La grande qualité de la politique des pôles d’excellence rurale, c’est d’avoir favorisé les projets qui prennent en compte l’échelle du territoire : d’abord, l’initiative et la conception du projet sont locales ; ensuite, le contenu du projet est fondé sur la mise en valeur des ressources naturelles et patrimoniales ; enfin, la gouvernance associe les acteurs locaux, aussi bien publics que privés.
Voilà une vraie nouveauté par rapport aux anciennes politiques d’aménagement du territoire fondées sur des schémas et des plans de développement décidés « d’en haut » !
Les PER ont fait confiance à « l’intelligence territoriale », c’est-à-dire à la capacité des territoires ruraux à être les acteurs de leur développement, en menant des actions fondées sur leurs atouts propres. En effet, qui peut mieux que les entrepreneurs ou les élus locaux se rendre compte que, dans telle vallée, une petite industrie agroalimentaire ne demande qu’à se lancer ? Que, dans tel département, la géothermie et la biomasse permettent de développer de nouvelles activités ? Et qu’ailleurs, les ressources touristiques locales peuvent faire naître des projets de formation innovants ?
Parmi les enseignements que notre groupe de travail a tirés des auditions menées, je retiens surtout l’investissement particulier des acteurs locaux autour de projets qu’ils ont imaginé et qu’ils animent tout au long de leur déroulement. Il faudra d’ailleurs certainement mettre en place des fonds d’animation pour permettre le lancement des projets. Tous nous ont signalé le dynamisme qui s’est manifesté lors des deux appels à projets de 2006 et 2007, lorsque plus de 700 dossiers ont été déposés en un temps record, parmi lesquels 379 ont été retenus – le même enthousiasme avait été constaté lors de la création des pôles de compétitivité. Les pays, les communautés de communes, les groupes d’action locale, les parcs naturels régionaux ont répondu présents à l’appel à projets et ont montré leur capacité à monter des projets, malgré toutes les difficultés qui s’y attachent, notamment pour boucler les plans de financement dans le délai de quelques mois imparti par les deux appels à projets.
L’intelligence territoriale, cela ne doit pas signifier que l’État abandonne son rôle dans l’aménagement du territoire, dans la solidarité nationale et dans les grandes impulsions. En effet, l’État a conservé, et doit conserver, un rôle essentiel.
Désormais, au lieu de faire, il fait faire. Pour cela, il fixe des orientations, mais fait confiance aux initiatives locales pour la définition précise des projets et pour leur mise en œuvre. La première génération des PER a ainsi privilégié la promotion des richesses patrimoniales, la valorisation des bio-ressources, l’offre de services et l’excellence technologique. L’État a orienté l’activité des PER vers des priorités qui apparaissent pertinentes à l’époque actuelle.
L’État a également apporté une reconnaissance, par un label « PER », lequel constitue un signe fédérateur qui fait connaître l’ambition du pôle.
L’État a, enfin, mobilisé des financements et ses services, comme nous avons pu le constater au cours de nos auditions. La DIACT, anciennement DATAR, a montré son rôle toujours moteur dans la modernisation des politiques d’aménagement du territoire. Les préfectures, chargées de la mise en œuvre au niveau local, ont été au contact des responsables de pôles et des maîtres d’ouvrage, en collaboration avec le CNASEA, Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, devenu l’Agence de services et de paiement, pour le versement des aides.
Nous avons reçu des représentants de ces organismes, notamment le délégué interministériel Pierre Dartout, qui nous ont confirmé que les PER demeuraient un axe majeur de la politique de développement des territoires ruraux. Nous allons également rencontrer sur le terrain les 10 et 17 juillet prochain des acteurs locaux qui ont bénéficié du label « PER ».
L’État s’est mobilisé, car les PER sont soutenus au plus haut niveau. Je me réjouis que le Président de la République lui-même, qui fut à l’origine de la politique des PER alors qu’il était ministre de l’intérieur en 2005, ait, depuis l’an dernier, réaffirmé à plusieurs reprises son soutien au dispositif.
Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes vous-même un excellent avocat des PER, dont vous avez dressé un bilan positif au cours du conseil des ministres du 13 mai dernier.
Initiatives locales et soutien de l’État, ces facteurs de succès des PER ne doivent toutefois pas masquer certaines limites du dispositif, qui pourrait être encore plus efficace.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez fait l’honneur, dès le début du mois d’avril, de répondre à notre invitation. À cette occasion, j’ai été particulièrement sensible à vos propos sur la nécessaire souplesse qu’il convient d’observer dans la gestion de ces pôles. Nous l’avons constaté, certains pôles auront sûrement besoin, à la fin de l’année, d’un délai supplémentaire de quelques mois. N’abandonnons pas en route des initiatives prometteuses. Pourriez-vous confirmer cette volonté de souplesse ? En effet, il s’agit d’un vrai sujet d’inquiétude pour un certain nombre de pôles.
La question des modes de financement fait également l’objet de réflexions au sein de notre groupe de travail. À plusieurs reprises, on nous a signalé que les porteurs de projets manquaient de visibilité sur l’origine et la disponibilité des fonds, ce qui semble aussi être lié aux conditions dans lesquelles le mécanisme a été, à l’origine, mis en place. Ne faudrait-il pas prévoir des fonds spécifiques ciblés PER ?
Il convient, enfin, de réfléchir aux thématiques qui pourraient fédérer, dans les années à venir, les acteurs à l’échelle d’un territoire pour un nouvel appel à projets. Pour prendre un exemple, monsieur le secrétaire d’État, vous savez à quel point les services publics et au public, dont vous êtes d’ailleurs venu débattre ici même le 26 mars dernier, constituent un enjeu majeur en zone rurale. Ainsi, le vieillissement de la population française crée des besoins particuliers en zone rurale, où la population est souvent plus âgée et où les problèmes de déplacement sont plus aigus : voilà un vrai gisement d’emplois pour les territoires ruraux, les aides aux personnes fragiles devant représenter un quart des créations d’emplois d’ici à 2015, selon un rapport du Centre d’analyse stratégique !
Pour conclure, les pôles d’excellence rurale sont l’un des moyens qui permettent à des territoires ruraux de se prendre en charge pour organiser leur développement par le biais d’une contractualisation, ce qui est une bonne chose. Toutefois, ils ne peuvent pas tout faire : souvent, les projets qui naissent localement ne peuvent être couronnés de succès que si les infrastructures sont de qualité, si le marché de l’emploi local est adapté et si la réglementation en vigueur facilite la vie des projets. Notre soutien aux PER doit donc être compris comme une volonté de contribuer à un développement plus équilibré des territoires grâce à la conjugaison de toutes les dimensions de l’action publique, afin de donner à chacun d’entre eux les chances d’exploiter les atouts dont il dispose.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre implication en faveur de la ruralité et de votre volonté de lancer une deuxième génération de pôles d’excellence rurale. Nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de ce sujet dès l’automne prochain, lors de la remise de notre rapport.