Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 20 octobre 2015 à 14h30
Agressions sexuelles sur mineur — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Les peines complémentaires que vous proposez, ma chère collègue, auraient-elles été de nature à éviter les faits ? Nous en débattrons.

L’article 3 de votre proposition de loi ne suffit pas à répondre à une situation comme celle de 2006. Il conduit seulement à faire peser sur les parquets une obligation qui n’existe pas aujourd’hui juridiquement. Mais à quoi répondrions-nous alors ? Le cas échéant, les parents de l’enfant victime auraient ainsi la possibilité de saisir aujourd’hui le ministère de la justice et de demander réparation du préjudice en raison d’un manquement dans le service public. Je ne suis pas certain que tel soit notre objectif ici.

Madame Troendlé, vous avez sans doute pris connaissance de la circulaire du 16 septembre dernier de Mmes les ministres de la justice et de l’éducation nationale, instituant des référents « éducation nationale » dans les parquets et des référents « justice » dans les rectorats, afin de favoriser la fluidité de l’information. Il nous semble que cette mesure est utile pour l’administration, puisqu’il s’agit de mettre fin au cloisonnement dont elle souffre en permettant aux gens de se parler.

Dans cette circulaire sont détaillés les informations susceptibles d’être échangées et les moments où ces échanges doivent intervenir. Le texte va très loin : les référents « justice », désignés par le recteur, « seront toujours informés des décisions de condamnation ». « S’agissant de l’information en cours de procédure, et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le secret de l’enquête et de l’instruction n’est pas opposable au ministère public qui, dans l’exercice des missions que la loi lui attribue, peut apprécier l’opportunité de communiquer à un tiers des informations issues d’une procédure en cours ».

Plus loin, il est précisé que « conformément aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article 11 du code de procédure pénale, les informations transmises au stade des poursuites doivent être fondées sur des éléments objectifs ».

Quelle hypothèse préside à ces dispositions ? Le paradoxe de notre société est le suivant : quelqu’un peut être mis en garde à vue à six heures du matin, toute la presse le sait, mais le procureur de la République, lui, n’est pas censé communiquer. Faut-il une fuite dans la presse pour que l’éducation nationale sache, ou est-il possible d’organiser les choses autrement ? La réponse est complexe.

Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé qu’il nous revient également, dans cette enceinte, de protéger le principe de la présomption d’innocence. C’est la ligne de crête que vous évoquiez, madame la ministre. Elle est extrêmement étroite. C’est là le véritable sujet.

L’arrêt de la Cour de cassation visé dans la circulaire est-il suffisant ? Je n’en suis pas certain, puisqu’il concernait l’hypothèse où un procureur de la République avait communiqué une information sur une procédure en cours à un juge s’agissant du même individu faisant l’objet d’une procédure pour d’autres faits.

Dans la circulaire, il s’agit d’une transmission non à un juge, mais, en dehors du prétoire, à une administration, voire à une association. Cela apparaît beaucoup plus compliqué, et pourtant Mme la ministre l’envisage !

C’est dire, chère collègue auteur du texte, monsieur le rapporteur, que le Gouvernement veut aller plus loin que ce que vous préconisez et que ce que vous recherchez, par ce texte, est insuffisant. Au nom de la présomption d’innocence, vous vous refusez à aller jusque-là, vous ne voulez pas que l’information transparaisse, vous ne souhaitez pas, et on peut le comprendre, qu’un enseignant puisse être inquiété par son autorité parce qu’il a été mis en garde à vue ou parce que l’on sait qu’il a vu des films.

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