Intervention de Nadine Morano

Réunion du 23 juin 2009 à 15h00
Protection de l'enfance — Discussion d'une question orale avec débat

Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Mme Claire-Lise Campion m’interroge sur la loi du 5 mars 2007 ainsi que sur la question plus générale de la protection de l’enfance.

Tout d’abord, permettez-moi d’évoquer le vingtième anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant. J’ai souhaité conduire personnellement la délégation française qui, à Genève, a présenté devant le comité des droits de l’enfant des Nations unies les troisième et quatrième rapports de la France relatifs au suivi de la convention. J’ai ainsi eu l’occasion et l’honneur de rappeler l’ensemble des actions réalisées par la France en matière de protection de l’enfance, notamment la loi du 5 mars 2007. La présidente coréenne, Mme Lee, a indiqué qu’elle mettrait la barre très haut compte tenu de la place que la France occupe dans le monde. À cet égard, les deux rapporteurs qui sont intervenus pour exposer l’analyse de ces rapports nous ont félicités de la qualité du travail effectué.

Contrairement à la pratique habituelle de nombre de ministres, je suis restée après mon discours de présentation et, pendant près de trois heures et demie, j’ai répondu, thème par thème, à l’ensemble des questions sur la protection de l’enfance. J’ai pu constater la réelle satisfaction qu’ont témoignée tant le comité que sa présidente sur l’ensemble des précisions que nous avons apportées en réponse aux questions qu’ont suscitées nos rapports et le suivi de la convention par la France.

S’agissant de la loi du 5 mars 2007, trois décrets d’application ont déjà été pris.

J’ai ainsi signé le décret du 30 juillet 2008, qui organise la formation que doivent obligatoirement suivre les cadres et responsables des services qui, par délégation du président du conseil général, prennent des décisions relatives à la protection de l’enfance.

A également été publié le décret du 19 décembre 2008, qui définit la nature et les modalités de transmission des informations préoccupantes recueillies par les cellules départementales aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance et à l’Observatoire national de l’enfance en danger. Grâce à ce dernier, nous avons désormais une connaissance chiffrée du nombre d’enfants maltraités, ce dont nous ne disposions pas auparavant. Je me suis rendue à l’ONED pour la remise du rapport officiel. Ainsi, au 31 décembre 2008, on recensait 265 913 jeunes de moins de dix-huit ans dont la situation justifiait la prise en charge par le dispositif de protection de l’enfance. Cela représente 1, 88 % des jeunes de moins de dix-huit ans : autant dire, bien sûr, que c’est trop, beaucoup trop. Cependant, la connaissance de ces chiffres est indispensable si l’on veut pouvoir lutter de manière adaptée et ciblée contre l’odieux fléau de la maltraitance.

Ce décret était très attendu dans les départements, dont soixante-huit, selon l’ONED, ont déjà constitué une cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes.

À Mme Garriaud-Maylam et à M. Lardeux, qui souhaitent disposer d’une évaluation de ce nouveau dispositif des cellules départementales, je veux indiquer que, conformément à l’article 13 de la loi, qui prévoit que le Gouvernement doit présenter un rapport sur la mise en œuvre des cellules, j’ai demandé à mes services de préparer un bilan quantitatif et qualitatif de cette mise en place. Il sera disponible d’ici à la fin de l’année.

Enfin, le décret du 30 décembre 2008 organise la nouvelle procédure instituée par la loi du 5 mars 2007 et dénommée « mesure judicaire d’aide à la gestion du budget familial ».

Lorsque les prestations familiales ne sont pas employées à la satisfaction des besoins liés au logement, à l’entretien, à la santé et à l’éducation des enfants, et que l’accompagnement en économie sociale et familiale n’apparaît pas suffisant, le juge peut ordonner qu’elles soient, en tout ou partie, versées à une personne physique ou morale qualifiée, dite « déléguée aux prestations familiales ».

La loi prévoit une formation, initiale et continue, en partie commune à tous les professionnels qui travaillent en contact avec des enfants : magistrats, travailleurs sociaux, enseignants, personnels des polices et de la gendarmerie, médecins, personnels médicaux et paramédicaux, personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs. Ce décret sera publié au Journal officiel dans la semaine.

Reste donc à prendre le décret relatif à la médecine scolaire – je sais qu’il retient l’attention de M. de Legge –, qui a pour objet de prévoir les modalités d’organisation des quatre visites médicales gratuites pour les enfants.

Jusqu’en 2007, le suivi médical de l’enfant était limité à la petite enfance. Pas moins de vingt-deux examens sont ainsi réalisés entre zéro et six ans. La loi réformant la protection de l’enfance prévoit désormais trois nouveaux examens, au cours des neuvième, douzième et quinzième années.

Oui, monsieur de Legge, je partage votre opinion : nous devons rendre plus cohérent l’ensemble de ces consultations, et la première question à nous poser est de savoir comment celles-ci sont utilisées. Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même avons demandé à l’inspection générale des affaires sanitaires, l’IGAS, de réaliser un bilan de ce dispositif. Je souhaite que le ministère de la santé et le ministère de l’éducation nationale soient ainsi en mesure, d’ici à la fin de l’année, de prévoir une montée en charge progressive et adaptée.

S’agissant du financement de la protection de l’enfance, ce sont près de 5, 8 milliards d’euros qui lui sont consacrés par les départements. Ce sont plus de 376 millions d’euros au titre du budget de l’éducation nationale pour la santé scolaire. Ce sont plus de 5, 7 milliards d’euros affectés par l’assurance maladie aux consultations de prévention des femmes enceintes et des enfants de zéro à six ans. Ce sont 160 millions d’euros dépensés par la justice pour le placement des mineurs en danger. Vous le voyez, madame Escoffier, madame Pasquet, l’État est au côté des départements pour cette action essentielle !

Par ailleurs, dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion signée entre l’État et la Caisse nationale d’allocations familiales, j’ai obtenu que les crédits dédiés à la parentalité soient fortement augmentés ; car la protection de l’enfance, c’est la prévention, mais c’est aussi l’accompagnement des parents. Ainsi, les crédits dédiés au financement des réseaux d’écoute et d’aide à la parentalité, à la médiation familiale et à la mise en place de lieux d’accueil et d’écoute des parents augmenteront, entre 2009 et 2012, de près de 15, 5 % par an. En 2008, nous y consacrions 30 millions d’euros ; en 2009, ce seront 42 millions d’euros, soit une augmentation de 12 millions d’euros.

Madame Campion, votre question porte également sur le fonds national de financement de la protection de l’enfance. Le Gouvernement partage l’analyse de M. Lardeux, qui estime que la création d’un fonds supplémentaire viendrait complexifier, brouiller les financements déjà existants. Au regard des 5, 8 milliards d’euros évoqués, la somme en jeu, qui est de 30 millions d’euros, montre que nous sommes en décalage. Les finances ne sont pas seules à entrer en compte : c’est l’ensemble des actions et des mesures que nous engageons en faveur de la protection de l’enfance qui doit être pris en considération. Ce sujet a d’ailleurs fait l’objet d’un arbitrage gouvernemental.

Mme Garriaud-Maylam s’interroge sur la protection des enfants de Français résidant à l’étranger. Plusieurs mesures ont été arrêtées pour les prendre en charge. Ainsi, depuis le vote de la loi de 2007, une sous-direction dite « de la protection des droits des personnes » ainsi qu’un bureau de la protection des mineurs et de la famille ont été créés. La sous-direction est en contact avec tous les consulats et ambassades de France. L’objectif est de mobiliser tous les moyens pour mettre les enfants hors de danger, si nécessaire en organisant leur rapatriement en France, puis leur placement dans un établissement français sur décision d’une autorité judiciaire française.

Je suis également en mesure de confirmer que la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire a conclu un protocole d’accord avec la Défenseure des enfants.

La loi a donc permis une clarification du cadre institutionnel de la protection de l’enfance. D’importants progrès ont été accomplis en matière de coordination de l’action entre l’État, les départements et les associations.

La Défenseure des enfants tient aussi un rôle central. Vous le savez, cette autorité indépendante a été créée par la loi du 6 mars 2000. Elle est chargée de défendre et de promouvoir les droits de l’enfant tels qu’ils ont été définis par la loi et par la convention internationale des droits de l’enfant. Le Gouvernement est très attaché à cette autorité, dont l’indépendance, l’utilité et le sérieux sont unanimement appréciés.

Enfin, je ne veux pas oublier l’activité fondamentale des associations et des organisations non gouvernementales. Les associations travaillent quotidiennement au service de l’enfance en danger et ne manquent jamais, le cas échéant, d’interpeller le Gouvernement. Je les reçois régulièrement ; très récemment encore, le 5 mai, j’ai réuni le Comité national de suivi de la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007, et j’y ai invité les associations de protection de l’enfance afin de recueillir leurs observations sur le sujet.

J’évoquerai en quelques mots ces chantiers qui vous démontreront l’ampleur et l’engagement du Gouvernement.

Le premier chantier est celui de l’adoption. Celle-ci fait l’objet d’un projet de loi qui a déjà été déposé sur le bureau de votre assemblée, et le 28 avril dernier s’est tenu ici, au Sénat, un débat sur ce sujet ; je n’y reviendrai donc pas.

Le deuxième chantier est celui de la parentalité. Je tiens à rappeler et à saluer l’action permanente et quotidienne des nombreuses associations qui luttent contre toutes les formes de violence à l’intérieur du cercle familial et qui exercent, notamment, une action indispensable en faveur de la protection des enfants.

Le Gouvernement les soutient au travers des réseaux d’aide et d’appui à la parentalité et les points Info Famille. Ces réseaux jouent un rôle essentiel lorsqu’ils redonnent confiance aux parents et les aident dans leur rôle. Ce sont près de 6 000 actions de soutien qui ont été réalisées chaque année, et 600 000 parents en ont bénéficié. Le Gouvernement alloue des moyens à ces structures : près de 7 millions d’euros leur sont réservés cette année sur le programme 106 et, comme je l’ai déjà indiqué, la Caisse nationale d’allocations familiales est à nos côtés pour accroître cet effort.

J’ai également obtenu qu’une ligne téléphonique nationale et gratuite soit ouverte pour les parents qui sont dépassés par leur rôle : il s’agit de l’extension du numéro d’appel 119. Vous savez que cette ligne est consacrée aux enfants en danger. J’ai souhaité qu’elle soit élargie aux familles en détresse pour raccrocher à un fil ces personnes qui, quelquefois, en arrivent à des extrémités telles qu’elles éliminent l’ensemble de leur famille. Nous voudrions, avec l’ONED et son président, Christophe Béchu, que ce numéro d’appel fasse l’objet d’une grande campagne de communication et soit connu au même titre que le numéro de la police ou celui du SAMU.

Le troisième chantier, celui de la lutte contre la pédopornographie, me tient tout particulièrement à cœur. Il s’agit aussi d’une mesure de protection de l’enfance, et nul ne peut contester que le Gouvernement soit crédité d’une action constante et vigoureuse dans ce domaine.

Aujourd’hui, l’arsenal législatif français est performant. La pédopornographie sous toutes ses formes est illégale, réprimée et poursuivie. La répression pénale est complétée par des règles de procédure adéquates.

De plus, les sanctions encourues pour les infractions à caractère sexuel commises sur des mineurs sont très sévères. Les délits de proxénétisme ou la traite des êtres humains commis à l’égard d’un mineur sont particulièrement punis. Certaines sanctions ont été récemment durcies, par exemple lorsque les faits en cause concernent la pornographie mettant en scène des mineurs. En tout état de cause, le jeune âge de la victime constitue toujours une circonstance aggravante.

À côté du volet répressif, madame Campion, le Gouvernement utilise le volet préventif. Je mène une action résolue sur quatre terrains : l’amélioration de la performance des logiciels de contrôle parental ; la sensibilisation du grand public à la protection de l’enfant sur le numérique ; le blocage de l’accès aux sites pédopornographiques ; la création des conditions d’une coordination européenne.

Enfin, quatrième chantier, nous devons agir de manière déterminée en faveur de la prévention de la délinquance et cela ne peut se faire sans les familles.

C’est pourquoi nous avons créé, en 2007, les conseils pour les droits et devoirs des familles : la protection de l’enfance passe aussi par la prévention, l’écoute, la réalité du terrain, et par l’action du maire qui connaît bien les familles pouvant se retrouver en difficulté. J’ai installé au Raincy le vingt-troisième conseil pour les droits et devoirs des familles.

Il faut continuer à développer ces dispositifs, qui donnent leurs premiers résultats et constituent un outil concret au service de la protection de l’enfance.

La famille doit jouer tout son rôle. Le conseil pour les droits et devoirs des familles est le lieu où l’on reconnaît la responsabilité éminente des parents et des familles. C’est une instance de dialogue, une enceinte où le fil de la discussion peut reprendre, où chacun doit assumer ses devoirs, où chacun réapprend ses droits : le maire peut réaffirmer la valeur de la loi républicaine, les familles peuvent réapprendre le « vivre-ensemble » civique et certaines situations de violence peuvent être détectées.

Je souhaite que ces initiatives puissent être généralisées, car c’est aussi là que se jouent l’avenir de nos enfants et leur protection.

Enfin, madame Garriaud-Maylam, j’ai également travaillé à un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers afin de mieux prendre en compte la situation de ces 250 enfants qui, chaque année, sont enlevés. Ce texte comprend un volet important consistant à renforcer l’autorité parentale. Un enfant ne pourra obtenir un passeport ou une carte d’identité sans la signature des deux parents.

Nul ne peut contester que, grâce à la loi du 5 mars 2007, la protection de l’enfance constitue une priorité du Gouvernement ; elle est mise en œuvre sur l’ensemble du territoire. Nombre de départements ont déjà mis en place leur cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes, ce qui révèle une réelle volonté en la matière. Il faut aller beaucoup plus loin !

La protection de l’enfance doit toujours être améliorée ; elle doit s’adapter à l’évolution de la société, parce que les phénomènes de maltraitance des enfants évoluent. Il nous faut être vigilants. C’est pourquoi Michèle Alliot-Marie a annoncé la création de brigades de protection des familles, qui constitueront, à l’instar de la brigade de protection des mineurs, un outil indispensable pour répondre aux violences intrafamiliales et aux maltraitances dont sont victimes les enfants.

La prévention de la délinquance ne doit pas être opposée à la protection de l’enfance : l’une ne va pas sans l’autre ; elles sont complémentaires.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, la réponse que le Gouvernement souhaitait vous apporter sur ce sujet.

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