Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 23 juin 2009 à 15h00
Protection de l'enfance — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, connaissons-nous une mission plus noble que celle de protéger un enfant ? Est-il un dessein de société plus louable ?

Il faut prendre soin de cet enfant, l’entourer de paroles attentionnées, l’écouter mais aussi l’entendre, le guider sans le contraindre, l’accompagner pas à pas vers l’âge adulte, le respecter, réussir à lui donner suffisamment confiance en lui-même pour lui permettre de trouver sa propre voie, être présent sans être étouffant, guider ses choix sans se projeter soi-même dans les réalisations qui lui appartiennent.

Puissions-nous un instant nous extraire de nos représentations habituelles, mettre à distance nos fonctions, nos mandats, nos obédiences respectives pour nous concentrer sur l’essentiel : que représente, pour chacun d’entre nous, femmes ou hommes, la protection d’un enfant ?

L’enfant est le bien le plus précieux de nos sociétés. Il doit donc impérieusement concentrer toutes nos attentions à propos de sa santé, de sa moralité, mais aussi de son épanouissement physique, psychique, intellectuel et affectif. Nous voilà donc soumis, nous autres adultes, à des devoirs renouvelés : être toujours attentifs et prévenants ; prévenir pour mieux protéger, le cas échéant.

Or qu’en est-il de la protection de l’enfance dans notre pays ? Placée régulièrement au cœur du débat public, elle fait l’objet de critiques incessantes. Elle est régulièrement mise en cause à propos de négligences graves non révélées, de mauvais traitements trop tardivement décelés, de prises en charge estimées inadaptées.

Sujet aiguisant les passions, elle fait l’objet de jugements péremptoires. L’amalgame est parfois tentant. Progressivement, le thème de la défaillance parentale se fait jour. Certes, le principe n’est pas contestable en soi, mais les raccourcis sémantiques, eux, le sont. On dénonce alors l’absentéisme scolaire, les violences urbaines, les incivilités, les comportements déviants, les actes délictueux. On assimile jeunesse à dérive. L’enfant devient dangereux, menaçant !

À l’enfant-victime, on substitue le mineur délinquant, qui serait coupable, selon une vision manichéenne, de la désagrégation d’une société qui, au fond, l’a véritablement « enfanté ».

La communauté éducative est alors visée. Elle protégerait l’enfant trop peu, ou trop tard ! Le risque zéro n’existant pas en la matière, les drames réapparaissent, hélas ! Ils défraient la chronique et prennent l’opinion publique à témoin. On cherche et on trouve, c’est inévitable, des responsabilités, des failles dans le dispositif.

Notre époque est celle des paradoxes. On s’entend facilement sur une exigence collective : protéger l’enfant. Puis, au final, quand il s’agit de mesurer les conditions de la réalisation de cette exigence, on se révèle beaucoup moins strict. La société entière est passée au crible de l’évaluation : il faut tout mesurer ! Et on le fait avec des critères finalement largement revus à la baisse.

La loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance a été relativement consensuelle. Elle a fait l’objet d’un débat important ; elle a été conduite avec détermination et discernement. C’est un bon texte, soucieux de l’intérêt de l’enfant.

Deux ans après son adoption, on s’interroge, sur fond de crise économique, sur les conditions de son application, sur la responsabilité de l’État, sur les engagements qu’il a pris et sa capacité à les tenir.

Le département, conforté dans son rôle central de prévention et de protection de l’enfant, n’est pas en reste. Avec des compétences élargies en matière de politique familiale – c’est dire la confiance qu’on lui porte sur ces sujets humains – il déploie des moyens colossaux : 2, 3 milliards d’euros en 1984 et presque 6 milliards d’euros en 2008 avec, on ne le dit pas assez, une réduction significative des inégalités entre les départements. C’est le premier poste budgétaire de la solidarité départementale.

Les engagements pris doivent être tenus. L’État ne peut plus être juge et partie dans ce domaine, pas plus que dans d’autres.

Aux yeux de certains, la vision strictement budgétaire de cette mission hautement sensible des conseils généraux peut paraître réductrice. Non pas que l’argent demeure tabou en pareille matière, mais parce que les sommes considérables qui sont consacrées à ces actions, et que je rappelais voilà un instant, ont une vocation noble que l’on ne saurait dénaturer.

J’ai ouï dire que l’État craindrait de mettre le doigt dans un engrenage financier. Mais, madame la secrétaire d’État, cette dépense est non seulement nécessaire, mais aussi, et surtout, tellement utile !

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