Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 20 octobre 2015 à 14h30
Agressions sexuelles sur mineur — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Madame Troendlé, je salue l’esprit dans lequel vous avez engagé cette réflexion et la qualité du travail que vous avez effectué, notamment avec la Chancellerie. Vous n’avez pas ménagé vos efforts et, j’espère que vous en conviendrez, la Chancellerie a fait montre à votre égard de l’estime, du respect et de la disponibilité que je lui ai demandé de vous témoigner.

Au demeurant, la présente proposition de loi contient des dispositions que le Gouvernement n’avait pas retenues dans le texte portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, qui visait à transposer plusieurs directives européennes. Ce texte a été déféré, sur une initiative sénatoriale, au Conseil constitutionnel, qui l’a censuré, non pas sur le fond, pour inconstitutionnalité ou en raison du danger que présenteraient ses dispositions, mais du fait de la nature « cavalière » de certaines d’entre elles.

Cavalière, encore que… Il m’est interdit de porter une appréciation sur une décision du Conseil constitutionnel, mais nous avions expliqué qu’il y avait un lien évident entre ces mesures et la transposition de directives européennes, dont l’une oblige les États à prendre des dispositions pour que des informations à caractère pénal concernant des personnes travaillant régulièrement avec des enfants soient transmises aux administrations employant ces agents.

Ce texte ne comportait donc, selon nous, aucun cavalier. Néanmoins, le Conseil constitutionnel s’étant prononcé, nous nous retrouvons face à la nécessité de rétablir ces dispositions.

Donc, madame Troendlé, certaines des dispositions de votre proposition de loi ne correspondent pas à celles que le Gouvernement avait choisi de retenir.

Ainsi, lorsque, à l’article 1er, par exemple, vous faites obligation aux magistrats de prononcer la peine complémentaire, c’est-à-dire l’interdiction d’exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, madame la sénatrice, vous introduisez une automaticité contraire au principe de l’individualisation de la peine. §Les chiffres globaux sur les condamnations et le nombre de peines complémentaires que nous a rappelés M. le rapporteur à ce propos ne sont pas probants, car ils ne correspondent pas dans tous les cas à des personnes en contact avec des mineurs.

Si l’on vous suit – mais ce serait la liberté du législateur que de le décider –, cette peine complémentaire s’impose quel que soit le contexte professionnel des personnes en cause.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion