Séance en hémicycle du 23 juin 2009 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • PER
  • d’excellence rurale
  • l’enfance
  • l’enfant
  • rurale

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Raymond Vall, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, mes chers collègues, après la réunion du Congrès qui s’est tenue hier à Versailles, la chaîne de télévision Public Sénat a organisé un débat auquel étaient conviés les représentants des divers groupes politiques composant notre assemblée. Un seul groupe n’a pas été invité à participer à ce débat, le groupe RDSE, alors qu’il a été pourtant le seul groupe d’opposition à s’être exprimé au cours de cette réunion du Congrès.

Je vous demanderai donc de bien vouloir m’indiquer, monsieur le président, les raisons qui ont pu motiver cette exclusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. Mon cher collègue, je pense que M. le président du Sénat en référera au président de la chaîne Public Sénat et que cet oubli sera très vite réparé, avant même le prochain Congrès !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle le débat sur les pôles d’excellence rurale.

La parole est à M. Jean Boyer, au nom du groupe Union centriste, auteur de la demande d’inscription à l’ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Monsieur le président – j’oserai dire : cher président ! –, ma fierté est accrue par la considération que je vous porte !

Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, cher Jean-Paul Emorine, mes chers collègues, l’idée des pôles d’excellence rurale, les PER, a été lancée en 2005, à la suite du vote de la loi relative au développement des territoires ruraux. Ce dispositif, mis sur pied par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, est le pendant, pour les territoires ruraux, des pôles de compétitivité destinés aux villes.

Ce dispositif avait pour ambition d’apporter élan et soutien aux projets émanant des territoires ruraux, de renforcer le rôle des collectivités locales et de développer des réseaux, au sein d’un territoire comme entre les territoires.

J’ai eu la chance d’être associé à cette aventure dès son début, puisque j’ai eu le privilège d’être nommé membre de la commission nationale de présélection. J’ai donc pu constater par moi-même, monsieur le secrétaire d’État, le formidable engouement que ce dispositif a suscité. Au total, 791 dossiers ont été déposés, dépassant ainsi les prévisions initiales, et 379 dossiers ont été retenus alors qu’il était prévu de n’en sélectionner que 300 – il est important de le reconnaître, car on nous accuse parfois de ne savoir que nous plaindre. Deux vagues de labellisation ont été nécessaires et le montant prévisionnel d’investissements s’élève, au total, à 1, 2 milliard d’euros. À la fin de l’année 2008, seuls six projets de pôle d’excellence rurale avaient été abandonnés.

Alors que l’échéance fixée initialement pour l’engagement des crédits des pôles d’excellence rurale est atteinte, puisqu’il devait être achevé à la fin du mois de juin 2009, il me semble important d’établir un bilan exhaustif des premiers pôles d’excellence rurale. C’est pourquoi j’ai proposé, en accord avec mon groupe, la tenue d’un débat sur ce thème devant notre Haute Assemblée.

Une évaluation approfondie a été menée il y a déjà quelques mois pour le compte de la délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT, notamment par le conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux. Le Sénat s’est également engagé dans cette réflexion, puisqu’un groupe de travail relatif aux pôles d’excellence rurale a été constitué au sein de la commission des affaires économiques, sous la présidence éminente de Rémy Pointereau. Il rendra ses conclusions d’ici à quelques mois et permettra, à la fois, d’établir un bilan exhaustif des deux premières vagues de labellisation et de proposer des voies d’amélioration pour les futures campagnes de labellisation. Nous avions également déjà débattu de cette question en 2007, à la demande du président Jean-Paul Emorine, et nous sommes aussi revenus sur cette problématique lors des discussions budgétaires : ce sujet est vaste et représente un enjeu d’importance primordiale pour nos territoires.

Avant tout, je souhaite insister sur mon attachement à l’appellation « excellence rurale ». Il est vraiment trop rare que l’adjectif rural soit associé à la notion d’excellence, or j’estime très important de reconnaître et de revendiquer l’excellence du monde rural, afin que ce terme ne soit pas seulement attaché aux réalisations du milieu urbain. Cela est d’autant plus important que les PER traduisent concrètement la priorité politique donnée aux zones de revitalisation rurale, les ZRR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Vous le savez sans doute tous, les ZRR sont caractérisées par une faible densité de population et connaissent un déclin de leur population totale ou active ou une forte proportion d’emplois agricoles. Monsieur le secrétaire d’État, je suis moi-même élu d’un canton totalement classé en ZRR et je partage la fierté des habitants de ces zones lorsqu’ils se voient décerner le label d’excellence rurale pour la réalisation d’un projet. Il est donc tout à fait essentiel de préserver cette appellation, même si des rapports d’experts ont allégué que certains projets manquaient justement d’excellence. Il suffit parfois d’un détail pour redynamiser une commune, motiver la population autour d’un projet, préserver des emplois : l’impact psychologique d’un tel label peut parfois faire la différence.

L’exemple de mon département – je ne veux pas faire preuve d’égoïsme en le citant, mais partir de mon expérience concrète – est à ce titre tout à fait représentatif, car il regroupe à lui seul sept pôles d’excellence rurale. Je prendrai comme exemple le PER de La Chaise-Dieu, nom connu au-delà des limites de notre département et qui représente bien ce que l’on a coutume d’appeler la « France profonde » : ce dispositif a permis la restauration et la valorisation d’un ensemble unique de bâtiments abbatiaux du XVIIe siècle, en en faisant un outil de développement local, culturel et touristique. Il a permis de développer l’attractivité du site en dehors de la période du festival de musique sacrée et de pérenniser ainsi des emplois.

Plus généralement, les PER constitués autour de la filière bois témoignent d’une remarquable réussite, qu’il s’agisse de l’utilisation du bois dans l’éco-construction ou du développement des énergies renouvelables.

Les apports de cette première vague de pôles d’excellence rurale ne sont donc plus à prouver – on a trop souvent tendance à oublier que les territoires ruraux sont des territoires attractifs, qui gagnent chaque année 50 000 habitants ! Cette première génération de PER a notamment permis de mettre en place une nouvelle dynamique, en accélérant certains projets et en faisant travailler ensemble des filières qui n’y étaient pas habituées. Ces pôles ont donné une ambition nouvelle et un projet structurant aux pays et leur ont apporté une image plus valorisante ; ils ont également favorisé le lancement effectif de projets en gestation, notamment sur les problématiques de patrimoine, car certains de ces projets n’auraient pas pu se réaliser sans les PER.

Au total, plus de 1 milliard d’euros d’investissements auront été réalisés à la fin de l’année 2009. On constate d’ores et déjà la création de 6 000 emplois directs et on estime à 30 000 le nombre total d’emplois créés ou maintenus à l’issue de l’opération. Enfin, si vingt-deux PER peuvent être considérés comme abandonnés, 357 sont engagés à ce jour.

En termes qualitatifs, les résultats sont également positifs. La création d’emplois a sans doute été assez limitée – restons francs et objectifs ! –, mais les PER ont véritablement contribué à la stabilisation des emplois qui existent en zone rurale. Des projets d’investissement se trouvaient manifestement en attente dans le monde rural sur les thématiques de l’appel à projets. De plus, les territoires ruraux connaissent aujourd’hui un réel regain d’attractivité : en cette période de crise, ils sont le siège d’une contribution essentielle à la croissance durable de notre pays. Le Président de la République a d’ailleurs rappelé hier, devant le parlement réuni en Congrès, la nécessité de poursuivre les actions en faveur du monde rural, qui joue un rôle de plus en plus important dans notre société.

Les PER ont également changé notre façon de travailler sur le terrain. Tout d’abord, les élus ont dû travailler ensemble, ce qui est toujours très positif. De même, la nécessité de réunir acteurs privés et publics autour d’un même projet a été enrichissante, même si les méthodes de travail sont très différentes.

Enfin, les pôles sont organisés autour de quatre grandes thématiques, définies par l’appel à projets : la valorisation des patrimoines naturels et culturels, la valorisation des bio-ressources, le développement des services et de l’accueil, ainsi que la diffusion des technologies au bénéfice des entreprises.

Ces thématiques sont tout à fait pertinentes et elles ont permis le développement d’un grand nombre de projets. Dans le seul département de la Haute-Loire, les PER couvrent l’intégralité des thématiques de l’appel à projets.

Dans son bilan, le conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux souligne que ces thématiques, qui ne sont pas encore obsolètes, doivent être maintenues. Je partage tout à fait cet avis, même s’il me semble important de les ajuster et de donner plus de place aux services à la personne, comme les maisons médicales.

Lors de l’examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », nous avons eu l’occasion de débattre de la désertification médicale en zone rurale. Pour maintenir ou restaurer l’attractivité du monde rural, il est indispensable de proposer une offre de soins de qualité sur l’ensemble du territoire.

Pour toutes ces raisons, je souhaite qu’il y ait une nouvelle génération de PER et que ce dispositif soit pérennisé.

Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, qu’un nouvel appel à projets pour les pôles d’excellence rurale pourrait être lancé en 2009 avec l’objectif de soutenir des projets de mutualisation de services publics innovants.

Ce thème ne serait pas le seul. Le Premier ministre avait déjà évoqué le thème de l’agroalimentaire, lors de l’inauguration du 22e SPACE 2008 à Rennes au début du mois de septembre, et, dans le cadre de l’application du Grenelle de l’environnement, les aspects de développement durable et d’énergie renouvelable devraient eux aussi trouver leur place.

Ces objectifs répondent à des priorités de l’action publique en milieu rural, notamment en ce qui concerne l’accès aux services en zone rurale.

Vous avez annoncé à plusieurs reprises que, préalablement au lancement d’un nouvel appel à projets pour les pôles d’excellence, les crédits alloués à la première vague devraient être utilisés en totalité. Pourrez-vous tout à l’heure, monsieur le secrétaire d'État, nous indiquer à quel niveau nous sommes aujourd’hui ?

Monsieur le secrétaire d’État, nous le savons, vous avez apporté – et ce n’est pas un propos de circonstance - beaucoup d’investissements en faveur du monde rural.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

À votre nom est attachée l’attention que vous portez à nos territoires, je le dis en toute sincérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

En outre, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais être rassuré sur la possibilité d’accorder une certaine souplesse dans le versement des fonds aux PER qui n’auraient pas respecté les délais, pour des raisons justifiées.

En effet, en décembre dernier, 106 PER avaient un taux d’engagement inférieur à 60 %. Or la circulaire du 9 août 2007 précisait que les travaux devraient, dans tous les cas, être achevés en décembre 2009. Beaucoup craignent de perdre des crédits à la fin de l’année 2009 si toutes les actions ne sont pas encore engagées.

Dans certains cas, le retard accumulé n’est pas volontaire. Il peut être lié à des législations très précises et contraignantes comme la loi sur l’eau ou les règles d’urbanisme, pour lesquelles il existe des délais d’instruction compréhensibles. Au-delà de cette tolérance pour les PER retardataires, ne serait-il pas envisageable à l’avenir d’allonger le délai de réalisation au moins à trois ans ?

Dans la perspective d’une deuxième génération de PER, il me semble indispensable de tirer les leçons du dispositif actuel et d’améliorer le cadre général.

Ma première remarque concerne le financement.

J’ai déjà eu l’occasion de souligner, dans cet hémicycle, la complexité administrative des dossiers de PER, qui décourage parfois les meilleures volontés. De même, la multiplicité des fonds concourant au financement des PER rend celui-ci particulièrement obscur pour les porteurs de projets. La procédure d’attribution des offres est également trop contraignante. Il est nécessaire de faire évoluer les règles de gestion des contributions et de les rendre plus souples, si l’on veut garantir l’efficacité de la politique des PER. Plus que jamais, il est important que l’État s’efforce de respecter ses engagements afin de donner à l’excellence rurale les moyens de s’exprimer pleinement autour de projets finalisés et mûrement réfléchis.

L’idée d’une ligne budgétaire spécifique pour les PER est avancée. Elle aurait, monsieur le secrétaire d'État, le mérite de la clarté par rapport au fonds ministériel mutualisé, qui est peu visible pour les porteurs de projets.

En outre, si les PER ont permis de mobiliser des fonds d’État et des collectivités qui n’auraient pu être collectés autrement, les montants versés ont souvent été décevants par rapport aux enveloppes prévues au départ. Ainsi, il a parfois fallu négocier des plans de financement, certains aspects n’ayant pas été pris en compte lors du montage de l’opération. Dans certains cas, tous les financements n’ont pu être réunis.

Ma seconde remarque a trait au calendrier.

La durée de montage des dossiers a été trop rapide. En tant que membre de la commission nationale de présélection des pôles d’excellence rurale, j’ai pu noter la différence entre des projets qui visiblement avaient été prévus de longue date et pour lesquels seul le financement posait problème et des dossiers montés dans la précipitation, par des candidats voulant profiter de l’effet d’aubaine de ces nouveaux financements.

Il me semble indispensable de laisser au moins six mois aux porteurs de projet pour présenter leur dossier, afin que le partenariat puisse s’exercer entre tous les acteurs. Il est tout aussi indispensable que les porteurs de projets puissent bénéficier de conseils, et d’une ingénierie apte à les accompagner dans le montage de leur dossier.

Pour conclure, je souhaite tout d’abord remercier les deux ministres de l’époque qui ont pris la décision de labelliser plus de pôles qu’il n’avait été initialement prévu. Il fallait oser le faire dans le contexte budgétaire et social difficile de la France !

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez compris que nous attendons avec impatience la mise en œuvre d’une deuxième génération de PER, qui permette de faire écho au dynamisme des territoires ruraux.

Je vous remercie infiniment, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de m’avoir écouté.

J’adresse également mes remerciements au groupe de travail, dont le capitaine, Rémy Pointereau, vient d’un département et d’une ville, Vierzon, où l’on fabriquait autrefois des locomotives.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

M. Jean Boyer. On y « fabrique » aujourd'hui des sénateurs qui ont envie de se battre pour leurs territoires ruraux et pour la France !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui amenés à débattre sur les pôles d’excellence rurale.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé, à la fin de l’année 2008, vouloir lancer un nouvel appel à projets des pôles d’excellence rurale. Cet appel à projets aurait pour objectif de soutenir les projets de mutualisation de services publics dits innovants, tels que des relais de services publics ou encore des maisons de santé, ainsi que le développement durable des territoires.

Au préalable, il paraît judicieux de dresser un bilan des premiers projets labellisés depuis les trois dernières années.

Les pôles d’excellence rurale, qui avaient pour objectif de favoriser le développement des territoires ruraux, au même titre que les pôles de compétitivité envers les zones urbaines, ont connu, lors de leur lancement, un vif intérêt. En témoignent les 800 dossiers déposés en 2005, lors du premier appel à projets.

Ces pôles ont été créés afin de soutenir des initiatives locales, porteuses de projets créateurs d’emplois et innovants, autour de partenariats public-privé.

Sur le territoire, ce sont 379 projets qui ont reçu le label « pôle d’excellence rurale » en juin et décembre 2006. Ainsi, à titre d’exemple, dans le département des Côtes-d’Armor, quatre projets ont été labellisés. Le premier s’intitule « De l’amélioration de l’offre de soins à la production de biocarburants », le deuxième « Agricultures durables et nouveaux marchés », le troisième « Valorisation touristique du patrimoine rural en Trégor-Goëlo » et le quatrième « Cheval en Penthièvre ».

Les premiers éléments récoltés au plan local par les acteurs de PER concernent le manque de temps pour préparer et concrétiser les différentes actions.

En effet, les difficultés s’accumulent parfois, comme l’a souligné Jean Boyer – temps de coordination, permis de construire, normes, comité de défense contre les projets –, et cela pénalise financièrement la bonne volonté des acteurs locaux.

Dans les motivations des PER transparaissent des faiblesses réelles du territoire. Les PER traduisent une volonté de compensation de politiques qui ont fait défaut.

Je prendrai deux exemples.

Le premier concerne l’amélioration de l’offre de soins et la construction de trois maisons de santé. Il traduit le souci majeur des élus locaux de créer toutes les conditions pour accueillir ou maintenir des professionnels de santé en milieu rural.

Maire d’une commune proche de ce PER, je vais devoir accueillir la semaine prochaine un médecin roumain, car il est devenu impossible de faire venir des médecins français dans nos secteurs, et ce n’est pas la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » qui va régler le problème, tant s’en faut ! Alors, construire des maisons de santé, c’est bien, à condition que des professionnels veuillent bien s’y installer demain.

L’autre exemple concerne le PER « Cheval en Penthièvre », un projet d’animation équestre autour du haras national de Lamballe. Ce PER tente de compenser l’affaiblissement progressif des effectifs des haras nationaux et la politique d’abandon du Gouvernement. À intervalles réguliers, des menaces de fermeture définitive pèsent sur les deux seuls haras bretons subsistant : Lamballe et Hennebont.

Les pôles auraient à peine besoin d’exister s’il n’y avait eu auparavant toutes ces politiques d’abandon de la ruralité. Le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux voté en 2005 avait permis de mettre en évidence toutes les faiblesses de la ruralité sans apporter de solutions réellement efficaces.

L’ensemble des projets labellisés, représentant un investissement global de 1, 2 milliard d’euros, devait permettre la création de 35 000 emplois dont 13 000 emplois directs. La participation financière de l’État était de 235 millions d’euros.

Dans votre bilan, monsieur le secrétaire d’État, vous vous félicitez d’avoir mis en place « un outil concret au service de la relance grâce aux investissements et aux créations d’emplois ». Cependant, lors du conseil des ministres du 13 mai dernier, vous annonciez la création de 6 000 emplois directs sur les 13 000 prévus, soit moins de la moitié !

Aujourd’hui, qui peut assurer que ces territoires ruraux connaissent véritablement la relance et le nouveau dynamisme tant espéré à travers la mise en place de ces pôles ? En témoignent les nombreux PER encore au stade de la mise en place. Comment le Gouvernement peut-il donc présenter un bilan si positif ?

Vous souhaitez lancer d’ici peu une troisième vague d’appel à projets. Aussi, il me semble important de faire remonter certaines des réserves et limites exprimées au sujet de la mise en œuvre de cette politique.

Concernant le mode de sélection, l’Union nationale des acteurs et des structures du développement local, l’UNADEL a émis quelques réserves. En effet, l’appel à projets consiste à mettre en concurrence les porteurs de projets. Au lieu d’encourager la coopération en faveur du développement de ces territoires, ce système favorise la concurrence des territoires. Ne serait-il donc pas judicieux de définir de nouvelles modalités de sélection des projets candidats ? Le but n’est-il pas d’aménager harmonieusement et de manière solidaire le territoire ?

Pour ce qui est du financement, les pôles d’excellence rurale ne prennent en charge que l’investissement. Ils n’apportent pas les ressources nécessaires au fonctionnement des équipements réalisés. Leur rôle ne risque-t-il pas d’être trop ponctuel et de laisser à terme aux collectivités locales la charge totale des projets ?

Cette labellisation s’ajoute à de nombreuses procédures existantes, comme les pays, les projets européens « Leader + » animés par les groupes d’action locaux, et le volet territorial des contrats de plan État-région. N’y a-t-il pas un risque de perte de lisibilité et de compréhension ?

La sélection des pôles par l’État est faite au détriment des collectivités territoriales, alors que ces dernières sont sollicitées afin de compléter le plan de financement, notamment les régions, qui sont les collectivités « chefs de file » en matière d’aménagement du territoire et de développement économique.

Les délais de mise en œuvre des projets paraissent inadaptés aux contraintes locales. À ce jour, 357 PER ont effectivement engagé leur projet d’investissement mais seul 100 l’ont fait en totalité, selon un article du 15 mai 2009, que l’on peut consulter sur le site internet « Portail du Gouvernement ».

En conclusion, il me semble prématuré d’engager une nouvelle vague d’appel à projets tant que les projets labellisés n’auront pas été complètement finalisés.

Je m’interroge aussi sur le mode de gouvernance des différents pôles, aussi bien PER que pôles de compétitivité. En effet, le principe des partenariats imposés public-privé accorde aux entreprises privées une place prépondérante dans l’aménagement du territoire.

Ce mode de gouvernance accentue également la disparité entre les territoires. Effectivement, les territoires bien dotés d’entreprises dynamiques et pouvant investir dans les partenariats public-privé vont profiter de cette aubaine au détriment des autres territoires.

La ruralité a besoin d’une égalité de traitement dans de multiples domaines. Complémentaire et interactive avec les zones urbaines, elle mérite mieux que des pôles d’excellence rurale. L’excellence est un « éminent degré de qualité, en un genre ». Sans vouloir atteindre ce niveau ponctuel ni créer quelques arbres pour cacher la forêt, nous demandons le maintien des services de proximité et des services publics dans leur globalité – soins, sécurité, écoles, poste, communications, déplacements –, ainsi que le soutien aux activités économiques, touristiques et agricoles.

Nous sommes loin du compte et ce ne sont pas la réforme territoriale et la volonté de l’État de contraindre les dépenses des collectivités locales qui vont contribuer, demain, au renouveau si attendu des espaces ruraux. Mais il n’est pas interdit de faire beaucoup plus et beaucoup mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Emorine, a souhaité, et je m’en réjouis, que la commission dresse cette année un bilan des pôles d’excellence rurale et formule des propositions. A été constitué un groupe de travail, qui m’a fait l’honneur de me choisir comme président. C’est à ce titre que je voudrais vous remercier, chers Jean-Paul Emorine et Jean Boyer, de cette occasion qui m’est donnée de présenter quelques réflexions que je peux tirer des auditions que nous avons menées depuis la mise en place de ce groupe de travail, au début du mois d’avril dernier. Autant dire qu’il s’agit aujourd’hui d’un bilan d’étape, avant la présentation de notre rapport, à l’automne prochain.

Le développement se fonde de plus en plus sur la mise en valeur des atouts propres à chaque territoire, et non sur des décisions centralisées déclinées uniformément d’un bout à l’autre de la France. De ce point de vue, la France a su – si on la compare avec les autres pays européens – conserver un espace rural riche. C’est ainsi que les communes rurales montrent leur attractivité en attirant de nouveaux résidents, depuis les années 1990.

Pourtant, la situation est très variable d’une région à l’autre : de nombreux territoires se sont retrouvés au fil des années livrés à eux-mêmes, à l’écart des grandes infrastructures de transports – s’il n’y a plus de locomotives à Vierzon, …

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

… j’espère bien que nous aurons, un jour, le TGV ! – et des réseaux numériques, loin des centres urbains des métropoles. L’agriculture et l’artisanat restent les moteurs traditionnels de l’économie rurale. Plus récemment, une nouvelle économie résidentielle, fondée sur les services aux habitants et aux touristes, modifie les termes du débat du développement rural.

Du fait même de cette diversité, et compte tenu de la multiplicité des niveaux de décision – à la réduction desquels nous travaillons par ailleurs – et de l’incertitude économique croissante, le territoire apparaît de plus en plus comme une échelle pertinente pour l’élaboration de l’action publique. Le territoire dont je parle, c’est d’abord le bassin de vie

M. Raymond Vall opine

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

La grande qualité de la politique des pôles d’excellence rurale, c’est d’avoir favorisé les projets qui prennent en compte l’échelle du territoire : d’abord, l’initiative et la conception du projet sont locales ; ensuite, le contenu du projet est fondé sur la mise en valeur des ressources naturelles et patrimoniales ; enfin, la gouvernance associe les acteurs locaux, aussi bien publics que privés.

Voilà une vraie nouveauté par rapport aux anciennes politiques d’aménagement du territoire fondées sur des schémas et des plans de développement décidés « d’en haut » !

Les PER ont fait confiance à « l’intelligence territoriale », c’est-à-dire à la capacité des territoires ruraux à être les acteurs de leur développement, en menant des actions fondées sur leurs atouts propres. En effet, qui peut mieux que les entrepreneurs ou les élus locaux se rendre compte que, dans telle vallée, une petite industrie agroalimentaire ne demande qu’à se lancer ? Que, dans tel département, la géothermie et la biomasse permettent de développer de nouvelles activités ? Et qu’ailleurs, les ressources touristiques locales peuvent faire naître des projets de formation innovants ?

Parmi les enseignements que notre groupe de travail a tirés des auditions menées, je retiens surtout l’investissement particulier des acteurs locaux autour de projets qu’ils ont imaginé et qu’ils animent tout au long de leur déroulement. Il faudra d’ailleurs certainement mettre en place des fonds d’animation pour permettre le lancement des projets. Tous nous ont signalé le dynamisme qui s’est manifesté lors des deux appels à projets de 2006 et 2007, lorsque plus de 700 dossiers ont été déposés en un temps record, parmi lesquels 379 ont été retenus – le même enthousiasme avait été constaté lors de la création des pôles de compétitivité. Les pays, les communautés de communes, les groupes d’action locale, les parcs naturels régionaux ont répondu présents à l’appel à projets et ont montré leur capacité à monter des projets, malgré toutes les difficultés qui s’y attachent, notamment pour boucler les plans de financement dans le délai de quelques mois imparti par les deux appels à projets.

L’intelligence territoriale, cela ne doit pas signifier que l’État abandonne son rôle dans l’aménagement du territoire, dans la solidarité nationale et dans les grandes impulsions. En effet, l’État a conservé, et doit conserver, un rôle essentiel.

Désormais, au lieu de faire, il fait faire. Pour cela, il fixe des orientations, mais fait confiance aux initiatives locales pour la définition précise des projets et pour leur mise en œuvre. La première génération des PER a ainsi privilégié la promotion des richesses patrimoniales, la valorisation des bio-ressources, l’offre de services et l’excellence technologique. L’État a orienté l’activité des PER vers des priorités qui apparaissent pertinentes à l’époque actuelle.

L’État a également apporté une reconnaissance, par un label « PER », lequel constitue un signe fédérateur qui fait connaître l’ambition du pôle.

L’État a, enfin, mobilisé des financements et ses services, comme nous avons pu le constater au cours de nos auditions. La DIACT, anciennement DATAR, a montré son rôle toujours moteur dans la modernisation des politiques d’aménagement du territoire. Les préfectures, chargées de la mise en œuvre au niveau local, ont été au contact des responsables de pôles et des maîtres d’ouvrage, en collaboration avec le CNASEA, Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, devenu l’Agence de services et de paiement, pour le versement des aides.

Nous avons reçu des représentants de ces organismes, notamment le délégué interministériel Pierre Dartout, qui nous ont confirmé que les PER demeuraient un axe majeur de la politique de développement des territoires ruraux. Nous allons également rencontrer sur le terrain les 10 et 17 juillet prochain des acteurs locaux qui ont bénéficié du label « PER ».

L’État s’est mobilisé, car les PER sont soutenus au plus haut niveau. Je me réjouis que le Président de la République lui-même, qui fut à l’origine de la politique des PER alors qu’il était ministre de l’intérieur en 2005, ait, depuis l’an dernier, réaffirmé à plusieurs reprises son soutien au dispositif.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes vous-même un excellent avocat des PER, dont vous avez dressé un bilan positif au cours du conseil des ministres du 13 mai dernier.

Initiatives locales et soutien de l’État, ces facteurs de succès des PER ne doivent toutefois pas masquer certaines limites du dispositif, qui pourrait être encore plus efficace.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez fait l’honneur, dès le début du mois d’avril, de répondre à notre invitation. À cette occasion, j’ai été particulièrement sensible à vos propos sur la nécessaire souplesse qu’il convient d’observer dans la gestion de ces pôles. Nous l’avons constaté, certains pôles auront sûrement besoin, à la fin de l’année, d’un délai supplémentaire de quelques mois. N’abandonnons pas en route des initiatives prometteuses. Pourriez-vous confirmer cette volonté de souplesse ? En effet, il s’agit d’un vrai sujet d’inquiétude pour un certain nombre de pôles.

La question des modes de financement fait également l’objet de réflexions au sein de notre groupe de travail. À plusieurs reprises, on nous a signalé que les porteurs de projets manquaient de visibilité sur l’origine et la disponibilité des fonds, ce qui semble aussi être lié aux conditions dans lesquelles le mécanisme a été, à l’origine, mis en place. Ne faudrait-il pas prévoir des fonds spécifiques ciblés PER ?

Il convient, enfin, de réfléchir aux thématiques qui pourraient fédérer, dans les années à venir, les acteurs à l’échelle d’un territoire pour un nouvel appel à projets. Pour prendre un exemple, monsieur le secrétaire d’État, vous savez à quel point les services publics et au public, dont vous êtes d’ailleurs venu débattre ici même le 26 mars dernier, constituent un enjeu majeur en zone rurale. Ainsi, le vieillissement de la population française crée des besoins particuliers en zone rurale, où la population est souvent plus âgée et où les problèmes de déplacement sont plus aigus : voilà un vrai gisement d’emplois pour les territoires ruraux, les aides aux personnes fragiles devant représenter un quart des créations d’emplois d’ici à 2015, selon un rapport du Centre d’analyse stratégique !

Pour conclure, les pôles d’excellence rurale sont l’un des moyens qui permettent à des territoires ruraux de se prendre en charge pour organiser leur développement par le biais d’une contractualisation, ce qui est une bonne chose. Toutefois, ils ne peuvent pas tout faire : souvent, les projets qui naissent localement ne peuvent être couronnés de succès que si les infrastructures sont de qualité, si le marché de l’emploi local est adapté et si la réglementation en vigueur facilite la vie des projets. Notre soutien aux PER doit donc être compris comme une volonté de contribuer à un développement plus équilibré des territoires grâce à la conjugaison de toutes les dimensions de l’action publique, afin de donner à chacun d’entre eux les chances d’exploiter les atouts dont il dispose.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre implication en faveur de la ruralité et de votre volonté de lancer une deuxième génération de pôles d’excellence rurale. Nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de ce sujet dès l’automne prochain, lors de la remise de notre rapport.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Applaudissements sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le président Jean-Paul Emorine, Jean Boyer et Rémy Pointereau d’avoir accepté la création de ce groupe de travail sur les pôles d’excellence rurale ; nous en avions discuté dès nos premières rencontres. Je tiens également à féliciter Rémy Pointereau du travail qu’il a réalisé tout au long des auditions.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs, de votre écoute. En effet, lors de chacune de nos entrevues, la rencontre a été fructueuse et le dialogue positif.

Très bien ! sur plusieurs travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je le dis d’emblée, je suis un fervent partisan des pôles d’excellence rurale.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je suis élu d’un territoire où nous avons vu émerger ces pôles de compétitivité, et je parle en présence de l’un de mes collègues de la région Midi-Pyrénées, président d’un pôle de compétitivité.

Lorsque Toulouse est passée d’un seul coup à trois pôles de compétitivité, nous avons bien sûr eu peur. En effet, concentrer sur une métropole la recherche, l’université, les entreprises et les moyens financiers privés comme publics pouvait aboutir à la création de trous noirs – si vous me permettez cette expression, s’agissant d’un territoire qui traite de l’astronomie ! – et à la désertification de toutes les zones périphériques.

La création de ces pôles a suscité beaucoup d’espoir. Nous nous sommes jetés à corps perdu dans cette démarche. Je ne reviendrai pas sur le fait qu’un délai de quatre mois est trop court. La première génération de PER étant axée sur la création d’emplois, il était très difficile de faire émerger un projet dans un tel délai.

À cette occasion, nous avons bien sûr constaté le déficit d’ingénierie de ces territoires, qu’il s’agisse de pays, d’intercommunalités, de communes ou de syndicats. Nous avons également relevé la faiblesse de la coopération avec les chambres consulaires et tous ceux qui pouvaient fournir des informations pour le lancement des pôles.

Toutefois, le résultat est excellent. En effet, ont été sauvés 372 pôles, qui ont donné de l’espoir et permis à des territoires d’engager une dynamique, de faire coopérer des élus, des entreprises, des partenaires tels que les préfectures, mais aussi les collectivités territoriales lorsqu’elles ont bien voulu participer et quand les compétences le permettaient.

Il faut bien sûr tirer les enseignements de ce qui s’est passé. D’un côté, l’État accepte de labelliser un projet qu’il reconnaît comme efficace, notamment dans le domaine économique ou dans celui des services à la personne, et octroie des moyens financiers permettant d’investir et incitant d’autres partenaires à faire de même ; de l’autre, sur le même territoire, il continue à fermer des services publics. Une telle situation est incohérente ; ce n’est pas acceptable. Il s’agit d’un sujet qui me tient à cœur et dont nous avons discuté lorsque nous nous sommes rencontrés, monsieur le secrétaire d’État.

Dans le nouveau cahier des charges qui doit être élaboré, il faudra donner plus de temps et encourager, comme l’a rappelé mon collègue Rémy Pointereau, le choix d’une échelle correspondant à un bassin de vie, c'est-à-dire un territoire réunissant de 15 000 à 30 000 habitants, qui n’est pas encore totalement intégré dans une intercommunalité, mais qui devra l’être dans trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

M. Raymond Vall. Ce territoire doit être un partenaire à qui l’on dit : nous reconnaissons votre projet, nous reconnaissons qu’il va contribuer à fixer des populations actives et donc à endiguer la désertification. En contrepartie, l’État doit, par une convention, s’engager à maintenir les services publics sur ce territoire !

Marques d’approbation sur plusieurs travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

M. Raymond Vall. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre écoute. J’espère que vos réponses nous laisserons un peu d’espoir.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous venons d’entendre des propos très lyriques. Je suis d’accord avec la plupart d’entre eux, car des projets de développement rural de ce type sont positifs. Leur création a d’ailleurs reçu un accueil extrêmement favorable. Les pôles d’excellence rurale ont en effet apporté élan et espoir à l’immense majorité des zones rurales.

Beaucoup de territoires s’y sont donc investis. Pour ma part, en tant que président de pays et du parc naturel régional de l’Avesnois, je veux indiquer que deux projets ont été lancés : l’un concernant la pierre bleue et le bois, l’autre touchant au Maroilles.

Je le répète, l’idée des PER est excellente. Cela étant, même si je ne veux pas jouer les rabat-joie, il faut regarder les choses avec lucidité.

Après la sortie du film Bienvenue chez les Ch’tis, nous espérions pouvoir développer la production de Maroilles. Il faut dire qu’elle est nettement plus faible dans le Nord qu’en Picardie. Un bâtiment a été construit, une équipe de production a été mise en place, mais, il y a un mois environ, on a dû déposer le bilan. Nous sommes aujourd’hui dans l’expectative quant à la poursuite de ce projet, qui est pourtant excellent. Par parenthèse, je sais que la promotion de la pierre bleue et le développement de la filière bois présentent des perspectives plus favorables.

Comment tirer les leçons de cet échec, qui me désespère ?

Premièrement, il me paraît évident, comme cela a déjà été dit, que les zones rurales manquent d’ingénierie.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Plusieurs d’entre nous le constatent au quotidien : nous avons un déficit de matière grise, de personnels qualifiés, capables de porter ces projets du début à la fin. De plus, nous faisons souvent face à une réticence, sinon à un refus, dès lors que l’on parle des frais de fonctionnement à des communes ou des communautés de communes.

Pourtant, rien ne peut se faire sans le soutien de personnes d’expérience, surtout lorsque des dossiers impliquent des entreprises privées et de l’activité économique. Cela entre forcément dans le champ de la concurrence et de l’économie marchande et exige une technicité de niveau supérieur.

Deuxièmement, ces dossiers sont souvent portés par des intercommunalités dont la surface financière est beaucoup trop faible par rapport aux montants engagés dans le projet, ce qui pose des problèmes de trésorerie en attendant le versement des subventions. Dans le cas que j’ai évoqué, deux communautés de communes rurales, Maroilles et les Deux-Helpes, avaient monté le projet.

Comment faire pour que plusieurs communautés de communes puissent se réunir sur un même projet économique et le soutenir ?

En la matière, on sait les difficultés institutionnelles, et ne parlons pas des délibérations en attente de l’une ou de l’autre intercommunalité avant d’arriver au même objectif. Ce sont donc des éléments sur lesquels je vous invite à réfléchir, mes chers collègues. C’est pourquoi on ne peut engager ces actions que s’il y a un franc soutien des départements et des régions.

Il faut impliquer beaucoup plus en amont les conseils généraux et les conseils régionaux afin d’obtenir leur appui en matière de financement et peut-être même d’ingénierie. Les collectivités territoriales ne peuvent pas être considérées comme de simples distributeurs de subventions. En effet, même si des réticences existaient au départ, car on considérait que l’État lançait les projets, il s’agit en réalité de projets d’intérêt général sur l’initiative de l’État et des communes.

Troisièmement, nous n’avons pas, en France, une longue tradition de culture partenariale entre le privé et le public. Il existe même un climat de méfiance réciproque entre ces secteurs. Il faut évacuer ce problème qui est sans doute d’ordre culturel.

Il faut également s’assurer de la validité de la pertinence du projet économique dans un monde de concurrence exacerbée, trouver de bons techniciens de fabrication, de bons commerciaux et consolider la niche de production. Dans le cas présent, je pense à l’agroalimentaire bio.

Il ne s’agit pas d’une tâche facile. Elle demande du temps. La période de décollage économique exige à la fois du savoir-faire, de la précision, des fonds de trésorerie en attendant que les résultats commerciaux s’affirment au fil des semaines. Sans doute faut-il un peu plus de rigueur et des études de marché un peu plus approfondies.

Voilà les quelques réflexions, qui ne se veulent pas défaitistes, que je voulais faire. Avant tout, je pense qu’il faut pouvoir tirer les leçons des expériences qui ont échoué. Peut-être faut-il promouvoir des projets plus simples, plus basiques, sans risques inconsidérés comme les relais de services publics en zone rurale. La mutualisation des services publics est en effet une chose souhaitable de même que la création de maisons médicales pour répondre à la désertification de certains secteurs.

L’idée de pôles d’excellence rurale doit être approfondie afin de créer une véritable dynamique rassemblant tous les partenaires d’un même territoire. À cet égard, il y a des pistes de réflexion intéressante dans le cadre du Grenelle. Ainsi, je suis persuadé que l’on peut faire émerger des projets territoriaux autour des économies d’énergie, des projets d’énergie renouvelable comme la biomasse ou le bois déchiqueté, que nous avons mis en place dans le parc naturel régional de l’Avesnois. Ces projets peuvent avoir des effets positifs en termes environnementaux – je pense au maintien des haies – et de créations d’emplois.

Pour cela, il faut une expression politique forte. Peut-être est-il également nécessaire de se demander comment mieux définir les conditions du développement local en milieu rural. Nous sommes en effet passés d’une politique qui visait à l’égalité des territoires et à la cohésion territoriale – c’est la période de la DATAR – à une politique de mobilisation des territoires comme facteur de croissance, au risque d’augmenter les déséquilibres.

Peut-on dans une même politique viser à la fois l’efficacité avec une concentration spatiale de la production et l’égalité avec la répartition des revenus ? C’est bien la question de fond qui nous est posée. Prenons donc garde que le développement ait bien lieu dans l’ensemble des régions, surtout les plus déshéritées !

Pour terminer, je voudrais aborder une question qui m’interpelle de plus en plus, celle des régions rurales périurbaines. Celles-ci connaissent aujourd’hui une forte augmentation de leur population et évoluent vers une économie purement résidentielle, peu productive, sans mixité sociale. Cela peut apparaître comme une espèce de ségrégation où la production se ferait dans des secteurs donnés, souvent urbains d’ailleurs.

Certains de ces territoires ont des problèmes sociaux difficiles à gérer ; d’autres, plus résidentiels, ont la chance d’avoir des revenus importants et donc la possibilité de pouvoir faire vivre ces régions à travers des échanges commerciaux. Cela conduit parfois, surtout lorsque la taxe professionnelle devient une taxe professionnelle unique ou lorsqu’on parle de la supprimer, à vouloir rester entre soi et à refuser qu’une entreprise ou une usine s’installe.

Cette évolution me paraît dangereuse pour la cohésion territoriale et sociale de notre pays. Hélas ! tel est le constat que je fais dans mon secteur. Prenons-y garde, car la dissociation entre la production et le revenu par habitant, qui peut être élevé, tend à accroître les différences territoriales de façon extrêmement importante. Je pense qu’il s’agit là d’un sujet de fond auquel il faudra réfléchir dans les années à venir.

Quoi qu’il en soit, je tiens à remercier l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques pour l’organisation de ce débat. Il nous permet de faire un point d’étape sur des projets qui méritent une attention particulière. Ces projets sont tellement porteurs d’espoir qu’il faudra les affiner, les approfondir et assurer leur succès pour demain. C’est l’avenir des zones rurales qui en dépend.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Raymond Vall applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à partir du moment où les pouvoirs publics avaient créé des pôles de compétitivité en zone urbaine, une initiative similaire était souhaitée et très attendue pour les zones rurales. Ce fut mis en œuvre en 2005, puisque M. Christian Estrosi, alors ministre délégué à l’aménagement du territoire, avait annoncé la création officielle des pôles d’excellence rurale, les PER, au cours du comité interministériel du 14 octobre 2005.

Comme l’ont précisé les orateurs précédents, et particulièrement notre collègue Jean Boyer, auteur de la demande d’inscription de ce débat à notre ordre du jour, force est de reconnaître que ces PER ont connu un très grand succès. Depuis lors, plus de 800 projets ont été présentés et 379 d’entre eux ont été labellisés, générant plus de 1 milliard d’euros d’investissements, ce qui a permis, suivant les indications que vous nous avez données, monsieur le secrétaire d’État, de créer ou de maintenir au moins 30 000 emplois dans les zones rurales concernées.

Ces PER ont permis de soutenir des initiatives innovantes de développement portées par des territoires ruraux dans des domaines aussi divers que les bio-ressources, le développement des services au public, la promotion des patrimoines naturels, culturels ou touristiques, le développement d’entreprises existantes.

Dans mon département, la Meuse, quatre projets de PER ont été labellisés. Je remercie encore le Gouvernement d’avoir pris en compte celui que j’ai porté, concernant un syndicat d’initiative transfrontalier à vocation touristique rassemblant des collectivités et des associations de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle, de la Belgique et du Luxembourg.

Mme Nathalie Goulet évoque la Haute-Normandie et la Basse-Normandie.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Je ne peux que me féliciter de la création de ces pôles, qui ont donné aux élus un moyen très intéressant pour avancer dans le sens du développement économique de leurs territoires ruraux, même si leur mise en œuvre n’a pas toujours été aisée.

En effet, le formalisme administratif tellement répandu dans notre pays et des délais sans doute un peu trop serrés ne nous ont pas toujours permis de démarrer en temps et en heure tous les projets qui étaient envisagés. Je dois cependant reconnaître que votre administration est très conciliante lorsque nous la sollicitons, monsieur le secrétaire d’État, et qu’elle nous a accordé des délais supplémentaires, ce dont je ne peux que vous remercier.

Il est un autre écueil quelque peu inattendu auquel nous avons eu à faire face, il est vrai avant la crise financière et économique qui frappe aujourd’hui notre pays, contribuant à l’allongement des délais de réalisation des projets d’investissement : je veux parler de la propension des entreprises à ne pas répondre très vite à nos appels d’offres, sans doute parce que leurs carnets de commandes étaient, à l’époque, bien remplis – ceci a bien changé depuis, nous le savons.

C’est peut-être l’une des causes du retard que l’on a pu observer dans le démarrage des dossiers, à laquelle s’est ajoutée la question du financement au début de la crise financière.

Nous avions bien compris que les financements d’État accompagnant les pôles d’excellence rurale ne comportaient pas de crédits nouveaux ou de crédits supplémentaires et qu’ils consistaient, en réalité, à concentrer et à flécher les crédits existants à destination des projets portés par les PER. Ces crédits sont d’ailleurs versés dès le dépôt de nos demandes, dans des conditions tout à fait opérationnelles.

J’observe, par ailleurs, que les PER ne financent que des dépenses d’investissement et n’apportent pas, en tant que de besoin, les ressources nécessaires au fonctionnement des équipements construits, ce qui constitue peut-être une lacune qu’il conviendrait de combler.

En outre, puisque nous sommes au cœur de l’application du plan de relance économique mis en œuvre par le Gouvernement, je pense qu’il serait tout à fait opportun de poursuivre l’expérience des PER en labellisant de nouveaux projets ou, mieux encore, en autorisant des tranches supplémentaires pour les pôles qui sont en cours d’exécution.

Croyez bien que si vous preniez une telle initiative, monsieur le secrétaire d’État, vous seriez certainement soutenu par l’ensemble de notre assemblée. J’en profite pour vous remercier d’avoir autorisé certaines modifications des projets initiaux, quelquefois hâtivement bâtis, afin d’en assurer la réussite. Permettez-moi de vous dire également que je suis d’ores et déjà volontaire pour l’éventuelle prolongation du PER transfrontalier du Nord-Meusien par de nouveaux projets !

Enfin, au-delà des pôles d’excellence rurale, vous ne serez pas étonné que je tente de vous persuader, une fois de plus, de la pertinence de la création des zones franches rurales.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Le cahier des charges des pôles d’excellence rurale prévoyait que ceux-ci devaient concerner, notamment, les zones de revitalisation rurale, les ZRR. En réponse à une question de l’un de nos collègues, vous avez déclaré ici même voilà quelques semaines que les ZRR bénéficiaient des mêmes atouts que les zones franches urbaines.

Si tel était le cas, monsieur le secrétaire d’État, je ne me serais pas donné la peine de déposer une proposition de loi visant à autoriser les élus qui le souhaitent à transformer leur ZRR en « zone franche rurale ».

En effet, si les ZRR bénéficient des mêmes facilités fiscales que les zones franches urbaines, il leur manque l’essentiel, à savoir l’exonération des cotisations sociales patronales, dont chacun connaît le poids pour les entreprises.

J’avais pris l’initiative de déposer cette proposition de loi afin que les entreprises, les artisans, les commerçants et les professions libérales implantés aujourd’hui en ZRR – et demain, pourquoi pas, en zone franche rurale – puissent bénéficier des allégements de cotisations sociales patronales qui ne s’appliquent actuellement que dans les zones franches urbaines.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour m’aider à faire aboutir cette proposition de loi, qui compléterait à merveille le dispositif des pôles d’excellence rurale dans la mesure où les collectivités locales s’engageraient et œuvreraient véritablement à l’aboutissement des projets.

Ces projets s’intégrant dans les PER et complétant les outils de développement de notre territoire sont représentatifs d’une véritable politique industrielle à l’échelle de nos zones rurales.

Nous vous encourageons à poursuivre et à développer cette ouverture intéressante, monsieur le secrétaire d’État, et nous sommes pour cela à vos côtés !

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – M. Raymond Vall applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La séance est reprise.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Jacques Blanc.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier et féliciter notre collègue Jean Boyer d’avoir pris l’initiative de ce débat, afin que nous fassions le point sur les pôles d’excellence rurale.

En outre, monsieur le secrétaire d’État, je suis très heureux, car je pense que vous pourrez poursuivre votre action forte au service de l’espace rural.

Comme cela a été rappelé tout à l’heure, la création des pôles d’excellence rurale a été annoncée par le gouvernement Villepin, M. Christian Estrosi étant alors ministre délégué à l’aménagement du territoire. Il s’est agi d’un véritable choix politique.

En complément des pôles de compétitivité, dispositif bien connu de notre collègue Alain Chatillon, qui fait figure de « grand maître » de ces pôles dans le secteur agroalimentaire, un geste fort en faveur de l’espace rural était attendu. Ce geste est venu : ce fut la décision de prendre en compte et de soutenir les projets innovants dans les territoires ruraux, afin de renforcer la coopération entre les partenaires et de favoriser la création d’emplois.

Un certain nombre de thèmes prioritaires ont été retenus. Je pense notamment à la promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques, à la valorisation et à la gestion des bio-ressources – je précise que cette décision est antérieure au Grenelle de l’environnement –, aux actions en faveur de l’offre de service et de l’accueil des nouvelles populations et au développement des productions industrielles et artisanales.

De telles initiatives ont créé un contexte nouveau et suscité plusieurs évolutions de fond. Un nombre important de territoires, prenant bien la mesure des changements, ont décidé non pas de les subir, mais au contraire d’innover, en utilisant les ressources humaines et naturelles de la vie rurale – l’agriculture en demeure l’un des piliers –, qu’il s’agisse des activités de production ou de service.

D’abord, ces zones connaissent un regain d’attractivité – elles accueillent ainsi de nouveaux résidents –, notamment par rapport aux territoires périurbains. Comme cela a été indiqué, ceux-ci avaient également besoin de continuer à exister tout en maîtrisant des mutations susceptibles de leur faire perdre leur âme.

Ensuite, de nouveaux comportements ou modes de vie apparaissent. Le découplage entre le lieu de travail et le lieu de vie ouvre des perspectives d’installation dans l’espace rural.

Enfin, l’arrivée de nouveaux résidents dans l’espace rural crée une dimension économique nouvelle.

À l’heure où le Gouvernement décidait d’agir fortement en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche, il était souhaitable qu’il adresse également un signe en direction des territoires ruraux.

Vous permettrez au sénateur de la Lozère, territoire rural s’il en est – ce ne sont pas nos voisins de l’Aveyron ou d’ailleurs qui me contrediront –, de souligner l’intérêt d’une telle démarche pour un département comme le nôtre.

Nous nous sommes mobilisés pour obtenir sept pôles d’excellence. D’ailleurs, leur variété montre bien les atouts divers de nos zones de montagne. Je rappelle que l’ensemble du département est classé en zone de revitalisation rurale.

Les projets ayant obtenu le label de pôle d’excellence rurale sont les suivants : « Patrimoine naturel, tourisme de découverte et de pleine nature des Gorges du Tarn et de la Jonte », « Hébergement tourisme-sport-loisir-handicap » – premier grand pôle en France et peut-être en Europe pour offrir un accès au sport et aux loisirs aux personnes handicapées –, « Valorisation des bio-ressources par la cogénération à partir de biomasse » et « Valorisation du lait des montagnes de Margeride ». À ces projets de la première génération se sont ajoutés des projets de la deuxième génération : « Télémédecine en zone rurale de montagne », « Structurer et développer le tourisme équestre en Margeride-Aubrac », « Accueil chasse et pêche en Lozère : une dynamique de territoire » – vous voyez que nous savons faire preuve d’ouverture – et « Création d’un éco-site et développement de la filière », projet porté par le syndicat départemental d’électrification et d’équipement de la Lozère, structure chargée de la collecte de l’ensemble des déchets du département et que j’ai l’honneur de présider.

La variété de ces thèmes montre bien la diversité des atouts de cet espace rural, que ces pôles d’excellence rurale ont l’ambition de développer. Appuyons-nous sur une richesse naturelle et sur les hommes pour aller plus loin et créer les chances ! Et cela n’est pas servir seulement l’espace rural !

Comme l’a souligné le Président de la République hier à Versailles, notre société a besoin d’inventer de nouvelles réponses pour le développement durable. Cela passe par un nouvel équilibre et par le maintien en activité d’espaces qui étaient menacés de désertification hier et qui apparaissent à présent comme présentant de nombreux atouts, par exemple leur production agricole ciblée de qualité bio.

Le problème d’ingénierie, qui a été soulevé par l’un de nos collègues, est un problème important dans ces zones. Il faut prendre en main son propre destin. Si nous ne l’avions pas fait dans le département de la Lozère, j’ignore où nous en serions aujourd'hui.

Par chance, en 1993, sous le gouvernement Balladur, un comité interministériel a consacré la vocation d’action sanitaire et sociale de la Lozère, vocation qui s’est concrétisée dans un autre pôle d’excellence rurale. Ensuite, nous avons eu le plan Delevoye, qui a permis de financer des opérations d’aménagement. M. de Villepin est également venu pour consacrer de telles perspectives.

Nous avons bien pris conscience que notre sort dépendait de notre capacité. Il s’agit non pas de demander aux autres d’inventer les atouts de notre développement, mais de nous projeter nous-mêmes dans l’avenir, en imaginant de nouveaux modèles de développement rural.

Pour cela, nous avons besoin de soutien. Comment voulez-vous qu’un département comme la Lozère puisse apporter les financements nécessaires sur la seule base de sa fiscalité locale ? En l’occurrence, il s’agit d’investissements porteurs d’avenir, et non de quelconques dispositifs d’assistanat.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes venu nous voir, et nous avons apprécié votre visite. J’ignore si l’espace Causses-Cévennes sera classé cette semaine au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais je l’espère. Nous nous sommes mobilisés pour cela et nous avons contribué à promouvoir l’idée de l’agro-pastoralisme à valeur universelle de référence. Je ne sais pas si nous obtiendrons gain de cause, mais je sais combien vous nous avez soutenus.

Peut-être est-il important d’envisager des projets de troisième génération. Ainsi, nous pourrions consacrer certaines réussites de pôles d’excellence existants ou développer des perspectives nouvelles sur des thèmes nouveaux. Je pense notamment au développement durable avec sa triple dimension, sociale, économique et environnementale. Je pense également au thermalisme de santé, du bien-être, et à la mise en valeur d’espaces à protéger pour une cohérence territoriale avec des démarches d’écotourisme. Je pense enfin aux installations d’entreprise en milieu rural qui déploient des activités de service à haute valeur ajoutée ou aux projets d’accueil de nouvelles populations, par exemple les populations handicapées.

C’est donc un vaste chantier qui est encore devant nous. Nous avons franchi des étapes. Notre collègue Jean Boyer proposait des mesures pour éviter que des retards ne soient pénalisés. Je précise d’ailleurs que ces retards sont le plus souvent indépendants de la volonté des porteurs de projets. Il arrive que l’État nous incite à utiliser les crédits alloués avant la fin d’une année civile tout en bloquant la mise en œuvre des actions programmées ! Veillons donc à ne pas pénaliser les porteurs de ces projets.

Monsieur le secrétaire d’État, à l’aube d’une ère nouvelle dont vous serez, j’en suis certain, un acteur important, il est, me semble-t-il, important que notre pays consacre un aménagement du territoire équilibré. Je vous rappelle que le traité de Lisbonne érige la cohésion territoriale au rang d’objectif de l’Union européenne.

Il est nécessaire de maintenir les mesures prises dans les zones de revitalisation rurale, en particulier l’exonération des charges sociales pour des activités au service des hommes. C’est un dossier capital pour l’avenir de ces zones rurales.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État. Je sais que vous pourrez continuer à agir demain au service de cette ambition : l’équilibre entre les grandes métropoles et l’espace rural dans notre pays. C’est une réponse indispensable aux besoins qu’ont les hommes de se réconcilier avec eux-mêmes et de se retrouver dans un environnement protégé.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais à mon tour remercier M. Jean Boyer de nous permettre, par ce débat, de dresser un premier bilan des pôles d’excellence rurale.

Mon intervention portera d’abord sur la mise en œuvre des projets, au nombre de trois cent quatre-vingt-dix environ, dont quatre dans le Doubs. On sait très bien que la difficulté majeure est d’assurer la pérennité de leur financement sur le long terme. La récession qui frappe notre pays amène en effet les porteurs de projet à s’interroger sur la durabilité de l’engagement de l’État et des acteurs privés.Ces derniers pourront-ils toujours apporter leur pierre à l’édifice dans quelques mois ? Surtout, s’il devait être décidé, en 2013, de supprimer les fonds européens, une large partie des projets se trouveraient vraisemblablement ruinés.En outre, en période de crise, les collectivités territoriales porteuses de projet pourraient être conduites à se recentrer sur des investissements présentant pour elles une importance vitale.

Je souhaiterais donc que lorsqu’un pôle d’excellence rurale est en difficulté, l’État puisse garantir des emprunts ou attribuer des subventions relais afin d’éviter des licenciements ou une restructuration de l’activité, évoqués par mon collègue Paul Raoult.

Le Gouvernement devrait également nous fournir des indications sur les emplois créés ou maintenus grâce aux pôles d’excellence rurale. Monsieur le secrétaire d'État, existe-t-il des études d’impact des pôles sur l’emploi, y compris à l’extérieur de leurs frontières ? En effet, cette politique de valorisation et de labellisation de pôles correspondant à des investissements lourds, qui ne concerne que certains secteurs du monde rural, ne doit pas laisser de côté les projets élaborés par des collectivités de plus petite taille. Comment répondrons-nous aux attentes de ces dernières ?

Je déplore moi aussi que les dépenses de fonctionnement, en particulier en vue du recrutement et de la formation de salariés se consacrant au développement rural, ne soient pas subventionnées. Ces agents représentent pourtant une ressource humaine indispensable, une matière grise essentielle pour les territoires. Ils ont vocation à dynamiser et à animer les pôles d’excellence rurale, dont plusieurs de ma connaissance, qui n’ont pas été labellisés, ont vu leur activité régresser considérablement faute de pouvoir continuer à rémunérer leurs agents de développement.

De telles subventions de fonctionnement, outre qu’elles seraient très utiles, constitueraient un juste retour des choses, si l’on considère les économies réalisées par l’État et les entreprises publiques aux dépens du monde rural, avec par exemple la disparition des services postaux ou la fusion des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture.

Par ailleurs, l’excellence n’étant pas une fin en soi, je souhaite que les pôles soient des projets pilotes, exemplaires, permettant la diffusion de bonnes pratiques et de modes de développement. Je suis très attaché à ce que ces labels puissent être démultipliés, reproduits sur l’ensemble du territoire, voire franchisés. Dans cette perspective, je suggère que d’autres subventions puissent être accordées, en faveur de collectivités de taille plus modeste ou de projets de plus petite échelle. Monsieur le secrétaire d'État, nous devons avoir l’obsession d’aider les plus faibles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

… de soutenir les territoires les plus délaissés, ceux qui subissent le plus la disparition des services publics et se trouvent aujourd’hui en grande difficulté. Le progrès et l’excellence sont un bienfait s’ils sont partagés par le plus grand nombre. Or le monde rural n’est pas uniforme. Il ne faudrait pas que les pôles d’excellence rurale soient fondés sur le seul souci de la compétitivité et de l’innovation ; le développement rural repose aussi sur la mutualisation des expériences et des moyens, selon un objectif de cohésion sociale.

En effet, pour la plupart des communes, la priorité aujourd'hui est non pas d’atteindre l’excellence, mais d’assurer à leurs habitants des prestations quotidiennes d’une importance vitale. Or, lorsqu’ils sont confrontés à une baisse des dotations de l’État, les élus se demandent comment ils pourront faire vivre demain leur collectivité. L’enjeu est de continuer à bénéficier de services publics qui ne soient pas uniquement dématérialisés. C’est important pour nous !

Telles sont les quelques questions que je souhaitais soulever, monsieur le secrétaire d'État. Le traitement de la fracture territoriale doit constituer une véritable priorité pour le Gouvernement. Les pôles d’excellence rurale sont une bonne initiative, mais l’ensemble du monde rural attend des signes forts et des réponses urgentes.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais témoigner de l’excellent travail réalisé par le Pays d’Argentan Pays d’Auge Ornais autour du pôle d’excellence rurale pour la filière équine, un des trois PER de l’Orne.

Dans ce département, la filière équine représente plus de 2 200 emplois, dont 13, 8 % pour les haras – sans oublier la filière du percheron –, 40 % des salariés agricoles et 13 % de la surface, avec 3 100 élevages.

Le pôle d’excellence rurale que je viens d’évoquer bénéficie d’une dotation de plus de 890 000 euros, 98 % de ce montant ayant été alloué aux opérateurs privés par les sept comités de pilotage qui se sont déjà tenus et ont labellisé 93 dossiers, pour un montant prévisionnel de travaux de plus de 6 millions d’euros, soit 7, 60 euros de travaux pour chaque euro de subvention. C’est donc un plan de relance avant l’heure, sans qu’aucun emploi ait pour autant été créé à ce stade. Les bénéficiaires des subventions sont des éleveurs, des entraîneurs, des centres équestres, des hippodromes et d’autres professionnels. Certaines actions ont été également menées en matière de communication.

Toutefois, il y a un « mais » !

À la veille des jeux équestres mondiaux de 2014, qui auront lieu en Basse-Normandie, d’une restructuration des Haras nationaux, avec en particulier la mise en œuvre d’un projet concernant le haras du Pin et conduit par le département et la région, d’une réforme – ou d’une « réformette » ? – de la carte territoriale, quel est l’avenir des pays porteurs de ces projets ? À la veille du Grenelle II, qui pourrait transformer, si l’on n’y prend garde, les territoires ruraux en réserves d’Indiens qui n’auront peut-être plus besoin de chevaux

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Permettez-moi de suggérer quelques pistes pour améliorer les PER de la deuxième génération, car il s’agit d’un excellent programme que nous espérons voir perdurer !

Il convient tout d’abord d’assurer une meilleure coordination entre les acteurs potentiels.

Il faut ensuite consacrer des fonds à l’ingénierie, car les pays n’ont pas les moyens de recruter et de former le personnel nécessaire, cette tâche étant souvent chronophage. Les dotations des PER – qui ont été entièrement consommées dans notre département – doivent pouvoir être utilisées à cette fin.

Il importe en outre de relever le plafond de l’aide et d’ouvrir plus largement celle-ci à d’autres bénéficiaires, tels les vétérinaires et autres professionnels liés à la filière.

En conclusion, sur ce dossier important, il faut absolument revoir la copie, de façon à rendre les PER plus performants, à mieux coordonner les acteurs et les financements afin de pouvoir aider les territoires fragiles.

Enfin, à l’instar des intervenants précédents, je tiens à remercier notre collègue Jean Boyer d’avoir proposé ce débat.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur les 700 projets de pôle d’excellence rurale élaborés depuis 2006, 379 ont été labellisés au mois de juin. Dans l’Aisne, le premier à bénéficier de cette reconnaissance a été l’europôle de compétitivité et d’excellence professionnelle du trot, situé à La Capelle, en Thiérache, l’autre pays du maroilles…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Même s’il n’a pas l’ampleur de celui de l’Orne, que vient d’évoquer Mme Goulet, il a toute sa place dans le dispositif, dont l’audit sur l’efficacité des pôles d’excellence rurale préconise la relance.

Monsieur le secrétaire d'État, trois ans après le lancement de cette initiative par M. Christian Estrosi, alors ministre délégué à l’aménagement du territoire, permettez-moi de déplorer le caractère excessivement procédurier du système, notamment pour l’attribution des fonds.

Ainsi, s’agissant du pôle de La Capelle, deux des quatre opérations qui le composent, à savoir la reconstruction des tribunes et des box de course et la réhabilitation du manège équestre, ont été lancées. Cela assure la validation de l’ensemble. Ces opérations représentent plus de 60 % des engagements, pour un montant global d’aide de 165 000 euros accordé au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, seul cofinancement public du pôle.

Les crédits restants, qui correspondent donc aux deux autres opérations, doivent cependant être engagés avant le 30 juin 2009. La création d’un centre de médecine sportive équine est maintenant acquise, mais celle du centre d’entraînement connaît des retards et ne pourra être conclue dans le délai fixé. Or c’est bien la plus importante des quatre opérations, avec la création de cinq nouveaux emplois. Plusieurs candidats à l’installation se sont déjà manifestés et plusieurs parcelles du lotissement créé pour le futur centre d’entraînement ont même été vendues. Cependant, la perspective de l’ouverture du marché des jeux en ligne et le contexte économique difficile du moment tendent à retarder la décision d’investissement.

La prorogation d’au minimum six mois du délai d’engagement des crédits restants – considérant, en outre, qu’à l’échelle nationale la première échéance n’a pu être respectée pour un peu plus de 10 % des projets de PER – serait assurément opportune. Elle permettrait le parfait achèvement du programme global du pôle d’excellence rurale de La Capelle, particulièrement innovant et structurant pour notre territoire. Il conviendrait donc d’introduire un peu de souplesse dans le dispositif pour les délais d’engagement et, par conséquent, d’achèvement, la date limite du 31 décembre 2009 étant objectivement trop proche.

Monsieur le secrétaire d'État, alors que vous souhaitez lancer un nouvel appel à projets dans le courant de 2009, confirmant ainsi l’intérêt porté aux PER, et proposer, pour la période 2008-2011, un engagement de l’État aussi important que pour la première contractualisation, c’est-à-dire à la hauteur de 235 millions d’euros, nous vous remercions par avance des réponses que vous voudrez bien nous apporter.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux que le Sénat ait inscrit à son ordre du jour ce débat important sur les pôles d’excellence rurale, dont je remercie le président de la commission des affaires économiques, M. Émorine. La Haute Assemblée marque ainsi, encore une fois, son attachement aux questions de la ruralité.

Chacun d’entre nous aura pu constater combien les territoires ruraux étaient au cœur de la réflexion et des priorités du Président de la République pour la période qui s’ouvre. §

La présente crise économique est celle d’un modèle de capitalisme financier qui avait perdu son enracinement dans la production, l’entreprise et le territoire. La conviction du Président de la République est non seulement que, dans cette crise qui dure, nous ne devons laisser aucun territoire sur le bord du chemin, mais également que la France peut en sortir plus forte si elle investit utilement, notamment dans ses territoires.

À ce titre, mesdames, messieurs les sénateurs, l’aménagement du territoire et la ruralité figurent parmi les six domaines prioritaires d’investissement d’avenir identifiés par le Président de la République et pouvant bénéficier des moyens financiers tirés d’un grand emprunt. §

Les territoires ruraux connaissent aujourd’hui de profondes transformations, que M. Jacques Blanc a brillamment rappelées. Terres d’exode pendant plus d’un siècle, ils bénéficient de nos jours, de manière affirmée et presque généralisée, d’une attractivité indiscutable, comme l’attestent les derniers résultats du recensement de la population.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Nos concitoyens viennent y chercher un environnement de qualité, mais ils souhaitent également y trouver des systèmes de transport efficaces, du travail, des services publics accessibles et de qualité, ainsi que le même accès que les urbains à l’internet et à la société de l’information. Surtout, 60 % de nos concitoyens estiment que les zones rurales se développeront de nouveau dans les dix ou vingt prochaines années, grâce à l’arrivée de nouveaux habitants.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Cela pose la question de l’équilibre entre préservation et développement.

Les pôles d’excellence rurale n’épuisent pas l’action des pouvoirs publics en faveur des territoires ruraux. J’ai eu l’occasion de parler ici, le 26 mars dernier, des services publics en milieu rural. M. Biwer voudra bien me permettre de renvoyer l’examen du sujet essentiel des zones de revitalisation rurale à un prochain débat. Je vous indique néanmoins que j’ai mis en place, comme l’exige la loi de 2005, une mission d’évaluation approfondie du dispositif. Elle a été confiée conjointement à l’Inspection générale des finances, à l’Inspection générale des affaires sociales, ainsi qu’aux corps d’inspection des ministères de l’agriculture et de l’écologie. Les conclusions m’en seront remises d’ici au 30 septembre prochain.

Les PER sont le dispositif emblématique de la ruralité positive, entreprenante, appuyée sur ses valeurs et sur les richesses de nos territoires.

Au-delà des modalités de l’appel à projets, des thématiques et des projets individuels, la rupture fondamentale introduite par l’expérimentation des PER est celle de la mise en place d’un label d’excellence, marque de qualité et gage d’avenir pour des territoires ruraux longtemps associés à une image de déclin et d’immobilisme qui ne correspond absolument plus à la réalité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, quel est, à ce jour, le bilan de cette politique ?

Je salue l’initiative prise par M. Jean-Paul Émorine de faire réaliser par la commission des affaires économiques un bilan des pôles d’excellence rurale, assorti de propositions d’amélioration. J’ai eu l’occasion de m’exprimer, le 8 avril dernier, devant le groupe de travail constitué à cet effet sous la conduite de M. Rémy Pointereau. Cette initiative rejoint le processus d’évaluation lancé par le Gouvernement et évoqué précédemment. Je suis certain que le rapport qui en résultera sera un élément important, sur lequel il faudra s’appuyer pour la mise en place d’une nouvelle génération de pôles d’excellence rurale.

Monsieur Jean Boyer, nous vous devons le débat d’aujourd’hui, et vous avez posé les questions essentielles sur le bilan et l’avenir des PER.

En ce qui concerne tant le bilan des pôles que les orientations pour l’avenir, je retiens une très grande convergence entre les vues exposées par les sénateurs qui se sont exprimés au nom des différents groupes et les conclusions auxquelles je suis parvenu.

Le succès des PER n’est contesté par personne, et l’on s’accorde également sur la nécessité de prolonger cet élan dès 2010, ainsi que sur l’existence de marges de progrès en matière de procédure pour pleinement tirer parti de la dynamique de l’appel à projets.

Le constat positif tient aux points suivants.

Les PER, vous l’avez tous dit, permettent une très forte mobilisation des forces vives des territoires autour des initiatives portées par les élus locaux. En quelques mois, ce sont près de 800 projets qui ont émergé dans toute la France, en métropole ou outre-mer, dont 379 ont été sélectionnés. Certains départements comme la Lozère, le Cantal, la Corrèze ou la Meurthe-et-Moselle comptent huit PER.

Par ailleurs, les PER marquent un engagement fort de l’État, que M. Pointereau a bien voulu souligner, notamment d’un point de vue financier, avec une enveloppe de 235 millions d’euros, mais également par l’intervention des préfectures et des services aux côtés des collectivités.

Monsieur Biwer, les crédits de l’État pour les PER, en particulier les 117 millions d’euros provenant du FNADT, sont bien des crédits spécifiques, qui ont été votés en lois de finances comme tels et qui ont permis la mise en œuvre de projets ne trouvant pas de financement.

Messieurs Pointereau et Boyer, je suis d’accord avec vous : il faut une source unique pour les fonds d’État alloués aux PER, même si le fonds mutualisé interministériel a déjà rassemblé 176 millions d’euros. Simplifions la gestion pour les porteurs de projet !

Les PER sont des projets qui fonctionnent. Deux ans après leur démarrage effectif, 357 PER ont engagé leur projet d’investissement, dont 137 à hauteur de 100 %, ce qui est un chiffre remarquable. Seuls 22 PER, soit 6 % d’entre eux, ont été abandonnés.

Les PER sont aussi un outil concret au service de la relance. M. Le Cam l’a souligné, plus de 1 milliard d’euros d’investissements auront été réalisés au titre des PER à la fin de l’année 2009, grâce au versement de 160 millions d’euros de crédits de paiement par l’État cette année, après 45 millions d’euros l’an dernier. On constate d’ores et déjà la création de 6 000 emplois directs pour 2008-2009, et l’on estime à 30 000 le nombre total d’emplois qui auront été créés ou maintenus à l’issue de l’opération, dont 11 600 emplois directs.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Le partenariat public-privé, condition de l’éligibilité d’un projet au dispositif des PER, a également profondément modifié et dynamisé les méthodes de travail au plan local. L’évaluation montre, monsieur Biwer, que cette association des entreprises est souvent difficile, mais lorsque le partenariat est noué, il perdure et apporte au PER une dimension économique indispensable.

Monsieur Boyer, les travaux d’évaluation qualitative confirment l’existence d’un effet positif des PER en termes d’accélération et d’amplification des projets locaux, de revalorisation de l’image des territoires ou d’aide à la reconversion de territoires fragilisés. Il y a un véritable effet de label pour le territoire, qu’il faut faire vivre dans la durée.

S’agissant des PER « tourisme », monsieur Boyer, l’analyse menée par ODIT France sur dix-sept PER montre qu’ils ont un effet positif en matière d’attractivité lorsqu’ils sont articulés avec des projets de territoire, ce qui est le cas de celui de La Chaise-Dieu, mais n’est malheureusement pas systématique, et qu’ils disposent de l’ensemble des compétences pour inscrire leurs projets dans la durée, ce qui, reconnaissons-le, manque aussi parfois.

Cette observation rejoint celle de Mme Goulet et de M. Raoult sur l’ingénierie : les évaluations montrent que la solidité des porteurs de projet et leur capacité d’ingénierie sont des éléments déterminants dans la réussite d’un PER. L’État, à l’avenir, devra être très attentif à s’assurer de cette capacité d’ingénierie dans les territoires de projet et l’appuyer.

Les évaluations font également apparaître nombre de résultats remarquables, par exemple pour les PER développés autour de la filière bois, monsieur Boyer, qu’ils concernent l’utilisation du bois dans l’écoconstruction ou le développement de filières d’énergie renouvelable ancrées dans les territoires. Nous comptons ainsi soixante-dix-neuf PER consacrés au développement des bioressources. Je rejoins M. Jacques Blanc quand il affirme que le développement durable est, à l’évidence, une thématique incontournable des futurs PER.

Les PER « services à la personne » ont connu un franc succès, puisque l’on en dénombre cinquante-deux dont l’objet est la réalisation de projets innovants relatifs à l’accueil de la petite enfance, à celui des personnes dépendantes et aux maisons médicales. Moins nombreux, hélas ! à concerner les services publics, ils constituent des expériences à généraliser, en matière d’accueil polyvalent valorisant les possibilités des technologies de l’information et de la communication. Messieurs Pointereau, Blanc et Boyer, je suis d’accord avec vous pour considérer que, au même titre que le développement durable, l’économie résidentielle et des services – services de proximité, services publics, services au public, services aux personnes – est une thématique qu’il est indispensable de retenir en vue d’un nouvel appel à projets.

On compte également quelques très belles réalisations à l’actif des PER à dimension technologique.

Nous devons inciter les territoires ruraux à faire émerger et à renforcer des activités économiques structurées, et rendre éligibles au dispositif des PER des groupements d’entreprises. En effet, il ne faut pas opposer les pôles de compétitivité, structures essentiellement urbaines, indispensables aux grandes villes, aux pôles d’excellence rurale : c’est au contraire la conjonction de ces deux politiques qui permettra aux territoires de se développer. Le monde rural et le milieu urbain sont complémentaires, et il est plus que jamais nécessaire d’assurer leur unité et leur coordination. Dans cet esprit, je suis d’accord avec M. Vall sur le rôle de l’innovation technique pour valoriser les ressources des territoires. Son développement est indispensable.

Maintenant que nous disposons de cette vision, grâce notamment à vos réflexions, que décidons-nous pour l’avenir ?

À mon sens, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devrons tracer les grandes lignes des futurs PER à l’occasion du grand débat d’été annoncé hier par le Président de la République et nous préparer ensemble à définir les contours d’un nouvel appel à projets pour l’automne. Vous l’avez compris, il y aura une suite aux PER. Le Président de la République et le Premier ministre soutiennent cette idée.

Pour ma part, je pense qu’il ne doit pas y avoir de période de latence entre les deux générations de PER. Toutefois, les PER existants doivent être conduits à leur terme. Je confirme notamment à MM. Boyer, Biwer et Pointereau que seront examinées avec bienveillance les demandes de prolongation de délais pour la réalisation de projets en cas de force majeure, voire de réaffectation des crédits d’une opération qui ne se réaliserait pas à une autre : voilà qui apporte la souplesse que vous avez demandée.

Chaque situation particulière doit être étudiée avec pragmatisme, en vue d’apporter le meilleur soutien aux territoires. Aujourd’hui, cinq préfectures, celles de Maine-et-Loire, de l’Ardèche, de Meurthe-et-Moselle, de la Dordogne et de la Lozère, rencontrent des difficultés pour engager avant le 30 juin les dernières opérations de leurs PER, lesquels sont quasiment tous engagés à des taux supérieurs à 80 %. Monsieur Lefèvre, le pôle de La Capelle le sera, au 30 juin, à hauteur de 97 %. Par conséquent, il n’y a pas d’inquiétude à avoir : seuls restent à engager 24 715 euros pour le centre d’entraînement, mais la préfecture ne peut fournir les pièces nécessaires à la place du maître d’ouvrage…

En ce qui concerne la future génération de PER, la réflexion sur ses modalités doit commencer. Je tiens à ce qu’elle soit menée en concertation avec les parlementaires et en tenant compte des retours d’expérience des territoires. Dans cette perspective, je demande à la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité des territoires, la DIACT, d’organiser au mois d’octobre un grand congrès des acteurs des PER.

S’agissant des thèmes, trois axes généraux m’apparaissent incontournables : le développement durable, les services publics et les clusters d’entreprises.

Je partage l’analyse de MM. Pointereau et Boyer sur le délai laissé aux porteurs de projet : il a été trop court pour le premier appel à projets, même si c’est aussi un puissant aiguillon que de devoir bâtir un projet sous une telle contrainte de temps, à condition, bien sûr, que le délai reste raisonnable. Par conséquent, je soumets à votre réflexion l’idée de procéder en deux temps pour le prochain appel à projets : une première phase, courte – disons de trois mois –, pour répondre sur une idée de PER, débouchant sur une première sélection des projets ; une seconde phase, pouvant aller jusqu’à six mois, au cours de laquelle les porteurs du projet de PER seraient accompagnés par l’État pour affiner leur projet, monter leur dossier, établir le tour de table financier et nouer les partenariats indispensables avec le privé. La labellisation interviendrait à l’issue de cette seconde étape.

En ce qui concerne les financements, nous devrons mettre en place, et je m’y engage, des circuits financiers plus simples et plus souples.

Enfin, je suis également ouvert à l’idée de M. Biwer que des PER de la première génération puissent présenter de nouvelles opérations ou tranches d’opération s’inscrivant dans le nouvel appel à projets. Cependant, je ne pense pas qu’il faille réserver des crédits pour les PER existants.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les territoires ruraux sont plus que jamais des réservoirs de croissance et d’emplois, …

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. … pour peu que l’on favorise la définition de stratégies locales et que l’on soutienne les initiatives visant à un développement harmonieux : croissance verte, économie résidentielle et de services, réseaux d’entreprises. C’est tout l’enjeu de pôles d’excellence rurale renouvelés, monsieur Boyer, que ce retour du rural à la pointe de l’excellence dans notre pays. Qu’il serve l’ensemble de nos territoires et de leurs populations !

Applaudissementssur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous en avons terminé avec le débat sur les pôles d’excellence rurale.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants, avant d’aborder le dernier point de l’ordre du jour.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 44 de Mme Claire-Lise Campion à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille sur la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.

La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi réformant la protection de l’enfance a été adoptée dans un consensus rare, voilà deux ans déjà.

Les enjeux de la loi du 5 mars 2007 sont cruciaux. Ce texte vise à permettre une meilleure détection des situations de maltraitance, mais aussi et surtout à les prévenir. Le projet de loi présenté par M. Philippe Bas, alors ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, avait fait l’objet d’une concertation préalable organisée par le gouvernement. Les assises départementales avaient notamment permis de rassembler les professionnels de la protection de l’enfance autour d’une même table. Tous s’étaient mobilisés, animés par une volonté commune née sur le terrain, par un esprit de collaboration et une dynamique remarquables.

L' « Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l'enfance », que j’ai moi-même signé, comme nombre de collègues siégeant sur toutes les travées de notre hémicycle, attestait de l’urgence de la situation et d’une volonté d’agir partagée par l’ensemble des acteurs : les professionnels sociaux et médicosociaux, les associations et les élus. N’oublions pas que la protection de l’enfance concerne plus de 270 000 mineurs par an dans notre pays.

Vingt-cinq ans après la création de l’aide sociale à l’enfance décentralisée, il était nécessaire de prendre acte des pratiques innovantes en matière de protection de l’enfance et d’abandonner les vieux réflexes hérités de l’après-guerre, parfois encore bien présents.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance n’était pas le texte fondamental que nous appelions de nos vœux. Cependant, elle présente des avancées organisationnelles et méthodologiques importantes.

Désormais, la définition de l’enfant en danger permet de couvrir une population plus large, englobant non seulement le mineur maltraité, victime de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou de négligences lourdes, mais aussi celui qui se trouve en situation de « risque » pour sa santé, sa sécurité, sa moralité. Ces mineurs représentent aujourd’hui la majorité des enfants aidés.

Il s’agit non pas de les « placer », mais de les accompagner au sein de leur famille. La loi accorde une part importante à la prévention, qui doit être la plus précoce et s’adresse en premier lieu aux parents. On n’agit plus « à leur place », mais « avec eux ». Il est indispensable de leur donner, très en amont d’une situation de crise ouverte, des repères, des appuis et des outils pour qu’ils puissent accomplir leur mission librement et en toute responsabilité. Cela peut se faire par le biais, par exemple, des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents ou par des aides proposées au domicile. Lorsque la séparation est nécessaire, pour les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, la perspective du retour dans la famille doit être maintenue et favorisée. Nous nous félicitons de cette évolution, car c’est bien là qu’est la place de l’enfant.

Dans cette optique, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a entériné des dispositifs, alors expérimentaux, tels que l’accueil de jour. En permettant la réception des familles dans un service aux locaux adaptés, ce mode de prise en charge constitue une alternative au placement. L’association des parents à toute mesure de protection de l’enfance empêche qu’une trop grande distance ne se crée et n’hypothèque la possibilité d’une réintégration familiale. L’accueil séquentiel représente également une solution intéressante, puisque les retours temporaires en famille peuvent être organisés sur le modèle des gardes alternées.

Tout le mérite de la loi est d’avoir pris en compte ces nouveaux besoins et cette réalité sociale, du moins sur le papier ! Elle a également permis de revisiter les pratiques des professionnels, de faire preuve de créativité et de réactivité. S’inscrivant dans le développement de la politique de protection de l’enfance, le législateur a aussi rappelé les dispositions essentielles et l’esprit de la Convention internationale des droits de l’enfant, que la France a votée dans le cadre de l’Organisation des Nations unies en 1989 et ratifiée en 1990.

La loi du 5 mars 2007 était nécessaire ; cette réforme doit être menée à son terme. Or, deux ans après la promulgation de ce texte, le bilan n’est pas satisfaisant. Le constat est sans appel : le nombre d’enfants bénéficiant d’une protection ne diminue pas et la judiciarisation des situations est constante.

Certes, de nouvelles mesures ont été mises en place, et la loi a entériné et généralisé des pratiques déjà instaurées dans certains départements et fondées essentiellement sur la prévention. Quatre décrets sur onze ont été publiés, créant notamment les cellules départementales de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes et les observatoires départementaux de la protection de l’enfance. Toutefois, contrairement à ce que vos services annoncent, madame la secrétaire d’État, ce ne sont pas soixante-dix cellules de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes qui ont été mises en place, mais quarante-deux, d’après l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED, vingt-huit restant à l’état de projet. De plus, un protocole entre le président du conseil général, le préfet, le procureur de la République et l’éducation nationale a été signé dans seulement cinquante départements. Le projet pour l’enfant en partenariat avec l’aide sociale à l’enfance a été très peu mis en place.

Le constat est malheureusement identique pour le bilan de santé à l’école à trois ans. Ce dernier permettrait pourtant un signalement précoce des enfants en difficulté. Quant au bilan au quatrième mois de grossesse, qui a été créé afin d’identifier d’éventuelles difficultés d’ordre psychosocial pouvant compromettre l’accueil de l’enfant et de proposer une aide en conséquence, il n’est pour ainsi dire pas effectif. Dans le même temps, la majorité des professionnels ne bénéficient pas de formations adaptées à la nouvelle législation, ce qui ralentit l’évolution des pratiques professionnelles et maintient le recours à l’autorité judiciaire, au détriment du développement des actions contractualisées avec les familles.

L’État a réuni une seule fois le comité de suivi de l’application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Depuis, plus rien ! Nous ne partageons donc pas, madame la secrétaire d’État, votre satisfaction et regrettons, à l’instar du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’absence d’autocritique du Gouvernement sur cette question. Le manque de financement est la raison principale de ce bilan insatisfaisant. À l’époque, nous avions attiré l’attention du Gouvernement sur l’absence de clarté à cet égard.

Pour mémoire, l’article 27 de la loi du 5 mars 2007 a créé un Fonds national de financement de la protection de l’enfance, qui devait être doté de 150 millions d’euros sur trois ans aux termes d’un amendement gouvernemental présenté in extremis, sous la pression des parlementaires, alors qu’aucun financement n’avait été prévu à l’origine. Ce fonds devait être alimenté par deux versements, l’un de la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, arrêté en loi de financement de la sécurité sociale, l’autre de l’État, arrêté en loi de finances.

Dans cette enceinte, mes collègues et moi-même avions, à l’occasion de l’examen de cet amendement, dénoncé le choix ainsi opéré. En effet, la branche famille n’a pas vocation à financer la protection de l’enfance, d’autant qu’elle est largement déficitaire depuis plusieurs années ! De surcroît, au-delà même du principe, l’intervention de la CNAF impose de prélever des fonds aux dépens de domaines qui, cette fois, relèvent bien de sa compétence.

Pour autant, il était prévu que la CNAF verse seulement 30 millions d’euros pour la première année d’exercice. Le fonds n’ayant pas été créé, cette somme n’a jamais été affectée et est, aujourd’hui, redistribuée sur d’autres lignes budgétaires.

Alors que les collectivités territoriales et le secteur associatif attendaient que l’État démontre sa volonté politique de faire de la protection de l’enfance une priorité en dégageant des crédits, ceux-ci n’ont jamais été prévus dans les projets de loi de finances qui se sont succédés. Ainsi se résume, malheureusement, l’expression de la volonté politique du Gouvernement dans ce domaine !

Pourtant, un projet de décret avait été soumis au Comité des finances locales le 5 février 2008. Récemment questionnée à ce sujet, vous avez annoncé le 23 février 2009, madame la secrétaire d’État, l’avoir signé, tout comme votre ministre de tutelle, monsieur Hortefeux. Toutefois, interrogé sur la date de publication de ce décret, votre cabinet n’a pu préciser aucun délai. Ainsi, le Gouvernement se montre complètement velléitaire dans ce domaine…

Outre l’absence de financement des mesures de la loi du 5 mars 2007, un désengagement général de l’État fait peser une charge supplémentaire sur les finances des départements, d’abord par la non-compensation du transfert de compétences issu de la décentralisation.

En effet, les départements ont pleinement assumé ce transfert, notamment dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la maltraitance, qui relèvent principalement de leur responsabilité. Prenant en charge l’essentiel de la dépense correspondante, ils sont allés bien au-delà de l’engagement initial de l’État : alors que celui-ci s’élevait à 2, 8 milliards d’euros par an, la dépense cumulée des départements atteint aujourd’hui 5, 6 milliards d’euros. Ces collectivités ne sont plus en mesure de suppléer la défaillance de l’État, qui, par ailleurs, procède également à des réductions de crédits importantes dans ses propres domaines de compétence. Ainsi, pour l’année 2009, le soutien apporté par l’État aux enfants en danger est marginal. Il est en effet ramené à 6 millions d’euros. En ce qui concerne la protection des enfants et des familles, le budget est doté, toujours pour 2009, de 220, 8 millions d’euros, soit une diminution de 12 % des crédits par rapport à 2008. La médecine scolaire, la pédiatrie, la psychiatrie sont sinistrées dans la plupart de nos territoires.

En agissant de la sorte, le Gouvernement remet en cause l’ensemble de la politique de protection de l’enfance et fait peser des charges supplémentaires sur les départements.

Ainsi, par simple circulaire, il a été décidé que les mineurs bénéficiant de mesures d’assistance éducative et les jeunes majeurs ne seraient plus accueillis dans les structures de la protection judiciaire de la jeunesse, qui dépendent financièrement de l’État. La direction régionale de la protection judiciaire de la jeunesse d’Île-de-France va donc réduire de 240 à 76 le nombre des places d’accueil pour l’ensemble de la région. Des établissements fermeront dès le mois de septembre prochain. En conséquence, les professionnels de ces équipements sont affectés à d’autres missions, par exemple l’audit des établissements de protection de l’enfance. En conclusion, l’État se désengage, puis explique aux départements comment mettre en œuvre leur compétence en matière de protection de l’enfance !

Cette réduction drastique des moyens de la protection judiciaire de la jeunesse pour 2009, ainsi que le recentrage sur les mesures judiciaires pénales pour les mineurs délinquants, m’inquiètent au plus haut point. La révision générale des politiques publiques, organisant ce désengagement de l’État, transfère de fait de nouvelles charges aux conseils généraux, sans respecter le principe de péréquation. C’est intolérable !

En effet, ces collectivités territoriales financent désormais les mesures civiles, sans aucune modification législative ou réglementaire, alors que l’augmentation du nombre d’enfants bénéficiant d’une action éducative en milieu ouvert, atteignant 2, 1 %, est plus importante que la progression du nombre d’enfants placés sous l’autorité de l’aide sociale à l’enfance, qui est de 0, 6 %. Pour la Seine-et-Marne, par exemple, le coût est estimé à 500 000 euros. Dans l’Essonne, l’addition de la prise en charge des jeunes majeurs et de celle des mesures au civil représentera un coût de 1, 475 million d’euros.

Je pourrais également citer l’exemple de l’article 68 de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi Boutin, sur lequel s’appuient les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DDASS, pour orienter les mères avec leurs enfants des centres d’hébergement et de réinsertion sociale, qui relèvent de la compétence de l’État, vers les centres maternels, qui dépendent des conseils généraux.

Je pourrais enfin citer la carence absolue, en matière de pédopsychiatrie, que l’on constate quotidiennement au sein de l’aide sociale à l’enfance pour l’étude des situations, le parcours du combattant pour trouver une solution ou le coût supporté in fine par le département.

En accumulant ainsi les charges supplémentaires pour les départements, c’est l’ensemble de la politique de protection de l’enfance que vous remettez en cause !

Dans ces conditions, comment les conseils généraux pourraient-ils de surcroît financer à la place de l’État les nouvelles mesures phares de la loi du 5 mars 2007 ? Pour un département comme l’Essonne, la mise en œuvre de cette loi a déjà coûté plus de 1, 3 million d’euros pour la période 2008-2009. Nous avons estimé, en nous fondant sur un projet de décret qui a circulé au sein de l’Assemblée des départements de France en février 2008, que la compensation à percevoir par ce département devrait atteindre 3, 1 millions d’euros sur trois ans. Tous les départements n’ont pas les moyens d’avancer de tels montants !

Au cours de l’année 2008, toujours en Essonne, 2 968 informations signalant un enfant en danger ou en risque de l’être ont été recensées par la cellule départementale, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2007.

Par ailleurs, la loi du 5 mars 2007 renforce la prévention sanitaire dans le cadre de la médecine scolaire, avec l’organisation de visites médicales étendues aux classes d’âge de neuf et quinze ans. L’application de cette mesure nécessite le recrutement d’un personnel médical important, ce qui engendre encore des charges supplémentaires.

La loi étant promulguée, les présidents des conseils généraux, chefs de file de la protection de l’enfance, ont la responsabilité de la mettre en œuvre dans leur département. L’obstination de l’État à ne pas honorer ses engagements financiers peut indirectement aboutir à la mise en cause de leur responsabilité, pour défaut d’application de la loi. C’est pourquoi je comprends le recours devant le Conseil d’État de M. Claude Bartolone, président du conseil général de Seine-Saint-Denis. Par son action, il entend implicitement que soit reconnue la responsabilité de l’État pour non-application de l’article 27 de la loi du 5 mars 2007.

Dans ce contexte, je déplore que l’inaction de l’État crée de nouvelles disparités sur le territoire national dans la prise en charge des enfants en danger. La décentralisation ne comporte pas en elle-même d’effet correcteur des inégalités. En l’absence de redistribution, celles-ci continueront de s’accroître. L’État ne peut donc pas se défausser de sa fonction de régulateur. Nous souhaitons, madame la secrétaire d’État, que, au-delà des déclarations et des initiatives législatives, les financements suivent et que la péréquation soit effective ! Le décret créant le Fonds national de financement de la protection de l’enfance doit être adopté et publié dans les meilleurs délais ! Tous les enfants ont droit à un soutien et à une prise en charge de qualité sur la totalité du territoire national, au nom du principe d’égalité.

Ce constat est partagé tant par le Conseil national des villes que par l’ONED, dans leurs rapports respectifs, rendus publics au premier trimestre de 2009.

Eu égard à ces rapports et à ces réflexions, on ne peut que déplorer aujourd’hui l’absence de politique de l’enfance à l’échelon national. Ce n’est pas moi qui le dis, je me contente de citer les propos du Comité des droits de l’enfant des Nations unies qui vous a auditionnée, madame la secrétaire d’État, le 27 mai dernier à Genève. Il relève en effet que notre pays n’a pas de politique spécifique en faveur de l’enfance, sauf en matière pénale, et s’inquiète tout particulièrement de la situation des adolescents et de la perception négative qui se développe à leur encontre, notamment au travers de la gestion de la délinquance et du durcissement de la justice des mineurs.

D’autres sujets d’inquiétude ont été relevés par cette instance : la pauvreté dont souffrent de trop nombreux enfants et la situation préoccupante des mineurs étrangers isolés, notamment en zone d’attente. Les exigences en matière d’accueil prévues par la Convention internationale des droits de l’enfant ne sont pas respectées. Les quelques conseils généraux concernés ne peuvent assurer à eux seuls l’accueil de ces 4 000 à 5 000 jeunes arrivant en France chaque année.

Nous retrouvons là les deux conceptions qui s’affrontaient déjà lors de la discussion, en mars 2007, du projet de loi réformant la protection de l’enfance. L’examen de ce texte se télescopait en effet avec celui du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, qui s’inscrivait dans la continuité de la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, à l’origine du contrat de responsabilité parentale.

Si le premier texte considère l’enfant comme un être en devenir, auquel il s’agit de donner les moyens de son épanouissement, le second a pour principal objet, en revanche, de mettre en œuvre une protection de la société fondée sur le déterminisme, la répression et la traque du délinquant en devenir. Au vu de l’attention portée à l’application de la loi relative à la prévention de la délinquance, il semble que cette dernière conception ait prévalu. Permettez-moi de le regretter.

En effet, les décrets ont été rapidement publiés et les crédits débloqués sans difficulté. Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, mis en place le 28 juin 2007, c'est-à-dire trois mois après la promulgation de la loi, a été abondé de 35 millions d’euros en 2008 et en 2009. À n’en pas douter, la délinquance juvénile est une priorité – oserai-je dire une obsession ? – gouvernementale.

M. le Premier ministre a ainsi annoncé tout récemment la mise en œuvre, à compter de septembre 2009, d’un énième plan national de prévention de la délinquance, en tenant les propos suivants : « Il faut que nous mettions pleinement en œuvre la loi sur la prévention de la délinquance de mars 2007 […] qui a été beaucoup trop négligée ces dernières années. » Je déplore qu’il ne se préoccupe pas autant de la protection de l’enfance, uniquement évoquée, sous le coup de l’émotion, à l’occasion d’affaires médiatisées. Je pense par exemple aux affaires d’Outreau ou d’Angers.

Cette méthode me paraît significative de votre conception du rôle de l’État s’agissant de la mise en œuvre de la politique de prévention, de protection et d’insertion des jeunes publics.

Soyons clairs : il s’agit non pas de nier la réalité de la délinquance juvénile ou de laisser impuni un délinquant, mais d’amener les pouvoirs publics à apporter des réponses bien plus larges que la seule répression et l’accablement des familles. La protection de l’enfance ne peut s’effacer derrière la prévention de la délinquance. Il n’y a pas de lien intrinsèque entre un jeune en difficulté sociale, éducative ou matérielle et un délinquant, mais un mineur délinquant est un enfant à protéger.

Le débat qui va maintenant s’engager doit être constructif ; je ne l’imagine pas autrement, car la défense des enfants ne peut porter à polémique. J’attends donc de vous, madame la secrétaire d’État, des éclaircissements sur la non-publication de nombreux décrets d’application de la loi réformant la protection de l’enfance, alors que le ministre en poste à l’époque de son élaboration, M. Philippe Bas, avait pris l’engagement de les publier dans les six mois.

Concernant le décret relatif au Fonds national de financement de la protection de l’enfance, j’ai bien compris que seule la signature de M. le Premier ministre manquait. Je n’ose interpréter ce contretemps comme la marque d’un désintérêt du Gouvernement envers la protection de l’enfance.

Reprécisons les ordres de grandeur : nous parlons ici de 150 millions d’euros ! Dans le pays des droits de l’homme, le manque d’enthousiasme des pouvoirs publics pour mobiliser une somme sans commune mesure avec les volumes engagés pour résoudre la crise bancaire n’est pas acceptable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Dans la suite du débat, la parole est à M. Dominique de Legge.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, on ne peut que se féliciter du large consensus qui a présidé à l’adoption de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, tant au sein de notre hémicycle qu’à l’Assemblée nationale, laquelle a adopté sans aucune modification le texte transmis par le Sénat.

En effet, la nécessité de préserver l’avenir de nos enfants, c’est-à-dire de notre société, fait l’unanimité sur nos travées. Cela explique la préoccupation exprimée par notre collègue Claire-Lise Campion quant à l’application de la réforme prévue par ce texte, particulièrement pour ce qui concerne la question de son financement par le Fonds national de financement de la protection de l’enfance. Je fais confiance au Gouvernement pour trouver les voies et moyens d’accélérer le financement de ce fonds, sans pour autant perdre de vue les objectifs et le contexte qui prévalaient lors de sa création.

Comme chaque fois qu’une réforme affecte les collectivités territoriales, se pose la question de la compensation des charges transférées ou supposées l’être. La création de ce fonds est très largement justifiée par l’obligation formelle imposée par la loi à chaque département de mettre en place une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes. La mise en œuvre d’un tel dispositif suppose des moyens supplémentaires. Toutefois, de nombreux départements n’ont pas attendu le vote de la loi pour prendre l’initiative de centraliser en un même lieu l’historique des dossiers, en vue d’éviter les doublons et d’assurer la pérennité des prises en charge. Certains n’ont pas attendu la création du fonds pour mettre en place une telle cellule. Au final, plus des deux tiers des départements en sont aujourd’hui dotés. Dès lors, peut-on parler d’une innovation, voire d’un transfert de charges, comme l’a donné à penser notre collègue Claire-Lise Campion ?

Il ne s’agit sans doute pas d’une innovation, dans la mesure où les objectifs assignés à la cellule s’inscrivent logiquement dans la mission de protection de l’enfance conférée aux départements en vertu des premières lois de décentralisation, mission doublée d’une protection médico-sociale dite PMI, protection maternelle et infantile, pour les enfants âgés de zéro à six ans.

Ce qui est nouveau, cependant, c’est que l’on formalise et rend désormais obligatoire un outil qui impose aux partenaires des départements, à savoir l’éducation nationale, les associations de protection de l’enfance, les communes, la protection judiciaire de la jeunesse, le parquet, les services de santé, de collaborer avec eux. Le rôle pivot du département en matière de protection de l’enfance est ainsi consacré. La création de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes correspond à cette mission naturelle de coordination. Elle permet de disposer d’un recueil d’informations partagées. Trop souvent, en effet, chaque intervenant, au nom de sa spécificité, de son organisation propre ou d’une pratique extensive du secret professionnel, ne collaborait pas à l’obtention d’une vue d’ensemble de la situation, ce qui ne permettait pas d’aboutir à des analyses concertées et à des suggestions partagées.

La loi du 5 mars 2007 est donc venue conforter le rôle central des départements en matière de protection de l’enfance, l’action judiciaire ne devant être que subsidiaire. C’est pourquoi j’estime que la question du financement, si elle reste bien entendu centrale, ne peut constituer la seule réponse en vue d’une meilleure prévention. Elle doit s’accompagner d’une meilleure synergie des actions, qui rendra celles-ci plus efficaces.

L’exemple des visites médicales est à cet égard éclairant : d’un côté, vingt visites médicales obligatoires sont prévues au titre de la PMI entre zéro et six ans, aucun contrôle n’étant exercé dans la pratique, les CAF ne demandant plus la présentation des justificatifs qui conditionnaient le versement des prestations, ce qui conduit d’ailleurs à s’interroger sur leur absolue nécessité ; de l’autre, la loi du 5 mars 2007 a introduit l’obligation d’une visite médicale au cours des sixième, neuvième et quinzième années, en sus des vingt examens médicaux obligatoires que je viens d’évoquer. On le comprend aisément, l’ensemble du dispositif peine à se mettre en place.

En ne confiant pas aux départements, lors de l’élaboration des dernières lois de décentralisation, une mission générale de protection de l’enfance, allant – osons le mot ! – vers un service unifié de la protection de l’enfance, nous avons perdu, j’en suis convaincu, l’occasion de procéder à une mise en cohérence. Si des travailleurs sociaux et des personnels de santé doivent être présents en milieu scolaire, ne gagnerait-on pas en efficacité à confier au même service le dépistage et l’accompagnement, de la naissance à l’adolescence? Il s’agit bien des mêmes enfants et des mêmes familles : pourquoi émietter leur accompagnement ?

Il est difficilement contestable qu’une telle évolution permettrait à la fois de mieux dépenser l’argent public, grâce à une mutualisation des moyens, et de mieux répondre aux préoccupations de santé publique et de prévention médico-sociale, en instaurant un interlocuteur unique. En effet, la dilution des compétences et la multiplicité des intervenants ne favorisent pas l’exercice des responsabilités, pas plus qu’elles ne répondent à l’intérêt de l’enfant. Du reste, en introduisant la notion de secret partagé, la loi du 5 mars 2007 a posé des jalons intéressants sur la route d’une mutualisation de plus en plus pertinente au regard de la diversité des instances et des situations concernées.

En conclusion, je souhaite insister sur l’intérêt de l’enfant, qui doit rester au cœur du débat et être notre seul objectif. Face à la montée de la violence observée à l’école, aux excès de l’utilisation d’internet qui menacent l’enfance, au développement de la pédophilie et des mauvais traitements dont peuvent souffrir les enfants au sein même de leur famille, il est plus que jamais nécessaire de mobiliser tous les acteurs de la protection de l’enfance en vue d’actions cohérentes.

C’est pourquoi, si je reconnais bien volontiers l’importance des moyens financiers, je demeure convaincu que la mise en place d’une synergie pragmatique des services concernés constitue la meilleure solution pour améliorer la situation.

À mes yeux, on ne peut aborder la question financière en la déconnectant totalement de l’état de nos finances publiques. De ce point de vue, et pour ne prendre qu’un seul exemple, je me réjouis que des moyens aient été dégagés, lors de la dernière convention d’objectifs et de gestion conclue entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales, pour financer un plus grand nombre de dispositifs en faveur de la petite enfance, car ils participent également à la protection de l’enfance.

Je ne crois pas que l’on puisse opposer l’action des CAF à celle de l’État, ni l’État aux départements, ou pis encore, comme je l’ai entendu à l’instant, la protection de l’enfance à la prévention de la délinquance. La protection de l’enfance et nos enfants méritent mieux !

Aussi, madame la secrétaire d’État, en écoutant les réponses que vous nous apporterez tout à l’heure, serons-nous tout autant attentifs aux aspects financiers qu’aux perspectives que vous tracerez pour assurer une meilleure protection de nos enfants.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question que nous abordons aujourd’hui, sur l’heureuse initiative de Mme Claire-Lise Campion, n’a rien d’anodin, puisqu’il s’agit de la protection de l’enfance. Est-il thème plus consensuel ? Il nous rassemble tous, quelles que soient nos sensibilités, nous qui sommes souvent tout à la fois sénateurs de la République et parents, voire grands-parents.

Nous voudrions tous, et vous tout particulièrement, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, nous écrier avec Victor Hugo, notre éminent prédécesseur dans cet hémicycle : « Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris. » Nous voudrions qu’il n’y ait que de bonnes fées pour se pencher sur le berceau d’enfants destinés à être heureux. Mais, malheureusement, il en va parfois autrement et il y a dans le monde, en Europe, en France, tout à côté de nous, des enfants en danger.

Dans notre pays, à haut niveau de vie et à la démocratie accomplie, il y a des enfants maltraités, victimes de violences physiques, sexuelles, mentales, des enfants confrontés à des négligences plus ou moins lourdes. Ils sont nombreux, plus qu’on ne le croit, qu’on ne le sait, qu’on ne l’imagine, si l’on se réfère aux statistiques, en particulier celles qui résultent de la Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par les Nations unies le 20 novembre 1989.

En France, selon un rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger, 266 000 enfants et adolescents étaient pris en charge, suivis ou placés par les services de protection de l’enfance au 31 décembre 2006, parce qu’ils étaient considérés comme étant en danger. Or 266 000 enfants, c’est l’équivalent de la population d’une ville de la taille de Strasbourg ! Ce chiffre est d’autant plus inquiétant que, loin d’être accidentel, il progresse. En 2006, il était supérieur de 4 % à celui de l’année précédente.

Devant ce problème récurrent, ce drame chroniquement exponentiel que n’expliquent pas les seuls phénomènes de paupérisation, d’immaturité, d’inculture, de développement culturel et social de la violence, le législateur est fort opportunément intervenu.

S’est ensuivie l’élaboration de la loi promulguée le 5 mars 2007, résultant d’une concertation assez large avec les associations et les professionnels de la protection de l’enfance, mais aussi avec les conseils généraux chargés de sa mise en œuvre, car ce sont bien les départements qui assurent le financement de la prévention et de la lutte contre la maltraitance des enfants.

Je crois qu’il ne viendrait à personne ici l’idée de contester cette loi adoptée par le Sénat et l'Assemblée nationale. Mais comment ne pas dénoncer l’absence des décrets prévus pour son application ? Comment ne pas s’élever contre cette funeste habitude de faire voter par le Parlement des lois rendues inapplicables ou inabouties faute des décrets y afférents.

La commission des lois du Sénat, dans son rapport annuel, a relevé combien le bilan de l’application des lois est contrasté, avec un allongement des délais d’applicabilité qui, même s’ils s’améliorent, restent beaucoup trop longs.

Il n’est ni convenable ni admissible que soit ainsi trahi l’esprit des lois, essence même de la démocratie.

S’agissant de la loi qui nous occupe, seuls quatre textes ont été pris pour son application et publiés à ce jour : deux ans de retard pour l’une des lois les plus consensuelles et les plus attendues par le monde associatif, par le monde socio-professionnel et, bien sûr, par les élus locaux.

De surcroît, c’est le décret relatif au financement de la protection de l’enfance, essentiel s’il en est, qui se fait le plus attendre. En effet, la loi de 2007 a créé dans son article 27 un Fonds national de financement de la protection de l’enfance ayant pour objet de financer les seules mesures nouvelles de la loi, estimées à 150 millions d’euros. Mais, à ce jour, point de décret, et ce alors même qu’un projet a été soumis au Comité des finances locales au mois de février 2008 !

Sans compter les 30 millions d’euros prélevés sur la Caisse nationale des allocations familiales, qui devaient être attribués cette même année à ce Fonds national de financement de la protection de l’enfance, et qui ont été réaffectés à d’autres lignes budgétaires.

Comment, madame la secrétaire d’État, expliquer ces retards, cette impéritie de l’État ? Comment les comprendre ? Peut-on admettre que l’État n’honore pas sa parole et se joue de celle du Parlement ? Vous ne pouvez pas ignorer les graves difficultés financières auxquelles sont confrontés les conseils généraux, dont les budgets sont très lourdement impactés par l’action sociale. Une fois de plus, on charge la barque des collectivités territoriales. Comment accepter plus avant la distorsion croissante entre les moyens financiers affectés et les responsabilités nouvelles ? Les départements n’ont-ils pas vu, aux termes de la loi, leurs compétences étendues à la prévention, au renforcement du suivi de la mère et des enfants, à la diversification des modes d’accompagnement et à la création d’une cellule départementale de recueil, d’évaluation et de traitement des informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de danger ?

Fort de sa tradition humaniste, le groupe du RDSE s’émeut, madame la secrétaire d’État, de cette situation qui, dans certains cas, est dramatique. Il s’inquiète de la désinvolture du Gouvernement face à la bonne application des lois ; celle-ci nous en offre un parfait exemple.

C’est pourquoi nous attendons une réaction rapide et efficace pour qu’enfin, deux ans après sa promulgation, la loi réformant la protection de l’enfance soit totalement applicable, qu’elle soit mise en pratique, et que soit ainsi respectée la volonté du législateur.

Je ne doute pas, madame la secrétaire d’État, que vous aurez à cœur de porter ce message et, au travers de votre action, de mettre un terme aux incertitudes qui pèsent sur les collectivités locales. Car au-delà des textes législatifs et réglementaires, il y a des enfants qui souffrent dans leur être et dans leur chair, et qui ne peuvent plus attendre.

J’ai commencé mon intervention en citant Victor Hugo. Je ne voudrais pas la conclure en lui empruntant ces mots : « Cosette peut attendre ; Cosette attendra. »

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous dire l’importance particulière que revêt à mes yeux l’exercice du contrôle parlementaire. Si ce pouvoir est moins médiatisé et moins connu de nos concitoyens, il est pourtant essentiel à la bonne vie de notre démocratie, tant il est vrai que le crédit accordé à notre action dépend d’abord de l’efficacité réelle des lois que nous votons.

La culture de l’évaluation se répand et se normalise. Il était grand temps !

La loi réformant la protection de l’enfance a été promulguée depuis plus de deux ans. Il est donc parfaitement naturel d’en contrôler aujourd’hui les effets.

Dans son intervention, ma collègue Claire-Lise Campion a dit l’essentiel : les espoirs sont déçus ; les engagements n’ont pas été tenus ; les financements manquent.

Cette loi, comme d’autres d’ailleurs, est pleine de bonnes intentions et comporte d’excellentes dispositions. Ma collègue l’a rappelé : elle est considérée comme un bon texte et, pour en avoir discuté avec les parlementaires présents à l’époque, il semble que son élaboration ait été un exemple de l’excellence du travail administratif et parlementaire.

À chaque étape de son élaboration, le projet de loi a fait l’objet d’une large concertation avec les services de l’État, les élus, les associations et les professionnels. Le fameux Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l’enfance avait été entendu par le ministre de l’époque, Philippe Bas.

Précédée d’un vrai débat national, qui avait regroupé les plus éminentes personnalités, des élus nationaux et locaux de tous bords politiques, ainsi que les associations nationales intervenant pour la protection de l’enfance, la réflexion gouvernementale et parlementaire avait été largement nourrie.

Le texte accorde une large place à la prévention la plus précoce, d’abord en direction des parents. Il institue, par exemple, un entretien au cours du quatrième mois de grossesse, pour identifier d’éventuelles difficultés d’ordre psychosocial pouvant compromettre l’accueil de l’enfant, et offre une aide en conséquence. Il prévoit également d’accompagner les parents confrontés à des difficultés dans l’éducation de leurs enfants, que ce soit par le biais des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents, ou par des aides proposées au domicile même, comme l’assistance de techniciennes de l’intervention sociale et familiale.

Ensuite, pour ce qui est de l’enfant, la loi introduit des temps de visite médicale obligatoire dans le cadre de la médecine scolaire, afin d’assurer un suivi systématique de l’enfant tous les trois ans, de sa quatrième à sa seizième année.

Tout cela est excellent, madame la secrétaire d’État. Le discours a bien été tenu, la loi votée, le texte promulgué, mais l’application est restée très partielle et lacunaire.

Comme d’aucuns l’ont rappelé, bon nombre de décrets demeurent toujours en attente : c’est le cas de celui qui est prévu à l’article 1er de la loi, qui doit préciser le contenu de l’examen médical de prévention et de dépistage accompagnant les visites médicales programmées au cours des sixième, neuvième, douzième et quinzième années de l’enfant ; de celui qui est mentionné à l’article 24, qui doit fixer les modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés des lieux de vie et d’accueil ; de celui qui figure à l’article 25, qui doit préciser les conditions de la formation initiale et continue dans le domaine de la protection de l’enfance en danger ; de ceux qui sont prévus à l’article 27, qui doivent, d’une part, définir les modalités de compensation des charges résultant pour les départements de la mise en œuvre de la présente loi par le Fonds national de financement de la protection de l’enfance et, d’autre part, déterminer les modalités de financement de la protection de l’enfance par un comité de gestion ; enfin, de celui qui est prévu à l’article 3l concernant le code du travail.

Vous comprendrez bien, madame la secrétaire d’État, que, pour les parlementaires, c’est à la fois une terrible frustration, car leur travail est resté sans effet, et un très grand regret, car ils espéraient de ce texte qu’il contrebalancerait le volet exclusivement répressif de la politique sécuritaire menée depuis 2002 par le Gouvernement de Jacques Chirac et son ministre de l’intérieur de l’époque, M. Nicolas Sarkozy.

La délinquance des mineurs est en effet devenue une récurrence politique, médiatique et électorale. Le temps passe vite : cela fait plus de huit ans que le Président de la République porte la responsabilité des résultats en matière de prévention de la délinquance des mineurs.

On trouve, d’un côté, une loi sur la prévention, dont les décrets d’application tardent à paraître et, de l’autre, une accumulation de textes : 9 septembre 2002, vote de la loi Perben I ; 18 mars 2003, vote de la loi pour la sécurité intérieure ; 5 décembre 2006, vote de la loi sur la prévention de la délinquance ; 26 juillet 2007, vote de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs et réformant l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante. On notera également que, le 15 avril 2008, Rachida Dati, garde des sceaux, a installé la commission chargée de refondre l’ordonnance de 1945 sur les mineurs.

Au milieu de cette avalanche de textes et d’annonces figure donc la loi réformant la protection de l’enfance. Croyez bien que ce texte a été vécu par tous les professionnels, qui désespèrent du tout répressif, comme une bouée de sauvetage, notamment au regard des préconisations du rapport Benisti, qui a si largement inspiré la loi relative à la prévention de la délinquance.

Devant ces faits et ce déséquilibre patent entre les moyens donnés à la répression et ceux qui sont réservés à la prévention, comment voulez-vous ne pas en conclure que le Gouvernement mène une politique exclusivement répressive ?

Que les choses soient bien claires : je suis favorable à la sanction ; je sais comment la délinquance pourrit littéralement la vie de nos concitoyens ; je sais que la délinquance juvénile change de forme et progresse, comme la délinquance en général.

Mais je sais aussi que la délinquance se nourrit d’un terreau fertile, celui de la misère sociale et de la désespérance. Loin de moi l’idée d’excuser les coupables, qui doivent être sanctionnés. Mais quel est cet état d’esprit borné qui ne veut considérer que la réponse répressive ?

La jeunesse française n’est pas plus délinquante qu’auparavant ; elle est juste sans espoir, sans avenir et sans rêve.

Madame la secrétaire d’État, la question sociale est déterminante. Mais, en tant qu’adultes, nous sommes si mal à l’aise avec cette question et tellement incapables de prendre la situation à bras-le-corps que nous en venons à nier celle-ci.

C’est ce que vous avez fait avec le rapport Benisti et l’étude de l’INSERM, qui préconisaient, comme solution à la délinquance des mineurs, de rechercher chez l’enfant, dès l’âge de trois ou quatre ans, les signes d’une délinquance future… On a confondu facteur de risque et causalité ; on a privilégié l’inné au détriment de l’acquis : environnement social, culturel, éducatif, etc.

La loi réformant la protection de l’enfance, qui se situe aux antipodes des a priori idéologiques et du rapport Benisti, doit enfin trouver sa place et commencer à s’appliquer

Nos populations en ont besoin. Les professionnels, loin des caméras et des campagnes électorales, luttent contre la délinquance des mineurs. C’est à eux que nous devons penser aujourd’hui. Le plus bel hommage que nous pouvons leur rendre, c’est de leur donner les moyens de travailler.

Le Gouvernement doit donc publier les décrets attendus et tenir ses engagements financiers !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2007, lorsque le Sénat examinait en seconde lecture ce qui n’était alors que le projet de loi réformant la protection de l’enfance, le groupe communiste, républicain et citoyen s’abstenait. Je ne reviendrai pas ici sur les raisons qui nous ont conduits à faire ce choix, et je ne rouvrirai pas non plus le débat que nous avons eu alors.

Toutefois, la question posée par notre collègue Claire-Lise Campion devrait nous inviter, devrait vous inviter, madame la secrétaire d'État, à faire œuvre d’autocritique sur une loi qui, en raison des faiblesses que nous avions, comme toute l’opposition, dénoncées, est partiellement inapplicable.

Ce texte, qui visait à réformer la protection de l’enfance et qui s’inscrivait dans la suite de plusieurs affaires judiciaires douloureuses – celles d’Angers, de Drancy ou d’Outreau –, avait fait l’objet d’un assez large consensus, auquel nous avions participé en faisant le choix de l’abstention.

De nombreux espoirs étaient nés, au point que même les signataires de l’Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l’enfance, bien que parfois critiques, soutenaient ce projet de loi.

Plus de deux ans après, l’espoir a fait place à la déception. En effet, le comité de suivi de la protection de l’enfance ne s’est réuni, à ce jour, qu’à une seule occasion alors que, de toute évidence, la situation de blocage que nous connaissons aujourd’hui aurait nécessité que ce collectif se réunît de manière plus régulière.

Quant au financement des mesures induites par cette loi, ce sont les départements qui devront, une nouvelle fois, apporter leur contribution. Ils ont vu le champ de leurs compétences s’étendre, alors qu’ils sont déjà très sollicités par ailleurs et très actifs en matière de solidarité ou de lutte contre la pauvreté.

Le désengagement de l’État devait initialement peser pour 115 millions d’euros, 30 millions d’euros devant provenir de la CNAF.

Aujourd’hui, la situation est d’autant plus grave que le Fonds national de financement de la protection de la petite enfance, prévu par l’article 27 de la loi du 5 mars 2007, n’est toujours pas créé.

Paradoxalement, la CNAF, qui s’est vu imposer, à hauteur de 30 millions d’euros, une partie du financement des mesures nouvelles issues de cette loi, en lieu et place de l’État, a bien respecté ses obligations, en tout cas partiellement puisque, en l’absence d’affectation possible, ces crédits ont été répartis sur d’autres lignes budgétaires. Reste à savoir lesquelles et, sur ce point, nous sommes dans la plus complète opacité.

Le désengagement de l’État est double : lorsqu’il ne se décharge pas de ses obligations sur les départements, il le fait sur la protection sociale. Toutefois, en l’absence de ce fonds, les départements devront assumer une dépense non plus de 115 millions d’euros, mais de 150 millions d’euros.

Cette situation, madame la secrétaire d'État, alarme de nombreux présidents de conseil général, y compris au sein de la majorité, puisque notre collègue Bernard Fournier, du groupe UMP, par ailleurs vice-président du conseil général de la Loire, vous a adressé, le 4 juin, une question écrite sur la création de ce fonds. Je reprends à mon compte ses propres mots : « Or deux ans après son entrée en vigueur, le décret instituant ce dispositif n’a toujours pas été publié. Aujourd’hui, cette situation crée de graves difficultés financières pour de nombreux conseils généraux dont les budgets sont déjà très lourdement impactés par l’action sociale ».

Les conséquences, madame la secrétaire d'État, étaient malheureusement prévisibles. En 2007, déjà, nous mettions en garde le Gouvernement contre l’un des écueils de ce projet de loi, à savoir un transfert aux départements dans un seul souci économique. Aujourd’hui, force est de constater qu’il manque à cette loi, notamment dans son volet financement, la réaffirmation du rôle central de l’État, seul à même de garantir l’égalité de traitement des familles et des enfants sur tout le territoire et d’assurer la cohérence du système.

En lieu et place de cette exigence, vous avez laissé les départements seuls face à cette nouvelle compétence.

Cette conception de la décentralisation, nous ne le répéterons jamais assez, joue contre les intérêts des populations les plus faibles, puisqu’elle repose sur une réalité bien connue : le traitement différencié en fonction de la richesse des départements.

Pour s’en convaincre, il suffit de lire le récent rapport de l’Observatoire national de l’enfance en danger, l’ONED, rendu public le 10 janvier dernier, et qui montre que, deux ans après l’adoption de la loi, seuls quarante départements sur les cent deux que compte notre pays ont mis en place un dispositif de « centralisation des informations préoccupantes ».

Une telle situation, tout le monde en conviendra ici, n’est pas sans relation avec le manque de ressources financières, aspect que j’ai déjà largement abordé.

Pour conclure, concernant la création du fonds de financement, je voudrais une nouvelle fois faire miens les propos d’un membre de votre majorité, madame la secrétaire d'État, très au fait de ce projet de loi pour avoir été le ministre qui l’a porté ici même au Sénat, M. Philippe Bas : « Il faut absolument qu’il soit mis en place si l’on ne veut pas que des enfants continuent à souffrir en silence sans que l’on s’en aperçoive. Je suis certain que la protection de l’enfance est une priorité de Mme Nadine Morano, mais je suis inquiet, car je constate que l’effort de redressement de la médecine scolaire n’est pas suffisant, que les réseaux d’écoute et d’aide à la parentalité ont vu leur budget diminuer de moitié ». Et il ajoute, ce à quoi je ne peux que souscrire : « On ne peut pas mettre les départements devant le fait accompli en leur disant : “occupez-vous en maintenant !” ».

Alors, madame la secrétaire d'État, au regard des importantes critiques, y compris de celles qu’ont récemment formulées Claude Roméo, ancien directeur de l’enfance et de la famille, et Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny – je n’entrerai pas dans le détail, faute de temps –, vous comprendrez que je vous invite à agir, et vite !

Il serait utile que vous nous précisiez quand sera créé ce fonds national et comment vous entendez l’abonder : en période de crise économique, la nation doit nécessairement accomplir des efforts en direction des populations les plus faibles.

Cette question est d’autant plus importante que la crise, qui prend notamment la forme d’une explosion du chômage, a pour conséquence une importante diminution des cotisations sociales alimentant la branche famille, laquelle renouera prochainement avec les déficits.

Madame la secrétaire d'État, je le répète, il est urgent d’agir. L’année 2009 n’est pas seulement celle de la célébration du vingtième anniversaire de l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant ; elle est également une année de crise majeure.

Il ne suffit plus de dire que la protection de l’enfance est la priorité du Gouvernement. Si vous ne voulez pas qu’explose le nombre des enfants actuellement pris en charge, qui est déjà de 270 000, si vous ne voulez pas que d’autres ne reçoivent aucune aide parce qu’ils résident dans un département qui, faute de ressources, n’a pas créé de cellule, il vous faut agir en créant ce fonds, en l’abondant directement par des dotations gouvernementales, sans attendre un éventuel financement dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la lutte pour la protection de l’enfance est un combat perpétuellement recommencé. À cet égard, la loi du 5 mars 2007, dû à l’engagement de Philippe Bas, engagement que vous avez repris avec détermination, madame la secrétaire d'État, constitue une avancée pour un certain nombre de dispositions.

Parmi ces mesures, qui sont bienvenues, on peut citer l’évaluation obligatoire de la situation du mineur et de sa famille, l’examen médical de prévention et de dépistage pour les enfants, l’aménagement du congé de maternité entre période prénatale et période postnatale, le renforcement de la protection des enfants contre les dérives sectaires, la pénalisation du refus de vaccination, l’élargissement des possibilités de saisine du défenseur des enfants ainsi que du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, la création d’un délégué aux prestations familiales si le juge l’estime nécessaire, la mise en place d’observatoires départementaux, un meilleur partage des informations entre professionnels concernés, ou encore l’amélioration du processus de signalement.

Cependant, rien n’est jamais parfait. Tout d’abord, notre système demeure extrêmement complexe, ce qui nuit à sa lisibilité. En effet, c’est l’État qui décide, qui fixe les normes, mais ce sont les départements qui mettent en œuvre les dispositifs et en financent une grande partie, à l’exception notable de la protection judiciaire de la jeunesse.

Le financement avait été l’un des principaux points de discussion en 2006 et en 2007, la réforme risquant d’entraîner des surcoûts, évalués à l’époque à 150 millions d’euros pour les départements. La question était de savoir s’il fallait les compenser. Certains répondirent « oui » – ce que la loi enregistra – au nom des charges nouvelles, d’autres « non », arguant non sans raison qu’il n’y avait pas de transfert de nouvelles compétences.

Il a été décidé de créer un fonds national de financement de la protection de l’enfance afin de compenser les charges supportées par les départements. C’est un compromis un peu bancal, car le fonds est cofinancé par l’État et par la CNAF, dont les versements sont fixés en loi de finances initiale et en loi de financement de la sécurité sociale. Cela constitue d’ailleurs pour la CNAF une charge indue, puisqu’il s’agit de financer une politique sociale, et non pas une politique familiale.

Pour le moment, ce fonds n’a pas de réalité financière. D’ailleurs, faut-il vraiment le mettre en place ? Pour ma part, je suis très réservé non pas sur les objectifs politiques qu’il permettrait de mettre en œuvre, mais sur sa faisabilité. Par rapport à 2007, le contexte a totalement changé. La situation financière de l’État n’était pas fameuse à l’époque ; elle est maintenant catastrophique, tant son impécuniosité présente repousse à fort loin son retour à meilleure fortune. Quant à celle de la CNAF, dont les perspectives étaient plutôt optimistes en 2007, son déficit prévisionnel en 2009 interdit, me semble-t-il, qu’on en rajoute.

Ensuite, tous les départements n’ont pas mis en place la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes concernant les enfants en danger. Il serait intéressant de connaître la liste de ces trente-deux départements concernés, et peut-être encore plus les motivations qui expliquent leurs positions.

En outre, il serait utile de connaître les surcoûts pour les départements qui ont procédé à cette évaluation. Des informations peuvent-elles nous être fournies à ce sujet ? D’après quelques sondages généraux, je n’en suis pas tout à fait certain.

Enfin, si je puis me permettre un clin d’œil, les départements ne pourraient-ils pas renoncer à la compensation, vu la détresse des finances publiques ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

Cela serait inscrit en avance sur leur contribution au redressement improbable de celles-ci.

Il serait aussi prudent d’attendre les évolutions qu’induira la réforme des collectivités locales, particulièrement la suppression de la compétence générale pour les départements, ce qui pourrait leur redonner quelques marges de manœuvre.

En dehors des soucis financiers, le combat pour la protection de l’enfance doit continuer, car des évolutions inquiétantes persistent et des enfants se trouvent dans des situations de plus en plus difficiles, comme le montrent notamment les suicides d’adolescents.

Certains de ceux qui sont confiés à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, sont si brisés que leur situation ne relève pas de celle-ci : ils doivent faire l’objet d’une prise en charge médicale. Or on constate la tentation de les confier malgré tout à l’ASE, ce qui est très risqué pour eux et peut remettre en cause l’efficacité de l’aide apportée aux autres. En effet, on voit se développer des troubles du comportement ou des problèmes de déficience intellectuelle. De ce fait, les internats ont des difficultés à faire vivre ensemble des jeunes très différents les uns des autres, car les jeunes, de plus en plus malmenés, perdent leurs repères. Les personnels rencontrent des problèmes. Mais comment dégager les moyens nécessaires ?

Aussi, la prévention s’impose plus que jamais pour faire face à cette situation. Il y a lieu de réfléchir à l’impact des mesures sociétales sur les familles et les enfants, par exemple le travail le dimanche. Il nous faut éviter ce qui dévalorise la famille, car cela met en cause le rôle protecteur des parents. La perte du père, notamment, est pour un enfant la perte d’un repère d’autorité. La paternité est à la base de la prévention de nombreux risques sociaux, ne serait-ce que le respect de l’obligation scolaire, souvent bousculée. On doit tendre à « reparentaliser » la société ; cela limiterait les comportements à risques, souvent plus corrélés à la situation familiale qu’au contexte socioéconomique.

Le représentant du défenseur des enfants dans la région Pays de la Loire souligne que deux tiers des dossiers qu’il reçoit concernent des adolescents vivant une séparation familiale. En effet, on ne soulignera jamais assez le rôle bienfaiteur pour la société des familles, qui, malgré les aléas de la vie, continuent de s’occuper attentivement de leurs enfants. Bienfaitrices, elles le sont tant sur un plan financier, puisque la prise en charge de tous les moins de 16 ans au tarif moyen de l’ASE représenterait, selon un calcul très indicatif, 360 milliards d’euros, que sur des plans certes non quantifiables, mais essentiels.

Les familles sont le plus grand pourvoyeur de bonheur ajouté. Elles-mêmes, les enfants, comme l’ensemble de la société en bénéficient.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, connaissons-nous une mission plus noble que celle de protéger un enfant ? Est-il un dessein de société plus louable ?

Il faut prendre soin de cet enfant, l’entourer de paroles attentionnées, l’écouter mais aussi l’entendre, le guider sans le contraindre, l’accompagner pas à pas vers l’âge adulte, le respecter, réussir à lui donner suffisamment confiance en lui-même pour lui permettre de trouver sa propre voie, être présent sans être étouffant, guider ses choix sans se projeter soi-même dans les réalisations qui lui appartiennent.

Puissions-nous un instant nous extraire de nos représentations habituelles, mettre à distance nos fonctions, nos mandats, nos obédiences respectives pour nous concentrer sur l’essentiel : que représente, pour chacun d’entre nous, femmes ou hommes, la protection d’un enfant ?

L’enfant est le bien le plus précieux de nos sociétés. Il doit donc impérieusement concentrer toutes nos attentions à propos de sa santé, de sa moralité, mais aussi de son épanouissement physique, psychique, intellectuel et affectif. Nous voilà donc soumis, nous autres adultes, à des devoirs renouvelés : être toujours attentifs et prévenants ; prévenir pour mieux protéger, le cas échéant.

Or qu’en est-il de la protection de l’enfance dans notre pays ? Placée régulièrement au cœur du débat public, elle fait l’objet de critiques incessantes. Elle est régulièrement mise en cause à propos de négligences graves non révélées, de mauvais traitements trop tardivement décelés, de prises en charge estimées inadaptées.

Sujet aiguisant les passions, elle fait l’objet de jugements péremptoires. L’amalgame est parfois tentant. Progressivement, le thème de la défaillance parentale se fait jour. Certes, le principe n’est pas contestable en soi, mais les raccourcis sémantiques, eux, le sont. On dénonce alors l’absentéisme scolaire, les violences urbaines, les incivilités, les comportements déviants, les actes délictueux. On assimile jeunesse à dérive. L’enfant devient dangereux, menaçant !

À l’enfant-victime, on substitue le mineur délinquant, qui serait coupable, selon une vision manichéenne, de la désagrégation d’une société qui, au fond, l’a véritablement « enfanté ».

La communauté éducative est alors visée. Elle protégerait l’enfant trop peu, ou trop tard ! Le risque zéro n’existant pas en la matière, les drames réapparaissent, hélas ! Ils défraient la chronique et prennent l’opinion publique à témoin. On cherche et on trouve, c’est inévitable, des responsabilités, des failles dans le dispositif.

Notre époque est celle des paradoxes. On s’entend facilement sur une exigence collective : protéger l’enfant. Puis, au final, quand il s’agit de mesurer les conditions de la réalisation de cette exigence, on se révèle beaucoup moins strict. La société entière est passée au crible de l’évaluation : il faut tout mesurer ! Et on le fait avec des critères finalement largement revus à la baisse.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a été relativement consensuelle. Elle a fait l’objet d’un débat important ; elle a été conduite avec détermination et discernement. C’est un bon texte, soucieux de l’intérêt de l’enfant.

Deux ans après son adoption, on s’interroge, sur fond de crise économique, sur les conditions de son application, sur la responsabilité de l’État, sur les engagements qu’il a pris et sa capacité à les tenir.

Le département, conforté dans son rôle central de prévention et de protection de l’enfant, n’est pas en reste. Avec des compétences élargies en matière de politique familiale – c’est dire la confiance qu’on lui porte sur ces sujets humains – il déploie des moyens colossaux : 2, 3 milliards d’euros en 1984 et presque 6 milliards d’euros en 2008 avec, on ne le dit pas assez, une réduction significative des inégalités entre les départements. C’est le premier poste budgétaire de la solidarité départementale.

Les engagements pris doivent être tenus. L’État ne peut plus être juge et partie dans ce domaine, pas plus que dans d’autres.

Aux yeux de certains, la vision strictement budgétaire de cette mission hautement sensible des conseils généraux peut paraître réductrice. Non pas que l’argent demeure tabou en pareille matière, mais parce que les sommes considérables qui sont consacrées à ces actions, et que je rappelais voilà un instant, ont une vocation noble que l’on ne saurait dénaturer.

J’ai ouï dire que l’État craindrait de mettre le doigt dans un engrenage financier. Mais, madame la secrétaire d’État, cette dépense est non seulement nécessaire, mais aussi, et surtout, tellement utile !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le monde de la protection de l’enfance n’est pas dans la surenchère. La protection de l’enfance est une action responsable, mesurée. Elle est empreinte d’une infatigable et formidable énergie, que les professionnels du secteur, les responsables institutionnels, les experts, les élus, ont d’ailleurs largement démontrée en amont de la réforme de 2007.

L’Appel des 100 participait de la volonté de s’interroger et d’adapter le dispositif au regard des nouvelles réalités familiales, sociales et psychologiques de notre société. L’on connaît aujourd’hui une propension à placer l’enfant au centre du désir des parents, au point parfois de l’ériger en enfant-roi et en faire-valoir des adultes.

N’oublions cependant jamais qu’en tant que sujet l’enfant mérite bien d’autres attentions. Un gouvernement qui mesurerait le coût de la protection de l’enfance en termes de charges et qui choisirait de ne pas y consacrer les fonds nécessaires porterait une lourde responsabilité.

L’enfant n’est pas une charge ; il est une personne, un être social dès sa naissance. L’enfant est un espoir, un trésor d’une richesse insondable !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques constituent une partie essentielle de notre mandat de parlementaire.

Je me réjouis que nous examinions aujourd’hui l’application de la loi de 2007 portant réforme de la protection de l’enfance, quelques jours après la publication du rapport du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, qui traite précisément de l’application par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant, en vertu de son article 44.

Ces dernières années – et cela a été salué par le Comité –, la France a déployé beaucoup d’efforts afin d’améliorer son arsenal législatif en matière de protection des droits des enfants. De nombreuses lois ont été votées, des organismes ont été créés.

La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l’enfance a marqué un progrès considérable dans l’amélioration de notre cadre juridique par la prévention des cas de maltraitance et la décentralisation des mécanismes de protection de l’enfance ; leur prise en charge par les départements a amélioré l’efficacité du dispositif.

Toutefois, mesurer l’ampleur du chemin parcouru ne dispense pas de s’alarmer des lacunes persistantes dans l’application du droit par nos administrations

Nous devons entendre les inquiétudes exprimées par les organisations spécialisées dans la protection de l’enfance dans notre pays, notamment la Défenseure des enfants, par l’UNICEF, ou encore par les nombreuses ONG travaillant sur ces questions. Je regrette, par exemple, que tous les décrets d’application de la loi de 2007 n’aient pas été publiés et que le bilan de la mise en œuvre du nouveau dispositif prévu par cette loi, son évaluation qualitative et quantitative, les coûts de sa mise en application et les compensations par l’État n’aient pas encore été soumis au Parlement. Madame la secrétaire d’État, j’espère que vous nous confirmerez que cela sera fait rapidement et que les financements adéquats seront trouvés.

En qualité de sénateur représentant les Français établis à l’étranger et de membre de la commission des affaires étrangères du Sénat, je souhaite, madame la secrétaire d’État, attirer votre attention sur la dimension internationale de la protection de l’enfance et solliciter quelques éléments de réponse sur des sujets qui me semblent importants.

En ce qui concerne la protection des enfants étrangers résidant sur le sol français, ayant été nommé rapporteur de la commission des affaires étrangères sur le projet d’accord franco-roumain concernant les mineurs roumains isolés, j’ai pu constater que, même si le nombre des mineurs roumains est en forte baisse, le phénomène tend à se propager à de nombreuses autres nationalités, dans un contexte croissant de traite et d’exploitation.

Il faut impérativement assurer une protection maximum à ces mineurs, ne pas les refouler systématiquement à la frontière ou les renvoyer dans leur pays d’origine, d’où ils reviendront quasi inéluctablement. Certains de ces mineurs ont fait de beaux parcours en France et nous devrions tenir compte de leur degré d’intégration avant de prendre une décision d’expulsion à leur majorité.

Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous donner quelques indications sur le travail de la commission sur les mineurs isolés, commission mise en place par M. Éric Besson ?

Il est indispensable de renforcer la formation des professionnels appelés à traiter des cas de mineurs isolés, comme de tous les cas d’enfants en état de vulnérabilité, car, là plus qu’ailleurs, l’absence de repérage, les erreurs d’appréciation ou de comportement peuvent avoir des conséquences dramatiques.

À cet égard, je constate que l’application de la loi de 2007 sur la protection de l’enfance par les conseils généraux se heurte à des pratiques de niveau inégal. Une harmonisation de ces pratiques par le haut est indispensable. L’obtention de données fiables et coordonnées sur l’enfance maltraitée ou fragilisée doit nous y aider. Je salue dans ce domaine les efforts de l’ONED.

Face à la multiplication des acteurs concernés, une meilleure coordination devient indispensable entre les niveaux national et régional, notamment avec les départements et collectivités d’outre-mer, les présidents de conseils généraux, la Défenseure des droits des enfants – dont je salue le travail remarquable – le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse, ou encore la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Toutefois, et nous avons souvent tendance à l’oublier, la dimension internationale de la protection de l’enfance ne concerne pas uniquement les mineurs étrangers ou d’origine étrangère vivant en France. Aujourd’hui, près de 373 000 enfants français ou binationaux sont inscrits sur les registres de la population française à l’étranger, mais ils sont sans doute deux fois plus nombreux. Eux aussi peuvent être victimes de la pauvreté, de la violence ou de l’exploitation et leur vulnérabilité ne devrait pas être accrue par le fait qu’ils résident hors des frontières nationales.

La loi de 2007 qui, on le reconnaît de manière quasi unanime, est parfaitement adaptée à l’évolution des situations, reste muette sur les enfants français résidant à l’étranger. Je continue de regretter que n’ait pas été retenu l’amendement que j’avais déposé afin que cette loi puisse également s’appliquer aux enfants résidant hors de nos frontières, grâce à un suivi effectué par les comités consulaires de protection sociale, sur le modèle qui a été retenu dans les départements. Une fois de plus, nous, Français de l’étranger, avons été victimes d’un processus de régionalisation qui, en confiant davantage de responsabilités aux institutions départementales, nous exclut du périmètre défini par la loi.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer les très nombreux cas de déplacements illicites d’enfants à l’étranger, qui bafouent l’intérêt supérieur de l’enfant en le privant de l’un de ses parents. Lundi prochain, des parents se rendront à l’ambassade du Japon pour réclamer la création d’une commission bilatérale afin de régler les cas en souffrance.

Je regrette que la commission parlementaire franco-allemande, qui avait été créée pour résoudre ce type de cas avec l’Allemagne, ait été supprimée, alors que nous aurions dû au contraire en étendre le principe à d’autres pays.

Madame la secrétaire d’État, je sais que les questions relatives aux enfants français de l’étranger dépendent essentiellement du ministère des affaires étrangères et non du vôtre, mais je souhaitais attirer votre attention sur la nécessité de renforcer l’efficacité de la coopération internationale et transnationale en matière de droit de la famille et de mieux défendre les droits de nos petits compatriotes de l’étranger.

Quelles orientations pourraient être dégagées de cette réflexion sur la dimension internationale et transnationale de la protection de l’enfance ?

D’abord, je considère que nous ne pouvons nous dispenser d’une réflexion sur la coopération internationale en matière de protection des enfants. Cette coopération est nécessaire afin d’empêcher les trafics insupportables qui se développent partout, mais aussi, plus largement, pour protéger les enfants de la pauvreté, de l’analphabétisme et de l’insalubrité, et contribuer ainsi au développement mondial.

Dois-je rappeler que 86 % des 2, 2 milliards des enfants du monde vivent dans des pays en voie de développement et que 95 % des enfants qui meurent avant l’âge de cinq ans, qui n’ont pas accès à l’enseignement ou souffrent du travail forcé ou d’abus sexuels vivent également dans ces pays ?

En France même, il faudrait instituer une forme de mainstreaming, si vous me permettez cet horrible anglicisme. Il s’agit, comme cela a été voulu à l’échelon européen pour les questions de genre, de systématiser l’évaluation de tous les projets politiques du gouvernement à l’aune de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la conception de l’enfant en tant que sujet de droit.

À cet égard, il me semble dommageable que la discussion de cet aspect fondamental reste confinée à quelques séances de travail ponctuelles. Un tel contrôle devrait être permanent et entièrement intégré à l’action gouvernementale et législative.

Dans cette optique, comme nous l’a demandé avec insistance le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, une commission ou délégation parlementaire doit être créée, avec pour mission de travailler avec différentes institutions sur les projets ou propositions de loi concernant l’enfance.

À titre transitoire, le périmètre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes devrait, me semble-t-il, être élargi pour couvrir également ce domaine de la protection de l’enfance.

Enfin et surtout, nous devons remettre l’enfant au cœur de notre société, au cœur de nos politiques, au cœur de notre coopération internationale, car il porte en lui, tout le monde le sait, l’avenir du monde. Nous avons besoin d’une stratégie nationale pour les enfants sur la base de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France en 1990.

Je voudrais aujourd’hui plaider, en conclusion, pour une vraie politique transversale de l’enfance, qui englobe tous les aspects de la vie des enfants. Une telle politique doit non pas être négative et répressive, mais constructive. Il ne faut pas qu’elle soit concentrée uniquement sur les enfants à problème ou les jeunes délinquants ; il convient de veiller avant tout à l’intérêt supérieur de l’enfant, de chaque enfant, en particulier ceux qui sont les plus vulnérables.

S’attaquer à la crise économique restera vain tant que l’on ne rétablira pas un ordre de priorités sain : l’enfant est l’élément fondamental de l’avenir de nos sociétés, même – et je dirai presque surtout – lorsqu’il est pauvre, isolé, étranger ou handicapé.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souhaité profiter de ce débat sur la protection de l’enfance pour évoquer la situation dramatique dans laquelle se trouvent les mineurs isolés étrangers.

Ces mineurs arrivent en France, parfois au péril de leur vie, pour demander une protection en raison de persécutions subies dans leur pays ou pour d’autres raisons tout aussi légitimes, comme un regroupement familial tant espéré, mais qui leur est refusé pour différents motifs…

Déracinés, seuls, livrés à eux-mêmes, proies faciles à toutes les formes d’abus, de violence et d’exploitation, les mécanismes de la protection de l’enfance devraient impérativement s’étendre aux mineurs isolés. Il s’agit là d’un impératif moral catégorique. Toutefois, c’est loin d’être le cas ! En effet, la plupart de ces mineurs n’ont pas accès au dispositif de droit commun de protection et de représentation juridique. On retrouve une grande partie d’entre eux dans les zones d’attente de l’aéroport de Roissy–Charles-de-Gaulle ou dans les Bouches-du-Rhône, où ils sont retenus dans l’attente, par exemple, de leur admission sur le territoire français au titre de l’asile ou, malheureusement, de leur refoulement éventuel.

Nous sommes en France, dans une zone aéroportuaire, et pourtant ces enfants ne bénéficient pas d’un traitement conforme aux engagements internationaux de la France ; un enfant n’est pas un adulte, il ne peut être traité de la même manière. Or, dans les zones d’attente, les mineurs de treize à dix-huit ans se retrouvent perdus au milieu d’adultes.

J’estime que le maintien en zone d’attente d’un mineur constitue, en soi, une mise en danger de celui-ci ; rien ne peut le justifier ! C’est une situation inadmissible, et contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant, dont la France, je vous le rappelle, madame la secrétaire d’État, est signataire.

La création prévue de quartiers pour mineurs isolés ne suffit pas : il faut, avant même l’admission au séjour de l’enfant, mettre tout en œuvre pour organiser une protection effective, associant à ce stade les services d’aide à l’enfance et le juge pour enfant.

J’en viens à une deuxième grande injustice que subissent ces mineurs et qui concerne les conditions d’accompagnement et la présence d’un administrateur ad hoc. Est-il concevable que ces mineurs isolés ne bénéficient pas systématiquement d’un représentant légal désigné ?

Selon une étude de l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers, l’ANAFÉ, l’administrateur ad hoc n’est nommé que dans 70 % des cas. On nous dit que ce taux atteint actuellement près de 90 %. Mais qu’en est-il pour les autres ? En effet, l’enfant qui n’est pas représenté ne peut pas faire valoir ses droits : il n’a pas la capacité juridique ; il ne peut pas faire appel des décisions de refus devant la Cour nationale du droit d’asile. Il s’agit là d’un déni de justice intolérable, d’autant qu’il s’agit d’un enfant isolé, qui, parfois, ne parle pas notre langue ou ne la comprend pas.

Tout mineur isolé se présentant à la frontière devrait bénéficier d’une protection juridique complète. Nous ne pouvons pas attendre la fin de l’année 2010, comme l’a promis le ministre de l’immigration, M. Besson. C’est aujourd’hui qu’il convient de remédier à cette pénurie ! Une telle situation constitue, je le répète, une violation flagrante et continue de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies. D’ailleurs, le comité des experts sur les droits de l’enfant vient de le rappeler dans un rapport rendu public le 11 juin.

La politique d’immigration mise en œuvre depuis deux ans, plus soucieuse de chiffres que d’humanité, est la première cause de privation des droits fondamentaux des mineurs étrangers. Ces derniers doivent d’abord être considérés comme des enfants, avant d’être traités comme des étrangers. À ce titre, ils doivent bénéficier d’une protection spécifique, commandée par leur particulière vulnérabilité et leur situation d’isolement.

J’en viens enfin à une troisième injustice : le recours aux tests osseux pour dénier à ces enfants le droit à une protection au titre de l’enfance. On compare une radiographie des os du mineur aux données d’un manuel datant des années trente, établi sur une population blanche et européenne, et on décide qu’il est majeur. C’est inacceptable !

Voilà comment s’organise le refus de protection des mineurs en danger, sans autre forme de procès. Finalement, les mineurs sont souvent refoulés avant même d’avoir vu le juge des libertés ; ils sont livrés à eux-mêmes, sans contrôle juridictionnel et sans garanties sur leur devenir. La politique de contrôle des flux migratoires l’emporte sur la mise en œuvre d’une véritable politique de protection de l’enfance et de lutte contre les réseaux clandestins organisant l’arrivée de ces mineurs.

Je me félicite, bien entendu, de la mise en place par le ministre de l’immigration d’un groupe de travail sur les mineurs isolés. Je souhaite d’ailleurs que ce groupe de travail puisse arriver à des conclusions permettant une meilleure protection de l’enfant.

Permettez-moi de vous proposer trois avancées fondamentales, qui sont demandées par des associations comme l’ANAFÉ.

D’abord, nous devons inscrire dans notre droit le principe de non-refoulement du mineur non accompagné.

Ensuite, il convient de revenir sur la pratique des tests osseux, dont la fiabilité est douteuse, et qui constitue aujourd’hui un outil privilégié pour refuser au mineur toute protection.

Enfin, il est impératif de construire un régime juridique spécifique pour les mineurs isolés, dans lequel les principes du code de l’action sociale et des familles devront prévaloir sur celui du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. En effet, je vous l’ai dit, un mineur est un enfant avant d’être un étranger.

Il est absolument nécessaire que les mineurs bénéficient, dans la zone d’attente, d’une protection effective issue de la loi du 5 mars 2007 et d’une véritable assistance juridique, médicale et humanitaire, car il existe aujourd’hui un écart important entre le texte et son application. Madame la secrétaire d’État, comment expliquez-vous un tel écart ? De quelle façon y remédier ?

Il est urgent de considérer les mineurs étrangers avant tout comme des enfants en danger, qui méritent une prise en charge automatique et en urgence, suivie d’un accompagnement juridique et social jusqu’à leur majorité.

Ce n’est qu’à ce prix que l’on verra naître une protection internationale de l’enfance, où le respect de l’intégrité et de la dignité l’emportera sur les logiques de gestion de flux migratoires et de rationalisation de l’aide juridique aux étrangers.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La séance est reprise.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Claire-Lise Campion m’interroge sur la loi du 5 mars 2007 ainsi que sur la question plus générale de la protection de l’enfance.

Tout d’abord, permettez-moi d’évoquer le vingtième anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant. J’ai souhaité conduire personnellement la délégation française qui, à Genève, a présenté devant le comité des droits de l’enfant des Nations unies les troisième et quatrième rapports de la France relatifs au suivi de la convention. J’ai ainsi eu l’occasion et l’honneur de rappeler l’ensemble des actions réalisées par la France en matière de protection de l’enfance, notamment la loi du 5 mars 2007. La présidente coréenne, Mme Lee, a indiqué qu’elle mettrait la barre très haut compte tenu de la place que la France occupe dans le monde. À cet égard, les deux rapporteurs qui sont intervenus pour exposer l’analyse de ces rapports nous ont félicités de la qualité du travail effectué.

Contrairement à la pratique habituelle de nombre de ministres, je suis restée après mon discours de présentation et, pendant près de trois heures et demie, j’ai répondu, thème par thème, à l’ensemble des questions sur la protection de l’enfance. J’ai pu constater la réelle satisfaction qu’ont témoignée tant le comité que sa présidente sur l’ensemble des précisions que nous avons apportées en réponse aux questions qu’ont suscitées nos rapports et le suivi de la convention par la France.

S’agissant de la loi du 5 mars 2007, trois décrets d’application ont déjà été pris.

J’ai ainsi signé le décret du 30 juillet 2008, qui organise la formation que doivent obligatoirement suivre les cadres et responsables des services qui, par délégation du président du conseil général, prennent des décisions relatives à la protection de l’enfance.

A également été publié le décret du 19 décembre 2008, qui définit la nature et les modalités de transmission des informations préoccupantes recueillies par les cellules départementales aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance et à l’Observatoire national de l’enfance en danger. Grâce à ce dernier, nous avons désormais une connaissance chiffrée du nombre d’enfants maltraités, ce dont nous ne disposions pas auparavant. Je me suis rendue à l’ONED pour la remise du rapport officiel. Ainsi, au 31 décembre 2008, on recensait 265 913 jeunes de moins de dix-huit ans dont la situation justifiait la prise en charge par le dispositif de protection de l’enfance. Cela représente 1, 88 % des jeunes de moins de dix-huit ans : autant dire, bien sûr, que c’est trop, beaucoup trop. Cependant, la connaissance de ces chiffres est indispensable si l’on veut pouvoir lutter de manière adaptée et ciblée contre l’odieux fléau de la maltraitance.

Ce décret était très attendu dans les départements, dont soixante-huit, selon l’ONED, ont déjà constitué une cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes.

À Mme Garriaud-Maylam et à M. Lardeux, qui souhaitent disposer d’une évaluation de ce nouveau dispositif des cellules départementales, je veux indiquer que, conformément à l’article 13 de la loi, qui prévoit que le Gouvernement doit présenter un rapport sur la mise en œuvre des cellules, j’ai demandé à mes services de préparer un bilan quantitatif et qualitatif de cette mise en place. Il sera disponible d’ici à la fin de l’année.

Enfin, le décret du 30 décembre 2008 organise la nouvelle procédure instituée par la loi du 5 mars 2007 et dénommée « mesure judicaire d’aide à la gestion du budget familial ».

Lorsque les prestations familiales ne sont pas employées à la satisfaction des besoins liés au logement, à l’entretien, à la santé et à l’éducation des enfants, et que l’accompagnement en économie sociale et familiale n’apparaît pas suffisant, le juge peut ordonner qu’elles soient, en tout ou partie, versées à une personne physique ou morale qualifiée, dite « déléguée aux prestations familiales ».

La loi prévoit une formation, initiale et continue, en partie commune à tous les professionnels qui travaillent en contact avec des enfants : magistrats, travailleurs sociaux, enseignants, personnels des polices et de la gendarmerie, médecins, personnels médicaux et paramédicaux, personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs. Ce décret sera publié au Journal officiel dans la semaine.

Reste donc à prendre le décret relatif à la médecine scolaire – je sais qu’il retient l’attention de M. de Legge –, qui a pour objet de prévoir les modalités d’organisation des quatre visites médicales gratuites pour les enfants.

Jusqu’en 2007, le suivi médical de l’enfant était limité à la petite enfance. Pas moins de vingt-deux examens sont ainsi réalisés entre zéro et six ans. La loi réformant la protection de l’enfance prévoit désormais trois nouveaux examens, au cours des neuvième, douzième et quinzième années.

Oui, monsieur de Legge, je partage votre opinion : nous devons rendre plus cohérent l’ensemble de ces consultations, et la première question à nous poser est de savoir comment celles-ci sont utilisées. Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même avons demandé à l’inspection générale des affaires sanitaires, l’IGAS, de réaliser un bilan de ce dispositif. Je souhaite que le ministère de la santé et le ministère de l’éducation nationale soient ainsi en mesure, d’ici à la fin de l’année, de prévoir une montée en charge progressive et adaptée.

S’agissant du financement de la protection de l’enfance, ce sont près de 5, 8 milliards d’euros qui lui sont consacrés par les départements. Ce sont plus de 376 millions d’euros au titre du budget de l’éducation nationale pour la santé scolaire. Ce sont plus de 5, 7 milliards d’euros affectés par l’assurance maladie aux consultations de prévention des femmes enceintes et des enfants de zéro à six ans. Ce sont 160 millions d’euros dépensés par la justice pour le placement des mineurs en danger. Vous le voyez, madame Escoffier, madame Pasquet, l’État est au côté des départements pour cette action essentielle !

Par ailleurs, dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales, j’ai obtenu que les crédits dédiés à la parentalité soient fortement augmentés ; car la protection de l’enfance, c’est la prévention, mais c’est aussi l’accompagnement des parents. Ainsi, les crédits dédiés au financement des réseaux d’écoute et d’aide à la parentalité, à la médiation familiale et à la mise en place de lieux d’accueil et d’écoute des parents augmenteront, entre 2009 et 2012, de près de 15, 5 % par an. En 2008, nous y consacrions 30 millions d’euros ; en 2009, ce seront 42 millions d’euros, soit une augmentation de 12 millions d’euros.

Madame Campion, votre question porte également sur le fonds national de financement de la protection de l’enfance. Le Gouvernement partage l’analyse de M. Lardeux, qui estime que la création d’un fonds supplémentaire viendrait complexifier, brouiller les financements déjà existants. Au regard des 5, 8 milliards d’euros évoqués, la somme en jeu, qui est de 30 millions d’euros, montre que nous sommes en décalage. Les finances ne sont pas seules à entrer en compte : c’est l’ensemble des actions et des mesures que nous engageons en faveur de la protection de l’enfance qui doit être pris en considération. Ce sujet a d’ailleurs fait l’objet d’un arbitrage gouvernemental.

Mme Garriaud-Maylam s’interroge sur la protection des enfants de Français résidant à l’étranger. Plusieurs mesures ont été arrêtées pour les prendre en charge. Ainsi, depuis le vote de la loi de 2007, une sous-direction dite « de la protection des droits des personnes » ainsi qu’un bureau de la protection des mineurs et de la famille ont été créés. La sous-direction est en contact avec tous les consulats et ambassades de France. L’objectif est de mobiliser tous les moyens pour mettre les enfants hors de danger, si nécessaire en organisant leur rapatriement en France, puis leur placement dans un établissement français sur décision d’une autorité judiciaire française.

Je suis également en mesure de confirmer que la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire a conclu un protocole d’accord avec la Défenseure des enfants.

La loi a donc permis une clarification du cadre institutionnel de la protection de l’enfance. D’importants progrès ont été accomplis en matière de coordination de l’action entre l’État, les départements et les associations.

La Défenseure des enfants tient aussi un rôle central. Vous le savez, cette autorité indépendante a été créée par la loi du 6 mars 2000. Elle est chargée de défendre et de promouvoir les droits de l’enfant tels qu’ils ont été définis par la loi et par la convention internationale des droits de l’enfant. Le Gouvernement est très attaché à cette autorité, dont l’indépendance, l’utilité et le sérieux sont unanimement appréciés.

Enfin, je ne veux pas oublier l’activité fondamentale des associations et des organisations non gouvernementales. Les associations travaillent quotidiennement au service de l’enfance en danger et ne manquent jamais, le cas échéant, d’interpeller le Gouvernement. Je les reçois régulièrement ; très récemment encore, le 5 mai, j’ai réuni le Comité national de suivi de la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007, et j’y ai invité les associations de protection de l’enfance afin de recueillir leurs observations sur le sujet.

J’évoquerai en quelques mots ces chantiers qui vous démontreront l’ampleur et l’engagement du Gouvernement.

Le premier chantier est celui de l’adoption. Celle-ci fait l’objet d’un projet de loi qui a déjà été déposé sur le bureau de votre assemblée, et le 28 avril dernier s’est tenu ici, au Sénat, un débat sur ce sujet ; je n’y reviendrai donc pas.

Le deuxième chantier est celui de la parentalité. Je tiens à rappeler et à saluer l’action permanente et quotidienne des nombreuses associations qui luttent contre toutes les formes de violence à l’intérieur du cercle familial et qui exercent, notamment, une action indispensable en faveur de la protection des enfants.

Le Gouvernement les soutient au travers des réseaux d’aide et d’appui à la parentalité et les points Info Famille. Ces réseaux jouent un rôle essentiel lorsqu’ils redonnent confiance aux parents et les aident dans leur rôle. Ce sont près de 6 000 actions de soutien qui ont été réalisées chaque année, et 600 000 parents en ont bénéficié. Le Gouvernement alloue des moyens à ces structures : près de 7 millions d’euros leur sont réservés cette année sur le programme 106 et, comme je l’ai déjà indiqué, la Caisse nationale d’allocations familiales est à nos côtés pour accroître cet effort.

J’ai également obtenu qu’une ligne téléphonique nationale et gratuite soit ouverte pour les parents qui sont dépassés par leur rôle : il s’agit de l’extension du numéro d’appel 119. Vous savez que cette ligne est consacrée aux enfants en danger. J’ai souhaité qu’elle soit élargie aux familles en détresse pour raccrocher à un fil ces personnes qui, quelquefois, en arrivent à des extrémités telles qu’elles éliminent l’ensemble de leur famille. Nous voudrions, avec l’ONED et son président, Christophe Béchu, que ce numéro d’appel fasse l’objet d’une grande campagne de communication et soit connu au même titre que le numéro de la police ou celui du SAMU.

Le troisième chantier, celui de la lutte contre la pédopornographie, me tient tout particulièrement à cœur. Il s’agit aussi d’une mesure de protection de l’enfance, et nul ne peut contester que le Gouvernement soit crédité d’une action constante et vigoureuse dans ce domaine.

Aujourd’hui, l’arsenal législatif français est performant. La pédopornographie sous toutes ses formes est illégale, réprimée et poursuivie. La répression pénale est complétée par des règles de procédure adéquates.

De plus, les sanctions encourues pour les infractions à caractère sexuel commises sur des mineurs sont très sévères. Les délits de proxénétisme ou la traite des êtres humains commis à l’égard d’un mineur sont particulièrement punis. Certaines sanctions ont été récemment durcies, par exemple lorsque les faits en cause concernent la pornographie mettant en scène des mineurs. En tout état de cause, le jeune âge de la victime constitue toujours une circonstance aggravante.

À côté du volet répressif, madame Campion, le Gouvernement utilise le volet préventif. Je mène une action résolue sur quatre terrains : l’amélioration de la performance des logiciels de contrôle parental ; la sensibilisation du grand public à la protection de l’enfant sur le numérique ; le blocage de l’accès aux sites pédopornographiques ; la création des conditions d’une coordination européenne.

Enfin, quatrième chantier, nous devons agir de manière déterminée en faveur de la prévention de la délinquance et cela ne peut se faire sans les familles.

C’est pourquoi nous avons créé, en 2007, les conseils pour les droits et devoirs des familles : la protection de l’enfance passe aussi par la prévention, l’écoute, la réalité du terrain, et par l’action du maire qui connaît bien les familles pouvant se retrouver en difficulté. J’ai installé au Raincy le vingt-troisième conseil pour les droits et devoirs des familles.

Il faut continuer à développer ces dispositifs, qui donnent leurs premiers résultats et constituent un outil concret au service de la protection de l’enfance.

La famille doit jouer tout son rôle. Le conseil pour les droits et devoirs des familles est le lieu où l’on reconnaît la responsabilité éminente des parents et des familles. C’est une instance de dialogue, une enceinte où le fil de la discussion peut reprendre, où chacun doit assumer ses devoirs, où chacun réapprend ses droits : le maire peut réaffirmer la valeur de la loi républicaine, les familles peuvent réapprendre le « vivre-ensemble » civique et certaines situations de violence peuvent être détectées.

Je souhaite que ces initiatives puissent être généralisées, car c’est aussi là que se jouent l’avenir de nos enfants et leur protection.

Enfin, madame Garriaud-Maylam, j’ai également travaillé à un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers afin de mieux prendre en compte la situation de ces 250 enfants qui, chaque année, sont enlevés. Ce texte comprend un volet important consistant à renforcer l’autorité parentale. Un enfant ne pourra obtenir un passeport ou une carte d’identité sans la signature des deux parents.

Nul ne peut contester que, grâce à la loi du 5 mars 2007, la protection de l’enfance constitue une priorité du Gouvernement ; elle est mise en œuvre sur l’ensemble du territoire. Nombre de départements ont déjà mis en place leur cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, ce qui révèle une réelle volonté en la matière. Il faut aller beaucoup plus loin !

La protection de l’enfance doit toujours être améliorée ; elle doit s’adapter à l’évolution de la société, parce que les phénomènes de maltraitance des enfants évoluent. Il nous faut être vigilants. C’est pourquoi Michèle Alliot-Marie a annoncé la création de brigades de protection des familles, qui constitueront, à l’instar de la brigade de protection des mineurs, un outil indispensable pour répondre aux violences intrafamiliales et aux maltraitances dont sont victimes les enfants.

La prévention de la délinquance ne doit pas être opposée à la protection de l’enfance : l’une ne va pas sans l’autre ; elles sont complémentaires.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la réponse que le Gouvernement souhaitait vous apporter sur ce sujet.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis des échanges que nous avons eus cet après-midi sur la protection de l’enfance, question essentielle qui ne mérite aucune polémique.

Mme la secrétaire d’État a évoqué les décrets qui ont été pris récemment sur la formation, les modalités de transmission des informations préoccupantes, ou encore la nouvelle procédure dénommée « mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial ». Au total, trois décrets ont été publiés – un quatrième le sera dans la semaine – sur les onze que nous attendions dans le cadre de la loi du 5 mars 2007.

Pour autant, je ne suis pas rassurée. En effet, notre collègue André Lardeux, se référant à l’article 27 de la loi, a qualifié le fonds national de financement de la protection de l’enfance de « compromis bancal », allant même jusqu’à le juger inutile du fait de la future réforme des collectivités territoriales. Par ailleurs, Mme la secrétaire d’État a dit que ce fonds allait complexifier la situation et que nous étions déjà en décalage.

Le débat de cet après-midi n’a pas levé nos doutes s’agissant du financement des mesures de protection de l’enfance prévues dans la loi de 2007. Je veux croire qu’il ne s’agit là que d’une étape, que nous aurons la capacité de convaincre et de faire évoluer les choses. Il semble – tout à l’heure, notre collègue Yves Daudigny y a fait allusion – que le Gouvernement ne veuille pas aller plus loin sur ces questions de protection de l’enfance.

Ce débat a aussi permis d’avoir des échanges sur des sujets connexes à la protection de l’enfance, et je m’en félicite.

J’ai entendu avec intérêt un certain nombre d’annonces de Mme la secrétaire d’État, en particulier sur les questions de parentalité, de prévention et d’accompagnement des familles ; les réseaux d’écoute et d’aide à la parentalité ont notamment été évoqués.

Mme la secrétaire d’État nous a également annoncé des évolutions budgétaires. C’est plutôt positif pour les années à venir et, si tel est le cas, nous nous en réjouirons. Permettez-moi cependant d’être quelque peu sceptique. Nous avons pu en effet constater dans les précédentes lois de finances ou lois de financement de la sécurité sociale des réductions drastiques de crédits montrant que la mobilisation des associations, dont Mme la secrétaire d’État a salué l’action, était parfaitement fondée.

Je prends acte de ces annonces, mais j’attends le moment où nous pourrons constater leur concrétisation dans le projet de loi de finances ou dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Je voudrais évoquer de nouveau le Comité des droits de l’enfant des Nations-Unies à Genève et les échanges qui ont eu lieu lors de l’audition du mois de mai dernier. L’exigence des membres du Comité des droits de l’enfant vis-à-vis de notre pays était grande et annoncée comme telle.

Le Comité a déploré l’absence d’un organisme national chargé du suivi de la mise en œuvre de la Convention internationale des droits de l’enfant, l’absence d’une loi d’orientation sur les droits de l’enfant, ainsi que l’absence de délégations parlementaires aux droits de l’enfant. Je rejoins sur ce point notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, car j’avais moi-même proposé de créer cette délégation aux droits de l’enfant au Sénat. Peut-être pourrions-nous nous en donner les moyens.

Le Comité a également regretté que l’intérêt supérieur de l’enfant n’apparaisse pas dans un certain nombre de dispositifs procéduraux et il s’est interrogé sur l’avancement du droit à la parole de l’enfant, auquel nous tenons tous beaucoup et que nous avons défendu lors de l’examen de la loi du 5 mars 2007.

Il reste beaucoup à faire s’agissant de la mise en œuvre de la loi de mars 2007 et du financement du dispositif. L’année 2009 est celle du vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant : nous ne pouvons ignorer les attentes des professionnels, du milieu associatif, des départements et, surtout, des familles et des enfants. Je renouvelle donc mon appel au Gouvernement, madame la secrétaire d’État.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de développement et de modernisation des services touristiques.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 484, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l’Assemblée nationale une proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 476, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu de Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Odette Terrade, Éliane Assassi, M. Michel Billout, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Robert Hue, Jean-Luc Mélenchon, Jack Ralite, Jean-François Voguet, François Autain, Mme Marie-France Beaufils, M. Jean-Claude Danglot, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Évelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, M. Gérard Le Cam, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Isabelle Pasquet, M. Ivan Renar, Mme Mireille Schurch et M. Bernard Vera une proposition de résolution tendant à la constitution d’une commission d’enquête sur la société Icade et sur les conditions de la cession de son parc locatif.

La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 478, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et pour avis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, en application de l’article 11, alinéa 1 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à négocier au nom de la Communauté un protocole de coopération entre la Communauté européenne et l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), prévoyant un cadre général de coopération renforcée ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4528 ;

- Proposition de règlement du Conseil instituant un droit compensateur définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4529 ;

- Proposition de règlement du Conseil instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4530 ;

- Proposition de règlement du Conseil relatif à l’ouverture d’un contingent tarifaire autonome pour les importations de viande bovine de haute qualité ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4531.

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché et l’utilisation des produits biocides ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4532.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (462, 2008-2009), dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à leur demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu un rapport déposé par M. Jean-Claude Etienne, Premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur les perspectives offertes par les recherches sur la prévention et le traitement de l’obésité (compte rendu de l’audition publique du mercredi 4 mars 2009), établi par M. Jean-Claude Etienne et Mme Brigitte Bout, sénateurs, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport sera imprimé sous le n° 477 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (476, 2008-2009).

Le rapport sera imprimé sous le n° 479 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Richert un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Nicolas About, Philippe Richert, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Laurent Béteille, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Marcel Deneux, Mme Béatrice Descamps, M. Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, MM. Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, M. René Garrec, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Jacqueline Gourault, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Christiane Kammermann, MM. Jean-Claude Merceron, Philippe Nogrix, Mmes Monique Papon, Anne-Marie Payet, MM. Louis Pinton, Paul Raoult, Ivan Renar, Charles Revet, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe, François Zocchetto, Michel Houel, Jean-Paul Amoudry, Richard Yung, Marcel-Pierre Cléach, Mme Colette Mélot, MM. Daniel Dubois, Pierre Fauchon, François Pillet, Michel Bécot, Christian Gaudin, Christian Cointat, Alain Houpert, Hugues Portelli, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Chauveau, Roland Du Luart, Dominique Braye, Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. Michel Thiollière, visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories (215, 2007-2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 482 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu le texte de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à modifier le mode de scrutin de l’élection de l’Assemblée de Corse et certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse (476, 2008-2009).

Le texte sera imprimé sous le n° 480 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu le texte de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi présentée par Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Nicolas About, Philippe Richert, Philippe Adnot, Philippe Arnaud, Denis Badré, Pierre Bernard-Reymond, Laurent Béteille, Joël Bourdin, Auguste Cazalet, Marcel Deneux, Mme Béatrice Descamps, M. Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, MM. Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, M. René Garrec, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Jacqueline Gourault, MM. Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Christiane Kammermann, MM. Jean-Claude Merceron, Philippe Nogrix, Mmes Monique Papon, Anne-Marie Payet, MM. Louis Pinton, Paul Raoult, Ivan Renar, Charles Revet, Daniel Soulage, Mme Odette Terrade, MM. André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe, François Zocchetto, Michel Houel, Jean-Paul Amoudry, Richard Yung, Marcel-Pierre Cléach, Mme Colette Mélot, MM. Daniel Dubois, Pierre Fauchon, François Pillet, Michel Bécot, Christian Gaudin, Christian Cointat, Alain Houpert, Hugues Portelli, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Chauveau, Roland Du Luart, Dominique Braye, Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. Michel Thiollière, visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories (215, 2007-2008).

Le texte sera imprimé sous le n° 483 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. le président du Sénat a reçu de M. Jean Bizet un rapport d’information fait au nom de la commission des affaires européennes sur le prix du lait dans les États membres de l’Union européenne.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 481 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 24 juin 2009 :

À quatorze heures trente :

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Rapport de M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat (463, 2008-2009).

À quinze heures trente et, éventuellement, le soir :

2. Débat sur l’éducation :

- Les moyens de l’éducation nationale ;

- La réforme des lycées ;

- La décentralisation des enseignements artistiques.

3. Question orale avec débat n° 36 de M. Ivan Renar à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’évaluation du crédit impôt recherche.

M. Ivan Renar attire l’attention de Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur la nécessaire évaluation du crédit impôt recherche (CIR).

Si le crédit impôt recherche a connu en 2009 une augmentation de 620 millions d’euros, pour un coût global estimé entre 2, 7 et 3, 1 milliards d’euros, les effets réels de ce dispositif fiscal sur l’effort de recherche et développement des entreprises demeurent inconnus. Depuis l’étude d’impact menée par Technopolis France en 2006, le crédit impôt recherche n’a fait l’objet d’aucune évaluation officielle alors même qu’il a connu de profondes modifications en 2008. Lors des débats portant sur le budget de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) 2009, de nombreux parlementaires, de toutes sensibilités, se sont émus de cette situation, d’autant que toutes les politiques publiques sont soumises à évaluation. Une étude d’impact du crédit impôt recherche est d’autant plus indispensable que la progression des aides publiques est sans commune mesure avec la progression des dépenses de recherche et développement des entreprises. En outre, selon une enquête, ce dispositif, à l’origine destiné aux PME innovantes, bénéficierait essentiellement aux très grandes entreprises. Alors que le coût du crédit impôt recherche pourrait atteindre 4 milliards d’euros en 2012, il est urgent d’en mesurer les effets incitatifs et, le cas échéant, d’envisager un redéploiement des crédits affectés à ce dispositif. Il lui demande de lui indiquer les mesures qu’elle entend mettre en œuvre en ce sens et l’interroge sur l’avenir du financement des universités et des organismes de recherche publics.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures dix.