Intervention de Christiane Taubira

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 octobre 2015 à 18h00
Indépendance et impartialité des magistrats — Ouverture de la magistrature sur la société - mesures relatives à la justice du xxième siècle - Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice

Christiane Taubira, garde des sceaux :

La répression de la conduite sans permis, seule disposition pénale d'un texte comportant 54 articles, a bloqué l'examen du projet de loi pendant deux mois. J'ai été sensible à l'émoi des associations de victimes de la route autant qu'au contexte de la hausse de la mortalité routière en juillet et août. Toutefois, cette disposition relevait davantage de l'organisation et du fonctionnement des juridictions. Dans 88 % des cas, la conduite sans permis fait l'objet d'une amende par ordonnance pénale, la procédure prenant sept à quatorze mois. Le montant moyen de l'amende est compris entre 250 et 450 euros, pour un taux de recouvrement à peine supérieur à 50 %.

Pour une plus grande efficacité, nous avons envisagé un montant automatique de 500 euros pour l'amende, 750 en cas de majoration ; le procès-verbal électronique offre la possibilité d'un paiement immédiat. Dès la deuxième infraction, le défaut de permis devient un délit passible de un à trois ans de prison et de 30 000 à 75 000 euros d'amende. Le Conseil d'État nous a mis en garde sur le risque de non-respect de la présomption d'innocence parce que l'administration de la preuve dans le cadre de la première infraction serait insuffisante.

Le sujet présente incontestablement une inflammabilité particulière. Toutefois, les associations de victimes que j'ai reçues ont, à une exception près, jugé cette réforme efficace et reconnu que la mesure avait été présentée d'une seule phrase dans les médias. Nous avions pris toutes les précautions nécessaires et travaillé avec le délégué interministériel à la sécurité routière. Objectivement, c'est mieux ; cela se pratique d'ailleurs dans des pays présentant de meilleurs résultats que nous dans ces domaines. La mesure, plus efficace et plus sévère, dégage du temps pour la surveillance et la prévention, qui d'après les organismes de sécurité routière contribuent davantage que la répression à la diminution des accidents. C'est pourquoi, comme je m'y suis engagée en expliquant que les parlementaires en débattraient, je proposerai un amendement de suppression du dispositif, tout en continuant à plaider pour ce système plus efficace.

Non, je ne reporte pas la collégialité de l'instruction. Celle-ci fait l'objet d'un texte déposé à l'Assemblée nationale voici plus de deux ans. Il s'agissait de corriger la loi de 2007 dont le dispositif, qui devait entrer en vigueur en 2014, a été jugé trop systématique. En attendant son inscription à l'ordre du jour, je suis contrainte de présenter dans la précipitation, à chaque loi de finances, des amendements reportant l'application de la loi de 2007. C'est une mauvaise pratique politique, et un manque de respect vis-à-vis du Parlement.

Je ne nie pas les oppositions suscitées par l'entretien déontologique comme par la déclaration de patrimoine. L'hypothèse d'une extension à tous les magistrats a été envisagée. Je reconnais qu'il faut trouver la bonne mesure face à l'exigence de transparence ; mais comment expliquer à la société que les magistrats échappent à une obligation à laquelle le Gouvernement et le Parlement sont désormais soumis ?

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