La religion de la transparence nous conduit dans l'impasse. La nature même de la fonction juridictionnelle voudrait que le juge n'ait pas à justifier de son impartialité ; or il lui est demandé de déclarer ses intérêts. C'est rester au milieu du chemin. Interrogées sur les fréquentes nominations de membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation au sein des autorités administratives indépendantes, les personnes entendues par notre commission d'enquête sur lesdites autorités ont mis en avant leur qualité de juges, partant leur indépendance. Pourtant, les juges ont eux aussi des amis, un passé, et peuvent ne pas rester insensibles à certains intérêts ; mais vous n'allez pas jusqu'au bout.
Quant à la déclaration de patrimoine, pourquoi la limiter à quelques hauts magistrats, et pourquoi en prévoir la transmission à une commission ad hoc, et non à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique comme pour les parlementaires ? Vous arguez de l'indépendance de la magistrature ; pourtant, les juges transmettent bien une déclaration de revenus et de patrimoine à l'administration pour le paiement de leurs impôts. Ou on déclare le juge à l'abri de la corruption en raison de la nature particulière de la fonction ; ou on admet le risque, et dans ce cas pourquoi un statut particulier ?