Intervention de Michel Savin

Réunion du 21 octobre 2015 à 14h30
Protection des sportifs de haut niveau et professionnels — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel SavinMichel Savin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui entend mieux protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et sécuriser leur situation juridique et sociale. Elle apporte des solutions concrètes à trois enjeux.

Le premier enjeu consiste à réaffirmer l’importance de la poursuite d’un double projet par les sportifs de haut niveau : allier la recherche de l’excellence sportive et la réussite scolaire, universitaire et professionnelle. C’est la raison pour laquelle il est indispensable que chaque sportif de haut niveau, tout en se consacrant à sa discipline sportive, soit conscient, le plus en amont possible, de la nécessité d’élaborer, en parallèle à sa carrière sportive, un projet en mesure d’assurer son insertion dans le monde professionnel.

La proposition de loi introduit des mesures qui renforcent l’efficacité des dispositifs d’orientation et de suivi professionnels en direction des sportifs de haut niveau et qui responsabilisent les acteurs associés au double projet des sportifs, qu’il s’agisse des ministères concernés, des services déconcentrés de l’État, mais également des fédérations sportives.

Le deuxième enjeu auquel la proposition de loi souhaite répondre est la mauvaise couverture sociale des sportifs de haut niveau en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles liés à leur pratique sportive. Face à cette situation, la proposition de loi fait bénéficier les sportifs de haut niveau d’une couverture sociale minimale en cas d’accident et de maladie professionnelle qui est prise en charge par l’État. Elle est complétée par une assurance obligatoire financée par les fédérations.

Enfin, la proposition de loi répond à un troisième enjeu en renforçant la sécurité juridique des contrats à durée déterminée signés par les joueurs professionnels, des mutations temporaires des sportifs et entraîneurs salariés et la reconnaissance du statut de travailleurs indépendants pour certaines catégories de sportifs.

Après avoir complété le dispositif proposé, l’Assemblée nationale l’a adopté à l’unanimité le 8 juin dernier, comme l’a rappelé M. le secrétaire d'État. De même, et au-delà des contingences politiques, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a examiné cette proposition de loi dans un esprit constructif et avec le seul souci d’offrir aux sportifs de haut niveau les meilleures conditions pour mener leur carrière sportive et assurer leur insertion citoyenne et professionnelle.

Plusieurs améliorations notables ont été apportées au texte, prouvant une fois de plus l’intérêt du bicamérisme. Je pense à l’ajout du droit à l’image parmi les droits et obligations qui figurent dans la convention signée entre le sportif de haut niveau et sa fédération, à l’extension du bénéfice des conventions d’insertion professionnelle aux arbitres et juges de haut niveau, à la possibilité pour les sportifs de haut niveau de demander la validation des acquis de leur expérience pour l’obtention d’un diplôme ou d’un titre à finalité professionnelle. Je pense également à l’aménagement des contrats d’apprentissage afin que les périodes pendant lesquelles les sportifs de haut niveau pratiquent leur activité sportive soient prises en compte. Je pense enfin à l’amélioration des règles liées à la durée du temps de travail dans le cadre de la création du contrat de travail à durée déterminée spécifique pour les sportifs et entraîneurs professionnels salariés.

Telle qu’elle a déjà été complétée, et sous réserve des dernières modifications qui pourront être adoptées aujourd’hui, la proposition de loi, en réaffirmant solennellement l’importance du double projet, répond à un réel besoin et mérite notre soutien. En effet, nous ne pouvons pas accepter que des jeunes fassent l’impasse sur l’éducation et la formation à un métier pour se retrouver sans avenir professionnel. Ils ne doivent pas être victimes de leur sport, et ce sous le regard parfois bienveillant de leur entraîneur ou de leur fédération.

Toutefois, une fois cette loi adoptée, elle ne pourra être efficace que si toutes les parties prenantes collaborent dans l’intérêt des sportifs.

La proposition de loi confie le suivi socioprofessionnel des sportifs aux fédérations pour les sportifs de haut niveau et aux associations sportives et sociétés pour les sportifs et entraîneurs professionnels. Ce choix s’explique par la proximité qui existe entre les sportifs et leur fédération ou, le cas échéant, leur club employeur. Pour autant, les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale doivent également jouer un rôle prépondérant en mettant à la disposition des sportifs leurs contacts avec les rectorats, la région ou Pôle emploi. C’est la raison pour laquelle il est indispensable que la convention signée entre le sportif de haut niveau et sa fédération mentionne les coordonnées du référent chargé des sportifs de haut niveau à la direction régionale.

De même, il serait important que, dans le domaine du sport professionnel, toutes les conventions signées entre les centres de formation des clubs professionnels agréés, d’une part, et les bénéficiaires de la formation ou leur représentant, d’autre part, soient envoyées aux directions régionales afin que ces dernières puissent identifier ces jeunes et entrer en contact direct avec eux.

Les différents ministères concernés par le suivi socioprofessionnel des sportifs doivent également concerter leurs actions afin de ne pas entraver, même inconsciemment, la réussite du double projet. À cet égard, il serait souhaitable que le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’enseignement supérieur reconnaissent le rôle fondamental de l’enseignement à distance et du recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle pour la formation des sportifs de haut niveau. En effet, les contraintes liées à leur pratique sportive comme les entraînements ou encore les déplacements – 200 jours par an pour un skieur, par exemple – empêchent un grand nombre de sportifs d’assister physiquement à une formation dans un établissement. Or, en l’état actuel du droit, les établissements de l’enseignement supérieur qui ont investi dans le e-learning ne peuvent ni signer de convention de stage avec des entreprises ni bénéficier de la taxe d’apprentissage, parce que le code de l’éducation exige un volume pédagogique minimal de formation en établissement.

La réglementation doit évoluer pour tenir compte de cet outil particulièrement adapté aux contraintes des sportifs de haut niveau. Je proposerai donc un amendement visant à donner une reconnaissance législative au e-learning, en espérant que M. le secrétaire d'État pourra dissiper toutes mes inquiétudes. Je défendrai également un amendement visant à inciter les établissements supérieurs à adapter l’organisation et le déroulement des examens aux contraintes des sportifs de haut niveau.

Par ailleurs, je souhaite insister sur le rôle fondamental que les entreprises ont à jouer dans la réussite de l’insertion professionnelle des sportifs de haut niveau et des sportifs professionnels. Il conviendrait de les associer étroitement et de les impliquer tout au long du double projet, notamment pour connaître leurs attentes. En effet, trop souvent, les entreprises ne sont sollicitées qu’à la fin du processus de reconversion, lorsque le sportif abandonne sa carrière sportive et souhaite entrer sur le marché du travail. Or c’est en amont, durant tout le processus d’élaboration du double projet et en lien avec le sportif, les services de l’État et les fédérations, que les entreprises doivent intervenir.

Puisque j’évoque le monde de l’entreprise, je m’attarderai quelques instants sur les conventions d’insertion professionnelle.

Signées entre l’État et les entreprises, ces conventions doivent permettre aux sportifs de haut niveau de mettre un pied dans l’entreprise tout en continuant à mener leur carrière sportive. Pour que ce dispositif soit efficace, il est indispensable qu’elles soient associées à un réel projet de formation ou d’insertion professionnelle. C’est la raison pour laquelle je souhaite que la relation contractuelle qui lie le sportif de haut niveau à l’entreprise soit, dans la plupart des cas, un contrat de travail, et non un contrat de prestation de services ou de cession de droit à l’image afin de proposer un projet de formation cohérent.

Lorsqu’on se penche sur l’insertion professionnelle des joueurs, on se pose, à un moment donné, la question du financement de leur formation ou réinsertion. Il s’agit d’une question complexe, mais qui mérite d’être posée. Peut-être M. le secrétaire d'État nous suggérera-t-il des pistes de réflexion sur ce point.

En ce qui concerne le financement de la formation des sportifs de haut niveau, je proposerai un amendement visant à créer un compte personnel de formation au bénéfice des sportifs de haut niveau, qui serait alimenté par les fédérations. Cette mesure poursuit un double objectif : permettre aux sportifs de haut niveau non actifs d’accumuler des crédits d’heures de formation qu’ils pourront utiliser ultérieurement dans le cadre de leur double projet et créer des ressources supplémentaires pour financer la formation des sportifs de haut niveau. Il me semble que ce n’est qu’en permettant à un plus grand nombre de sportifs de haut niveau d’accéder au salariat que le statut juridique, économique et social de ces derniers sera réellement sécurisé.

Autre sujet qui a été plusieurs fois évoqué lors des auditions : la trop faible représentation des sportifs au sein des instances dirigeantes, des fédérations et des ligues. C’est une question sur laquelle il serait également intéressant d’entendre votre avis, monsieur le secrétaire d'État.

La problématique des agents a elle aussi été abordée. Nous en avons encore parlé ce matin en commission, cette profession n’est pas suffisamment encadrée. Il serait intéressant de revoir ce statut dans le cadre d’un projet de loi ou d’une réflexion plus globale. Si ce métier venait à être mieux réglementé, il faudrait en profiter pour imposer aux agents un rôle de conseiller auprès de leurs clients sportifs professionnels sur les questions de reconversion professionnelle.

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