Intervention de Fabienne Keller

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 octobre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Mission « aide publique au développement » et article 48 et compte de concours financiers « prêts à des états étrangers » - examen du rapport spécial

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller, rapporteur spécial :

Avant de vous présenter les crédits de la mission et du compte de concours financiers, je voudrais revenir sur quelques évènements importants concernant la politique d'aide publique au développement.

En juillet dernier, s'est tenue à Addis-Abeba, sous l'égide de l'ONU, la troisième conférence internationale sur le financement du développement, qui n'a pas fait preuve d'une ambition particulière. L'engagement des pays en développement de consacrer 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) est renouvelé, sans fixer d'horizon temporel précis.

Puis, en septembre, ont été adoptés 17 « objectifs de développement durable », destinés à se substituer à partir du 1er janvier prochain aux « objectifs du millénaire pour le développement » adoptés en 2000.

Enfin, dans quelques semaines, Paris accueillera la COP 21, au cours de laquelle la question des financements destinés à lutter contre le changement climatique dans les pays en développement sera fondamentale. Nous avons récemment publié un rapport sur ce sujet, qui s'attardait spécifiquement sur les pays les moins avancés et proposait notamment de taxer les carburants des navires et des avions, je n'y reviendrai pas.

J'en viens maintenant à la mission « Aide publique au développement », qui est la principale mission budgétaire concourant à la politique d'aide publique au développement de la France.

Ses crédits s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2016 à 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), en baisse de 6,3 % par rapport à 2015, soit une diminution de 178 millions d'euros. L'aide publique au développement est la mission dont les crédits diminuent le plus !

Cette diminution s'explique notamment par la baisse de 60 millions d'euros des crédits consacrés au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, par les moindres besoins de reconstitution des fonds multilatéraux, à hauteur de 55 millions d'euros, par la diminution de 34 millions d'euros des crédits correspondant aux contrats de désendettement et de développement ou encore à la baisse de 11 millions d'euros des crédits du fonds de solidarité prioritaire.

Une analyse thématique des crédits montre que les moyens de l'Agence française de développement (AFD) sont confirmés : les crédits des subventions sont stables et ceux des bonifications de prêts en légère hausse ; par ailleurs, le renforcement des fonds propres de l'agence se poursuit, à travers l'achat par l'État de titres subordonnés de l'AFD, à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Les crédits de plusieurs dispositifs d'aide bilatérale sont en baisse de 27,6 millions d'euros en CP, malgré la hausse des crédits destinés aux organisations non gouvernementales de 14 millions d'euros. Il s'agit notamment du Fonds de solidarité prioritaire (FSP), qui est l'instrument d'aide projet du ministère des affaires étrangères et du développement international, qui voit ses crédits diminuer de 25 % après une baisse de 10 % en 2015.

Enfin, les dépenses de personnel diminuent de 3,1 %.

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace pour sa part des opérations de versements et de remboursements relatives aux prêts accordés aux pays en développement et, depuis 2010, à la Grèce.

Ses crédits de paiement sont en baisse de 26,2 % par rapport à l'an dernier. De plus, il faut souligner que le programme 852 relatif au retraitement de dettes souffre d'un taux d'exécution particulièrement bas : 39,3 % en 2012, 5,5 % en 2013 et 0 % en 2014.

Ces évolutions sont en ligne avec celles des années précédentes : entre 2011 et 2014, à champ courant, les crédits de la mission ont diminué de 545 millions d'euros et ceux du compte de concours financiers de 111 millions d'euros, tandis que les recettes fiscales affectées ne représentaient que 135 millions d'euros supplémentaires.

Ainsi, avec une aide représentant 0,36 % de notre RNB en 2014, contre 0,41 % en 2013, la France perd encore une place et se classe douzième pays donateur, derrière l'Irlande et devant la Nouvelle-Zélande. Notre APD passe en dessous de la moyenne des pays du Comité d'aide au développement de l'OCDE... Nous sommes bien loin du Royaume-Uni qui atteint 0,71 %.

Les annonces du Président de la République, il y a à peine trois semaines à New York, ont pu susciter un certain espoir : « la France, qui veut toujours montrer l'exemple, [...] a décidé d'augmenter le niveau de l'aide publique au développement pour dégager 4 milliards d'euros de plus à partir de 2020 ».

Cependant, ces 4 milliards d'euros supplémentaires ne correspondent pas à une hausse de 4 milliards d'euros de notre APD au sens de l'OCDE, mais à une augmentation de 4 milliards d'euros des prêts accordés par l'AFD.

En tenant compte de l'effet de levier, l'effort budgétaire correspondant pour l'État représenterait entre 300 et 550 millions d'euros, selon la façon dont sera financée la bonification du prêt par l'AFD.

Respecter l'objectif de 0,7 % du RNB impliquerait de doubler notre effort et d'accorder à cette politique 8 milliards d'euros supplémentaires chaque année. On voit donc que les annonces du Président de la République ne sont pas à la hauteur des enjeux. La « France qui veut toujours montrer l'exemple » devrait d'abord atteindre un niveau d'aide au moins égal à la moyenne des pays de l'OCDE.

Dans quelques semaines, la France accueillera la COP 21. Je pense qu'il aurait fallu donner un signal aux pays en développement et proposer un budget qui rompe véritablement avec les baisses sensibles des années précédentes. Tel n'est pas le cas. Certes, des modifications ont été apportée à l'Assemblée nationale et Yvon Collin va maintenant vous les présenter, mais je considère pour ma part que le compte n'y est pas et vous propose donc de rejeter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

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