Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 20 octobre 2015 à 14h30
Agressions sexuelles sur mineur — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur le président, monsieur le président la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est pas utile de revenir sur les événements tragiques que vous avez rappelés, madame Troendlé, et qui nous ont conduits à prendre des dispositions visant à encadrer la transmission des informations détenues par l’autorité judiciaire à destination de l’éducation nationale et, plus généralement, de toute administration employant des personnes en contact habituel avec des mineurs.

Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, le Gouvernement a réagi très vite. Cependant, vous avez parlé de précipitation à propos des dispositions introduites dans la loi du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne ; permettez-moi de vous dire que c’est de diligence qu’a fait preuve le Gouvernement.

Dès le lendemain des faits qui se sont produits, la ministre de l’éducation nationale et moi-même avons diligenté une inspection conjointe de l’inspection générale des services judiciaires et de l’inspection générale de l’éducation nationale et l’avons chargée d’examiner aussi précisément que possible les conditions dans lesquelles s’effectuent ces transmissions et de formuler des préconisations pour en améliorer la fluidité.

À peine quelques jours plus tard, nous avons réuni les procureurs généraux et les recteurs, afin d’appeler leur vigilance sur les conditions dans lesquelles les informations sont transmises sous la responsabilité des premiers et sur les conditions dans lesquelles ces informations sont traitées sous l’autorité des seconds par l’administration de l’éducation nationale.

Nous avons également mis en place un groupe de travail chargé, sous l’autorité de la direction des affaires criminelles et des grâces, de faire des propositions visant à organiser le traitement des informations recueillies par les administrations.

Nous avons aussi chargé cette direction de l’élaboration d’un guide méthodologique destiné non seulement à l’autorité judiciaire, mais également à l’éducation nationale et, plus largement, à toutes les administrations qui pourraient être amenées à prendre soit des mesures conservatoires, soit des mesures définitives à l’encontre des agents qu’elles emploient.

Au-delà de cette vigilance à l’égard des personnes, nous avons cherché à améliorer l’assistance technique et logistique à destination des magistrats et des greffiers en introduisant des alertes informatiques dans le dispositif Cassiopée, outil de gestion des dossiers en matière pénale.

Nous avons également travaillé avec le ministère de l’intérieur de façon à permettre aux enquêteurs, grâce à des alertes informatiques, d’identifier très rapidement, dès leur interrogatoire au cours de leur garde à vue, les personnes ayant un contact habituel avec des mineurs sur le plan professionnel.

Dès le 6 septembre dernier, la ministre de l’éducation nationale et moi-même avons adressé aux parquets généraux et aux rectorats une circulaire commune destinée à rappeler les conditions de diffusion de l’information à droit constant et à leur transmettre la liste des référents « éducation nationale » pour ce qui concerne les parquets ainsi que la liste des référents « justice » à l’égard des rectorats.

Vous l’avez rappelé, madame Troendlé, plusieurs circulaires ont été diffusées – en 1997, en 2001 et en 2015 – faisant obligation aux parquets de transmettre les informations dont ils disposeraient à la fois à l’éducation nationale et à toute administration publique.

Dans la mesure où cette transmission d’informations se heurte à certains principes inscrits dans le code de procédure pénale, à savoir le secret de l’instruction, le secret du délibéré et la présomption d’innocence, nos investigations approfondies ont montré que c’est seulement par la loi que nous pouvons en définir le cadre juridique. D’autant que le Gouvernement souhaite que cette transmission d’informations soit la plus pertinente possible.

Monsieur le rapporteur, vous parliez fort justement d’une « ligne de crête particulièrement étroite » entre la nécessité d’informer afin que des mesures conservatoires soient prises – avant condamnation, le cas échéant – et le respect de la présomption d’innocence, principe majeur de notre droit.

Nous avions trouvé ce chemin de crête grâce à un travail extrêmement intense avec les députés, vous avez eu l’élégance de le rappeler, monsieur le rapporteur. Nous avions souhaité agir vite, mais non dans la précipitation, s’agissant d’i, texte très élaboré. Le Gouvernement ne fait preuve d’aucune défiance à l’égard des parlementaires : après trois ans passés aux responsabilités, nous avons démontré en de multiples circonstances le respect dans lequel nous tenons les parlementaires, qu’il s’agisse de la Chambre Haute ou de l’Assemblée nationale.

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