaud, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 53, première phrase
Remplacer les mots :
un Français
par les mots :
une personne physique ou morale française
La parole est à M. Jacques Muller.
L’article 9 de la convention d’Oslo est ainsi rédigé : « Chaque État partie prend toutes les mesures législatives, réglementaires et autres[…], y compris l’imposition de sanctions pénales pour prévenir et réprimer toute activité interdite à un État partie en vertu de la présente Convention, qui serait menée par des personnes » – « je souligne l’expression –, ou sur un territoire, sous sa juridiction ou son contrôle. »
Vous aurez compris que le texte de la convention ne précise pas s’il s’agit de personnes physiques et morales, même si cela est sous-entendu : la nature même de la convention interdit clairement la production d’armes à sous-munitions, qui est le fait d’entreprises, lesquelles disposent par conséquent de la qualité de personne morale.
Mais la façon dont est rédigé le texte proposé par le projet de loi pour l’article L. 2344-10 du code de la défense laisse entendre qu’il ne s’appliquerait qu’aux personnes physiques – « un Français » – et non aux personnes morales françaises pouvant commettre des infractions à l’étranger, via notamment leurs représentants.
Notre amendement a donc pour objet d’apporter une précision qui nous paraît rigoureusement indispensable. Ne pas le faire permettrait une interprétation de la loi ouvrant la porte à des pratiques contraires à l’esprit de la convention.
L’amendement n° 3, présenté par M. Hue, Mme Demessine et M. Billout, est ainsi libellé :
Alinéa 53, première phrase
Après les mots :
par un Français
insérer les mots :
ou une personne morale
La parole est à M. Robert Hue.
Cet amendement tend à compléter le texte du projet de loi et à étendre la compétence extraterritoriale de nos juridictions à la possibilité de poursuivre aussi des personnes morales en cas d’infraction.
En effet, conformément à l’article 9 de la convention d’Oslo, le projet de loi prévoit que la loi française s’applique aux infractions relatives aux armes à sous-munitions commises par « des personnes » hors du territoire de la République. On ne sait pas s’il s’agit de personnes physiques ou morales, mais on peut considérer qu’il s’agit des deux catégories, car les entreprises disposent uniquement de la qualité de personne morale, comme vient de l’expliquer notre collègue.
L’article 1er du projet de loi quant à lui, en mentionnant « un Français », laisse supposer que la loi ne s’appliquerait qu’aux personnes physiques et non aux personnes morales. Or ces dernières peuvent commettre une infraction à l’étranger via un de leurs représentants.
Nous souhaitons combler ce vide juridique afin que les infractions de ce type commises en dehors du territoire français par des entreprises puissent également être sanctionnées. La loi doit explicitement s’appliquer aux personnes physiques et morales.
Le projet de loi déroge déjà aux principes de territorialité de la loi pénale et de double incrimination pour réprimer les infractions à la loi française commises à l’étranger par un ressortissant français, quand bien même les activités en cause seraient autorisées dans le pays en question.
Les amendements n° 8 et 3 visent à préciser que cette disposition s’applique aussi bien aux personnes physiques qu’aux personnes morales.
Le projet de loi a retenu sur ce point une disposition absolument identique à celle qui s’applique pour les mines anti-personnel. Il paraît logique en effet qu’un même régime s’applique à ces deux types d’armes interdites.
En tout état de cause, l’amendement n° 3 ne peut pas être retenu, car il ne tend pas à préciser que seules les personnes morales françaises sont concernées.
En revanche, la commission s’est interrogée sur l’amendement n° 8 et elle souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement : la formulation « un Français » couvre-t-elle, comme cela semble être le cas, aussi bien les personnes physiques que les personnes morales ? Si tel était le cas, l’amendement n° 8 serait bien évidemment inutile et je demanderais son retrait.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 3 et s’en remet à l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 8.
Ce dispositif doit bien entendu concerner les personnes physiques et les personnes morales. Selon nous, il est très clair que le texte, tel qu’il est rédigé, tend à s’appliquer aux premières comme aux secondes.
Ces amendements étant satisfaits, nous en demandons le retrait. À défaut, nous émettrons un avis défavorable.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Je crains que, devant un tribunal, les termes « un Français » ne soient considérés comme ne s’appliquant qu’à une personne physique, à un individu. Dès lors, il suffira d’avoir l’habileté de créer une société pour échapper à l’incrimination. La société n’étant pas responsable, par voie de conséquence, l’individu ne le sera pas non plus.
Parce que nous estimons que, d’un point de vue juridique, les termes « un Français » ne désignent pas une entreprise, nous maintenons notre amendement.
Je réitère ma demande de retrait de l’amendement n° 8.
Depuis 2004, le code pénal français prévoit que, sans qu’il y ait besoin de le préciser par ailleurs, toutes les infractions et incriminations en droit pénal français s’appliquent aux personnes physiques comme aux personnes morales. Cet amendement est donc inutile !
Au moment où nous adoptons un texte dont chacun aura mesuré la portée et la force, il est important d’être précis. Selon vous, monsieur le ministre, les termes « un Français » englobent les personnes morales. Pour ma part, j’estime qu’il faut faciliter le travail des juges et apporter dans le texte toutes les précisions nécessaires sur cette question. Par conséquent, nous maintenons notre amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
Un décret modifie les attributions de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, fixées par l'article R. 2343-1 du code de la défense, en vue de les étendre au suivi de l'application de la présente loi. –
Adopté.
L'amendement n° 9, présenté par M. Muller, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Voynet, MM. Bel, Berthou, Besson, Boulaud, Boutant, Carrère, Mazuir, Mermaz, Piras, Reiner, Vantomme et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France encourage les États non parties à la présente Convention à la ratifier, l'accepter, l'approuver ou y adhérer, dans le but de susciter la participation de tous les États à la présente Convention.
La France notifie aux gouvernements de tous les États non parties à la présente Convention ses obligations aux termes de celle-ci, promeut les normes qu'elle établit et met tout en œuvre pour décourager les États non parties à la dite Convention d'utiliser des armes à sous-munitions.
La parole est à M. Jacques Muller.
Dans la mesure où le présent projet de loi vise à transcrire la convention d’Oslo en droit national, les obligations positives en matière d’interopérabilité, définies aux paragraphes 1 et 2 de l’article 21 de la convention, doivent être reprises et mentionnées explicitement dans le texte. Elles constituent, en effet, un complément nécessaire aux dispositions figurant dans le futur article L. 2344-3 du code de la défense. Ne pas les intégrer dans le projet de loi reviendrait à n’envisager qu’une transcription incomplète de l’article 21 de la convention, la France intervenant très rarement seule sur les théâtres d’opérations.
Mes chers collègues, cet amendement est typiquement un vœu pieu, sans aucune valeur normative ! Il est un dévoiement de la loi, dont la fonction, je le rappelle, est de permettre ou d’interdire, et de sanctionner tous ceux qui l’enfreignent. Ici, nous avons affaire à une déclaration de principe, à laquelle on peut souscrire, mais qui est parfaitement inutile.
Nous pouvons certes encourager les États non parties à la convention d’Oslo à ratifier celle-ci, mais il y aura des réfractaires… Comment, mes chers collègues de l’opposition, envisagez-vous de les sanctionner ? Une telle disposition n’a pas sa place dans la loi !
Vous proposez également que « la France notifie aux gouvernements de tous les États non parties à la […] convention ses obligations aux termes de celle-ci ». Or, dès lors que la convention sera transcrite en droit national, elle sera notifiée à tous !
Cet amendement est donc inutile et j’insiste sur la nécessité de chasser de nos lois toutes ces déclarations votives qui les alourdissent et qui ne mènent à rien.
Nous partageons totalement la position de M. le président de la commission. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, le Gouvernement a déjà fait énormément – et c’est tout à son honneur – en faveur de la convention d’Oslo. Par ailleurs, comme je l’ai indiqué en commission, lors de la Conférence des ambassadeurs, M. le ministre des affaires étrangères et européennes a confirmé qu’il avait demandé à tous les postes de tout faire pour convaincre les États non parties de signer cette convention.
Ces éléments me paraissent répondre aux préoccupations exprimées par l’auteur de cet amendement, qui, d’un point de vue juridique, n’a effectivement rien à faire dans ce projet de loi. Je prie donc notre collègue Jacques Muller de bien vouloir le retirer.
Peut-être M. le ministre dira-t-il d’ailleurs quelques mots sur les actions menées par le Gouvernement dans ce domaine...
Nous partageons l’avis de M. le président de la commission et de Mme le rapporteur.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous souscrivons totalement aux propos de M. le président de la commission : il faut effectivement éviter de voter des lois qui ne sont pas destinées à être appliquées.
Rires sur les travées du groupe socialiste.
À cet égard, nous aimerions bien que le Président de la République et le chef du Gouvernement tiennent compte de la remarque de M. Josselin de Rohan ! Nous aimerions bien ne plus voir arriver sur le bureau de notre assemblée des textes qui ne seront jamais appliqués, qui n’ont pas vocation à l’être et qui ne répondent qu’à des besoins de communication.
MM. Didier Boulaud et Jean-Louis Carrère applaudissent.
Pour notre part, nous ne cherchons pas à mener des opérations de communication. C’est pourquoi, en accord avec M. Jacques Muller, nous retirons cet amendement.
Toutefois, nous le répétons : nous espérons vivement que la remarque de M. Josselin de Rohan s’appliquera à tous les textes qui encombrent l’ordre du jour de notre assemblée.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Sourires.
À l’article L. 2451-1 du code de la défense, après les mots : « L. 2322-1 à L. 2343-12 » sont ajoutés les mots : « L. 2344-1 à L. 2344-11 ». –
Adopté.
Au 4° de l’article 28-1 du code de procédure pénale, les mots : « et L. 2353-13 » sont remplacés par les mots : «, L. 2344-7 et L. 2353-13 ». –
Adopté.
Les dispositions de la présente loi sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République. –
Adopté.
La présente loi est applicable à compter du lendemain de la publication au Journal officiel de la République française de la convention sur les armes à sous-munitions qui entre en vigueur au plan international le 1er août 2010, si cette publication est postérieure à celle de la présente loi, ou à compter du lendemain de la publication de la présente loi, dans le cas contraire. –
Adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Nous voterons évidemment ce projet de loi, car nous estimons qu’il marque, non pas l’achèvement, mais la continuation d’un processus auquel nous avons beaucoup apporté. Quelles que soient ses insuffisances, il doit être adopté.
Permettez-moi tout d’abord de souligner l’intérêt du débat que nous venons d’avoir et qui nous a parfois permis d’aller au-delà du thème précisément traité dans ce projet de loi. Nous avons notamment évoqué la dimension économique, de plus en plus importante à mes yeux, du commerce des armes. À cet égard, monsieur le ministre, sachez qu’il n’est nullement dans mon intention de nuire à nos activités économiques et à l’emploi dans nos industries d’armement.
Ce texte constitue une avancée décisive et je suis satisfait des modifications significatives qui y ont été apportées, notamment celles dont nous nous sommes fait l’interprète au travers de nos amendements. Tout n’est pas terminé pour autant et nous devons rester vigilants, particulièrement vis-à-vis des grandes puissances militaires n’ayant pas à ce jour signé la convention d’Oslo.
Enfin, je tiens à saluer la qualité du travail des organisations non gouvernementales, telles que Handicap International et Amnesty International, avec qui nous avons travaillé sur la question des bombes à sous-munitions. Cette démarche a permis d’aboutir à ce projet de loi, qui, de mon point de vue, est d’une grande portée.
Par conséquent, nous voterons ce projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, la convention d’Oslo constitue un progrès indéniable pour l’humanité : 103 pays – j’allais dire : « seulement » – l’ont signé et 24 pays – seulement – l’ont ratifié. Même si la France n’est que le vingtième pays à l’avoir fait, elle s’engage, à la différence d’autres grandes puissances – ou qui se prétendent telles –, et c’est tout à son honneur.
Nous avons tout de même un regret, monsieur le ministre. Pour revendiquer la première place – vous y avez fait allusion dans votre discours introductif –, il aurait fallu clarifier le projet de loi sur deux questions de fond, celle de la personnalité morale et celle du financement.
Cela étant dit, même imparfait, ce texte marque un engagement très fort et les Verts le voteront. Notons simplement que la France devra s’abstenir de donner des leçons aux autres, car d’autres assemblées ont fait mieux que nous !
Je serai bref, car je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit par mes collègues.
Je tiens simplement à indiquer, à l’attention de M. le ministre et de l’ensemble des membres de la Haute Assemblée, que je suis très sensible à l’engagement qui a été pris de nous donner la possibilité de modifier ultérieurement ce texte par voie d’amendement pour y substituer le terme « intermédiation » au terme « courtage ». Une telle modification n’est pas aussi légère qu’il y paraît. Elle nous permettra de prendre en compte les différents aspects de l’élimination des armes à sous-munitions, y compris les aspects industriels et financiers. Je souhaite que nous gardions cette possibilité en mémoire.
Cet engagement rappelé, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que je voterai ce projet de loi, tel qu’il nous est proposé.
Je voterai également avec enthousiasme ce texte, et je tiens à féliciter M. le président de la commission et Mme le rapporteur, ainsi que M. le ministre, pour le travail réalisé.
Permettez-moi de faire une remarque sur l’ordre du jour surchargé de notre assemblée. Je constate que des amendements qui ont été débattus en commission sont régulièrement présentés de nouveau en séance publique, parfois par les mêmes sénateurs. Ne devrions-nous pas réfléchir à cette question ?
M. Didier Boulaud. Vous verrez, cher collègue, quand vous serez dans l’opposition ! Cela vous fera du bien…
Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
De même que j’ai été fier de porter la loi relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, je suis fier, en qualité de ministre de la défense, au nom du Gouvernement et, plus largement, de la France, de défendre le projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous-munitions, car il constitue un immense progrès.
Notre pays tire une grande fierté à être la première puissance militaire à s’engager dans la voie de l’élimination des armes à sous-munitions, d’autant plus activement qu’il procédera activement à leur élimination avant la date limite. À ce titre, il est un exemple. Nous porterons ce message à travers le monde, via non seulement notre politique étrangère, mais aussi les alliances que nous nouerons. Parce que la France est une puissance militaire importante, sa voix compte et porte.
Nous ne pouvons que nous enorgueillir, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir ratifié cette convention avant les autres et d’avoir intégré ses dispositions dans notre droit positif. Tous les groupes de la Haute Assemblée peuvent en être fiers.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Le projet de loi est adopté.
Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer (projet n° 607 rectifié (2008-2009), texte de la commission n° 370, rapport n° 369).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après avoir longtemps affecté le détroit de Malacca, la mer de Chine et le golfe de Guinée ou la mer des Caraïbes, la piraterie connaît depuis maintenant deux ans un développement sans précédent dans le golfe d’Aden et dans l’océan Indien.
Ce phénomène est extrêmement préoccupant. Il constitue une menace pour la sécurité des individus comme pour les intérêts du commerce mondial.
En effet, les pirates interviennent de plus en plus loin de leurs bases, jusqu’au large des Seychelles. Ils sont de plus en plus déterminés dans leurs attaques, n’hésitant pas à recourir à la force, à faire usage des armes et à s’attaquer à des bâtiments de combat. Ils s’en prennent à des cibles variées, tels des thoniers ou des voiliers de croisière, mais aussi de plus en plus imposantes, comme des superpétroliers.
Face à cette situation, nous apportons une réponse militaire et diplomatique.
Nous le faisons à l’échelon national, en bilatéral.
Nous le faisons aussi au niveau international, dans le cadre de l’opération Atalante, qui fait de l’Union européenne le pivot de la lutte internationale contre la piraterie dans l’océan Indien et qui est le fruit d’une initiative franco-espagnole.
Nous intervenons enfin auprès des États riverains de l’océan Indien pour accélérer le traitement judiciaire et pénitentiaire des pirates appréhendés. C’est en particulier le cas avec les autorités kenyanes, puntlandaises et seychelloises.
Ces efforts portent leurs fruits : près de 800 arrestations en deux ans par les forces anti-pirates, dont plus de 140 présumés pirates appréhendés par les moyens français. Ce week-end encore, les bâtiments français Tonnerre et La Fayette ont procédé à vingt nouvelles captures, pour lesquelles lesmodalités de transfert sont actuellement à l’étude.
Au-delà de cette réponse militaire, pour que notre action reste la plus efficace possible, nous devions adapter notre droit interne. C’est l’objectif du projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui.
Le texte inscrit la lutte contre la piraterie au sein du dispositif de l’action de l’État en mer, en l’intégrant à la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer. Je rappelle que cette loi avait déjà été modifiée à plusieurs reprises, notamment afin d’intégrer des dispositions spécifiques à la lutte contre le trafic de stupéfiants en haute mer et à la lutte contre l’immigration illégale.
Le projet de loi prévoit d’accorder au commandant du navire d’État français les pouvoirs d’un officier de police judiciaire, à savoir : exécuter ou faire exécuter, sous l’autorité d’un délégué du Gouvernement, les mesures de contrôle et de coercition prévues par la loi, s’il a de sérieuses raisons de soupçonner que des infractions ont été commises, se commettent ou se préparent à être commises ; constater les infractions commises ; en rechercher les auteurs et le cas échéant les appréhender ; faire procéder à la saisie des objets et documents liés à l’infraction ; ordonner le déroutement du navire vers une position ou un port approprié ; procéder à des constatations approfondies ; remettre à une autorité judiciaire compétente les personnes, objets et documents appréhendés.
Le texte prévoit également qu’à défaut de pouvoir être jugés par un État tiers les auteurs et complices puissent être jugés par les juridictions françaises.
En métropole, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance situé au siège de la préfecture maritime ou le tribunal de grande instance du port vers lequel le navire a été dérouté.
Dans les départements, collectivités et territoires d’outre-mer, le tribunal compétent est la juridiction de première instance en matière correctionnelle située au siège du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer ou du port vers lequel le navire a été dérouté.
Le texte vise aussi à conforter la validité de nos procédures juridiques, conformément à l’arrêt Medvedyev de la Cour européenne des droits de l’homme.
Il intègre au code de la défense les dispositions permettant un processus de mise en œuvre juridiquement sécurisé des mesures privatives ou restrictives de liberté liées à la prévention et à la répression de la piraterie.
Je pense à l’obligation pour le commandant du navire d’État d’informer le procureur de la République dans les meilleurs délais de la mise en œuvre de mesures de coercition à l’égard d’un suspect.
Je pense aussi à l’application sur le navire d’un régime extrêmement proche de celui de la garde à vue, avec notification des droits et examen médical ou examen de santé du suspect par une personne qualifiée dans un délai de vingt-quatre heures.
Je pense enfin à l’obligation pour le procureur de la République de saisir le juge des libertés et de la détention dans les quarante-huit heures qui suivent la mise en œuvre des mesures de coercition. Le texte dispose que le juge des libertés et de la détention statue sur la poursuite des mesures pour une durée de cinq jours et que sa décision, renouvelable, n’est pas susceptible d’appel.
Permettez-moi de remercier chaleureusement, pour son investissement et sa coopération avec le ministère de la défense, le rapporteur du projet de loi au Sénat, mon ami André Dulait.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Je ne doute pas, monsieur Carrère, que, par ses qualités, il soit l’ami de tous dans cette assemblée.
Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP et de l’
Permettez-moi également de saluer le président de la commission des affaires étrangères, M. Josselin de Rohan – dont j’ai pu apprécier les qualités lorsque j’étais moi-même membre de cette commission –, avec lequel nous entretenons une relation de confiance extrêmement constructive.
Je voudrais enfin remercier tout particulièrement les sénateurs du groupe socialiste pour leur esprit de responsabilité et pour leur contribution à ce débat…
Sourires.
… qui dépasse de loin, vous l’avez très bien compris, les clivages politiques traditionnels. Il faut savoir parfois, lorsque l’intérêt général est en jeu et sur des textes comme celui-ci, dépasser nos clivages, monsieur Boulaud !
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte nous offre une vraie opportunité d’améliorer la cohérence de l’action de l’État en mer.
En renforçant le contrôle de l’autorité judiciaire et en faisant intervenir un magistrat du siège pour autoriser la prolongation de rétention, il nous offre également une garantie supplémentaire des droits de la personne. Il constitue donc un atout majeur pour conforter la validité juridique des procédures judiciaires que nous mettons en œuvre afin de relever le défi de la piraterie. Je suis certain que nous serons tous ensemble à la hauteur de ce défi !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Tentative de débauchage ratée ! On ne se laissera pas prendre ! Ça ne marche pas avec moi, je ne m’appelle pas Besson !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que la piraterie semblait avoir disparu des mers et des océans depuis le XIXe siècle, ce phénomène a connu une forte résurgence ces dernières années.
Ainsi, selon le Bureau maritime international, plus de 4 000 actes de piraterie ont été recensés au cours des vingt dernières années et le nombre d’attaques est en forte augmentation.
En 2009, 159 navires ont subi des actes de piraterie et 49 ont été capturés par des pirates.
Au total, 1 052 marins ont été pris en otage, 8 ont été tués et 68 ont été blessés au cours de ces attaques.
Plus de la moitié de ces actes de piraterie ont été commis dans le golfe d’Aden et au large des côtes somaliennes, où passent près de 25 000 navires par an et qui constitue une région stratégique, au carrefour de l’Europe, de l’Asie et du Moyen-Orient.
La piraterie constitue aujourd’hui une menace sérieuse à l’encontre de la liberté de navigation et de la sécurité des approvisionnements, alors que le transport de marchandises au niveau mondial s’effectue à 90 % par voie maritime.
La France n’a pas été épargnée par la piraterie, comme en témoignent les attaques au large de la Somalie contre plusieurs voiliers français, à l’image du Ponant, du Carré d’As ou du Tanit, ou encore contre nos pêcheurs de thon et même contre plusieurs navires de notre marine nationale.
Depuis l’abolition de la « guerre de course » par la déclaration de Paris, signée en 1856, la France a toujours joué un rôle majeur dans la lutte contre la piraterie.
Face à l’ampleur de la piraterie au large des côtes somaliennes et dans le golfe d’Aden, notre pays a ainsi été à l’initiative de l’adoption, par le Conseil de sécurité des Nations unies, de plusieurs résolutions sur ce sujet.
La France a également été à l’initiative du lancement par l’Union européenne, en décembre 2008, de sa première opération navale, « Atalanta », de lutte contre la piraterie.
Or, si la France joue un rôle moteur au niveau international sur ce sujet, il n’existe pas, actuellement, en droit français, de cadre juridique spécifiquement consacré à la répression de la piraterie.
Cette lacune peut constituer une entrave à une lutte efficace contre la piraterie, alors que plusieurs bâtiments de la marine nationale participent à l’opération Atalanta.
Le présent projet de loi vise donc à doter la France d’un cadre juridique et de moyens efficaces pour lutter contre ce fléau.
Il comporte trois volets principaux.
Le projet de loi vise tout d’abord à introduire en droit français un cadre juridique pour la répression de la piraterie.
Rappelons que la France disposait d’une loi sur la piraterie datant de 1825, mais que celle-ci a été abrogée en 2007.
Le texte détermine les infractions pénales constitutives d’actes de piraterie, les modalités de recherche et de constatation de ces infractions, ainsi que les agents habilités à y procéder.
Ces dispositions s’appliqueront aux actes de piraterie commis en haute mer et dans les espaces maritimes ne relevant de la juridiction d’aucun État.
Ces deux premiers critères sont repris de la convention des Nations unies sur le droit de la mer dite de Montego Bay.
Au-delà des zones visées par la convention de Montego Bay, le projet de loi prévoit que ces dispositions seront également applicables dans les eaux territoriales d’un État à condition que le droit international l’autorise.
Cet ajout vise à prendre en compte la situation particulière de certains États « fragiles », qui ne sont plus en mesure d’assurer le contrôle de leurs eaux territoriales, à l’image de la Somalie.
Ainsi, dans le cas de la Somalie, la résolution 1816 du Conseil de sécurité des Nations unies, du 2 juin 2008, a autorisé les États qui coopèrent avec le gouvernement fédéral de transition à « entrer dans les eaux territoriales de la Somalie afin de réprimer les actes de piraterie et les vols à main armée en mer ».
Le projet de loi vise ensuite à introduire dans notre droit une compétence quasi universelle des juridictions françaises pour juger d’actes de piraterie commis hors du territoire national.
Rappelons que la piraterie est l’une des rares infractions internationales à déroger à la loi du pavillon et à se voir appliquer une compétence universelle, d’après la convention de Montego Bay.
Toutefois, d’après le projet de loi, deux conditions doivent être réunies pour permettre la compétence des juridictions françaises.
La première est que les auteurs doivent avoir été appréhendés par des agents français. Ensuite, les juridictions françaises ne sont compétentes qu’à défaut d’entente avec les autorités d’un autre État pour l’exercice par celui-ci de sa compétence juridictionnelle.
La seconde condition vise à prendre en compte le cas des accords conclus par l’Union européenne avec certains pays tiers comme le Kenya ou les Seychelles, qui ont accepté jusqu’à présent le transfert sur leur territoire des suspects afin qu’ils soient jugés par leurs juridictions.
Elle pourrait également trouver à s’appliquer si un autre État s’estime mieux placé pour juger d’une affaire, notamment si le navire attaqué ou ses victimes sont de sa nationalité.
Ainsi, le projet de loi vise à reconnaître aux juridictions françaises une « compétence quasi universelle » en matière de lutte contre la piraterie, dont la mise en œuvre est toutefois encadrée par certaines conditions.
Enfin, le projet de loi vise à mettre en place un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre des actions de l’État en mer.
Il s’agit ainsi de répondre aux griefs formulés à l’encontre de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt dit Medvedyev du 29 mars 2010.
Dans cet arrêt, la Cour de Strasbourg a constaté une violation par la France de la convention européenne des droits de l’homme, à l’occasion d’une opération d’interception d’un navire suspecté de se livrer au trafic de produits stupéfiants.
En l’espèce, il a été reproché à la France de ne pas disposer, à cette époque, d’un cadre légal suffisant organisant les conditions de privation de liberté à bord d’un navire.
La procédure proposée par le projet de loi serait donc la suivante.
Dès que le commandant met en œuvre des mesures restrictives ou privatives de liberté à bord d’un navire, le préfet maritime doit en informer sans délai le procureur de la République.
Le procureur de la République doit, dans les quarante-huit heures qui suivent, saisir le juge des libertés et de la détention, qui est, rappelons-le, un magistrat du siège.
Le juge des libertés et de la détention statue sur la poursuite de ces mesures pour une durée maximale de cinq jours, renouvelable dans les mêmes conditions.
Que faut-il penser de ce régime ?
Si ce régime s’inspire sur certains aspects de celui qui est prévu pour la garde à vue, il est fondamentalement différent dans la mesure où il s’agit d’une phase qui précède l’enquête judiciaire. On pourrait la comparer au flagrant délit où la personne est arrêtée et transportée dans la voiture de police jusqu’au tribunal.
M. Robert Badinter hoche la tête.
Dès lors, les modalités du régime de la garde à vue ne sont pas transposables à la rétention des personnes à bord.
On imagine aisément, en effet, les difficultés pratiques qu’il y aurait à prévoir, par exemple, l’intervention d’un avocat, alors que la personne concernée se trouve à bord d’un navire de la marine nationale souvent très éloigné des côtes françaises.
Pour autant, la possibilité de prendre des mesures restrictives ou privatives de liberté doit être expressément prévue et encadrée.
Surtout, les mesures restrictives ou privatives de liberté doivent être contrôlées par l’autorité judiciaire.
À cet égard, l’intervention d’un juge du siège, réputé plus « indépendant » qu’un magistrat du parquet, tel que le juge des libertés et de la détention, répond directement aux observations de la Cour européenne des droits de l’homme concernant le statut du procureur de la République.
Les délais prévus visent à tenir compte des contraintes particulières de la lutte contre la piraterie maritime, qui peut intervenir très loin des côtes françaises, et du temps nécessaire au bâtiment de l’État pour rejoindre le territoire français, temps qui peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
À cet égard, on peut relever que, dans son arrêt Medvedyev, la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas retenu le grief concernant la violation sur le délai raisonnable, en estimant que la privation de liberté subie par les requérants se trouvait justifiée par des « circonstances tout à fait exceptionnelles », notamment « l’inévitable délai d’acheminement » du navire vers la France.
En définitive, je considère que le régime prévu par le projet de loi en matière de rétention à bord préserve l’équilibre entre les fortes contraintes opérationnelles de l’action de l’État en mer et l’indispensable respect des garanties et des libertés individuelles.
Il me semble donc de nature à répondre aux engagements internationaux de la France, en particulier dans le cadre de la convention européenne des droits de l’homme.
Sans modifier l’équilibre général du projet de loi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté vingt amendements visant à préciser ou à compléter le dispositif présenté.
La commission vous propose d’adopter le texte ainsi rédigé.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a deux ans, l’activité de pirates au large de la Somalie avait fait irruption dans notre paysage médiatique et avait suscité une certaine émotion dans l’opinion publique.
La capture du Ponant, un navire de croisière qui avait à son bord trente hommes d’équipage, dont une vingtaine de nos compatriotes, avait fait de la piraterie dans cette région un enjeu national. Ensuite, les attaques d’autres navires de plaisance ou de commerce ont alimenté l’actualité au fil des mois.
Ce phénomène n’est pas récent et il ne faut pas le sous-estimer.
Alors qu’elle était marginale en 2006, la croissance des actes de piraterie est devenue extrêmement rapide en 2007, ce qui avait, par exemple, conduit le Programme alimentaire mondial à lancer un appel international pour la protection de ses navires convoyant l’aide humanitaire indispensable à la survie de près de deux millions de Somaliens.
Certes, comme l’a récemment indiqué le Bureau maritime international, le nombre d’actes de piraterie maritime a baissé dans le monde au cours du premier semestre de l’année 2010, mais le risque d’attaques lancées par des pirates somaliens reste élevé.
Cet état de fait a motivé notre participation à l’opération navale militaire de l’Union européenne « Atalante » lancée en décembre 2008, sur notre initiative, dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense.
Menée avec plus d’une vingtaine de bâtiments, des avions et 1 800 militaires de neuf pays, cette opération vise à dissuader les pirates, à protéger les navires et, le cas échéant, à réprimer.
Je rappelle en effet que, entre 2008 et 2009, 315 pirates ont été retenus ou appréhendés et que plus de la moitié des actes de piraterie ont eu pour théâtre le golfe d’Aden et le large des côtes somaliennes, avec 47 navires détournés et 867 membres d’équipages pris en otage.
À la fin du mois d’avril, les pirates somaliens détenaient encore 23 navires et 384 marins, en attente d’une rançon.
Dans cette zone géographique où transitent près de 25 000 navires par an et 20 % du commerce mondial, outre les atteintes à la sécurité des personnes difficilement tolérables, ces actes font donc peser une très sérieuse menace sur la liberté de navigation et la sécurité de nos approvisionnements.
Tous ces éléments expliquent et légitiment ainsi la nécessité et l’urgence de ce projet de loi, qui définit un cadre juridique spécifique pour lutter contre la piraterie et qui adapte notre législation pénale aux stipulations des conventions internationales en la matière.
Cependant, avant d’examiner si ce texte permet de répondre efficacement à l’objectif qui lui est assigné, je voudrais souligner qu’il sera insuffisant à lui seul pour résoudre cette question dans la région.
En effet, les problèmes de fond que pose la piraterie ne se régleront ni seulement en mer, ni uniquement de cette façon. C’est principalement à terre qu’il faut chercher des solutions.
La population somalienne souffre d’un tel dénuement que tout lui est bon pour obtenir de l’argent, même s’il lui faut pour cela prendre de gros risques, allant même par inconscience jusqu’à s’attaquer tout récemment à des bâtiments de la marine nationale.
Le développement de la piraterie au large de la Somalie a pour cause principale, nous le savons, la situation de ce pays qui n’a plus d’État et dont les habitants sont les victimes d’une extrême misère.
Ce pays est ravagé depuis dix-huit ans par une guerre civile. La moitié de ses habitants dépendent de l’aide humanitaire. En Somalie, un pêcheur gagne un dollar par jour pour nourrir sa famille.
Les attaques de navires sont donc nombreuses parce que ceux-ci, aux yeux de gens démunis de tout, ont longtemps semblé être une proie facile.
Le dernier rapport du groupe de contrôle sur la Somalie, remis le 10 mars dernier au Conseil de sécurité de l’ONU, souligne, par ailleurs, que ces pirates ne sont que le dernier maillon d’une chaîne sur laquelle prospèrent des groupes très organisés, aux mains de véritables hommes d’affaires qui, eux, ne prennent pas de risques et ne sont nullement inquiétés lorsque ces opérations échouent.
Nous sommes ici au cœur du problème.
À ce propos, je comprends, comme le prévoit le texte de la commission, la démarche qui consiste à adopter un régime de compétence quasi universelle afin de privilégier le traitement judiciaire des actes de piraterie par deux pays de la région, le Kenya et les Seychelles.
Mais soyons lucides. L’efficacité de cette option est très limitée, car du fait d’institutions judiciaires locales inadaptées et largement corrompues, ce sont les lampistes qui sont condamnés quand les commanditaires de ces opérations échappent à toute sanction.
Soyons aussi réalistes, cette façon de procéder agit uniquement sur les effets et non sur les causes.
Les pays de l’Union européenne, qui assurent le fonctionnement de ce système par le biais du programme anti-piraterie de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, risquent d’ailleurs d’être bientôt de nouveau seuls pour affronter cette question, puisque le Kenya a récusé les accords qu’il avait signés dans ce domaine en raison de prisons surpeuplées et de tribunaux débordés.
Pour éviter une telle situation, l’Union européenne a proposé lundi dernier un renforcement de son soutien au Kenya et aux Seychelles afin que ces États puissent continuer à juger et à emprisonner les pirates somaliens.
Également conscient de la difficulté de cette question, le Conseil de sécurité de l’ONU a, pour sa part, adopté à l’unanimité une résolution appelant l’ensemble des États à durcir leurs législations nationales et les pays riverains à s’impliquer davantage dans cette lutte.
Bien qu’il ne s’attaque pas aux causes de la piraterie – mais, après tout, tel n’est pas son objet, qui est plus limité –, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a le grand mérite de clarifier la situation et de combler un vide juridique. Pour cela, il détermine les infractions pénales constitutives d’actes de piraterie, les modalités de leur recherche et les agents habilités à poursuivre les auteurs d’infractions. Je ne m’attarderai pas sur ce volet, qui répond à la nécessité d’améliorer l’efficacité de la lutte contre les actes de piraterie commis en mer en renforçant les mesures de prévention et de répression dont dispose l’État.
Par ailleurs, afin de tenir compte de plusieurs condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme, ce texte vise aussi à « sécuriser » juridiquement les mesures de coercition prises à l’encontre de personnes appréhendées lors d’une opération de police de l’État en mer.
Sur ce point, je ne suis pas persuadée que le dispositif retenu nous mette totalement à l’abri d’autres contentieux, sur l’initiative d’associations ou de particuliers, qui entraîneraient de nouvelles condamnations par la Cour.
En effet, comme le souligne très justement le rapport de la commission, « le régime proposé par le projet de loi pour la consignation des personnes retenues à bord sera applicable à la fois aux actes de piraterie, mais aussi aux personnes appréhendées dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants par mer, en matière de lutte contre l’immigration illégale par voie maritime, ou pour toutes les autres actions de l’État en mer qui nécessiteraient une telle mesure de privation de liberté ». Ainsi, le fondement légal sur lequel doivent reposer des mesures privatives ou restrictives des libertés individuelles, en l’occurrence celle de pouvoir aller et venir librement sur un navire, restera certainement sujet à interprétation de la part de la Cour européenne des droits de l’homme tant que celle-ci estimera que le procureur français n’est pas une autorité judiciaire. Or, dans le dispositif proposé, c’est le juge des libertés et de la détention qui est saisi par le procureur de la République, quarante-huit heures après que celui-ci a été informé de la mise en œuvre de mesures de restriction ou de privation de liberté.
Surtout, je déplore qu’il nous soit proposé dans un texte portant sur la piraterie maritime de rendre applicables à l’immigration illégale les dispositions de rétention à bord. Je considère en effet que l’immigration illégale n’est en aucune façon comparable aux actes de piraterie ou au trafic de stupéfiants. Ce mélange des genres n’est pas acceptable.
Il se trouve que le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a récemment annoncé la mise en place d’un dispositif de lutte contre le trafic des migrants par mer qui prévoit notamment la surveillance en Méditerranée et l’interception des navires dans ses eaux. Si je comprends la nécessité de renforcer la coopération internationale pour faire face à cette forme de délinquance, je crains que, ajouté au nouveau dispositif prévu par M. Besson, ce texte sur la répression de la piraterie maritime ne donne désormais une base légale à la possibilité de retenir sur des bâtiments de la marine nationale des immigrants dont les embarcations auraient été interceptées dans le cadre des pouvoirs de police de l’État en mer.
N’est-ce pas là une façon de résoudre, au-delà de nos eaux territoriales, un problème qui s’était posé l’an dernier, lorsque des Kurdes syriens avaient été débarqués par leurs passeurs sur une plage corse ? Immédiatement retenus dans des locaux inadaptés, hors de tout contrôle judiciaire, ils avaient dû être par la suite libérés les uns après les autres sur décision de justice. Plusieurs juges des libertés et de la détention avaient en effet estimé que les victimes de ce trafic pouvaient être autorisées à débarquer et, dans l’attente de leur admission sur le territoire ou de leur rapatriement, devaient être traitées avec dignité et mises en mesure d’être entendues et de faire valoir leurs droits – en l’occurrence, déposer une demande d’asile.
Je redoute donc que ce texte ne légalise indirectement la création sur des bâtiments de la marine nationale de centres de rétention administrative qui seraient soumis à un régime moins protecteur que celui qui existe actuellement.
Pour cet ensemble de raisons, et au-delà de la solution juridique, dont le seul et légitime objet est de protéger des personnes et des intérêts économiques, il est impératif, si l’on veut véritablement éradiquer ce fléau, d’agir aussi à d’autres niveaux.
Dans l’immédiat, c’est notamment dans le cadre de l’Union européenne, en particulier au travers de la politique européenne de sécurité et de défense, que des réponses adéquates peuvent être trouvées. L’opération militaire navale « Atalante », dont nous avons été les initiateurs, est une première étape.
L’engagement militaire de notre pays et l’amélioration de nos moyens juridiques ne sont pourtant qu’un élément de réponse. Il faut surtout trouver une solution politique à la crise dramatique que connaît la Somalie, crise qui a en outre un effet déstabilisateur sur toute la région.
À cette fin, nous devrions, avec nos partenaires européens, accentuer nos efforts pour soutenir l’Union africaine et le gouvernement fédéral somalien de transition.
Ce sont là des questions qui vont bien au-delà du projet de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d’État, et sur lesquelles le groupe CRC-SPG souhaiterait que le Gouvernement prenne des positions encore plus affirmées.
Compte tenu des réserves que j’ai émises sur la possible application de certaines dispositions de ce projet de loi à la lutte contre l’immigration illégale, notre groupe s’abstiendra sur ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui a été déposé au Sénat le 3 septembre 2009. Il est donc grand temps que nous l’examinions, car le besoin qu’il vise à satisfaire est réel et le fléau contre lequel il doit permettre de lutter efficacement l’est plus encore : à la fin du mois d’avril, les pirates qui sévissent au large des eaux somaliennes détenaient en otages 23 navires et 384 marins, dans l’attente de rançons.
Le groupe de l’Union centriste salue donc l’élaboration de ce texte, dont l’adoption répondra à un vrai besoin opérationnel.
Cela a été dit, il s’agit d’abord de doter les forces françaises du cadre juridique qui fait aujourd’hui défaut.
Il s’agit ensuite de reconnaître à nos juridictions une compétence « quasi universelle » pour juger des actes de piraterie commis hors du territoire national, quelle que soit la nationalité du navire ou des victimes d’actes de piraterie.
À ce propos, je me permets de souligner, comme je l’ai déjà fait devant la commission, que l’article 105 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer reconnaît une compétence universelle en matière de répression de la piraterie maritime sans poser aucune condition à l’exercice de cette compétence juridictionnelle.
La convention ayant été signée et ratifiée par la France, elle fait partie de notre ordre juridique. Il aurait donc pu sembler plus conforme aux engagements internationaux de la France de reconnaître une compétence universelle aux juridictions françaises afin de poursuivre et de juger des actes de piraterie. Je serai attentif, monsieur le secrétaire d’État, aux précisions que vous apporterez sur ce point.
Pour la France, la consécration de cette compétence quasi universelle lève largement la difficulté rencontrée pour juger les pirates présumés. Une des solutions envisageables aurait pu consister à créer un tribunal spécial, comme cela a été fait en 2002, par exemple, pour juger les crimes commis en Sierra Leone. Au regard des coûts exorbitants de ces tribunaux, l’option qui a été retenue dans ce projet de loi nous semble toutefois plus opportune. Peut-être faudrait-il d’ailleurs, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, qu’un jour nous nous penchions sur le coût du tribunal pénal international de La Haye, qui, me semble-t-il, s’élève à près de 1 milliard d’euros par an : c’est un véritable problème !
Il s’agit enfin, et c’est également très important, d’établir un régime sui generis pour la rétention à bord des personnes interpellées dans le cadre de l’action de l’État en mer, afin de tenir compte des griefs retenus par la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre de la France en juillet 2008.
En comblant ces trois lacunes, le projet de loi donnera à nos forces les moyens juridiques dont elles ont besoin pour occuper pleinement la place éminente qui est la leur dans l’opération « Atalanta ».
Cette opération, mes chers collègues, est un vrai succès, un vrai succès européen. Nous, centristes, y sommes très sensibles, et nous souhaitons le souligner avec d’autant plus de force que l’Union connaît actuellement des jours difficiles.
« Atalanta » est un succès dont il faut bien prendre la mesure. Qui, il y a seulement quelques années, aurait pensé l’Union capable de projeter ses forces à plus de 5 000 kilomètres de Bruxelles pour sécuriser une zone si stratégique ? Après l’intervention de l’EUFOR au Tchad, l’Union témoigne pour la deuxième fois de sa capacité à intervenir par elle-même, sans autre support, sur des théâtres d’intervention lointains et instables.
Pour la première fois de son histoire, l’Union mène une opération navale d’envergure sans support extérieur. Oui, l’Union de l’Europe occidentale – qui est sur le point de disparaître –, dont je salue au passage les travaux sur la piraterie, avait mené des opérations maritimes, notamment au large de la Yougoslavie ; mais il s’agissait alors de coordonner l’engagement de moyens plus que d’intervenir directement.
Enfin, pour la première fois de son histoire, l’Union européenne mène une véritable opération de police internationale. « Atalanta » remplit pleinement l’objectif inscrit à l’article B du traité sur l’Union européenne d’affirmer l’identité de l’Union sur la scène internationale. Ceux qui, comme nous, réclament une Europe de la défense plus robuste, plus forte, ne doivent pas s’y méprendre : à la fin de cette mission, un pas aura été franchi, tant en termes de capacités militaires qu’en termes de capacités politiques.
Une des missions prioritaires d’« Atalanta » est d’assurer l’accompagnement des bateaux du Programme alimentaire mondial, le PAM, qui acheminent l’aide humanitaire en Somalie. Voilà encore quelques mois, le PAM devait quémander auprès de chacun des États à tour de rôle leur assistance pour escorter ses bateaux ; la France y a d’ailleurs activement pris part. Aujourd’hui, cette mission est remplie par l’opération « Atalanta ». Ce n’est pas un mince succès.
« Atalanta » doit également assurer la sécurité des navires marchands « les plus vulnérables ». Aujourd’hui, cette mission est, elle aussi, bien remplie, et ce de deux manières : grâce à la mise en place d’un double corridor « sécurisé » et grâce, pour les bateaux les plus vulnérables, aux escortes en « convoi ».
Enfin, « Atalanta » doit assurer la dissuasion et l’arrestation des pirates. Sans être prioritaire, cet objectif est devenu aujourd’hui l’une des clefs du succès de l’opération. Or c’est précisément pour remplir cette mission que nos forces rencontrent le plus de difficultés.
C’est là tout le sens et l’intérêt de ce projet de loi, qui apporte des réponses concrètes aux besoins juridiques de nos forces. Nous pensons qu’il permettra de résoudre les difficultés qu’elles rencontrent aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, le groupe de l’Union centriste, unanime, votera en faveur de son adoption.
Toutefois, mes chers collègues, l’opération « Atalanta » ne parviendra pas à éradiquer la piraterie. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont je suis membre, l’a récemment rappelé avec beaucoup de clarté : l’intervention militaire n’apportera pas de solution durable à ce fléau parce que les causes profondes de la piraterie se trouvent essentiellement à terre. Pour les éliminer, il faut d’abord les comprendre, et les regarder en face.
Oui, il faut les regarder en face, car nos actions passées n’y sont pas étrangères. Depuis la destitution du régime Barre, au début des années 1990, la Somalie ne dispose plus d’État central capable d’exercer sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Des milliers de chalutiers européens – mais pas seulement européens – ont profité de cette souveraineté altérée pour se livrer à la pêche au thon massive et lucrative au large des côtes du nord de la Somalie.
À partir de 1991, plus de 1 000 bateaux ont pêché illégalement dans les eaux somaliennes, jusqu’à ce que l’aggravation de la piraterie ne freine ce pillage à partir de 2006.
En 2005, un rapport du groupe d’évaluation des ressources marines, réalisé pour le gouvernement du Royaume-Uni, montrait que l’économie somalienne était amputée, chaque année, d’un montant estimé entre 73 millions d’euros et 230 millions d’euros en raison de la pêche illégale, à laquelle nos bateaux ont participé. Devant ces pratiques, nos autorités de contrôle, nationales et européennes, ont fait preuve d’une négligence coupable.
L’Europe n’est pas seule responsable : les navires en provenance de Taiwan, de Chine, de Corée du Sud, du Yémen et du Kenya ont également participé à cette pêche illégale.
Par ailleurs, les 25 000 navires annuels, qui font transiter dans la zone 20 % du commerce mondial, ont déversé des déchets et des produits toxiques qui ont gravement pollué les eaux somaliennes. Le pillage des ressources halieutiques de la Somalie a privé les pêcheurs de leurs moyens de subsistance.
Comme souvent, c’est cette impasse – inexcusable certes, mais elle existe – qui les a conduits vers la criminalité. Aujourd’hui, on constate que la plupart de ces pirates sont d’anciens pêcheurs, c’est un fait. Et, je crois qu’il est important pour notre pays – le pays des droits de l’homme – que nous puissions avoir le courage de reconnaître cela.
L’extrême pauvreté qui frappe la Somalie est évidemment l’autre cause profonde de la piraterie. Le pays manque des structures de soins et de protection sociale les plus élémentaires. La famine et des sécheresses chroniques condamnent la population à vivre avec moins de deux dollars par jour. Je renvoie à ce que j’ai déjà dit sur les 73 millions à 230 millions d’euros dont la Somalie a été dépouillée, du fait de la pêche illégale.
De plus, 43 % de la population a désespérément besoin d’aide humanitaire. Les taux de malnutrition aiguë dans le sud et le centre de la Somalie sont au-dessus du seuil d’urgence de 15 %, et seulement 29 % de la population du pays a accès à l’eau potable, selon l’UNICEF.
Dans ces conditions d’extrême précarité, certains sont prêts à prendre des risques considérables pour extorquer une rançon qui avoisine ou dépasse souvent le million d’euros.
Enfin, évidemment, la désagrégation de l’État somalien permet, facilite et encourage la piraterie. Avec une large portion du territoire hors de tout contrôle, une économie légale totalement atone, une insécurité permanente, la piraterie offre une source de revenus importante et donc une survie assurée à ceux qui s’y livrent.
Devant ce constat, que faire ? Plusieurs pistes d’évolution future sont connues. Je pense à l’extension géographique de l’opération aux Seychelles, à l’évolution des tactiques, à la prolongation de l’opération et, pour une solution à moyen et long termes, à la formation de l’armée somalienne et à la stabilisation de la Somalie.
Dans le domaine militaire, il faudra atteindre trois objectifs. D’abord, appuyer la mission de l’Union Africaine en Somalie qui soutient militairement le gouvernement transitoire somalien, ce qui n’est pas simple. Ensuite, renforcer la coopération maritime régionale en aidant les États riverains de l’océan Indien à prendre en main la police de la mer. Enfin, soutenir le gouvernement légitime somalien en assistant ses forces de sécurité.
Au-delà, notre engagement contre la piraterie doit nous amener à une réflexion sur notre engagement humanitaire. Déployons la même énergie, les mêmes moyens et la même détermination pour mettre fin à la catastrophe humanitaire somalienne. Concrètement, assistons les agences humanitaires, et tout particulièrement le Programme alimentaire mondial, pour qu’elles puissent revenir en Somalie et remplir leur mission sans mettre en danger la vie de leurs agents. Près de 3, 5 millions de personnes, soit un tiers de la population du pays, en ont besoin pour survivre.
Comme mon collègue Denis Badré l’a dit, lors du débat sur la piraterie maritime organisé le 28 avril dernier par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, « nous avons la démonstration, une fois encore, que l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme constituent la meilleure réponse à l’insécurité ».
Mes chers collègues, notre plein engagement, et celui de la communauté internationale, pour restaurer l’état de droit et mettre fin à la tragédie humanitaire en Somalie est urgent. C’est aussi la seule solution pour éradiquer durablement la piraterie en mer.
Je suis désolé pour mes collègues, car c’est un texte juridique et je l’ai entendu d’un point de vue plus général. Mais je crois que, au sein d’une assemblée parlementaire, il est nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, que nous puissions éclairer à la lumière d’une approche plus vaste le texte juridique que vous nous proposez.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la piraterie maritime constitue un fléau à caractère international. La piraterie « moderne » désigne aujourd’hui un ensemble d’infractions de droit commun commises dans un espace échappant à la juridiction d’un seul État.
Hier dans le détroit de Malacca, aujourd’hui au large de la Somalie, la piraterie a une incidence relative sur l’économie mondiale mais elle constitue une atteinte grave à une liberté fondamentale, celle de circuler sur les mers.
Nos économies sont fondées en grande partie sur la rapidité et la sécurité du commerce maritime, or cette forme de délinquance dévoile la fragilité du transport maritime.
Ces dernières années, la recrudescence des actes de piraterie et des vols à main armée au large des côtes de la Somalie a fait réagir l’Union européenne, qui conduit dans cette zone une opération militaire dénommée « EUNAVFOR Somalie-Opération Atalanta ».
Le Conseil de sécurité des Nations unies a lui aussi répondu à cette situation avec, notamment, une longue série de résolutions, cinq depuis 2008 et une sixième le 27 avril dernier.
Ce sont ces résolutions qui donnent une assise légale et légitime aux opérations militaires dans la région du golfe d’Aden. Ces opérations sont destinées à la protection des navires du Programme alimentaire mondial qui acheminent l’aide alimentaire aux populations déplacées en Somalie, à la protection des navires vulnérables naviguant au large des côtes de la Somalie, ainsi qu’à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie.
De la sorte, à 5 000 kilomètres de Bruxelles, l’Union européenne conduit une opération anti-piraterie dans une zone grande comme la Méditerranée et totalisant un tiers du transit commercial maritime mondial.
L’OTAN et plusieurs États participent aussi aux opérations dans la zone : les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Japon, l’Arabie Saoudite, l’Indonésie, la Malaisie et l’Iran. Le Japon est en train de monter une base navale à Djibouti.
Autour de l’opération Atalante s’est développé un cadre juridique permettant d’agir d’un bout à l’autre de la chaîne de la lutte contre la piraterie. Les militaires européens sont mandatés pour prévenir, dissuader, arrêter, détenir et transférer des pirates.
Les accords signés avec le Kenya et avec les Seychelles autorisent le transfert et le jugement des pirates appréhendés. Mais attention ! la capacité de ces pays à « absorber » un flux trop important de pirates présumés a une limite. Or, récemment, la presse nous a appris que le Kenya souhaitait ne pas donner suite à ces accords. Où en sont, monsieur le secrétaire d’État, les relations avec ce pays ?
Nous savons que pour être efficaces un jour, ces pays partenaires doivent recevoir rapidement des aides de la Commission européenne pour le renforcement de leurs capacités judiciaires et pénitentiaires.
Je soutiens aussi que les opérations de police, les opérations militaires doivent impérieusement s’inscrire dans un cadre plus vaste.
C’est-à-dire qu’il nous faut, aussi bien sur le plan national qu’à l’échelle européenne, engager une approche globale qui allie la gestion de crise à une stratégie intelligente de développement social et économique régional. Une approche globale qui soit notamment ciblée sur la reconstruction des appareils d’État, l’amélioration de la gouvernance, l’aide aux populations civiles, la reconstruction des économies et la sécurité alimentaire.
Sans prospérité pour les populations locales, il n’y aura pas de victoire durable contre la piraterie.
Je vais citer les propos de Laurent Mérer, ancien officier général de la marine nationale, qui a exercé jusqu’à 2005 des commandements importants : zone maritime de l’océan Indien – puisqu’il était ALINDIEN, comme l’on dit – et zone maritime Atlantique. C’est un très bon connaisseur du dossier « piraterie maritime » et il nous dit « qu’il y a toujours un problème de pauvreté, ou plutôt de décalage entre la richesse qui passe par la mer, à portée de main, et leur propre condition ».
Il énumère ensuite les causes et le contexte de la piraterie au large de la Somalie : « Le pillage des zones de pêches est certainement le facteur déclenchant, c’est le début de l’engrenage, mais il y a tout un contexte. Ce pillage est la conséquence de l’absence de surveillance et de répression liée à la décomposition de l’État somalien, incapable d’assurer la police et de faire respecter le droit. On parle aussi de la vente illégale de licences de pêche à des étrangers par certaines autorités issues de la désintégration du pays. En tout état de cause, le problème, c’est la situation en Somalie, la guerre civile, l’éclatement des structures, la rivalité des clans. […] On peut aussi évoquer d’autres phénomènes, […] le tsunami de décembre 2004 a largement touché les côtes somaliennes, détruit les villages de pêcheurs et leur matériel de pêche. […] à la suite de l’énorme vague qui a bouleversé les fonds, des quantités de déchets toxiques déversés illégalement depuis des années le long des côtes par des industriels peu scrupuleux se sont échouées sur les rivages, occasionnant des dégâts considérables sur les populations, avec des dizaines de morts. L’accélération du phénomène de la piraterie est tout juste postérieure à ces événements. »
Il est évident que c’est une approche politique, stratégique, reliant l’économie et la justice sociale à l’aspect répressif qui doit être concrétisée et privilégiée.
Parce que dans la lutte contre la piraterie dans la Corne de l’Afrique, la Somalie revêt une place singulière, l’Union européenne a marqué sa volonté d’apporter un soutien accru à la stabilisation de la région. Cela a conduit les 27 États membres de l’Union européenne à lancer l’opération « EUTM Somalie », qui est une opération de formation des forces de sécurité somaliennes ; plus tard pourrait être envisagée une mission de formation de gardes-côtes.
Cette mission de formation des forces somaliennes se déroule en Ouganda et a commencé au début du mois de mai 2010.
À ce stade de mon intervention, je saisis l’occasion qui m’est donnée par ce débat pour interroger le Gouvernement, d’une part, sur l’apport français à la stratégie globale européenne de lutte contre la piraterie maritime et en soutien à la Somalie et, d’autre part, sur les moyens financiers engagés par notre pays. En un mot, quelle est la part du fardeau assumée par la France ?
II est souhaitable que la lutte internationale contre la piraterie, notamment en haute mer, soit mieux coordonnée, compte tenu de la gravité et de la mondialisation croissante du problème. D’autres zones d’insécurité se sont ajoutées ces dernières années et il est à craindre que la liste ne soit pas close.
Intervenir pour capturer les pirates est une opération délicate et complexe, les marins français, malheureusement, sont bien placés pour le savoir. Cela exige une haute technicité, du professionnalisme et un cadre légal précis et respecté.
Or, il faut reconnaître que les États ne sont pas seuls dans cette affaire. Il y a maintenant un marché de la « sécurité maritime » qui se développe au même rythme que croît l’insécurité maritime. Ainsi, des entreprises de transport, des armateurs, font appel à des conseillers ou à des opérateurs privés de sécurité.
Des sociétés privées, qui ont pignon sur rue, offrent leurs services de protection de navires « soit par escorte soit par équipe de sécurité embarquée pour la traversée des eaux à fort risque ».
Il s’agit bien entendu de forces armées privées agissant sous contrat. Ces prestations peuvent déboucher sur des affrontements. Quel est le cadre légal de leurs opérations ? Comment peut-on garantir que ces sociétés opèrent dans un cadre légal ? Comment certifier que l’ensemble de leurs prestations sont réalisées dans le respect du droit international ? Quel type de relation opérationnelle peuvent-elles avoir dans une zone donnée, le golfe d’Aden par exemple, avec les forces armées des États engagées dans la lutte contre la piraterie maritime ? Est-il revenu le temps de l’utilisation de corsaires pour faire face aux pirates ? Ce n’est pas de la science-fiction, car cela existe bel et bien aujourd’hui.
Ma question est très simple : que propose, que fait le Gouvernement face au développement de cette réalité ? L’Union européenne compte-t-elle accorder une place à ces sociétés militaires privées dans le domaine de la sécurité maritime ?
Ce projet de loi aborde un aspect crucial de la lutte contre la piraterie : quid des pirates arrêtés ?
Le texte qui nous est soumis prévoit que les juridictions françaises ne sont compétentes qu’à défaut d’entente avec les autorités d’un autre État pour l’exercice, par celui-ci, de sa compétence juridictionnelle.
J’ai déjà parlé des accords conclus à cet effet par l’Union européenne avec des pays de la région. Ainsi, un accord signé, en mars 2009, avec le Kenya permet de juger dans ce pays les individus soupçonnés d’actes de piraterie et appréhendés par les bâtiments de guerre européens dans le cadre de l’opération « Atalanta ». Un autre accord signé avec les Seychelles, en octobre 2009, permet également de remettre les pirates présumés aux autorités de ce pays. Ces accords sont-ils toujours en vigueur ?
Des négociations sont en cours, en vue de la signature d’accords similaires avec d’autres pays de la région. Je voudrais savoir quels sont les nouveaux pays concernés ?
J’ai déposé, avec mon groupe, un amendement destiné à apporter des garanties à ce processus. Il me semble très dangereux d’envisager de remettre les pirates capturés aux autorités des États dans lesquels les garanties élémentaires ne sont pas assurées.
Le Gouvernement peut-il, sur ce point, s’engager officiellement à faire en sorte que toutes les précautions soient prises et que, par exemple, aucun détenu ne soit livré à un pays où est encore appliquée, notamment, la peine capitale ?
En ce qui concerne la législation française, mon collègue Michel Boutant avait signalé, dès juillet 2009, l’existence d’une lacune juridique. Notre pays disposait d’une loi de 1825 sur la piraterie, cependant cette loi a été abrogée en 2007, juste avant les graves affaires de piraterie qui ont eu lieu en 2008.
La répression de la piraterie en haute mer, à la différence, par exemple, du trafic de stupéfiants, est bien autorisée par la convention sur le droit de la mer de Montego Bay, mais il fallait adapter notre droit.
Un arrêt de 2008 de la Cour européenne des droits de l’homme, l’arrêt Medvedyev, avait mis en évidence les fragilités du droit français, concernant en particulier l’encadrement de la rétention à bord des navires de guerre des pirates capturés et l’intervention de l’autorité judiciaire.
Je suis d’accord sur la nécessité de prévoir un cadre juridique relatif à la répression de la piraterie, conformément à la convention de Montego Bay.
La nécessité d’adapter la législation française ne fait donc pas de doute. En revanche, les circonstances politiques et la méthode me laissent songeur.
Au moment même où le Gouvernement, faisant fi de toutes les réticences exprimées, s’apprête à bouleverser la justice et, plus précisément, la procédure pénale avec un très controversé projet de réforme – réforme : voilà un joli mot galvaudé, détourné, corrompu par un usage intempestif ! –, vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État, un projet de loi qui risque d’être bientôt dépassé.
Plus grave, les projets de réforme de la procédure pénale aggraveront sans doute encore la situation déjà dénoncée par la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne le statut du parquet.
Il ne faut pas cacher la réalité : la nécessité d’adapter notre législation afin d’encadrer le régime de la rétention à bord des navires est devenue impérieuse à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’arrêt précité.
La Cour considère en effet que le parquet « à la française » n’offre pas les nécessaires garanties d’indépendance par rapport à l’exécutif. Dès lors, comment ne pas penser aux conséquences de la future réforme de la procédure pénale que vous proposez ?
Pourtant, il faudrait bien définir des principes pour que la base légale des interventions de l’autorité judiciaire à venir ne souffre pas de contestation et éviter ainsi que la CEDH ne juge « irrégulières » des privations de liberté qui seraient la conséquence de l’arraisonnement d’un navire pirate. Les interventions de nos marins ont besoin de sécurité juridique !
La question du délai maximal de rétention à bord doit être traitée – tel est l’objet de notre amendement n° 1 rectifié bis –, mais, au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ce délai ne devrait pas s’allonger.
On vote aujourd’hui, sachant qu’il faudra légiférer de nouveau demain ? Cela me rappelle que quelqu’un nous a dit récemment qu’il fallait « dé-légiférer » ! Nous sommes en plein dedans !
À la vérité, tout un chacun est en mesure de voir dans quelle confusion permanente le Gouvernement place le Parlement !
C’est ainsi que nous venons d’apprendre que tant l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure que la refonte de la procédure pénale étaient reportés aux calendes grecques, …
… ce qui n’est pas forcément un bon signe en ce moment !
En réalité, tout le monde l’a compris, ce sont les instituts de sondage qui gouvernent et légifèrent dans le pays !
M. Didier Boulaud. À l’évidence, notre pays est mené à la godille ! Les Français n’en sont heureusement pas dupes en ce glorieux troisième anniversaire présidentiel ! Vous en conviendrez, mes chers collègues, il est plus que temps de changer de capitaine !
Sourires sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
M. Hubert Falco, secrétaire d'État. C’est un discours de politique générale !
Sourires
Pour autant, ce projet de loi, dont la rédaction a été bien améliorée grâce au travail de la commission, constitue un premier pas positif, qui est hélas ! limité par la volonté du Gouvernement.
En effet, la refondation de la procédure pénale qui nous sera proposée aboutirait – même si, je le répète, la confusion est totale sur le sujet ! – à confier l’ensemble des enquêtes pénales aux magistrats du parquet, en supprimant le juge d’instruction au profit donc d’un parquet tout puissant. Le Gouvernement exprime ainsi sa défiance envers une justice indépendante.
Mais non ! Simplement, vous n’aimez pas que j’aborde des sujets qui ne vous intéressent pas !
Je vous écoute, et je dis que ce n’est pas dans le texte !
Je suis désolé, mais cet aspect des choses en fait partie !
Au reste, l’avenir nous dira les conséquences des décisions que vous prenez en ce moment !
Il s’agirait non pas d’une « réforme », mais bien d’une reprise en main de la justice par le pouvoir exécutif.
Dans ce contexte, le groupe socialiste ne votera pas ce texte, contrairement à ce que vous espériez, monsieur le secrétaire d'État ! Vous devrez vous contenter de notre abstention, malgré tout bienveillante !
Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
regain d’activité.
Si le quadrillage des mers par leselle s’est depuis progressivement réinstallée ailleurs.
Aujourd’hui, la situation est particulièrementSomalie.
Totalisant plus de la moitié du nombre des actes depêche.
Pour faire face à la gravité des actes commis – je rappelle que huit marins ont été tués en 2009 – et à leur recrudescence, force est de reconnaître que lacommunauté internationale est très mobilisée.
Les Nations unies ont adopté un certainreprises, afin de traiter le cas spécifique de la Somalie.
Sur la base de ces résolutions, l’opération navaleobserver de très près cette initiative européenne.
Au-delàsécurité et de défense commune, la PSDC.
Cependant, cette action militaire, bien entendus’intéresse pas aux causes du phénomène.
La pauvreté et l’instabilitépour que ce fléau hélas ! perdure.
La communautéde la guerre civile qui éprouve durement les Somaliens.
Parallèlement à ces volets militaire et politique, lajuridique spécifique. Tel est l’objet du texte qui nous est aujourd’hui présenté, ce dont nous nous félicitons.
Ce projet de loi vise, en effet, à améliorer et à compléter le cadre juridique français, qui souffre denavigation et du commerce maritime.
Afin de lutter plus efficacement contre la piraterieappréhendées dans le cadre de l’action en mer, les articles 2 et 6 du projet de loi prévoient un certain nombre de dispositions assez consensuelles, me semble-t-il.
La définition des infractions pénaleset l’instauration de mesures de contrôle et de coercition permettront sans doute à notre pays de mieux réprimer les actes de piraterie, et ce dans le respect de la convention de Montego Bay.
La commission a toutefois laissé de côté l’article 105 b de ladite convention, qui permet aux juridictions des pays signataires d’avoir une compétence universelle.
Je souscris, sur ce point, à la sagesse de mes collègues, dans l’attente notamment de la décision de la Cour internationale de justice sur l’affaire qui oppose le Congo à la France.
La mise en place d’un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre de l’action de l’État en mer est, bien sûr, une bonne chose, puisqu’il s’agit, pour notre pays, de tirer les conséquences de l’arrêt Medvedyev du 10 juillet 2008, dans lequel il est reproché à la France de ne pas avoir créé un cadre légal suffisant pour organiser les conditions de privation de liberté.
Cicéron, qui expliquait dans son traité De officiis – Des devoirs – que l’on n’était pas tenu de respecter certains devoirs à l’égard des pirates, « ennemis de tous » disait-il, système actuel.
Heureusement, nous n’en sommes plusde mesures restrictives ou privatives de liberté.
Lede rétention à bord, reste, à mon sens, encore ouverte.
Laétrangers en situation irrégulière.
Dès lors, pourquoi ne passecours ?
Il me semble souhaitable de réfléchir à cette question et de trouver des réponses, car, au détourd’un éventuel litige, celle-ci risque de nouveau de se poser à nous.
Mes chers collègues, nous nous accordons tous à reconnaître que la piraterie est un véritablesur ce sujet.
C’est pourquoi l’ensemble des membres du RDSE
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le contenu du projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer, qui a été présenté par notre excellent rapporteur, André Dulait.
Non seulement notre collègue a procédé à un examen fouillé du texte, mais il s’est acquitté de travaux pratiques à bord d’une frégate de la marine nationale patrouillant dans le golfe d’Aden.
Par ailleurs, je tiens à saluer l’esprit consensuel qui a présidé aux travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur ce sujet, ainsi que l’attitude constructive de nos collègues de l’opposition.
Nous en sommes tous convaincus, la piraterie maritime est un fléau qui doit être sévèrement réprimé, et ce d’autant plus que le phénomène, en pleine résurgence, se déplace à travers notre vaste monde.
En ce qui concerne les actes de piraterie, les chiffres communiqués par le Bureau maritime international n’ont cessé d’augmenter au cours de ces dernières années.
Pour saisir la gravité du phénomène, il nous faut garder à l’esprit que 90 % du transport mondial de marchandises se fait par voie maritime. Dès lors, vous comprendrez les inquiétudes d’un élu d’une région qui abrite le port de Nantes Saint-Nazaire, pour ne citer que celui-ci, un port dont le trafic, qui a dépassé, en 2009, 29 millions de tonnes, traverse pour une grande partie les zones les plus dangereuses de la planète.
Permettez-moi tout d’abord de rappeler brièvement les principales modifications introduites par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Notre commission a, en effet, adopté vingt amendements portant sur le texte du Gouvernement : dix-huit présentés par le rapporteur et deux déposés par moi-même.
Tout d’abord, sur proposition de M. le rapporteur, la commission a souhaité mettre davantage en valeur les dispositions relatives à la lutte contre la piraterie, en les insérant en tête de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer et en modifiant l’intitulé de cette loi.
En s’inspirant des mesures prévues en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et l’immigration illégale, une disposition a été adoptée permettant aux commandants des navires ou aux officiers de la marine nationale de procéder à la saisie des documents ou objets liés à des actes de piraterie sans autorisation du procureur de la République en cas d’extrême urgence.
Par ailleurs, je me réjouis que la commission ait accepté, sur ma proposition, d’introduire la possibilité de procéder à la destruction des embarcations ayant été utilisées par les pirates.
J’ai appris que la marine nationale avait tout récemment procédé à la destruction d’un « bateau-mère » dans l’océan Indien
M. le rapporteur le confirme
En revanche, notre commission a rejeté l’idée de retenir une compétence universelle des juridictions françaises pour juger des actes de piraterie, au regard notamment des précédents belge et espagnol et afin de privilégier un traitement judiciaire régional.
Elle a également écarté la proposition de subordonner la remise des suspects à un autre État à des garanties en matière de procès équitable et de non-application de la peine capitale, l’inscription de ces garanties n’étant pas utile puisqu’elles figurent déjà dans les accords conclus entre l’Union européenne et les pays concernés.
Le régime proposé pour la rétention des suspects à bord des navires présente l’avantage de concilier les fortes contraintes opérationnelles de l’action en mer et le nécessaire respect des libertés individuelles. Surtout, il répond aux griefs de la Cour européenne des droits de l’homme.
Quant au procureur de la République, je me félicite des conditions dans lesquelles celui-ci devra être désormais informé des mesures de restriction ou de privation de liberté. C’est la garantie d’une application uniforme de ce régime, quelles que soient la nature de l’opération et l’autorité dont elle relève.
Afin de prendre en compte les situations dans lesquelles ces personnes seraient transférées par voie aérienne plutôt que par voie maritime, ce régime est applicable à bord des aéronefs.
Dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l’objet de mesures de coercition seront mises à la disposition de la justice.
En revanche, nous n’avons pas repris la proposition qui consistait à prévoir une durée maximale de trente-deux jours pour la rétention à bord, estimant que l’inscription d’un tel délai pourrait soulever des difficultés d’ordre pratique et que l’autorisation du juge des libertés et de la détention pour prolonger la rétention à bord était de nature à offrir toutes les garanties nécessaires concernant la durée de la mesure.
Mes chers collègues, au nom du groupe UMP, je me réjouis des améliorations apportées au projet de loi, dont l’objectif est de renforcer l’efficacité de la lutte contre la piraterie dans le plus grand respect des principes du droit international et européen.
Le 27 avril dernier, sur l’initiative de la Russie, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une nouvelle résolution appelant tous les États à ériger, dans leur droit interne, la piraterie en infraction pénale et à poursuivre les personnes soupçonnées de piraterie.
Ayant depuis longtemps joué un rôle majeur au niveau international, la France, en adoptant ce projet de loi, fait montre d’exemplarité.
Je profiterai de ma présence à la tribune pour saluer le succès de l’opération « Atalanta ». Cette réussite est d’autant plus symbolique qu’il s’agit de la première opération navale de l’Union européenne ! Face à l’euroscepticisme ambiant rappelé à cette tribune, il me paraît important de le mentionner.
Cette opération, lancée en 2008 à l’initiative du ministre de la défense, M. Hervé Morin, et de son homologue espagnole, Mme Carme Chacon Piqueras, est un acte fondateur dans l’histoire de la politique de sécurité et de défense commune.
Ce matin, il nous est proposé d’adapter notre législation afin de faire face aux défis de la piraterie maritime internationale, défis que nous ne pourrons relever sans un cadre européen.
Je m’inquiète toutefois de la décision prise récemment par le Kenya de mettre un terme à l’accord avec l’Union européenne qui permettait le transfert à ce pays des pirates capturés.
Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer où en sont les négociations avec les autres pays de la région ?
Je profite également de l’occasion pour saluer de cette tribune tous les militaires et tous les marins français qui participent à la lutte contre la piraterie, et pour les assurer de notre soutien. À des milliers de kilomètres, ils font preuve de professionnalisme, de détermination et de courage au service de la France et de l’Europe. Je tiens ici à leur rendre hommage.
Avant d’achever mon propos, et de façon plus personnelle, je souhaite attirer l’attention de la Haute Assemblée sur un point particulier.
Il est primordial que nos concitoyens prennent conscience que le monde dans lequel nous vivons est malheureusement de plus en plus instable, de plus en plus violent, et voit apparaître des menaces nouvelles que sont le terrorisme et la piraterie.
Bien sûr, il est du devoir des élus et des gouvernements de mettre en place moyens et dispositifs pour assurer la sécurité de leurs concitoyens.
Si la mondialisation nous permet une plus grande liberté et une facilité de déplacement, nous devons amener chacun à faire preuve de bon sens et de responsabilité face aux nouveaux dangers.
Après tout, au fil des siècles, aucun marin, aucun navigateur n’a pris la mer sans boussole, ni carte, et sans évaluer les risques !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ces dernières années ont vu l’essor d’un nouveau fléau : nous assistons en effet à l’augmentation des actes de piraterie. C’est un nouveau défi auquel la Communauté européenne et notre pays en particulier doivent faire face. C’est aussi tout l’enjeu du projet de loi qui nous occupe aujourd’hui.
Il devenait urgent de mettre en place un cadre juridique relatif à la répression de la piraterie en s’appuyant sur la convention de Montego Bay, d’une part, et en reprenant les dispositions de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer, d’autre part.
Grâce à ce texte, la France disposera d’un cadre légal pour intervenir, appréhender et détenir éventuellement les pirates. Surtout, la France ne pourra plus faire l’objet d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme, comme ce fut le cas en 2008 avec l’arrêt Medvedyev.
À mon sens, l’adoption de ce texte correspond également à l’envoi d’un double message.
Le premier s’adresse à nos partenaires européens, qui pourront ainsi constater l’attachement de la France au respect des institutions et du droit européens. L’adoption de ce texte démontre la volonté française de s’y conformer totalement.
Le second message s’adresse aux pirates eux-mêmes. Si l’arrêt, justifié, de la Cour européenne des droits de l’homme a pu être interprété comme un laissez-passer, alors l’adoption de ce projet de loi par la France peut apparaître comme un sévère avertissement.
Les pirates laissent planer une menace sur les 25 000 navires qui croisent chaque année au large des côtes somaliennes. Ces actes de kidnapping sont d’autant plus odieux qu’aucune distinction n’est faite entre les bateaux de plaisance, les navires commerciaux ou les navires du programme alimentaire mondial à destination des populations démunies pour qui ces cargos sont, bien évidemment, vitaux.
À cette menace s’ajoutent l’angoisse d’une demande de rançon et l’incertitude sur l’avenir des cargaisons, dont la valeur marchande atteint souvent plusieurs millions d’euros.
Les conséquences de ce pic de dangerosité se traduisent par une très forte augmentation des assurances pour les armateurs, qui n’ont pas toujours d’autres choix que de transiter par le golfe d’Aden ou l’océan Indien.
Nous nous souvenons tous du Sirius Star : la cargaison était estimée à 100 millions de dollars et les demandes de rançon s’élevaient 25 millions d’euros !
Bien qu’il demeure difficile de dresser un profil type des pirates et de leur appartenance à certains réseaux ou groupes mal identifiés, il apparaît clairement que le trafic maritime représente pour ces individus une manne financière illimitée. J’irai même plus loin, c’est là un fonds d’investissement qui leur permet d’acquérir de véritables arsenaux militaires, lesquels font désormais partie intégrante de la parfaite panoplie du pirate du XXIe siècle.
D’ailleurs, lorsque l’on observe l’état de leurs embarcations – les « bateaux-mères » – s’élançant à l’assaut de supertankers, on ne peut que constater que leur témérité n’est pas si éloignée de celles des flibustiers ou des boucaniers des siècles passés !
Sur ce sujet, je me réjouis de l’adoption de l’amendement de mon excellent collègue André Trillard permettant aux autorités de saisir et de détruire les embarcations.
L’adoption de ce projet est primordiale pour notre pays. Comme certains d’entre vous l’ont rappelé, la France est un acteur majeur, au sein de la Communauté européenne, dans la lutte contre la piraterie maritime. Nous avons la lourde responsabilité d’élaborer un cadre juridique le plus précis possible qui lui permettra d’accomplir cette mission.
Par ailleurs, si l’on prend en compte le fait que les océans couvrent plus de 70 % de la surface de la planète et que 90 % du transport de marchandises passe par les voies maritimes, nous aurons un rapide aperçu du chemin qu’il reste à parcourir aux États pour assurer la sécurité totale des navires.
À terme, nous pouvons craindre la mise en place « d’opérations de maintien de la sécurité maritime », menées par les acteurs de la PSDC et les alliés.
Enfin, je souhaiterais également attirer votre attention sur le détournement des cargaisons et les catastrophes écologiques, humanitaires et économiques qui peuvent en résulter.
Certes, les pirates n’ont aucun avantage à détériorer les cargaisons, bien au contraire, mais les risques d’accidents demeurent. C’est en particulier le cas lors d’attaques de supertankers – le Sirius Star transportait 2 millions de barils de pétrole – ou de bateaux-citernes, qu’ils contiennent des produits chimiques ou du gaz.
Ces détournements de supertankers, qui transportent des matières énergétiques en des temps où celles-ci tendent à se raréfier et où leur prix s’envole, nous poussent à nous interroger sur les « transports de marchandises stratégiques ». Les conséquences sur les marchés des matières premières sont loin d’être négligeables. Le problème de l’assurance a d’ailleurs été évoqué.
Bien sûr, ces enjeux ne sauraient tous être traités dans le projet de loi qui nous occupe ce matin. Toutefois, ce texte permettra à la France de réprimer les actes de piraterie et de juger désormais légalement leurs auteurs, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour un temps illimité à condition qu’il ne dépasse pas 13 heures…
Sourires
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui a pour vocation de créer une qualification juridique spécifique pour les actes de piraterie maritime et de donner un cadre légal aux mesures de rétention à bord des bâtiments français décidées dans le cadre de l’action de police de l’État en mer.
Rappelons que l’objectif est de se conformer au droit européen. Le Gouvernement nous soumet en effet ce texte quelques jours à peine après que la Cour européenne des droits de l’homme a rendu l’arrêt Medvedyev.
Aussi ancienne que la navigation elle-même, la piraterie maritime, qui semblait pourtant avoir quasiment disparu à la fin du xixe siècle, est aujourd’hui en forte recrudescence. Les pirates sont souvent confondus, à tort, avec les corsaires des imagiers populaires, ces corsaires qui attaquaient, au sabre et au canon, les navires de commerce en mer des Caraïbes. Les temps ont bien changé. De nos jours, l’épée a été abandonnée pour le fusil-mitrailleur et le voilier pour le canot à moteur hors-bord.
Les victimes, elles aussi, ne sont plus les mêmes. Les cargos modernes sont bien trop imposants pour ces petites unités, qui ne disposent pas de l’équipement nécessaire à l’abordage de ces bâtiments. Les pirates délaissent ainsi les marchandises pour s’attaquer aux personnes. La rançon est devenue la règle d’or de la piraterie.
Nous avons tous encore en mémoire l’attaque du voilier français le Ponant. Au mois d’avril 2008, ce trois-mâts de luxe, revenant d’une croisière aux Seychelles, a été pris d’assaut par une douzaine de pirates somaliens. Cet épisode s’est heureusement déroulé sans dommage pour les trente membres d’équipage et les passagers détenus à bord.
Dorénavant, les pirates prennent en otage et rançonnent. Ils s’attaquent prioritairement aux ressortissants de pays étrangers censés pouvoir payer une somme importante en échange de leur liberté.
Outre les dommages causés aux victimes, la piraterie a un coût non négligeable non seulement pour les armateurs, mais aussi pour les États. Se déroulant dans les eaux internationales, les missions de sauvetage nécessitent à l’évidence une logistique onéreuse. L’exemple du Ponant est assez éclairant à cet égard, puisque l’opération a mobilisé une frégate, un porte-hélicoptères, un C-160 Transall, un avion de reconnaissance et trois hélicoptères ! En outre, les commandos navals ont été requis pour délivrer l’équipage et appréhender les pirates au large des côtes somaliennes.
La piraterie ne cesse de croître. Elle touche principalement, mais non exclusivement, trois régions du monde bien identifiées : le détroit de Malacca, le golfe de Guinée et le golfe d’Aden, véritables lieux de prédilection des pirates. Ce mouvement semble s’accélérer, puisque le Bureau maritime international a constaté une augmentation des attaques de 160 % entre 2008 et 2009.
Mais je vois que je risque de dépasser le temps qui m’a été imparti. Pour ne pas encourir l’ire de notre président de séance, vous me permettrez, mes chers collègues, de raccourcir quelque peu mon intervention, la plupart des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune ayant d’ailleurs rappelé l’essentiel.
Notre groupe, comme l’a indiqué mon collègue Yvon Collin, votera ce texte. Toutefois, il soutiendra l’amendement déposé par le groupe socialiste visant à prévoir une durée maximale de trente-deux jours pour la rétention à bord des personnes appréhendées dans le cadre de la répression de la piraterie.
Je vous remercie de votre concision, mon cher collègue.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.