Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement ravi de me trouver cet après-midi au sein de votre hémicycle pour examiner ce texte de loi portant sur le statut des sportifs. Ce n’est pas uniquement parce que ce sujet, vous le savez, me tient particulièrement à cœur, c’est aussi parce que j’ai pu apprécier les excellentes conditions d’échange et de dialogue dans lesquelles, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, nous avons pu collectivement débattre de ce texte et l’améliorer. Nous allons d’ailleurs pouvoir continuer à le faire. Je tiens à en remercier plus précisément Mme Morin-Desailly, présidente de la commission.
Je veux saluer le remarquable travail déjà accompli par M. le rapporteur Savin, avec qui je prends plaisir à travailler depuis un rapport mémorable qu’il a rédigé avec le sénateur Stéphane Mazars. Monsieur le rapporteur, ce travail que nous allons poursuivre cet après-midi vise non seulement à corriger, mais aussi à améliorer une proposition de loi qui avait certainement besoin d’être enrichie.
Je me réjouis donc de voir se poursuivre, ici et avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, le parcours de ce texte déposé par Brigitte Bourguignon et le groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
Je remercie également très chaleureusement Didier Guillaume, président du groupe socialiste et républicain, d’avoir proposé que nous examinions cette proposition de loi sur le temps réservé à son groupe. Je ne doute pas que les sénateurs Bailly et Lozach, dont nul n’ignore l’investissement sur les questions du sport et des sportifs, aient contribué à ce choix.
Comme vous le savez, cette proposition de loi fait suite à la mission que j’ai confiée, voilà un an, au professeur de droit Jean-Pierre Karaquillo. Après avoir procédé à de très nombreuses auditions, celui-ci m’a remis, en février dernier, un rapport avec 41 préconisations. Ce texte, qui reprend une bonne partie de ces propositions, est très attendu par les sportifs et par le monde du sport en général, sport de haut niveau et sport professionnel confondus.
Dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2016 à Rio, il est essentiel d’aider nos sportifs et de les accompagner pour qu’ils puissent se préparer en toute sérénité à cette grande échéance internationale. Il importe aussi de connaître leur véritable situation, que l’on a trop tendance à confondre avec la caricature du sportif professionnel, avec sa belle voiture et ses revenus souvent à la limite de l’indécence. Or tel n’est pas le cas de ceux qui iront défendre les couleurs de la France aux jeux Olympiques et Paralympiques de Rio.
En outre, à l’heure de la candidature pour les jeux Olympiques de 2024, ce signal fort envoyé par la France à ses sportifs me paraît plus que légitime, puisque ce sont eux, qui, par leur mobilisation, permettront la réussite de cette belle entreprise.
Si ce texte est tellement attendu, c’est parce qu’il permet indiscutablement de répondre à de vrais besoins.
D’une part, nombreux sont les acteurs du sport, et en premier les athlètes de haut niveau, qui m’ont alerté sur leur situation de précarité, laquelle perdure non seulement pendant leur carrière, mais également à l’issue de celle-ci. Sachez que la plupart de nos sportifs n’ont pas de revenus suffisants leur permettant de se consacrer sereinement à leur carrière sportive. Focalisés sur leurs performances et pas toujours aidés par leurs entraîneurs pour préparer leur après-carrière, ils ne bénéficient que rarement d’un véritable suivi socioprofessionnel. L’État se devait donc de se préoccuper de ces sportifs en leur offrant de nouvelles possibilités d’intégrer le monde de l’entreprise et une protection sociale digne de ce nom, tout en s’intéressant à leur reconversion.
D’autre part, dans le secteur dit du sport professionnel, une insécurité juridique forte existe à la suite de plusieurs décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation concernant les contrats de travail à durée déterminée des sportifs ou des entraîneurs.
Les acteurs et partenaires sociaux du sport m’ont également sensibilisé sur ce sujet ; la proposition de loi tend à apporter des réponses opportunes et adaptées aux spécificités du secteur. Si elle est votée, elle constituera, à n’en pas douter, une avancée majeure pour les sportifs, car elle permettra de mieux les accompagner, de plus les protéger et de sécuriser leur situation juridique.
Le texte contient deux volets : l’un consacré au haut niveau et l’autre aux sportifs professionnels.
Il est essentiel, primordial même, que la France reconnaisse enfin le rôle de ses sportifs de haut niveau en le gravant dans le marbre de la loi. Affirmer, comme tend à le faire l’article 1er, qu’ils concourent au rayonnement de la nation et à la promotion des valeurs du sport est tout sauf anecdotique : une telle mention pose utilement les fondements de la politique publique de soutien au haut niveau.
Ce texte a également pour objet d’instaurer un suivi socioprofessionnel obligatoire pour chaque fédération, avec la désignation d’un référent, qui devra être formé et se consacrer pleinement à cette tâche.
L’une des grandes avancées de la proposition de loi, qui, je le rappelle, a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale – ce qui prouve que cela ne doit pas être un mauvais texte §–, est de faire bénéficier les sportifs de haut niveau de la législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Aujourd’hui, lorsqu’un sportif de haut niveau se blesse grièvement, au point de devoir arrêter sa carrière, il n’est pas protégé. S’il n’a pas contracté une assurance complémentaire à titre personnel, imaginez dans quelle situation il peut se trouver ! Grâce à ce texte, que j’espère voir voté par vos soins, les sportifs seront dignement protégés en cas de blessures, notamment les plus graves. Nous leur devions bien cela.
Par ailleurs, je suis très heureux de voir que ce texte élargit aux contrats d’image et de parrainage les contrats relevant des conventions d’insertion professionnelle, les CIP, alors que seuls les contrats de travail étaient concernés jusqu’ici. Je ne veux pas faire de la peine à Edwige Avice, pour qui j’ai énormément d’affection, mais le seul dispositif de soutien des entreprises aux sportifs qui existe à ce jour date de 1984. Il me semble que le moment est venu de moderniser ce domaine.
La proposition de loi s’inscrit aussi dans l’action que je mène avec l’opération « pacte de performance », lancée le 2 décembre 2014 avec le Président de la République. L’idée est qu’un maximum de sportifs de haut niveau puissent signer des contrats pour avoir un revenu et bénéficier d’une formation et d’une expérience permettant d’intégrer l’entreprise à la fin de leur carrière.
Depuis le lancement de l’opération, 70 entreprises, non seulement des grands groupes, mais aussi des PME et des start-up, ont adhéré au pacte de performance, offrant ainsi à 150 sportifs olympiques et paralympiques la possibilité de signer de tels contrats. Ceux d’entre vous qui ont des responsabilités dans une collectivité locale en connaissent sans doute certains. Dans le même esprit, nous avons également ouvert ce dispositif aux arbitres de haut niveau.
J’en viens aux sportifs professionnels.
La proposition de loi distingue ceux qui sont salariés, c’est-à-dire qui ont un contrat de travail, et ceux qui sont travailleurs indépendants. En effet, il faut bien voir que les sportifs ne représentent pas une catégorie homogène : le footballeur ou la handballeuse, qui sont payés par leur club professionnel pour s’entraîner et participer aux compétitions, n’ont pas le même cadre d’activité que le golfeur ou la joueuse de tennis, qui voyagent à travers le monde au gré de nombreux tournois.
S’agissant d’abord des sportifs salariés, les spécialistes ont relevé que la chambre sociale de la Cour de cassation avait, par plusieurs arrêts, remis en cause le recours aux contrats de travail à durée déterminée dits « d’usage » pour les sportifs, en les requalifiant en contrats de travail à durée indéterminée. Face à cette insécurité juridique, la proposition de loi a pour objet d’instituer un contrat à durée déterminée spécifique, car, aussi étonnant que cela puisse paraître, le contrat à durée indéterminée crée plus de précarité pour le sportif professionnel que le contrat à durée déterminée. Par exemple, un contrat à durée indéterminée pourrait permettre un licenciement d’un joueur pour insuffisance de résultats, ce qu’un contrat à durée déterminée n’autorise pas.
Des modalités de forme, de durée et d’exécution du contrat sont opportunément prévues avec, autant que possible, un renvoi au dialogue social, c’est-à-dire à la responsabilité des partenaires sociaux de la branche du sport. Cependant, vous avez opportunément précisé les modalités de ce contrat de douze mois lors de vos travaux en commission, qui ont été, je dois le reconnaître, assez riches.
Comme pour les sportifs de haut niveau, il est également prévu la mise en place d’un suivi socioprofessionnel obligatoire pour les clubs.
S’agissant ensuite des sportifs travailleurs indépendants, principalement les joueurs de tennis et les golfeurs, le texte vient sécuriser leur statut juridique, un statut d’ailleurs revendiqué tant par les sportifs que par les organisateurs de tournois.
En conclusion, il est important de souligner que l’article 14 de la proposition de loi prévoit – avec, je le sais, l’accord de toutes les travées – l’inscription dans le code du sport du Comité paralympique et sportif français, qui, jusqu’à présent, n’y figurait pas.
Nous aurons l’occasion, au cours des débats, d’évoquer d’autres avancées de cette proposition de loi. L’essentiel pour nos sportifs est que l’ensemble de la représentation nationale, soutenue par le Gouvernement, se retrouve autour des principes et objectifs poursuivis par ce texte. Nous devons nous féliciter des importantes mesures qu’il contient, tant pour le sport de haut niveau que pour le sport professionnel.
Je dois dire que, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, les sportifs ont collectivement – ils étaient plus de soixante-dix – rédigé une tribune pour dire : « Ne nous oubliez pas ! » J’ai la certitude, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous n’allez pas les oublier !