Intervention de François Pillet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 octobre 2015 à 18h00
Indépendance et impartialité des magistrats — Ouverture de la magistrature sur la société - mesures relatives à la justice du xxième siècle - Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur du projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société :

J'entends avec beaucoup d'intérêt votre définition de l'indépendance de la justice : une attitude personnelle par laquelle le magistrat s'extrait de lui-même. L'indépendance n'a d'intérêt qu'autant qu'elle garantit l'impartialité, à laquelle doit tendre le magistrat.

J'aurai principalement des observations rédactionnelles à faire au projet de loi organique ; mes remarques prépareront un débat technique et d'opportunité : le Sénat restera lui-même, sage et calme. La nomination par décret du JLD a été critiquée par toutes les personnes entendues, à l'exception de trois, les représentants des syndicats. Je comprends le but d'afficher l'indépendance de ce juge. Celle-ci risque néanmoins d'être toute relative pour un JLD frais émoulu de l'école, face à un procureur chevronné. En outre, je ne sache pas qu'aucun JLD ait été révoqué par son président parce que sa jurisprudence ne lui convenait pas. La fonction n'est pas très prisée : JLD signifie « jamais libre pour dîner », disent-ils eux-mêmes... Son indépendance serait plus solide s'il s'agissait obligatoirement d'un magistrat du premier grade. Il serait important qu'il puisse faire appel à une collégialité en cas de problème, comme le juge des référés. Bien sûr, il décide très souvent dans l'urgence et n'en aura pas toujours le temps ; il n'en serait pas moins satisfaisant qu'il puisse le faire de temps en temps.

Sur le statut du parquet, vous échappez à l'obligation de révision constitutionnelle. Pourquoi ne pas avoir inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale le projet de loi voté par le Sénat, y compris par sa minorité d'alors, sur un amendement de Michel Mercier ?

La déontologie passe par la lutte contre les conflits d'intérêts ; même sans aller jusqu'à la déclaration que remplissent les ministres et les membres de leurs cabinets, n'aurait-il pas été préférable de garder une trace de l'entretien déontologique avec le chef de cour ? Les conflits d'intérêts couvrent un champ très vaste : réseaux, appartenance à certaines associations, avoir un conjoint avocat quand l'on est magistrat ou procureur si l'on est juge d'instruction... Ne faut-il pas aller plus loin pour convaincre ?

Un détail reviendra sur le devant de la scène : les décorations. Lorsqu'un magistrat dépend sur ce point de l'exécutif, s'il n'est pas certain que cela influe sur son comportement, il est possible que cela ne soit pas impossible.

Je ne saisis pas l'intérêt d'une déclaration de patrimoine des chefs de cour qui ne rendent plus de décisions. Dans l'esprit du public, une telle déclaration est une mesure préventive contre un enrichissement lié à la corruption ; plus que le premier président de la Cour de cassation, le juge de l'expropriation, le juge d'instruction ou le juge unique pourraient être concernés. Cela pose de surcroît des problèmes matériels importants. Pourquoi ne pas élargir le périmètre au moins aux chefs de juridictions, ce qui homogénéiserait leurs obligations avec celles des présidents de tribunaux de commerce ? Même comme cela, les déclarations que vous proposez restent dans la famille puisqu'elles sont soumises à une commission ad hoc ; or, avec plus ou moins d'enthousiasme, les magistrats que nous avons entendus se sont montrés prêts à ce que leur déclaration soit transmise à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique : y voyez-vous un inconvénient ?

M. Yves Détraigne, rapporteur du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle. - Nous avons procédé ensemble aux auditions. Je suis sensible à votre projet de loi en tant que co-auteur avec Virginie Klès du rapport de votre commission sur la justice de première instance.

Si le SAUJ est une bonne chose, pour reprendre les termes de mon dernier rapport pour avis sur le budget de la justice, Portalis est la condition sine qua non des réformes de l'organisation judiciaire annoncées. Or nous sommes loin du compte : le SAUJ est une version allégée du guichet universel du greffe qui avait été envisagé. Il ne faudrait pas que sa mise en place fasse perdre du temps aux greffiers, faute pour ceux-ci de disposer d'un outil informatique adapté.

Nous évoquions dans notre rapport la mutualisation des effectifs des différents greffes au sein des juridictions, ce qui semble ne pas avoir été repris. Y avez-vous renoncé ?

Vous prévoyez une conciliation obligatoire avant toute procédure devant le juge d'instance ou de proximité. Je partage cette idée ; mais avec 1 800 conciliateurs c'est impossible. Or je n'ai pas le sentiment que le projet de budget que j'ai pu consulter réponde à cet impératif.

Vous avez évoqué la fusion des TASS et des TCI, intégrés dans les TGI, mais vous renvoyez ce sujet à des ordonnances, indiquant que vous avez missionné les inspections générales des affaires sociales et des services judiciaires pour en fixer les modalités. N'est-ce pas prendre les choses dans le désordre ?

Vous avez annoncé il y a quelques semaines que vous renonciez à la contraventionnalisation de différents délits routiers, comme la conduite sans permis ou sans assurance. Je comprends l'émotion des associations de victimes de la route ; pourtant, au fur et à mesure des auditions, nous avons pu comprendre que cela décevrait un certain nombre de professionnels de la justice : la contraventionnalisation donne de l'effectivité à une sanction...

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