Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de féliciter la commission de la culture pour l’excellent travail qu’elle a effectué, ainsi que notre collègue Michel Savin pour sa connaissance très précise du monde sportif. Le rapport que Jean-Pierre Karaquillo a rendu le 18 février 2015 à la demande de Thierry Braillard, secrétaire d’État chargé des sports, a montré dans quelle précarité professionnelle et juridique se trouvaient les sportifs, notamment les sportifs de haut niveau.
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise constitue une grande avancée. Le rapporteur a apporté plusieurs améliorations au texte concernant notamment le droit à l’image afin de le faire figurer dans la convention signée entre le sportif de haut niveau et sa fédération. Il a également lié la durée du contrat de travail à durée déterminée des sportifs et entraîneurs professionnels à la saison sportive, dont les dates varient en fonction des disciplines.
Michel Savin a également fait évoluer le texte dans le bon sens concernant l’après-carrière des sportifs de haut niveau. Je tiens à saluer en particulier la possibilité, pour les sportifs de haut niveau, de demander la validation des acquis de leur expérience pour l’obtention d’un diplôme ou d’un titre à finalité professionnelle, ainsi que l’adoption du dispositif d’aménagement des contrats d’apprentissage afin que les périodes pendant lesquelles les sportifs de haut niveau pratiquent leur activité sportive soient prises en compte.
Je salue ces améliorations, car la reconversion des sportifs de haut niveau est un véritable sujet. Elle doit être pensée le plus tôt possible, même si les choix de formation faits à l’adolescence ne correspondent pas forcément aux envies en fin de carrière. En outre, au moment de mettre un terme à leur carrière, les sportifs de haut niveau doivent très souvent affronter une triple crise.
Cette crise est d’abord physique. Le rapport au corps est bouleversé une fois la compétition terminée. L’utilité du corps, conçu depuis l’adolescence comme un outil au service des performances sportives, est remise en cause du jour au lendemain. Parfois, certains manifestent un rejet brutal de toute activité physique.
La crise est ensuite identitaire. L’arrêt d’une carrière sportive est pour beaucoup source d’anxiété, voire de dépression. L’athlète doit en effet démarrer une nouvelle vie dans un monde où il a peu de repères, après s’être ultraspécialisé dans un seul et unique domaine.
La crise est enfin financière. Hormis pour les stars, une reconversion professionnelle est indispensable pour des raisons financières. Malgré des rémunérations confortables, bien peu de sportifs peuvent se permettre d’arrêter toute activité professionnelle si tôt.
Durant plusieurs années, les athlètes sont dans la lumière. Ils sont parfois les ambassadeurs de la France, dont ils représentent l’excellence sportive. Si les performances sont la vitrine des sportifs de haut niveau, la partie immergée d’une carrière est en revanche moins connue. Une carrière sportive est aussi intense et enrichissante qu’elle est courte et imprévisible. Les sportifs doivent donc anticiper l’après-carrière afin de faciliter la transition et d’éviter la triple crise que je viens d’évoquer. Les améliorations apportées par Michel Savin vont donc dans le bon sens.
Pour aller plus loin dans la réflexion sur l’après-carrière, je tiens à indiquer que, globalement, des lignes de fracture existent selon les sports et influent sur la précocité et la qualité de la préparation d’une après-carrière. La gestion de la retraite sportive varie beaucoup selon que l’on est un homme ou une femme, un sportif international ou non, que l’on pratique un sport collectif ou individuel. Toutefois, la principale différence réside entre les sports très médiatisés et ceux qui sont plus confidentiels. Dans les premiers cas, les gains financiers plus élevés favorisent une prise de conscience de l’athlète de l’importance de se constituer rapidement un capital et de se former. Pour ne donner qu’un exemple, en France, seuls 150 footballeurs sur les quelque 2 000 professionnels en activité n’ont pas à se préoccuper financièrement d’un second projet de vie.
Nous sommes évidemment tous conscients ici qu’il n’est pas facile de gérer une carrière sportive tout en se préparant à l’après. Entre les compétitions et les entraînements, le calendrier des athlètes est chargé. Au-delà du manque de temps – encore que ce ne soit pas forcément un bon argument de défense –, l’implication totale du sportif dans ce qu’il fait est effectivement indispensable à la réussite et permet difficilement de penser à autre chose. Les résultats performants n’arrivent uniquement que si le sportif est concentré à 200 % sur sa réussite.
Au final, la question de l’encadrement et de la formation du sportif selon sa discipline reste déterminante. À mon sens, il y a non pas un sport, mais des sports, et des réalités différentes. Le problème actuel est peut-être que nous avons cloné le même mode d’organisation pour toutes les disciplines. Une gymnaste a par exemple un volume d’entraînement égal, voire supérieur, à celui du footballeur ou du rugbyman, alors qu’elle pratique un sport dont le modèle économique est quasi inexistant.
Ce texte constituant une grande avancée pour la protection des sportifs de haut niveau, je le voterai.