Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 21 octobre 2015 à 14h30
Devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les accidents révoltants qui ont conduit nos collègues de l’Assemblée nationale à prendre l’initiative d’un texte de loi. Leur démarche était évidente, nécessaire, légitime.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est un texte important, puisqu’il a pour objectif une gestion préventive des risques d’atteinte aux droits de l’homme, des risques environnementaux et sanitaires ainsi que des risques de corruption, active ou passive, par les entreprises transnationales ayant leur siège social en France.

La proposition de loi vise à une meilleure responsabilisation des sociétés mères pour les actions de leurs filiales et de leurs sous-traitants. Il s’agit d’éviter la survenance de drames en France, et d’obtenir des réparations pour les victimes en cas de dommages portant atteinte aux droits humains et à l’environnement.

Ce texte institue un devoir de vigilance contraignant tout en s’inscrivant dans la problématique, plus large, de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.

Il existe déjà des outils en matière de vigilance : la diligence raisonnable, la vigilance telle que définie par la norme ISO 26 000, les principes directeurs de l’OCDE, le reporting extra-financier européen ou encore la procédure de gestion des risques telle qu’envisagée dans la loi de juillet 2014, pour ne citer que ces quelques exemples.

Dans cette proposition de loi, et c’est là tout l’intérêt de ce texte, le devoir de vigilance devient obligatoire. En effet, le plan de vigilance permettra une cartographie des risques pays par pays, une contractualisation des obligations de RSE, une procédure d’alerte, des audits sociaux et environnementaux à tous les niveaux de la chaîne de valeur, des mesures de prévention de la sous-traitance en cascade, des mesures d’information et de consultation des organisations syndicales, la formation des salariés. Ce n’est pas rien !

Ce plan de vigilance pourrait même, à terme, fournir le socle d’une généralisation de la notation extra-financière, qui, pour l’instant, découle d’une action volontaire. Rappelons que la démarche RSE s’appuie sur l’intérêt à agir des entreprises, qui considèrent que la vertu peut être un atout de compétitivité.

En effet, dans un jeu concurrentiel non faussé, les entreprises ont intérêt à faire preuve de la plus grande transparence et à mettre leurs valeurs en avant comme autant d’atouts dans la compétition.

Le libéralisme sans règle est une jungle et, contrairement à ceux qui méconnaissent le sujet – j’en ai déjà entendu ici –, il ne s’agit pas de gêner les entreprises, mais, au contraire, de leur donner un levier compétitif supplémentaire.

De nombreuses entreprises ont fait le choix du mieux-disant social et environnemental, et ce texte est là pour les encourager en ce sens. Cette démarche ne fera pas fuir les investisseurs ; au contraire, elle sera de nature à les rassurer.

Sous la pression de la société civile, certaines entreprises ont en effet intégré depuis quelques années le « devoir moral » qui leur incombe.

C’est l’insécurité juridique que veulent à tout prix éviter les acteurs du marché : cette proposition de loi répond en partie à ces préoccupations.

C’est d’ailleurs pour cette raison que quelques grands groupes, ayant compris que ce texte permettra aussi de sécuriser l’environnement juridique dans lequel ils évoluent, soutiennent cette proposition de loi. Je rappelle également que, si nous ne légiférons pas, c’est in fine la jurisprudence qui s’appliquera, et je ne suis pas certaine que c’est ce que demandent les entreprises !

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