Intervention de François Pillet

Réunion du 13 octobre 2015 à 22h15
Protection de l'enfant — Article 22, amendement 50

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur pour avis :

Madame la secrétaire d'État, j’ai beaucoup apprécié la modération de vos propos au sujet de l’amendement n° 50, dans le texte duquel je ne reconnais pas forcément votre plume…

Nous avions supprimé cet article en première lecture, comme le Gouvernement nous y avait d'ailleurs lui-même invités.

Tenant compte des travaux des députés, nous acceptons de traiter la question de l’inceste dans ce texte. J’avais d’ailleurs indiqué, lors de la première lecture, que nous n’y étions pas du tout opposés, mais que nous voulions que la réflexion soit approfondie, pour éviter une deuxième censure du Conseil constitutionnel.

Notre souci aujourd’hui est donc double : établir une définition pénale de l’inceste qui corresponde à la représentation qu’en a la société ; être suffisamment précis pour éviter une nouvelle censure, la première ayant été particulièrement forte et nette.

Les I et IV de l’amendement du Gouvernement visent à poser l’exigence, pour reconnaître l’inceste, que les membres de la famille disposent d’une autorité de droit ou de fait sur la victime.

Compte tenu de cette rédaction, il serait impossible de qualifier d’inceste l’agression sexuelle commise par un frère sur sa sœur plus âgée que lui, dans la mesure où cette différence d’âge équivaudrait à une absence d’autorité de droit ou de fait. Pourtant, un tel crime apparaît bien présenter un caractère incestueux, et il est important, fondamental même, notamment aux yeux des associations, que le périmètre de l’inceste pénal corresponde aux représentations de la société.

Les II et IV de l’amendement visent à ajouter le tuteur d’un enfant ou la personne disposant à son égard d’une délégation d’autorité parentale dans la liste des personnes susceptibles de commettre un inceste. Cela permettrait de qualifier d’inceste une agression sexuelle alors qu’il n’existe entre l’enfant et l’auteur de l’infraction aucun lien familial ou d’alliance.

J’ajoute que cette mention pourrait poser des difficultés insurmontables dans le cas, par exemple, où le mineur aurait été confié avec délégation d’autorité parentale à l’ASE et serait abusé par un travailleur social employé par ce service. Cette agression sexuelle serait alors qualifiée d’incestueuse, alors que nous sommes tout de même loin de l’idée que l’on se fait de l’inceste. Il ne faut pas faire perdre tout sens à la notion.

Enfin, en retenant les anciens conjoints, concubins ou partenaires de PACS parmi les personnes susceptibles de commettre un inceste, le présent amendement rendrait possible la condamnation d’une personne pour inceste contre l’enfant d’un ancien compagnon ou d’une ancienne compagne né après leur séparation.

En conclusion, il faut toujours éviter, en droit pénal, que la représentation que la victime se fait d’une infraction ne soit pas de nature à caractériser une infraction pénale.

Telles sont, exposées à grands traits, les raisons pour lesquelles je m’oppose à cet amendement du Gouvernement. S’il était adopté, il rendrait le texte conforme à celui de l’Assemblée nationale – nous ne pourrions donc pas y revenir – et poserait, selon moi, un problème de légalité constitutionnelle de cette qualification pénale. Il serait tout de même très désagréable d’essuyer un deuxième avis défavorable du Conseil constitutionnel.

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