Intervention de Éric Doligé

Réunion du 20 octobre 2015 à 14h30
Agressions sexuelles sur mineur — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Bien sûr, tous ces faits sont vérifiables et connus.

J’ai relaté cette triste histoire pour démontrer la capacité que peut avoir une administration à se protéger elle-même : lorsqu’un de ses membres est mis à distance, il ne faut pas que cela se sache, de peur de porter atteinte à son image ; tel est le sentiment qu’on peut avoir.

Le milieu religieux se met parfois dans une position assez proche ; le pape s’en est clairement ému.

L’administration de l’éducation nationale et l’Inspection générale des services judiciaires reconnaissent a priori leur faiblesse en produisant un rapport d’étape pour vérifier si l’éducation nationale avait bien été informée de la situation qui nous préoccupe. Comment peut-on concevoir que l’on soit obligé de diligenter une inspection pour vérifier que l’administration judiciaire n’a pas rempli ses obligations ?

Dans des cas aussi graves, nous nous interrogeons. Or nous constatons malheureusement que les parquets n’ont pas fait suivre les informations, ni les condamnations. Nous sommes face à des défaillances insupportables.

D’ailleurs, concernant le cas que j’ai évoqué, des sanctions seront-elles prises ? Sincèrement, je n’y crois pas, et ce serait dramatique pour les victimes.

Au fond, posons-nous la question de la reconnaissance des victimes et celle du dédommagement, et arrêtons de protéger en permanence les « pauvres coupables » ou de nous intéresser aux seules raisons qui les ont conduits à commettre des actes odieux !

Dans la proposition de loi qui nous est soumise, nous ne nous limitons pas – heureusement ! – à l’éducation nationale. Le texte vise à étendre l’interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu’une personne a été condamnée pour un crime ou un délit sexuel commis contre un mineur. La question des assistants maternels ou familiaux, qui n’est pas simple à traiter, est évoquée, à l’instar de celle des majeurs vivant au domicile de l’accueillant.

Cette proposition de loi constitue, à mes yeux, un premier pas. Car il existe un réel problème.

En tant que président de conseil général, j’ai connu des cas difficiles et j’ai été confronté à diverses plaintes, toujours délicates à traiter. Nous sommes rarement suivis lorsque nous demandons que l’agrément d’un assistant maternel soit suspendu. Il y a toujours, il est vrai, des parents qui pétitionnent, sans connaître les raisons confidentielles, et soutiennent les personnes dont nous demandons la suspension de l’agrément par prudence.

En revanche, en cas de problème, ceux-là mêmes qui nous ont mis en cause pour avoir prononcé des sanctions conservatoires nous attaquent au motif que nous n’avons pas pris les bonnes mesures.

Il importe que nous travaillions sur ce sujet majeur des enfants, afin que les services judiciaires soutiennent les présidents de conseil départemental et que toutes les informations nécessaires soient communiquées à ces derniers.

La proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé tend à pallier certaines lacunes de notre législation pénale, afin de prévenir la récidive en matière d’agressions sexuelles contre les mineurs, en particulier au sein des établissements scolaires.

Comme l’ont rappelé certains des orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, le Parlement avait déjà examiné des dispositions de cette nature l’été dernier, lors de l’examen du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, que vous aviez présenté, madame la garde des sceaux. Toutefois, la disposition ici visée a été censurée, comme vingt-six autres d’ailleurs, pour des questions de procédure. Le Sénat avait alors pris l’engagement de légiférer rapidement sur ce sujet. C’est chose faite avec la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise.

Le président du Sénat a demandé au Gouvernement de déclarer l’urgence sur ce texte, mais ce dernier est resté sourd à cette demande. Mme la garde des sceaux vient de nous en donner la raison.

Cette raison est trop flagrante pour en faire abstraction si rapidement. Plutôt que de saisir l’occasion de la navette parlementaire, et donc d’utiliser à bon escient les possibilités offertes par le bicamérisme, le Gouvernement préfère déposer un projet de loi. Ce texte ne portera donc pas le nom de Catherine Troendlé, ce que je regrette. Ce faisant, le Parlement aura examiné cette question à trois reprises. Voilà décidément une bien curieuse perception des institutions ! Le Gouvernement ne choisit pas l’intérêt général, alors que le Parlement est prêt à légiférer dès aujourd’hui.

Madame la garde des sceaux, vous avez indiqué que le chemin de crête entre la protection de l’enfance et le respect de la présomption d’innocence était étroit. Il s’agit là, je le conçois, d’une question extrêmement difficile.

Par ailleurs, vous avez souligné qu’il aurait fallu soumettre la présente proposition de loi au Conseil d’État. Je me permets de vous rappeler que, pour la première fois, une proposition de loi avait été soumise au Conseil d’État. J’en étais l’auteur, elle concernait les normes. Or elle a été largement balayée par la nouvelle majorité du Sénat, alors même que ma proposition de loi avait reçu un avis positif. Preuve qu’il n’est pas si facile que cela d’être reconnu pour la qualité de ses travaux lorsqu’on n’appartient pas à la majorité…

Telles sont les observations que je souhaitais formuler. Je voterai avec enthousiasme la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé.

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