La réunion

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Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission procède à l'examen du rapport de Mme Fabienne Keller et de M. Yvon Collin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement » (et article 48) et sur le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

La réunion est ouverte à 9 h 00

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Avant de vous présenter les crédits de la mission et du compte de concours financiers, je voudrais revenir sur quelques évènements importants concernant la politique d'aide publique au développement.

En juillet dernier, s'est tenue à Addis-Abeba, sous l'égide de l'ONU, la troisième conférence internationale sur le financement du développement, qui n'a pas fait preuve d'une ambition particulière. L'engagement des pays en développement de consacrer 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) est renouvelé, sans fixer d'horizon temporel précis.

Puis, en septembre, ont été adoptés 17 « objectifs de développement durable », destinés à se substituer à partir du 1er janvier prochain aux « objectifs du millénaire pour le développement » adoptés en 2000.

Enfin, dans quelques semaines, Paris accueillera la COP 21, au cours de laquelle la question des financements destinés à lutter contre le changement climatique dans les pays en développement sera fondamentale. Nous avons récemment publié un rapport sur ce sujet, qui s'attardait spécifiquement sur les pays les moins avancés et proposait notamment de taxer les carburants des navires et des avions, je n'y reviendrai pas.

J'en viens maintenant à la mission « Aide publique au développement », qui est la principale mission budgétaire concourant à la politique d'aide publique au développement de la France.

Ses crédits s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2016 à 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), en baisse de 6,3 % par rapport à 2015, soit une diminution de 178 millions d'euros. L'aide publique au développement est la mission dont les crédits diminuent le plus !

Cette diminution s'explique notamment par la baisse de 60 millions d'euros des crédits consacrés au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, par les moindres besoins de reconstitution des fonds multilatéraux, à hauteur de 55 millions d'euros, par la diminution de 34 millions d'euros des crédits correspondant aux contrats de désendettement et de développement ou encore à la baisse de 11 millions d'euros des crédits du fonds de solidarité prioritaire.

Une analyse thématique des crédits montre que les moyens de l'Agence française de développement (AFD) sont confirmés : les crédits des subventions sont stables et ceux des bonifications de prêts en légère hausse ; par ailleurs, le renforcement des fonds propres de l'agence se poursuit, à travers l'achat par l'État de titres subordonnés de l'AFD, à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Les crédits de plusieurs dispositifs d'aide bilatérale sont en baisse de 27,6 millions d'euros en CP, malgré la hausse des crédits destinés aux organisations non gouvernementales de 14 millions d'euros. Il s'agit notamment du Fonds de solidarité prioritaire (FSP), qui est l'instrument d'aide projet du ministère des affaires étrangères et du développement international, qui voit ses crédits diminuer de 25 % après une baisse de 10 % en 2015.

Enfin, les dépenses de personnel diminuent de 3,1 %.

Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace pour sa part des opérations de versements et de remboursements relatives aux prêts accordés aux pays en développement et, depuis 2010, à la Grèce.

Ses crédits de paiement sont en baisse de 26,2 % par rapport à l'an dernier. De plus, il faut souligner que le programme 852 relatif au retraitement de dettes souffre d'un taux d'exécution particulièrement bas : 39,3 % en 2012, 5,5 % en 2013 et 0 % en 2014.

Ces évolutions sont en ligne avec celles des années précédentes : entre 2011 et 2014, à champ courant, les crédits de la mission ont diminué de 545 millions d'euros et ceux du compte de concours financiers de 111 millions d'euros, tandis que les recettes fiscales affectées ne représentaient que 135 millions d'euros supplémentaires.

Ainsi, avec une aide représentant 0,36 % de notre RNB en 2014, contre 0,41 % en 2013, la France perd encore une place et se classe douzième pays donateur, derrière l'Irlande et devant la Nouvelle-Zélande. Notre APD passe en dessous de la moyenne des pays du Comité d'aide au développement de l'OCDE... Nous sommes bien loin du Royaume-Uni qui atteint 0,71 %.

Les annonces du Président de la République, il y a à peine trois semaines à New York, ont pu susciter un certain espoir : « la France, qui veut toujours montrer l'exemple, [...] a décidé d'augmenter le niveau de l'aide publique au développement pour dégager 4 milliards d'euros de plus à partir de 2020 ».

Cependant, ces 4 milliards d'euros supplémentaires ne correspondent pas à une hausse de 4 milliards d'euros de notre APD au sens de l'OCDE, mais à une augmentation de 4 milliards d'euros des prêts accordés par l'AFD.

En tenant compte de l'effet de levier, l'effort budgétaire correspondant pour l'État représenterait entre 300 et 550 millions d'euros, selon la façon dont sera financée la bonification du prêt par l'AFD.

Respecter l'objectif de 0,7 % du RNB impliquerait de doubler notre effort et d'accorder à cette politique 8 milliards d'euros supplémentaires chaque année. On voit donc que les annonces du Président de la République ne sont pas à la hauteur des enjeux. La « France qui veut toujours montrer l'exemple » devrait d'abord atteindre un niveau d'aide au moins égal à la moyenne des pays de l'OCDE.

Dans quelques semaines, la France accueillera la COP 21. Je pense qu'il aurait fallu donner un signal aux pays en développement et proposer un budget qui rompe véritablement avec les baisses sensibles des années précédentes. Tel n'est pas le cas. Certes, des modifications ont été apportée à l'Assemblée nationale et Yvon Collin va maintenant vous les présenter, mais je considère pour ma part que le compte n'y est pas et vous propose donc de rejeter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je partage le constat de Fabienne Keller sur les évolutions récentes de notre politique d'aide publique au développement et les regrette, d'autant plus qu'à l'occasion de la COP 21, nous aurions dû en effet avoir le souci d'être exemplaire.

Néanmoins, je pense que les annonces récentes, combinées aux mesures adoptées - ou en passe de l'être - à l'Assemblée nationale, permettent de voir le verre à moitié plein et d'estimer que la tendance s'est inversée.

Tout d'abord, concernant le budget 2016, je constate qu'à l'issue de son examen à l'Assemblée nationale, le montant affecté au développement devrait être égal à celui de l'an dernier, hors dépenses de personnel.

En effet, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, nos collègues députés ont adopté, à l'initiative du Gouvernement, un amendement majorant de 100 millions d'euros le montant de la taxe sur les transactions financières (TTF) affecté au Fonds de solidarité pour le développement, afin de financer la lutte contre le changement climatique, notamment en matière d'adaptation dans les pays en développement. Cet amendement répond d'ailleurs au souci que nous avions exprimé avec Fabienne Keller dans notre récent rapport sur les financements climat à destination des pays les moins avancés.

Le projet de loi de finances prévoyait déjà une hausse de 20 millions d'euros de la TTF affectée au développement : la hausse globale par rapport à l'an dernier est donc de 120 millions d'euros.

S'y ajoute un amendement majorant de 50 millions d'euros les crédits du programme 209, afin de financer des actions en faveur des réfugiés, à travers des contributions à diverses organisations internationales et notamment au Haut Commissariat aux réfugiés. Certes, cet amendement n'a pas encore été examiné, mais ayant été déposé par le Gouvernement, je suis confiant quant à ses chances d'être adopté...

Au total, ces 170 millions d'euros permettent de revenir au niveau du budget de l'an dernier.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement affectant une part supplémentaire de la TTF - 230 millions d'euros en plus - à l'Agence française de développement, afin de financer notamment sa politique de dons. Cet amendement a été adopté contre l'avis du Gouvernement et de la commission des finances, je ne suis donc pas totalement convaincu qu'il restera tel quel dans le texte définitif, mais j'observe que le Gouvernement n'a pas profité de la seconde délibération pour le faire disparaître.

Enfin, la commission a adopté un amendement transférant 50 millions d'euros du programme 110 au programme 209, afin de « rééquilibrer les politiques de prêts et de dons ». Je comprends l'intention mais il faut veiller à ne pas venir réduire la capacité de l'AFD à accorder des subventions, dont les crédits sont également portés par le programme 110. L'affectation de recettes supplémentaires à l'AFD grâce à la TTF pourrait résoudre cette difficulté. À ce stade, nous attendons de voir si cet amendement sera adopté en séance.

Je reviens maintenant sur les annonces du Président de la République. Il est vrai que l'annonce de 4 milliards d'euros supplémentaires a fait naître certains espoirs qui ont pu être déçus du fait qu'il ne s'agisse en fait que de prêts. Il n'en demeure pas moins que l'aide augmentera.

J'insiste également sur le fait que cette annonce est crédible. Les engagements du groupe AFD sont passés de 1,8 milliard d'euros en 2004 à 3,7 milliards d'euros en 2007 et 7,5 milliards d'euros en 2013. En 2014, ils ont atteint leur niveau record, à 8 milliards d'euros, dont 5,4 milliards d'euros d'activité de l'AFD dans les pays en développement. Les augmenter de 4 milliards d'euros en six ans parait donc possible, d'autant plus que le rapprochement entre l'AFD et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) devrait renforcer ses fonds propres et lui permettre d'accorder des prêts plus facilement.

Je rappelle en effet que le Président de République a annoncé le 24 août dernier l'adossement de l'AFD à la CDC et qu'une mission de préfiguration relative à ce rapprochement a été confiée à Remy Rioux. Le problème récurrent de l'insuffisance des fonds propres de l'AFD serait ainsi résolu.

J'ajoute que les annonces du Président de la République ont été complétées par une communication en conseil des ministres, le 14 octobre dernier, qui prévoit que le montant des dons serait « en 2020 supérieur de 370 millions d'euros à ce qu'il est aujourd'hui ».

Enfin, les éléments qui nous ont été récemment transmis par le Gouvernement prévoient une hausse du niveau de notre APD en proportion du RNB. Nous atteindrions 0,37 % en 2015 et 0,38 % en 2016 et 2017. Ce n'est pas parfait mais la courbe est inversée.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

C'est donc parce que je perçois, pour ma part, une inflexion à la hausse dans l'évolution des crédits de cette politique, et parce que je suis bien conscient du contexte budgétaire et économique global, que je vous propose d'adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

Je vous présente également l'article 48, rattaché à la mission « Aide publique au développement ». Le II de l'article 64 de la loi de finances rectificative pour 1991 prévoit un plafond pour les remises de dettes additionnelles accordées par la France aux pays pauvres très endettés (PPTE), qui s'élève à 2,85 milliards d'euros.

Au 31 décembre 2014, ces annulations de dettes s'élevaient à 2,322 milliards d'euros. Compte tenu des annulations décidées en 2014 et qui auront des effets sur les années à venir, le plafond serait dépassé en 2016. Il est donc proposé de le relever à 3,850 milliards d'euros, afin de tenir compte des différences échéances déjà prévues.

Ce relèvement du plafond permettra à la France d'honorer ses engagements, nous vous proposons donc d'adopter cet article sans modification. Nous attirons tout de même votre attention sur le fait que ces annulations se traduiront par une diminution des recettes pour l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je regrette que l'aide diminue fortement, passant de 0,5 % du RNB en 2010 à 0,36 % en 2014. Cette situation est paradoxale alors que nous faisons face à un problème migratoire majeur.

Le Président de la République annonce une augmentation des prêts aux pays pauvres, mais c'est d'ici 2020 ! Pour 2016, les crédits de la mission diminuent de 6,3 % par rapport à 2015. C'est la réalité des chiffres : ce budget est en baisse, alors même qu'il faut réaliser un effort. Je suis donc très réservé sur ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri de Raincourt

Je crois que les deux rapporteurs spéciaux comme le rapporteur général ont fait une présentation exacte de la situation. Ce budget est en retrait, mais le cheminement engagé à l'Assemblée nationale devrait permettre d'atteindre le niveau de l'année dernière. Je milite depuis longtemps en faveur d'une hausse sensible de l'aide publique au développement car c'est la paix de la planète pour les décennies à venir qui est en jeu. Je rappelle d'ailleurs que la population de l'Afrique devrait passer de un milliard à deux milliards d'ici 2050.

Par ailleurs, la taxe sur les transactions financières s'avère difficile à mettre en place, en particulier au niveau européen. La France est en avance sur ce sujet.

La commission des affaires étrangères ne s'orientera pas vers un rejet des crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je préfère, comme Yvon Collin, considérer le verre à moitié plein. Bien sûr, il faut déplorer la baisse continuelle des crédits depuis 2010, mais se réjouir des amendements déposés à l'Assemblée nationale pour stabiliser ce budget. De plus, des progrès seront réalisés grâce à la COP 21. Il faut également noter l'adossement de l'AFD à la Caisse des dépôts et consignations, qui permettra de renforcer les fonds propres de l'agence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je souhaiterais revenir sur la taxe sur les billets d'avion, dont le produit est estimé à 230 millions d'euros en 2016. Air France en paie un peu plus du quart - c'est un coût faible, comparé à celui d'une grève des pilotes - mais où en sommes-nous aujourd'hui ? Sommes-nous le seul pays à l'avoir mise en place ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

On ne peut que regretter la baisse des crédits. Aider au développement des autres pays, c'est nous aider nous-mêmes.

Je note avec intérêt qu'il est fait référence à la lutte contre la fraude fiscale : une association comme le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre Solidaire) considère que pour un euro d'aide versé par les pays du Nord, ce sont dix euros qui s'échappent dans les paradis fiscaux : c'est le tonneau des Danaïdes !

Il est fait mention dans le rapport d'un projet, non abouti, de création d'un organisme fiscal intergouvernemental au sein de l'Organisation des Nations unies (ONU) : un tel organisme me paraît très pertinent et je souhaiterais savoir pourquoi le projet n'a pas abouti.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L'objectif de 0,7 % est fixé mondialement et l'un des tableaux du rapport met en évidence le fait que depuis 2000, la France a atteint au mieux 0,5 % : cet objectif est-il raisonnable ? Pouvons-nous véritablement l'atteindre ? Je ne suis pas obsédé par le 0,7 % : c'est un objectif des Nations unies, mais c'est un idéal platonicien.

Nous discutons ici de l'aide bilatérale, mais c'est une petite partie de l'ensemble des dispositifs d'aide. La France contribue aussi à la Banque africaine de développement, au fonds européen de développement et à la Banque européenne d'investissement qui se lance en Afrique.

En plus de ces dispositifs, il existe le « recyclage du remboursement de la dette », grâce aux contrats de désendettement et de développement (C2D) : le pays nous rembourse le prêt et nous remettons immédiatement l'argent à disposition. Pour la Côte-d'Ivoire, cela représente plus de 1,5 milliard d'euros par an. La principale difficulté, c'est la capacité d'absorption des pays.

Enfin, on a l'impression que les taxes affectées s'évaporent car il n'y en a qu'une partie qui finance le développement. Je considère d'ailleurs, avec d'autres, que la taxe sur les transactions financières doit plutôt constituer une ressource propre de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L'article 48 me pose deux problèmes. On donne l'autorisation au ministre de dépenser un milliard d'euros, et je ne suis pas favorable à donner des autorisations supplémentaires, quel que soit le ministre.

On parle de remises de dette additionnelle pour une catégorie de pays, mais il s'agit en fait principalement de la Côte-d'Ivoire. J'aimerais que nous ayons un débat sur ce sujet : la Côte-d'Ivoire n'est pas le seul pays pauvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Le projet annuel de performances ne tient pas compte du rapprochement de l'Agence française de développement avec la Caisse des dépôts et consignations. Il faut pourtant qu'on y voie clair sur les conséquences de ce rapprochement pour la Caisse. Les propos de notre collègue Hélène Conway-Mouret sur l'augmentation des fonds propres de l'AFD ne me rassurent pas. Je rappelle que les fonds propres de la Caisse des dépôts sont alimentés par ses propres résultats, qu'ils permettent de faire des prêts et sont ainsi le support d'actions pour le développement territorial. On ne doit pas être dans une stratégie de bonneteau, où les fonds propres sont sous trois gobelets en même temps. Il faut y voir clair sur les conséquences, pour la Caisse, du rapprochement avec l'AFD, d'autant qu'il y a également la question des prêts à l'export avec la Banque publique d'investissement (BPI). Il faut que nous puissions étudier le modèle prudentiel et que nous auditionnions le président de la commission de surveillance et le directeur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Comme Philippe Dallier, j'aimerais revenir sur la taxe de solidarité sur les billets d'avion, dite « taxe Chirac ». Je ne remets pas en cause le bien-fondé de cette taxe, mais elle affecte la compétitivité du transport aérien français, qui rencontre actuellement de grandes difficultés. L'année dernière, une réflexion avait été menée, à l'initiative de notre collègue député Bruno Le Roux, afin de revoir l'assiette de cette taxe, mais ce sujet s'est évaporé depuis. Il y aurait certes d'autres façons de soutenir le transport aérien français, et j'essaierai de faire des propositions en ce sens lorsque je présenterai le budget de l'aviation civile. Mais je tiens à souligner que la ponction financière est importante, et que celle-ci repose en grande partie sur le transport aérien français en raison du faible nombre de pays contributeurs. Les problèmes de compétitivité que rencontre ce secteur s'en trouvent aggravés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je suis un peu frustré, car le document qui nous a été transmis mentionne de manière superficielle les bénéficiaires de l'aide française, alors que les sommes ne sont pas négligeables puisqu'elles dépassent les cinq milliards d'euros. Nous sommes contents de savoir que 45 % de l'aide française va à l'Afrique, dont 32 % à l'Afrique sub-saharienne, mais il ne serait pas inutile, compte tenu des sommes en jeu, de savoir quels sont les pays bénéficiaires, pour quels types d'opérations menées et avec quels types de résultats. Il en est de même s'agissant de l'aide multilatérale : il serait utile de savoir à quoi cette aide sert et en quoi elle contribue au développement des pays qui la reçoivent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Dans l'optique de disposer d'une vision la plus complète possible de l'ensemble des aides publiques au développement, il pourrait être intéressant de présenter en annexe de ce rapport le montant consolidé des aides décentralisées versées par les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Je trouve le réquisitoire de Fabienne Keller un peu manichéen. Ne pas voter les crédits de cette mission, c'est endosser une responsabilité qui n'a échappé à personne. On ne peut pas d'un côté se plaindre tous les jours que le budget général de l'État ne baisse pas et demander individuellement que les crédits de toutes les missions augmentent. Je sais bien qu'il s'agit d'une vieille pratique au Parlement, mais il y a un moment où le cynisme doit s'effacer devant la responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

S'agissant de la lutte contre la fraude fiscale, qui est importante et nécessaire, et qui marque de la part de la France un effort qui doit être salué, je souhaite que cette action reste du ressort de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et qu'elle ne soit pas transférée à l'Organisation des Nations unies (ONU), comme cela a pu être évoqué à un certain moment.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

J'ai du mal à accepter le qualificatif utilisé à mon endroit par François Patriat.

Nous sommes à la veille de la COP 21, nous connaissons en Europe un afflux d'immigrés sans précédent, et nous sommes tous conscients que la solution de long-terme consiste à aider les pays du Sud à se développer. Nous discutons ici du budget qui met en oeuvre cette stratégie d'accompagnement des pays du Sud. Or, il s'agit du budget qui baisse le plus ! C'est cette incohérence que je souligne. Je crois qu'il faut envoyer un signal au Gouvernement, afin de ne pas sacrifier une nouvelle fois, comme c'est le cas depuis plusieurs années, les crédits de l'aide publique au développement. Après une dizaine d'années de tendance à la hausse, à l'issue de laquelle cette aide a atteint un montant égal à 0,5 % du revenu national brut (RNB), il se produit depuis quatre ans une nette inflexion.

J'en viens aux différentes questions qui ont été posées. Je remercie les rapporteurs pour avis Hélène Conway-Mouret et Henri de Raincourt pour leurs analyses et pour les travaux qu'ils ont réalisé sur l'aide publique au développement au sein de la commission des affaires étrangères. Ils sont peut-être plus diplomates que moi dans leur positionnement s'agissant du vote sur les crédits de cette mission. Henri de Raincourt a souligné, à juste titre, la croissance démographique attendue en Afrique. J'aime à dire qu'il y a des migrants « économiques » et qu'il y aura des migrants « climatiques » et des migrants « démographiques », en raison de la pression démographique africaine.

Philippe Dallier a souligné le poids que représente la taxe sur les billets d'avion pour le transport aérien, ce qui est juste puisqu'un quart de cette taxe est acquitté par Air France. Neuf pays adhèrent à ce dispositif, dont j'aimerais souligner les effets positifs : il a permis d'alimenter le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme avec efficacité. D'un autre côté, il est vrai que l'on peut regretter qu'il n'y ait que neuf pays contributeurs. Bien que la contribution par billet ne soit que de un euro pour un vol à l'intérieur de l'espace économique européen par exemple, il peut y avoir des « effets de bord », puisque cette taxe s'ajoute à d'autres charges comme les taxes d'aéroport. Dans notre précédent rapport, nous avions proposé que la COP 21 puisse être l'occasion d'un engagement de l'ensemble des pays sur la mise en place d'une taxe, à un niveau très faible, sur le carburant des avions et des bateaux, qui ne sont soumis actuellement à aucune fiscalité, avec l'idée de flécher les montants perçus vers des mesures d'adaptation au changement climatique.

Éric Bocquet a souligné, à juste titre, la question des migrants. S'agissant de la lutte contre la fraude fiscal, les pays du Sud ont exprimé le souhait, lors de la conférence d'Addis-Abeba, de traiter cette question à un niveau mondial afin de lutter contre un phénomène qui leur coût chaque année 100 milliards d'euros, mais les pays développés ont préféré rester dans le cadre de l'OCDE.

Richard Yung a posé une question relative au périmètre de la mission « Aide publique au développement ». Celle-ci comprend également les contributions de la France aux organisations internationales et donc à l'aide multilatérale. Il s'agit en particulier de la contribution à des fonds multilatéraux comme le guichet concessionnel de la Banque mondiale, des contributions volontaires à l'ONU ou de l'aide communautaire. Ces aides sont donc bien inclues dans le périmètre dont nous discutons aujourd'hui et dont l'évolution est négative. Certaines annulations de dettes ne transitent pas par le budget, c'est d'ailleurs l'objet de l'article 48 rattaché à la mission.

La part des taxes sur les billets d'avion et sur les transactions financières qui ne bénéficient pas au développement abondent le budget général ; 15 % seulement de la taxe sur les transactions financières bénéficie aux pays du sud.

Vincent Delahaye a souligné qu'il s'opposait au relèvement du plafond d'autorisation d'annulations de dettes aux pays pauvres très endettés. Je voudrais lui rappeler qu'il s'agit d'honorer les engagements pris en 2001 à Yaoundé d'annuler la totalité des créances résiduelles d'APD sur les pays ayant bénéficié de l'initiative PPTE. La Côte-d'Ivoire est effectivement le principal pays concerné par les annulations à venir, mais il n'est pas le seul à avoir bénéficié de cet engagement. Ces annulations se font dans le cadre des C2D, ce qui oblige ces pays à flécher les montants annulés vers des actions de développement.

Michel Bouvard a indiqué que le rapport ne développait pas suffisamment la question du rapprochement entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations. Ce projet, en cours d'élaboration, n'est pour l'instant pas très avancé. Le conseil d'administration de l'AFD n'a d'ailleurs pas été informé de ce rapprochement. Ce n'est que récemment que nous avons eu des informations, très succinctes au demeurant. L'objectif est de permettre à l'AFD de renforcer ses fonds propre afin d'accorder des prêts supplémentaires dans des pays où ses engagements ont déjà atteint le niveau maximum autorisé par les règles prudentielles, en particulier des pays du Maghreb.

Vincent Capo-Canellas a également soulevé le problème de la taxe sur les billets d'avion. On voit bien que lorsqu'une fiscalité n'est pas appliquée partout, elle peut poser des difficultés en termes de compétitivité.

Gérard Longuet a estimé que le rapport était relativement succinct s'agissant des bénéficiaires de l'aide publique au développement. Nous pourrons enrichir cette question-là dans le rapport définitif.

Jean-Claude Boulard a souligné l'importance de l'aide décentralisée. Nous sommes nombreux à partager l'idée qu'il s'agit en effet d'un levier important de coopération, qui s'inscrit dans la durée. L'AFD inclut d'ailleurs dans ses actions de coopération des financements complémentaires des collectivités. Ce sont souvent des moyens en personnel qui sont sollicités.

Yvon Collin et moi sommes des passionnés d'aide au développement, qui est une politique qui s'inscrit dans le long-terme. Or, compte tenu des pressions budgétaires à court terme, le budget de l'aide au développement est le budget le plus sacrifié. Nous souhaitons donc envoyer un signal au Gouvernement en lui demandant d'agir pour préserver l'avenir. C'est le moment ou jamais à quelques semaines de la COP 21.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je voudrais remercier Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret de partager mon sentiment du « verre à moitié plein ». Nous aurions tous souhaité que ce budget soit meilleur, et que les crédits en direction des pays les plus défavorisés augmentent. Mais dans le contexte budgétaire actuel, il faudra savoir s'en contenter.

Pour répondre à Jean-Claude Boulard, l'aide apportée par les collectivités territoriales représente un montant de 53 millions d'euros. Cette aide n'est effectivement pas retracée dans le budget, qui concerne les crédits de l'État.

Gérard Longuet nous a interrogés sur l'utilité de l'aide au développement. Dans le cadre des travaux de contrôle menés pour la commission des finances, nous avons constaté que l'argent investi par la France pour l'aide au développement est bien utilisé, par exemple dans des opérations de développement des réseaux d'eau, de remise en état de rizières ou de scolarisation. Les agents de l'AFD sont des militants de la cause du développement et réalisent un travail formidable. Ils font en sorte que la traçabilité des aides accordées soit assurée. Je crois qu'il faut leur rendre hommage.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Cela m'intéresserait d'avoir ces informations.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Ceci dit, la culture de l'évaluation et du résultat doit nous habiter. C'est d'ailleurs le discours que je tiens continuellement auprès de l'AFD en tant qu'administrateur.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », et l'adoption de l'article rattaché 48.

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et des articles 49 à 51.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » regroupe trois programmes. Deux programmes sont placés sous la responsabilité du ministre de la défense : le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » et le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » relève lui du Premier ministre.

La mission connaît depuis plusieurs années une baisse régulière de ses crédits, en raison de la diminution des effectifs des bénéficiaires des mesures de reconnaissance et d'aide portées par les programmes 169 et 158, étant souligné que ces mesures d'intervention constituent 96 % de la totalité des crédits de la mission.

La diminution est de 4,7 % des crédits de paiement cette année. Elle est moins marquée qu'en 2015. Elle atteignait alors 7,7 % en raison du transfert des dépenses de personnel du programme 167 vers le programme 212 de la mission « Défense », ce qui a représenté un transfert sortant de 73,3 millions d'euros.

Si l'on raisonne à périmètre constant, la diminution des crédits de paiement est de 4,9 % cette année, à comparer avec la baisse de 5,3 % enregistrée l'année dernière. Ce pourcentage est cohérent avec la baisse des effectifs anticipée par le ministère de la défense en 2016, qui serait de 4,8 %, pour les pensions militaires d'invalidité (PMI) et de 4,1 % pour la retraite du combattant.

L'effort de la Nation vis-à-vis de ses anciens combattants ne se limite pas aux crédits budgétaires de la mission car il comprend d'importants soutiens en provenance de la mission « Défense » et la dépense fiscale dont bénéficient les anciens combattants. La politique publique en faveur des anciens combattants bénéficie ainsi en 2016 d'un montant global de 3,52 milliards d'euros, ce qui représente une baisse de 51 millions d'euros par rapport à 2015 et relativise la baisse de 135 millions d'euros en crédits de paiement que l'on constate à périmètre constant.

Le budget 2016 permet de maintenir les droits des anciens combattants et de financer des mesures nouvelles dont le montant global est de 5,2 millions d'euros, en faveur des conjoints survivants, des anciens combattants d'Afrique du Nord et des harkis, ainsi que de renforcer l'action sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de la guerre (ONAC-VG). Ces mesures font l'objet pour trois d'entre elles d'articles rattachés que j'examinerai plus loin.

Il permet également de maintenir à un niveau satisfaisant les crédits consacrés à l'action « Politique de mémoire », soit 22,2 millions d'euros qui assureront le financement des commémorations du centenaire des batailles de la Somme et de Verdun, ainsi que la rénovation des sépultures de guerre et lieux de mémoire qui accueilleront ces manifestations.

Les crédits consacrés à la Journée « défense et citoyenneté » (« JDC ») connaissent une baisse de près de 50 % en autorisations d'engagement et de 20 % en crédits de paiement, en raison du non-renouvellement du marché de formation au secourisme et de son remplacement par un module de sécurité routière dont le coût est nettement moindre, ce qui entrainera une économie de l'ordre de 4 millions d'euros par an. Ce changement permettra d'augmenter de 30 minutes le temps consacré aux animations de défense, ce dont on ne peut que se réjouir. Je vous signale à ce propos que nous devrions recevoir au premier semestre 2016 les résultats de l'enquête de la Cour des comptes sur les coûts de la Journée « défense et citoyenneté », dont le calcul suscite des interrogations car certains éléments ne semblent pas pouvoir être retracés par Chorus. Cela avait attiré l'attention de notre rapporteur général l'année dernière.

Le programme 158 bénéficie quant à lui d'une légère hausse de ses crédits liée à une augmentation prévue des indemnisations des victimes de spoliation de l'ordre de 0,5 million d'euros. Les services du Premier ministre anticipent en effet un accroissement du coût moyen par recommandation d'indemnisation, qui s'élèverait à 20 000 euros contre 14 000 euros environ l'année dernière. En effet, un certain nombre de dossiers à fort enjeu financier devraient être clôturés en 2016 et des parts d'indemnité jusqu'à lors réservées, réclamées par des héritiers.

Je vous propose pour ma part l'adoption sans modification des crédits de la mission. Je vous propose également l'adoption sans modification des articles rattachés qui permettent d'améliorer les dispositifs en faveur des conjoints survivants, des anciens combattants de la guerre d'Algérie et des harkis. En effet, si je formule quelques critiques du point de vue méthodologique, car ces dispositifs viennent retoucher des mesures législatives très récentes, je ne crois pas que l'on puisse contester la légitimité de ces améliorations dont le coût budgétaire est par ailleurs limité.

L'article 49 vise à abaisser la durée du mariage (ou du pacte civil de solidarité) et de soins prise en compte pour bénéficier de la majoration spéciale attribuée aux conjoints survivants des grands invalides de guerre, tout en instituant une progressivité. Cette majoration pourrait être accordée dès la cinquième année au lieu de la dixième actuellement. Les points de majoration seraient accordés de manière progressive pour atteindre cinq cents points au-delà de dix ans de mariage, comme le prévoit déjà le dispositif voté l'année dernière en loi de finances. D'après les évaluations du ministère de la défense, cette mesure aurait un coût de 1,9 million d'euros la première année en raison d'une entrée en vigueur à compter du 1er juillet 2016, puis de 3,8 millions d'euros en année pleine. Elle pourrait bénéficier à 1 370 personnes.

L'article 50 vise à permettre la révision des pensions de retraite liquidées avant le 19 octobre 1999 afin de prendre en compte le droit à campagne double au titre de la participation à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc, ce qui n'est pas possible en l'état actuel de la législation. La bonification de « campagne double » permet aux militaires, ainsi qu'aux fonctionnaires et civils assimilés, de compter trois jours dans le calcul de leur pension de retraite pour chaque jour de service pris en compte. Dans le cas présent, il s'agirait de jours de combat ou d'actions de feu. Cette mesure conduirait à porter le nombre de bénéficiaires de la campagne double à 5 800 environ, pour un surcoût budgétaire annuel évalué à 0,6 million d'euros en 2016, puis à 0,5 million d'euros en 2017. Cette dépense serait supportée par le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Enfin, l'article 51 vise à lever la forclusion qui empêche les conjoints survivants de supplétifs de déposer des demandes d'allocation de reconnaissance depuis le 20 décembre 2014, en application de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 votée en décembre 2013. Il s'agirait de créer une nouvelle allocation, d'un montant équivalent à la précédente, qui pourrait être demandée par les conjoints survivants ou ex-conjoints survivants n'ayant pu présenter leur demande dans les délais. Selon les estimations du ministère de la défense, ce dispositif concernerait 218 personnes en 2016, puis 109 conjoints ou conjoints survivants à partir de 2017. Son coût est estimé à 0,74 million d'euros en 2016, puis 1,1 million d'euros en 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Existe-t-il encore des contentieux dits de « cristallisation » en cours ? Le Conseil constitutionnel a en effet rendu en 2010 une décision relative aux anciens combattants n'ayant pas la nationalité française, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), si ma mémoire est bonne. Ces contentieux sont-ils tous résolus ? A-t-on tiré toutes les conséquences de cette décision ou bien subsiste-t-il encore des demandes relatives à l'égalité des droits au profit des anciens combattants n'ayant pas la nationalité française ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Comme l'a souligné le rapporteur spécial, la mission est marquée par un effet démographique. On constate ainsi entre 2015 et 2016 une baisse des autorisations d'engagement de 140 millions d'euros. Toutefois, le budget 2016 prévoit aussi des mesures nouvelles à hauteur de plus de 5 millions d'euros. Au-delà des mesures sectorielles qui sont proposées, pourrait se poser, comme chaque année, la question d'une revalorisation de la retraite du combattant. Sans doute les marges de manoeuvre existantes auraient pu permettre de faire quelque chose. Pour le reste, je suis en total accord avec l'analyse du rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je souhaiterais savoir si l'élaboration du contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'Institution nationale des Invalides (INI) avance, car cela fait plusieurs années que ce dossier traîne au motif que des accords de l'agence régionale de santé (ARS) sont nécessaires et que l'on doit définir un nouveau schéma des instances hospitalières militaires avec l'hôpital Percy, en lien avec la question du devenir du Val-de-Grâce. Cet attentisme a pour conséquence une absence de rénovation et d'amélioration depuis plusieurs années, tandis que le schéma de travaux défini il y a déjà quatre ou cinq ans devient obsolète. Au total, l'Institution devient un vrai sujet de préoccupation pour les anciens combattants. Oui ou non, finira-t-on par avoir un nouveau contrat d'objectifs et de performance pour les Invalides ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Ma question concerne le programme 158, et notamment les dépenses de fonctionnement. Le rapport indique qu'elles comprennent toutes les missions d'instruction des dossiers d'indemnisation des victimes de spoliation du fait des législations antisémites pendant l'Occupation, ainsi que la participation à la recherche internationale de la provenance des oeuvres d'art. Il s'agit d'un dossier particulièrement important qui a fait l'objet en janvier 2013 de travaux de la commission de la culture du Sénat. On sait que, dans les musées nationaux, beaucoup d'oeuvres d'origine suspecte ont été intégrées aux collections faute de recherches, alors qu'elles appartiennent à des familles juives spoliées. Je me demande donc si les moyens mis en oeuvre pour retracer la provenance réelle de ces oeuvres, y compris dans un patrimoine devenu national, sont réellement à la hauteur du débat public qui a eu lieu ces derniers mois sur ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Les droits des « malgré-nous » Alsaciens-mosellans relèvent-ils de cette mission ou bien sont-ils également de la compétence du ministère des affaires étrangères ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je vous remercie de vos interventions sur une mission qui est sensible. Chacun d'entre vous a sans doute l'occasion de participer régulièrement à des manifestations avec l'ensemble des associations patriotiques de mémoire et je voudrais à cet égard adresser mes remerciements à l'ensemble des bonnes volontés qui oeuvrent, et notamment à nos porte-drapeaux.

Concernant la question du rapporteur général, tous les contentieux dits de cristallisation sont normalement résolus. Restait la question de l'aide différentielle attribuée aux seuls conjoints survivants résidant en France, dont la base légale était fragile. Elle a été supprimée cette année par décision du conseil d'administration de l'ONAC-VG et refondue au sein l'action sociale de l'office.

Concernant l'INI, j'ai engagé cette année au nom de la commission des finances un contrôle de cet établissement, qui sera poursuivi en 2016. Le contrat d'objectifs et de performance devrait être présenté en 2016. Les travaux de mise en conformité et de sécurité obligatoires ont été réalisés en 2014 et 2015. Les crédits sont reconduits à l'identique pour 2016.

S'agissant de la question d'André Gattolin, la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliation (CIVS) participe bien à la recherche de provenance d'oeuvres d'art confisquées par le régime nazi. Elle est notamment partenaire du groupe d'experts internationaux formé en 2014 par le gouvernement allemand pour déterminer la provenance de plus de 1 500 oeuvres retrouvées chez Cornelius Gurlitt, fils d'un marchand d'art agissant pour le compte du régime nazi.

Enfin, je n'ai pas de réponse immédiate à la question de Gérard Longuet, mais je ne manquerai pas de lui transmettre les éléments d'information sur le champ des ministères concernés.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et des articles rattachés 49 à 51.

La commission procède ensuite à l'examen du rapport de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur la mission « Pouvoirs publics ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En vertu du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics, qui découle du principe de séparation des pouvoirs, la mission « Pouvoirs publics » regroupe les crédits dédiés aux différents pouvoirs publics constitutionnels, c'est-à-dire de la Présidence de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat - ainsi que des chaînes parlementaires -, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.

Les institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics » s'astreignent à participer pleinement à l'effort de redressement des comptes publics. Les montants de crédits demandés par ces dernières dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 mettent en évidence cette démarche.

En effet, pour l'exercice 2016, les crédits demandés au titre de la mission « Pouvoirs publics » s'élèvent à près de 987 millions d'euros, ce qui représente un léger recul par rapport à 2015, après plusieurs années de baisse significative.

Cette évolution recouvre, comme nous allons le voir, une stabilisation des dotations de l'État à la Présidence de la République, aux assemblées parlementaires et à la Cour de justice de la République, ainsi qu'une diminution des crédits du Conseil constitutionnel.

S'agissant de la Présidence de la République, tout d'abord, la dotation demandée est maintenue à 100 millions d'euros, niveau atteint en 2015 conformément aux engagements du chef de l'État. Elle demeure à un niveau inférieur à celui prévu par la loi de finances pour 2008, alors même que, depuis lors, de nombreuses dépenses auparavant supportées par le ministère de la défense, comme le montant des pensions des gendarmes affectés au Palais de l'Élysée, ont été transférées à la Présidence de la République. Au total, en 2016, les crédits de la Présidence auront reculé de plus de 12 millions d'euros par rapport à 2011.

Cette baisse de la dotation a été permise par les efforts réalisés sur les dépenses de la Présidence de la République, dont les charges de personnel ou encore de déplacements sont en nette diminution.

Les dotations versées à l'Assemblée nationale et au Sénat sont de nouveau « gelées » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. Ainsi, les crédits dédiés aux assemblées s'élèveront à environ 841,5 millions d'euros. La stabilisation en euros courants des dotations des deux Chambres est associée à la réalisation d'efforts en dépenses, notamment afin d'absorber la hausse tendancielle de leurs charges.

Si la dotation de l'État à l'Assemblée nationale demeure à son niveau de 2014, soit 517,9 millions d'euros, ses dépenses reculeraient de 0,04 %. Cette évolution résulterait, en particulier, d'une nette diminution des dépenses de fonctionnement, d'environ un million d'euros. À cet égard, il convient de souligner les efforts consentis sur la masse salariale de l'Assemblée - les charges de rémunération étant réduites de près de 1,7 million d'euros.

Enfin, il convient de relever que l'équilibre du budget de l'Assemblée nationale en 2016 serait permis par un prélèvement sur ses disponibilités financières, d'un montant de près de 15 millions d'euros, comme en 2015.

La dotation de l'État au Sénat au titre de l'exercice 2016 demeure également à son niveau de 2015, soit à 323,6 millions d'euros. Le Sénat poursuit donc les efforts engagés depuis 2008.

Au total, si la dotation de l'État sera stable entre 2015 et 2016, les dépenses du Sénat connaîtraient une baisse substantielle entre ces deux années, marquant un recul de 2,26 %.

Cette baisse est plus prononcée encore si l'on considère isolément les dépenses inhérentes à la mission institutionnelle du Sénat, puisque celles-ci diminueraient de 7,6 millions d'euros. Cette évolution résulte de la « pause » marquée dans les opérations sur les bâtiments, après la réception en 2015 de deux opérations de restructuration concernant les ensembles situés rue Bonaparte et boulevard Saint-Michel, mais aussi des efforts de gestion réalisés par le Sénat. En particulier, il apparaît que les crédits relatifs aux indemnités versées aux sénateurs reculent, à l'instar des dépenses de traitement des personnels.

Les dépenses liées au Jardin du Luxembourg, quant à elles, baissent de 39 600 euros, en raison de la réduction des effectifs, qui permet de compenser la hausse des charges d'investissement liée à la rénovation du chauffage des serres et à la restauration de la fontaine Médicis.

Les charges prévisionnelles du Musée du Luxembourg, enfin, s'élèvent à 90 000 euros en 2016. Pour autant, ce poste demeure profitable pour le Sénat, dès lors qu'il serait associé à des produits d'un montant de 250 000 euros.

Comme l'Assemblée nationale, le Sénat équilibrerait son budget 2015 par un prélèvement sur ses disponibilités financières, d'un montant de 4 millions d'euros.

Pour ce qui est de la chaîne parlementaire, le projet de budget pour 2015 de LCP-Assemblée nationale prévoit une dotation d'environ 16,6 millions d'euros, identique à celle de 2014. La dotation demandée par Public-Sénat est pour la première fois stabilisée en 2016, à 18,85 millions d'euros. Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM), en cours de négociation, devrait venir consacrer cette nouvelle trajectoire financière de la chaîne, fondée sur la stabilisation de ses crédits, après plusieurs années de hausse de ces derniers.

Pour la septième année consécutive, la dotation demandée par le Conseil constitutionnel est en baisse. Elle recule de 2,6 % par rapport à 2015, pour atteindre 9,9 millions d'euros. En sept ans, le budget du Conseil constitutionnel aura reculé de 20,4 %, et ce alors même que la réforme constitutionnelle de 2008, avec l'institution de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a conduit à une forte hausse de l'activité de la juridiction.

J'en viens, pour finir, à la Cour de justice de la République. À titre de rappel, conformément à l'article 68-1 de la Constitution, la Cour est compétente pour juger les membres du Gouvernement au titre des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Le budget prévisionnel de la Cour de justice de la République s'élève à 861 500 euros, soit un niveau identique à celui prévu en 2015.

En conclusion, je vous propose l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il me semble que l'exemplarité des pouvoirs publics se doit d'être soulignée. Le montant global des dotations qui y sont consacrées diminue, en dépit de la rigidité de certaines dépenses, en particulier de personnel.

Je souhaiterais toutefois revenir sur les charges immobilières, sujet auquel je suis particulièrement sensible. Je voudrais notamment savoir s'il est bel et bien acté que la Cour de justice de la République sera installée au sein des locaux libérés par le tribunal de grande instance de Paris sur l'île de la Cité. Des charges locatives de 453 000 euros pour un bâtiment qui n'est pas occupé en permanence paraissent en effet élevées ; or, d'importants espaces vont être rendus disponibles du fait de la réorganisation des services judiciaires parisiens. Une économie pourra-t-elle être dégagée de l'utilisation par la Cour des locaux abandonnés par le tribunal de grande instance de Paris, en dépit d'éventuels frais de location ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Même si l'on ne peut que se satisfaire, d'un point de vue démocratique, que la Cour de justice de la République connaisse actuellement une activité réduite, je m'interroge sur la nature de son travail quotidien : combien de personnes y travaillent ? Quelles sont leurs missions ? Instruisent-elles par exemple des plaintes, même s'il n'y a pas eu d'affaires au cours des dernières années ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

J'ai bien noté que les dépenses du Sénat baissaient de 2,26 % et que la dotation de l'État restait stable entre 2015 et 2016. Cette information n'intéressant pas les journalistes, les journaux n'en feront pas état... L'entretien du Jardin du Luxembourg coûte près de 12 millions d'euros au Sénat, mais le budget qui est consacré marque toutefois une légère baisse.

En ce qui concerne le Conseil constitutionnel, comme l'an passé, je m'interroge sur les indemnités versées à ses membres : sont-elles imposées au titre de l'impôt sur le revenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

En ce qui concerne les chaînes parlementaires, comment justifier que Public-Sénat perçoive une dotation supérieure à celle de LCP-Assemblée nationale de deux millions d'euros ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Pour ce qui est du Jardin du Luxembourg, une réflexion avait été conduite en vue de détacher le budget qui lui est dédié de celui du Sénat. Lorsque l'on analyse les crédits dont bénéficie le Sénat, on a souvent tendance à y inclure ceux du jardin. Pourrait-on les en distinguer dès aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

En réponse à mon collègue, j'indique que nous menons actuellement un travail afin d'isoler le budget du Jardin du Luxembourg. Une étude a été réalisée, qui permettra de comparer les coûts de fonctionnement du Jardin du Luxembourg avec ceux des jardins de Versailles et de la Ville de Paris, qu'il s'agisse des dépenses de personnel, d'entretien et d'investissement, et d'évaluer ainsi la qualité de sa gestion.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis déjà intervenu sur ce sujet : je ne comprends pas pourquoi le Sénat ne cherche pas à négocier avec la Ville de Paris afin de faire reposer sur cette dernière une partie des dépenses de fonctionnement du Jardin du Luxembourg. Cela est prévu depuis des années, mais rien ne se fait. Or, il y a plus de Français et de touristes que de sénateurs qui se promènent dans le Jardin du Luxembourg !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je souhaite indiquer au rapporteur général que l'installation de la Cour de justice de la République au sein du Palais de justice est un projet qui suit son cours. Les magistrats sont conscients de l'importance des coûts liés à la location des locaux actuels de la juridiction, qui représentent la majeure partie de ses dépenses ; eux-mêmes ne perçoivent d'indemnités que s'ils siègent. Il y a, en réalité, peu de charges de personnel. Les agents permanents sont en nombre limité, ce qui explique que la masse salariale de la Cour soit réduite, l'essentiel des dépenses supportées par cette dernière résultant de son loyer immobilier.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

La surface moyenne par agent doit donc être bien supérieure aux objectifs en la matière !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En ce qui concerne les membres du Conseil constitutionnel, je confirme qu'ils sont bien assujettis à l'impôt sur le revenu. Lors de ma rencontre avec le Président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, je lui ai demandé quelle était sa recette pour réduire les dépenses de la haute juridiction alors que son activité augmente. Je tiens à dire que le Conseil constitutionnel est une maison bien tenue, en dépit de sa lourde tâche.

Nous avions déjà abordé la question du Jardin du Luxembourg l'an passé : les résultats de l'étude citée par notre collègue Éric Doligé apporteront certainement un éclairage intéressant sur ce point, qui relève toutefois de la compétence des questeurs et de la présidence du Sénat.

Le budget de la chaîne Public-Sénat partait d'un point haut, ce qui explique peut-être la différence observée avec l'enveloppe dédiée à LCP-Assemblée nationale. Pour autant, les moyens consacrés à la chaîne sénatoriale sont stabilisés cette année. Du reste, l'an passé, j'avais estimé que l'augmentation du budget de Public-Sénat - qui résultait du précédent contrat d'objectifs et de moyens - suscitait des interrogations. Il me semble que la vice-présidente en charge du dossier, notre collègue Isabelle Debré, et les nouveaux responsables de la chaîne y apporteront d'ailleurs une attention particulière.

Aussi pouvons-nous espérer que la stabilisation de la dotation de Public-Sénat est le signe que celle-ci gère mieux les moyens qui lui sont alloués, à l'instar du Sénat qui parvient à réduire certains de ses coûts par une amélioration de son fonctionnement ; à titre d'exemple, la réorganisation des locaux a permis de réduire les dépenses liées à l'hébergement des sénateurs. Par conséquent, je tiens à rendre hommage à nos questeurs, qui se montrent soucieux de ce que le Sénat soit exemplaire.

Enfin, la commission entend une communication présentant les conclusions du groupe de travail sur les dépenses publiques en faveur du logement et la fiscalité immobilière.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

L'an dernier, nous étions convenus de faire évoluer nos méthodes de contrôle, en créant deux groupes de travail informels sur des sujets transversaux, l'un sur l'économie numérique et l'autre sur les dépenses publiques en faveur du logement et la fiscalité immobilière.

Le logement nous avait paru être un thème intéressant, compte tenu de son poids dans la dépense publique, puisqu'il représente plus de 40 milliards d'euros, soit 1,9 % du produit intérieur brut (PIB) et probablement plus que ce que consacrent d'autres pays à cette politique, pour des résultats qui ne semblent pas toujours à la hauteur. En outre, il fait fréquemment l'objet d'un nombre important d'articles et d'amendements en loi de finances, comme ce fut le cas lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2015 qui comprenait, une nouvelle fois, des mesures prévues dans le cadre du nouveau plan de relance du Gouvernement.

Il a donc semblé utile de constituer ce groupe de travail dont nous avons volontairement restreint le champ d'analyse, déjà très vaste, en excluant la problématique très particulière de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, le financement du logement social, dont les mécanismes et les enjeux pourraient en eux-mêmes faire l'objet d'une étude approfondie et, enfin les aides personnelles au logement. S'agissant de ces dernières, la commission des finances avait parallèlement demandé une enquête à la Cour des comptes, sur le fondement de l'article 58-2 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finance (LOLF), qui a fait l'objet d'une audition pour suite à donner le 16 septembre dernier. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la mission « Égalité des territoires et logement », a exposé ses constats et préconisations à cette occasion. Je rappelle que ces aides représentent une dépense publique considérable de près de 18 milliards d'euros.

Le groupe de travail, qui s'est réuni de février à octobre 2015, a entendu à la fois des économistes, les promoteurs, le ministère du logement, les fédérations professionnelles, les associations ou encore les représentants des propriétaires et des locataires.

Je souhaiterais d'abord revenir sur la situation actuelle, qui illustre les résultats contrastés de cette politique publique. Le nombre de mal-logés reste très important dans notre pays, comme le souligne notamment le rapport annuel de janvier 2015 de la Fondation Abbé Pierre, avec 3,5 millions de mal logés, dont 700 000 seraient privés de logement propre (chambre d'hôtel, logés chez un tiers...) et 2,8 millions rencontrant des conditions de logement très difficiles.

Parallèlement, les chiffres de la construction de logements restent incertains. En effet, si le nombre de constructions autorisées a augmenté de 8,7 % de juin à août 2015 par rapport au trimestre précédent - et c'est encourageant -, le cumul du nombre de logements sur les douze derniers mois régresse néanmoins de 6 % par rapport aux douze mois précédents, pour atteindre 361 900 logements construits. Les mises en chantier enregistrent pour leur part une baisse de 4 % sur la même période d'un an pour atteindre 345 100 logements.

Selon la Fédération française du bâtiment, si certaines mesures parviennent à soutenir le marché, comme le dispositif d'incitation fiscale à l'investissement locatif « Pinel » ou les dispositions incitatives en faveur de la rénovation énergétique des logements, elles ne parviennent toujours pas à le redynamiser véritablement.

Par ailleurs, les coûts de construction du logement ne cessent d'augmenter d'année en année et le prix du foncier reste un obstacle important.

Les conséquences économiques de cette situation sont nombreuses, en particulier pour les professionnels de la construction, tant en termes de défaillances d'entreprises que d'emplois. Ainsi, les chiffres de la Fédération française du bâtiment pour le premier semestre 2015 mettaient en évidence la perte de 44 600 emplois par rapport au premier semestre 2014 et sans doute le plus mauvais résultat depuis 2008.

Il existe un petit espoir de reprise, avec l'augmentation du logement neuf, sous l'effet du dispositif d'incitation fiscale « Pinel », ce qui pose la question du soutien fiscal de l'investissement. Malheureusement, les nouvelles semblent moins bonnes concernant l'ancien.

Paradoxalement, pour ce secteur très aidé, nous avons été frappés par le manque de robustesse des statistiques disponibles et les avis très contrastés des personnes entendues sur des sujets aussi essentiels que le nombre de logements vacants ou les besoins de constructions.

La restitution de nos travaux, sous la forme de la présente communication, nous permettra, mes chers collègues, de poursuivre avec vous les nombreux débats qui n'ont pas manqué de s'engager au cours de nos auditions. Nous aurons quoi qu'il arrive l'occasion de revenir sur les conclusions de ce groupe de travail puisque les sujets relatifs au logement occupent systématiquement une grande partie du projet de loi de finances et, sur ce point, le projet de loi de finances pour 2016 ne déroge pas à la règle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Nous consacrons en effet chaque année plus de 40 milliards d'euros à la politique publique du logement mais les résultats ne sont pas à la hauteur de l'attente des Français.

Tout d'abord, le pilotage de la politique du logement est défaillant. Il repose depuis près de dix ans, quelle que soit la majorité au pouvoir, sur un objectif national de construction de 500 000 logements par an. C'était un engagement de campagne de l'actuel Président de la République mais aussi celui de son prédécesseur.

Cet objectif volontariste peut, en première analyse, sembler en adéquation avec l'état du marché du logement. L'ampleur du mal logement serait liée, comme le rappelle la Fondation Abbé Pierre, à un déficit d'offre compris entre 800 000 et 1 million de logements. Cette pénurie contribuerait également à expliquer l'évolution des prix de l'immobilier, en apparence déconnectée des « variables réelles » puisqu'ils ont augmenté de 87 % entre 1998 et 2013 par rapport au revenu des ménages.

Toutefois, la majorité des économistes que nous avons rencontrés dans le cadre du groupe de travail considèrent que cet objectif, qui trouve son origine dans une étude économique publiée en 2007, repose sur des données désormais datées. À titre d'exemple, l'étude prend pour hypothèse un solde migratoire positif de 150 000 personnes par an, alors que les prévisions de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) le situent désormais autour de 50 000 - même si les évènements actuels pourraient conduire à un chiffre plus prudent, il reste une marge élevée. D'après les évaluations concordantes du Commissariat général à l'environnement et au développement durable, des corps d'inspection et des économistes rencontrés lors des auditions, les besoins de construction seraient désormais compris entre 330 000 et 370 000 logements par an.

Plus fondamentalement, le groupe de travail considère que c'est l'idée même qu'il est possible de fixer un objectif unique au niveau national qui doit certainement être remise en cause. En effet, on observe des disparités importantes au sein des territoires en matière de prix, de volume et d'occupation, qui témoignent de la coexistence de zones tendues où les besoins de construction sont élevés et de zones détendues, voire en situation de suroffre.

De ce fait, observer des tendances au niveau national est souvent trompeur. Par exemple - et ce chiffre en étonnera probablement certains -, la surface moyenne par personne a augmenté en France de cinq mètres carrés de 1996 à 2006, pour atteindre 40 mètres carrés, ce qui masque évidemment des situations très contrastées selon les territoires.

La nécessité de raisonner au niveau local est d'autant plus criante que les zones où l'on a le plus construit au cours de la période récente sont loin d'être les plus tendues. Là aussi, les chiffres sont intéressants : 2,6 logements neufs pour 1 000 habitants ont ainsi été construits chaque année entre 1998 et 2009 en Île-de-France, 4,3 en Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) contre 5,7 en Poitou-Charentes et 6,9 en Bretagne. Certes, les personnes qui cherchent le soleil ou l'air iodé de la façade atlantique ont besoin de se loger mais les disparités sont quand même étonnantes.

Au-delà des objectifs, la politique du logement souffre également du manque de fiabilité de son appareil statistique. En février 2015, aussi incroyable que cela puisse paraître, près de 290 000 logements sur dix ans ont ainsi été « retrouvés » par le ministère à la suite de la mise en place de nouveaux indicateurs de mesure de la production de logements. Autre exemple : alors que les résultats de l'enquête nationale sur le logement de l'Insee sont généralement publiés tous les quatre ans, les derniers chiffres disponibles remontent à 2006. Il s'agit pourtant de la source statistique la plus fiable et la plus complète à notre disposition.

Aussi, le groupe de travail réaffirme la nécessité de renforcer l'appareil statistique du ministère et de s'appuyer au niveau local sur les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et le réseau des observatoires de loyers pour définir les besoins en matière de logement au plus près du terrain.

Ensuite, les outils offerts par la politique du logement doivent être adaptés à la réalité du parc.

Ainsi, il est nécessaire de mobiliser le parc ancien privé. La mise en avant d'un objectif national de construction particulièrement volontariste a conduit à focaliser l'attention sur le neuf, au détriment de l'ancien.

Au titre de l'année 2016, pas moins de dix dispositifs d'incitation fiscale à l'investissement locatif auront encore une incidence budgétaire estimée à 1,8 milliard d'euros. Parmi ces dix dispositifs, deux seulement concernent l'ancien, pour un coût de 56 millions d'euros, soit 3 % de la dépense totale.

Or, en dix ans, le nombre de logements vacants a augmenté de 30 % et atteint désormais 2,6 millions, soit l'équivalent de huit années de construction.

Si les différences de périmètre rendent les comparaisons internationales délicates, les données disponibles suggèrent clairement l'existence d'une singularité française en la matière.

En effet, 1,72 million de logements étaient vacants, en 2011, en Allemagne, soit 4,4 % du total du parc, et 610 000 au Royaume Uni, représentant 2,6 % en 2014, alors qu'en France le taux de vacance s'élevait en 2013 à 7,5 %. Nous avons quand même une spécificité française !

Il est également paradoxal que le taux de logements vacants soit proche, voire au-dessus de la moyenne nationale dans les zones tendues : le taux est ainsi de 7,3 % à Paris et de 8,9 % à Lyon, contre 7,5 % en France.

Ce phénomène suggère ainsi l'existence d'une inadéquation entre l'offre et la demande en termes de prix mais aussi de qualité, particulièrement dommageable puisque, parallèlement, le manque de logements est régulièrement dénoncé.

Pour remédier à ces difficultés, le « Borloo ancien » vise à apporter un soutien public à la mise en location et à la rénovation de logements existants à des loyers inférieurs aux prix du marché via des abattements sur les revenus locatifs.

Toutefois, ce dispositif n'est pas à la hauteur des enjeux. Le volume annuel de conventionnement intermédiaire, pour lequel les plafonds de loyers sont désormais semblables à ceux du dispositif « Pinel », a ainsi chuté de 5 700 en 2009 à 3 363 en 2013, pour un coût annuel de 23 millions d'euros.

Trois facteurs expliquent l'impasse actuelle. Tout d'abord, le dispositif est complexe et demeure méconnu. Surtout, l'aide publique n'est pas toujours suffisante pour couvrir la baisse de loyer consentie par rapport au prix du marché, notamment dans les zones tendues. Si l'on peut demander aux propriétaires de faire des efforts en remettant leur bien en location à des prix plus bas que ceux du marché, on ne peut en même temps lui demander d'être perdant financièrement malgré les aides de l'État ! Enfin, les modalités de sortie des conventions sont trop défavorables aux propriétaires qui, par exemple, ne peuvent retrouver le niveau de loyer libre que six ans après la fin de la convention si le locataire souhaite rester dans les lieux.

Compte tenu de ces difficultés, plusieurs acteurs ont suggéré, dans le cadre des auditions, la mise en place d'un statut fiscal du bailleur privé afin de compléter le plan de relance sur le logement.

À ce stade, le groupe de travail plaide d'abord pour assouplir et renforcer l'attractivité du dispositif « Borloo ancien » - par exemple en relevant les taux des différents abattements.

Il faut également adapter les outils à la réalité des marchés locaux, la situation étant très disparate.

En la matière, certains dispositifs ont même connu une régression : le dispositif « Pinel » comporte ainsi un plafond de prix de revient unique de 5 500 euros par mètre carré, alors que le dispositif « Scellier » prévoyait un plafond variable compris entre 2 000 et 5 000 euros selon les zones.

Aussi, le groupe de travail suggère de s'appuyer davantage sur les préfets de région pour adapter les dispositifs à la réalité des marchés locaux. À titre d'illustration, les dispositifs « Borloo ancien » et « Pinel » comportent déjà la possibilité pour le représentant de l'État de réduire les plafonds de loyer applicables.

Par ailleurs, les dispositifs mis en oeuvre doivent être parfaitement ciblés sur les besoins, notamment en termes de localisation géographique et de populations visées pour être locataires. Le groupe de travail suggère ainsi de mettre en place un zonage « plus fin » pour les dispositifs tels que le « Pinel ».

Si les outils existants doivent pouvoir être adaptés à la diversité des territoires, il est également souhaitable de mettre en place des dispositifs plus spécifiques dans les zones tendues.

À titre d'exemple, le groupe de travail estime que la fiscalité du logement pourrait être plus incitative pour les maires « bâtisseurs ».

Lorsqu'un terrain devient constructible du fait d'une décision de classement d'une collectivité territoriale, sa valeur augmente soudainement, ce qui peut être assimilé à une forme « d'enrichissement sans cause » du propriétaire. Or, le développement de l'offre de logements se traduit par des coûts supplémentaires pour les collectivités territoriales.

Aussi, il peut sembler opportun de permettre aux collectivités territoriales de capter une partie de la plus-value, afin de les inciter à développer la construction et de limiter le phénomène « d'enrichissement sans cause ».

À cette fin, il existe déjà une taxe optionnelle, introduite en 2006 à l'initiative du Sénat, sur la cession à titre onéreux de terrains nus devenus constructibles. D'un montant égal à 10 % de la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition actualisé, elle ne concerne cependant que les terrains dont le prix de cession est supérieur au triple du prix d'acquisition. Toutefois, seulement 6 441 communes et 5 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont institué cette taxe.

Par conséquent, le groupe de travail suggère de rendre le mécanisme plus incitatif. Plusieurs options ont été étudiées : octroyer aux collectivités territoriales la possibilité de moduler le taux actuellement fixé à 10 %, dans des limites qui seraient prévues par la loi, ou encore élargir l'assiette, par exemple en retenant les prix de cession supérieurs au double du prix d'acquisition - ce qui n'est déjà pas rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

La France se caractérise par une fiscalité très élevée de manière générale et qui est corrigée par un certain nombre de dispositifs dérogatoires.

Une étude du cabinet Fidal d'octobre 2014, demandée certes par la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), mettait ainsi en évidence le fait que le poids de la fiscalité sur ce secteur était bien plus élevé dans notre pays que dans les six autres États européens étudiés.

Les taxes et les impôts grevant un appartement à 200 000 euros toutes taxes comprises (TTC) et détenu pendant dix ans représenteraient 56 % de son prix d'acquisition, contre 40 % au Royaume-Uni et 26 % en Allemagne. La seule construction et l'acquisition de ce même bien immobilier correspondraient à un taux d'imposition de 27 %, contre 20 % au Royaume-Uni et 10 % en Allemagne.

La détention serait également plus imposée que dans les autres pays européens. En revanche, en termes de cessions, la France se situerait à un niveau comparable à celui des autres pays analysés.

Bien sûr, cette étude doit être analysée avec prudence car elle a été réalisée sur le fondement d'hypothèses spécifiques et ses résultats ne sont pas nécessairement généralisables. Par ailleurs, tous ces pays ne consacrent pas nécessairement plus de 40 milliards d'euros en faveur du logement chaque année et n'ont pas autant de dispositifs dérogatoires en faveur de l'investissement.

Il est à noter qu'une partie des dépenses publiques en faveur du logement pèse également sur les budgets des collectivités territoriales puisque des exonérations pourtant obligatoires, par exemple de taxe foncière, ne sont pas compensées intégralement par l'État.

En réponse à une fiscalité particulièrement élevée, les dépenses fiscales permettent d'atténuer son poids en soutenant le marché immobilier, par une incitation à l'investissement et à la réalisation de travaux.

Tout ministre essaie de corriger les effets de la fiscalité générale en mettant en place un dispositif d'incitation à l'investissement locatif portant son nom. La réforme du dispositif « Duflot », devenu « Pinel », a ainsi contribué à soutenir la relance des commercialisations. Selon les chiffres de la FPI, les ventes enregistrées au profit de particuliers investisseurs, susceptibles de bénéficier du dispositif « Pinel », ont ainsi augmenté de 60 % au premier trimestre 2015 par rapport au même trimestre de l'année précédente. Cela s'explique essentiellement par le fait que la loi de finances pour 2015 a permis une modulation de la durée de l'engagement locatif ainsi que la possibilité - nous avons débattu en séance de ce point - de louer le bien à un ascendant ou un descendant. Les ventes sont donc beaucoup réalisées sous l'effet de ces dispositifs aidés.

En conséquence, il est apparu au groupe de travail que ces dispositifs d'incitation, qui ont une incidence fiscale considérable puisqu'ils pèsent 1,8 milliard d'euros dans le projet de loi de finances pour 2016, constituent un soutien du marché immobilier aujourd'hui difficile à remettre en cause, compte tenu de son fort effet déclencheur pour les investisseurs privés et même si l'effet d'aubaine ne peut parallèlement être nié.

Par ailleurs, l'avantage fiscal produit par ce type de dispositif est en partie capté par les intermédiaires, avec des marges d'intermédiation qui représenteraient de 5 % à 15 % du prix du bien - ce qui est considérable. Les Français veulent réduire leurs impôts mais, du coup, ils ne regardent pas vraiment le détail du « package » défiscalisant qui leur est proposé. C'est pourquoi le groupe de travail a jugé qu'il serait certainement utile de renforcer les obligations d'information concernant les prix des différents facteurs de production et les frais facturés par les intermédiaires. La fiscalité n'est pas là pour rémunérer des intermédiaires.

Il appartient également au ministère des finances de contrôler ensuite le respect par les bailleurs des engagements qu'ils ont pris, notamment en termes de loyers-plafonds. D'après les informations recueillies par le groupe de travail, il semblerait que ce contrôle ne soit pas réellement assuré s'agissant de dispositifs plus anciens, tels que le « Scellier intermédiaire ».

Ensuite, certains dispositifs fiscaux sont si complexes et si souvent modifiés qu'ils en deviennent difficilement lisibles, y compris dans les objectifs poursuivis. Je confirme également que, comme l'a indiqué Philippe Dallier, la plupart des dispositifs d'incitation fiscale concernent le logement neuf alors que l'essentiel de notre parc est ancien et doit être utilisé. Il n'est pas normal que le taux de logements vacants soit si élevé, en particulier dans les zones tendues.

Vincent Delahaye va nous présenter un premier exemple de complexité, qui concerne l'imposition des plus-values de cessions immobilières, sujet sur lequel il a déjà présenté des amendements l'an dernier dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances de fin d'année. Il faut être un grand spécialiste pour s'y retrouver !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Sans être un grand spécialiste, je me suis effectivement intéressé à un des exemples les plus frappants de la complexité des dispositifs fiscaux, à savoir le régime d'imposition des plus-values de cessions immobilières.

Au fur et à mesure du temps, on a créé des abattements pour durée de détention avec un taux d'abattement différent pour l'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, on a mis en place une surtaxe pour les plus-values les plus élevées lors de cessions de propriétés bâties et on a même crée des abattements exceptionnels dans l'espoir d'un « choc d'offre ». La totale !

De ce fait, le groupe de travail considère que l'acceptation de l'imposition par les contribuables passe notamment par l'application d'un dispositif simple et donc compréhensible. Il trouve ainsi intéressante la proposition, que j'avais déjà défendue lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, de supprimer tout abattement pour durée de détention, tout en prévoyant bien entendu un taux de taxation bien moins élevé. L'objectif, au-delà de la simplification, est de décourager la rétention des biens.

Les personnes interrogées sur ce sujet, lors des auditions, semblaient pour la plupart d'entre elles réceptives à cette évolution et n'ont pas émis d'objections fortes de principe.

Toutefois, cette réforme ne peut être réellement envisagée que, d'une part, en s'assurant du respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a censuré par deux fois les mesures de lois de finances tendant à supprimer les abattements pour durée de détention applicables aux terrains à bâtir, en invoquant la rupture d'égalité devant les charges publiques. Le régime d'imposition proposé doit ainsi, à la fois, prendre en compte l'érosion monétaire et ne pas conduire à un système confiscatoire.

D'autre part, un dispositif transitoire doit être envisagé afin que les propriétaires détenant un bien depuis de nombreuses années ne se retrouvent pas imposés du jour au lendemain, pour des montants de plus-values potentiellement considérables en raison du changement de régime d'imposition.

Cette réforme serait bien évidemment réalisée à coût constant pour les finances publiques. J'avais demandé des simulations à l'administration sur ce point lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015 et les explications du résultat de ces simulations qui ont été fournies au groupe de travail s'avèrent insatisfaisantes, pour une raison qui m'est apparue assez rapidement : toutes les données des déclarations réalisées par les notaires ne font apparemment pas l'objet d'un traitement informatique. Nous avons obtenu de Bercy un échantillon mais les données fournies sont en pourcentage par taux d'abattement, sans préciser les montants en cause. Il serait utile de disposer de ces montants afin d'être en mesure de fixer les bons taux. Le travail doit être poursuivi sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Comme autre exemple de complexité, je souhaiterais mentionner l'articulation des aides à la rénovation énergétique des logements privés.

En fonction de la nature des travaux et des ressources des bénéficiaires, différents dispositifs d'incitation et de soutien s'appliquent et sont parfois susceptibles de se cumuler : crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), taux réduit de TVA à 5,5 %, subventions de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), exonération totale ou partielle de taxe foncière sur les propriétés bâties, aides des collectivités territoriales ou d'autres organismes, dispositifs de micro-crédits, fonds national d'aide à la rénovation énergétique...

Dans le cadre de son référé sur la gestion de l'Anah du 30 janvier 2014, la Cour des comptes avait d'ailleurs déjà mis en évidence la difficile articulation entre ces dispositifs. Il existerait près de 1 300 dispositifs différents au total. Il faut être là aussi un grand juriste pour comprendre l'articulation des différents outils.

Le groupe de travail partage ce sentiment mais ne souhaite pas, à ce stade, proposer de modification substantielle, alors que, d'une part, le CITE et l'éco-PTZ ont déjà énormément évolué au cours des dernières années et que, d'autre part, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit leur prorogation tout en proposant des modifications. Son examen sera l'occasion de discuter de ces mesures. Il convient, en tout état de cause, de tenir compte de la nécessaire stabilisation des dispositifs et de soutenir la rénovation énergétique des logements, en particulier dans le cadre de la lutte contre les « passoires thermiques » ainsi que de la recherche d'économies d'énergie et de réduction des coûts pour les ménages.

Les dispositifs actuels n'atteignent pas toujours leur cible. Souvent, ils ne permettent pas de rénover les logements les plus « énergivores » car ils ne sont pas suffisamment concentrés sur les ménages les plus en difficulté.

Le groupe de travail a tout de même envisagé l'unification du taux de TVA applicable aux travaux réalisés dans les logements anciens - sujet qui n'est pas forcément politiquement correct. Actuellement, alors que les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien se voient appliquer le taux de 10 %, ceux concernant la rénovation énergétique et leurs travaux induits bénéficient du taux à 5,5 %.

Or, l'application de ces deux taux réduits conduit à distinguer les travaux, selon leur nature et parfois dans le cadre d'un projet global. Cette différenciation n'est pas toujours aisée. L'unification des taux conduirait ainsi à une simplification utile du dispositif.

Par ailleurs, le groupe de travail s'interroge sur l'effet déclencheur de l'écart entre ces taux réduits car il est certain qu'un différentiel de taux de 4,5 points ne va pas être déterminant dans la décision de changer une chaudière. On peut parler d'effet d'aubaine.

Toutefois, le groupe de travail admet la difficulté de conduire cette réforme pour le moment, dans la mesure où, compte tenu de la forte contrainte budgétaire que connaît notre pays, cette unification des taux ne pourrait être réalisée qu'en retenant le taux de 10 % pour l'ensemble des travaux, comme le préconisait d'ailleurs la mission d'évaluation de la politique du logement qui regroupait l'inspection générale des finances, le conseil général de l'environnement et du développement durable et l'inspection générale des affaires sociales. Cette mesure conduirait ainsi à dégager par la même occasion 650 millions d'euros de recettes supplémentaires pour l'État, que l'on pourrait en partie redéployer.

Pour mémoire, les taux réduits de TVA applicables dans le domaine du logement représenteraient une dépense fiscale totale de 6,3 milliards d'euros pour 2016, selon les derniers chiffrages du projet de loi de finances.

Par ailleurs, d'autres mesures, coûteuses pour l'État, ne produisent pas l'effet incitatif attendu.

Ces dispositions ont généralement été prises afin de favoriser l'investissement immobilier ou libérer du foncier et, pourtant, elles ne permettent pour l'essentiel qu'un effet d'aubaine pour leurs bénéficiaires.

Ainsi, il est permis de douter de l'effet réellement déclencheur des abattements exceptionnels prévus successivement par les deux précédentes lois de finances pour l'imposition des plus-values de cessions immobilières, d'abord pour les propriétés bâties, puis pour les terrains à bâtir.

Lors des auditions, il nous a été indiqué que rien ne semblait démontrer l'efficacité de ces abattements pour créer le « choc d'offre » escompté.

Compte tenu de leur coût pour les finances publiques et de l'effet d'aubaine qu'ils engendrent, le groupe de travail recommande donc de renoncer à ce type de mesure.

De même, l'exonération de deux ans de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les constructions nouvelles ne contribue pas à favoriser la construction de logements. En effet, selon les informations recueillies par le groupe de travail, cette exonération est très peu connue et n'a aucun impact sur la prise de décision des personnes accédant à la propriété. On ne décide pas de construire pour bénéficier de cette exonération ! Il convient toutefois de noter que le versement de la taxe foncière pourrait se cumuler alors avec celui de la taxe d'aménagement. Le groupe de travail considère que ce sujet mérite notre attention car le manque à gagner pour les collectivités territoriales lié à cette exonération est estimé à 300 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Laissez donc cette prérogative aux communes, elles ont le choix de maintenir ou non cette exonération !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Effectivement, les communes ont la possibilité de revenir sur le principe de cette exonération. Ce n'est, en revanche, pas le cas pour les départements. Il y a là une petite incohérence.

Certaines taxes semblent même inutiles dès lors qu'elles ne sont pas appliquées. Ainsi, la taxe annuelle sur les loyers élevés des logements de petite surface, dite « taxe Apparu » ne semble qu'imparfaitement mise en oeuvre, compte tenu de son faible rendement et n'est pas en mesure de produire les effets escomptés ! Il pourrait dès lors être envisagé de la supprimer. Le ministre du budget avait annoncé la suppression de petites taxes, représentant un rendement de 1 milliard d'euros. Nous allons le prendre au mot !

Enfin, le groupe de travail a pu constater, au cours de ses auditions, que l'ensemble des acteurs et observateurs du secteur du logement appellent de leurs voeux une stabilité des dispositifs applicables. Les évolutions permanentes de la législation et les dispositifs temporaires conduisent, en effet, à réduire la lisibilité des mesures mises en place et donc, par la même occasion, leur efficacité. À l'avenir, il conviendra donc d'en tenir tout particulièrement compte parmi les critères permettant de juger de l'opportunité des modifications envisagées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

D'autres facteurs nuisent au bon fonctionnement du marché immobilier français.

La hausse des coûts de la construction constitue ainsi un sujet de préoccupation. Il est vrai que, contrairement à ce que l'on entend souvent, les statistiques, notamment d'Eurostat, montrent que ces coûts sont toutefois moins importants en France que dans d'autres pays d'Europe comme l'Allemagne. Mais leur caractère dynamique est tout de même inquiétant puisqu'entre 2004 et 2014, selon Eurostat, les prix à la production ont globalement crû de près de 30 %. Le problème du coût du travail dans le secteur, en hausse de 20 % sur la même période, n'explique pas tout, ni l'augmentation des prix des matériaux qui s'établit à 17 %. La hausse du coût de la construction s'explique aussi par les normes de plus en plus nombreuses. En 2014, selon l'Institut Montaigne, le nombre des normes qui réglementaient le secteur était estimé à 4 000, soit plus de 1 000 articles répartis dans onze codes différents et une quinzaine de lois ou décrets non codifiés !

L'impact économique de certaines de ces normes a pu faire l'objet d'estimations précises. À titre d'exemples, la Fédération française du bâtiment, entendue par le groupe de travail, avait ainsi évalué à 2 % du coût de la construction d'un bâtiment le surcoût de l'application du décret du 30 mai 2011 relatif à l'attestation de prise en compte de la réglementation acoustique à établir à l'achèvement des travaux de bâtiments d'habitation neufs et ce qu'il engendre. Au total, la fédération estime que la bonne application de la réglementation renchérirait les coûts de construction de 15 % à 20 %.

Certes, ces normes, qu'elles soient de niveau législatif ou réglementaire, sont dans leur très grande majorité adoptées au nom de motifs légitimes et louables. Il s'agit de mieux protéger l'environnement, de réaliser des économies d'énergie, de renforcer la sécurité et la sûreté des bâtiments, de garantir leur accessibilité pour les personnes handicapées, d'adapter la société au vieillissement...

Mais, à l'épreuve du terrain, les règles adoptées au niveau national se révèlent bien trop souvent inadaptées, parfois jusqu'à l'absurde.

Dans son rapport réalisé en 2013 avec Alain Lambert au nom de la mission de lutte contre l'inflation normative, notre collègue Jean-Claude Boulard avait ainsi fait état d'un exemple particulièrement édifiant, celui d'un décret de 2010 imposant de strictes normes antisismiques dans des zones n'ayant jamais connu le moindre tremblement de terre, telles que sa ville du Mans !

Trop nombreuses, trop générales, les normes qui s'imposent aux constructeurs sont enfin trop instables dans le temps, ce qui pénalise notamment les plus petites entreprises qui peinent à s'adapter.

Le chantier de la simplification des normes doit donc impérativement se poursuivre et s'amplifier dans la construction.

Le coût très élevé de l'hypothèque en France peut également constituer un frein à l'accession à la propriété. Si l'on n'a pas accès à la caution, ce qui est généralement le cas des ménages les plus modestes, il convient de recourir à l'hypothèque. La comparaison européenne n'est pas flatteuse. Selon les chiffres de l'institut Montaigne, les droits d'inscription hypothécaires ne représentent ainsi que 500 euros en Allemagne pour un prêt d'un montant de 100 000 euros. En Belgique les droits d'inscription hypothécaires s'élèvent seulement à 0,33 % du montant du prêt.

Par comparaison, l'hypothèque apparaît en France excessivement onéreuse. Pour la souscrire, un particulier doit rémunérer un notaire, verser la contribution de sécurité immobilière, qui représente 0,05 % de la somme empruntée, et enfin s'acquitter de la taxe de publicité foncière, soit 0,715 % du montant garanti.

Par la suite, en cas de remboursement de l'emprunt avant terme, l'acquéreur d'un bien immobilier aura obligatoirement recours à une mainlevée de son hypothèque, qui représente entre 1 et 2 % du capital restant dû.

L'utilisation de l'hypothèque est donc très dissuasive pour nos concitoyens et représente au total près de 2 % du montant emprunté. Les sommes en jeu sont importantes et pénalisent les ménages les plus fragiles.

Une réforme du régime de l'hypothèque pourrait donc, selon nous, être sérieusement envisagée dans notre pays, comme le suggère également l'institut Montaigne dans son récent rapport sur la politique du logement.

Pour conclure, nous n'avons pas abordé le sujet des droits de mutations à titre onéreux, qui bénéficient directement aux collectivités territoriales et bien qu'il ait été abordé par certaines personnes entendues lors des auditions. Cette question mériterait également d'être posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Lorsque l'on évoque le coût des hypothèques, il importe de tenir compte de la prise d'hypothèque elle-même mais également de la main levée, qui représente une charge considérable. L'ensemble de ces frais d'hypothèque constitue un véritable prélèvement obligatoire qui excède très largement le coût du service rendu par la direction générale des finances publiques : il est anormal qu'un document qui nécessite cinq minutes de traitement informatique donne lieu à des frais aussi élevés ! L'hypothèque telle qu'elle est réglementée aujourd'hui en France représente un frein à la rotation des logements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Je vais donner la parole à nos trois autres collègues qui étaient également membres du groupe de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je souhaiterais avant toute chose vous faire part de mon étonnement devant l'incapacité des services de l'État à fournir des chiffres cohérents, avec notamment ces fameux logements que l'on découvre au fond d'un tiroir...

Selon les chiffres de la Fondation Abbé Pierre, il manquerait entre 800 000 et 1 million de logements. La comparaison de ce chiffre avec celui du nombre de logements vacants qui ne fait qu'augmenter tous les ans, et en particulier dans les zones tendues, traduit un vrai problème sur le marché immobilier. Il est tout de même anormal de voir, dans une émission à la télévision, un bailleur social proposer trois mois de loyer gratuits parce qu'il ne trouve personne dans des logements complètements réhabilités ! C'est notamment cette simultanéité entre besoins de logements et logements vacants qui m'a frappé lors de nos auditions.

Deuxième remarque : je considère toujours qu'il y a un « enrichissement sans cause » sur les terrains à bâtir, puisque une simple décision dans les plans locaux d'urbanisme créée une richesse nouvelle pour leurs propriétaires. Nous avions mis un pied dans la porte au Sénat avec cette taxe sur la cession à titre onéreux de terrains nus devenus constructibles. Dans les pays nordiques, il me semble que ces plus-values bénéficient aux collectivités territoriales et à la construction de logements. Il s'agit d'une mesure qui pourrait aider les maires bâtisseurs à investir.

Comme Vincent Delahaye, je ne comprends pas non plus la politique des abattements dans le régime des plus-values : elle va à l'encontre de ce qui serait souhaitable - la mise sur le marché de ces terrains -, dans la mesure où les abattements augmentent en fonction de la durée de détention alors que ce devrait être l'inverse. À recettes constantes, je souscris à la solution proposée par Vincent Delahaye.

Même si les coûts de construction sont apparemment moins élevés qu'en Allemagne, ils ont augmenté de 30 % en dix ans.

Je me réjouis qu'il ait été tenu compte de l'impact des normes dans les bâtiments dans les 50 premières mesures de simplification du Gouvernement mises en place après concertation avec les professionnels, conduisant à abaisser les coûts de la construction. Sur le sujet de l'accessibilité pour les handicapés, pourquoi ne pas faire comme aux Pays-Bas et leur réserver le rez-de-chaussée pour éviter d'adapter l'ensemble des logements ?

Il est préférable de cibler les dispositifs fiscaux en faveur du logement, car un certain nombre d'entre eux ont seulement conduit à la production de logements vacants. Ce n'est pas tant en termes d'efficacité qu'il est nécessaire de progresser qu'en termes d'efficience.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Je partage pleinement l'idée de mieux prendre en compte la diversité des territoires en matière de politique du logement. Les besoins ne sont pas les mêmes partout et il faut absolument que l'on arrive à développer une analyse beaucoup plus fine des lieux où il faut construire ainsi que des logements qu'il faut réhabiliter.

Les dispositifs fiscaux en faveur du logement sont trop souvent utilisés pour faire de l'optimisation fiscale et nous avons tous en tête des exemples de petits logements qui ont servi à de la défiscalisation. En outre, ils ne permettent pas de cibler les lieux ni les types de logements dont on a besoin pour répondre à la demande. Les mêmes sommes pourraient ainsi être utilisées plus efficacement, notamment par des crédits budgétaires orientés en fonction d'objectifs clairement définis.

L'amélioration et la réhabilitation des logements vacants doit être une priorité très forte et un renforcement de l'intervention de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) pourrait constituer une aide précieuse dans cette perspective.

J'ai ainsi l'exemple dans ma commune de six tours censées être réhabilitées : il nous a fallu quatre ans pour monter le dossier, parce que les copropriétaires sont des gens qui ont acheté dans les années 1970 pour l'essentiel et qu'il s'agit presque exclusivement de propriétaires occupants et de femmes qui perçoivent des pensions de réversion. Je vous assure qu'il ne s'agit pas là de propriétaires très solvables pour faire de la réhabilitation mais si on les accompagne, ces logements réhabilités seront ensuite utiles pour d'autres foyers. Il n'est pas nécessairement indispensable de construire.

Réhabiliter, c'est aussi réduire l'impact énergétique de ces logements anciens, cela me paraît particulièrement pertinent.

Sur les coûts de la construction, je partage complètement votre constat sur le problème des coûts des intermédiaires. Je me pose aussi la question de l'évolution des coûts de la construction depuis que les grosses entreprises du bâtiment se partagent le marché au détriment des petites sociétés, et ce d'autant plus que ces grandes majors font appel à de la sous-traitance en s'affranchissant parfois de certaines règles.

Toujours sur cette question des coûts de construction, j'insiste à mon tour sur les normes. À titre personnel, je suis frappée par la part réduite de l'espace de vie du fait de la volonté de rendre tous les logements adaptés aux règles d'accessibilité : ce n'est pas sérieux ! Même si ce n'est pas politiquement correct, il faut quand même regarder la réalité. Un pourcentage dans chaque immeuble serait suffisant.

La question de l'enrichissement sans cause me tient également beaucoup à coeur et il faut vraiment s'y attaquer. Concernant les hypothèques, j'en ai assez de ces banques qui ne veulent prendre aucun risque, alors que si elles réalisent une bonne analyse de la situation financière des emprunteurs, il n'y a pas de raison qu'elles rencontrent des difficultés pour se faire rembourser.

Pour conclure, je ne suis pas certaine que l'allègement fiscal constitue la réponse la mieux adaptée à nos besoins de logements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Ce qui frappe lorsque l'on se penche sur la question du logement et de l'immobilier, c'est la complexité de la législation, mais aussi son caractère très instable dont se plaignent les investisseurs car ils ont besoin de visibilité.

Les normes sont aujourd'hui trop nombreuses, et cela nous a conduits, par exemple, dans ma commune à renoncer à la rénovation de certains logements. Par le passé, des solutions de bon sens prévalaient, les personnes âgées s'installant au rez-de-chaussée tandis que les jeunes vivaient à l'étage.

Concernant l'urbanisme, je suis favorable à la taxation des terrains qui deviennent constructibles. Je pense aussi qu'il faut évaluer les besoins au plus près du terrain.

Plus de 40 milliards d'euros pour la politique du logement, c'est beaucoup. Ses résultats sont insuffisants, et, moi qui ai été professeur pendant quelques années, je donnerais à cette politique l'appréciation suivante : « de la bonne volonté mais peut mieux faire » !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Je souhaiterais réagir aux éléments cités par Philippe Dallier sur la construction de logement neufs, où l'on voit que dans plusieurs régions, dont la Bretagne, les constructions sont très nombreuses. Ces chiffres sont éloquents, même s'il faudrait les préciser : s'agit-il de logements collectifs ou pavillonnaires, de logements sociaux ou d'initiatives privées ?

Ces constructions, qui se concentrent certainement sur les pôles urbains en développement, s'accompagnent d'un autre phénomène particulièrement inquiétant : le nombre de logements vacants en centre-ville et en centre-bourg. Même si cela est difficile à vérifier, j'ai entendu parler de centaines de logements vides dans des petites villes telles que Guingamp ou Lannion, qui sont en décroissance au profit des périphéries - avec les autres problèmes que cela entraîne, notamment la consommation de terrains agricoles.

Je m'interroge d'ailleurs sur certaines décisions d'urbanisme, consistant à rendre l'accès des automobilistes aux centres-villes et aux centres-bourgs plus difficile. Cela peut convenir à certains, mais pas aux jeunes ménages qui ont des enfants et font leurs courses. Face à ce modèle de pensée dominant, il est difficile de convaincre les jeunes urbanistes qu'ils se trompent.

En ce qui concerne la baisse de la commande publique, les chefs d'entreprises font part de réelles difficultés. En Bretagne, certains appels d'offres aboutissent à des prix aberrants, non soutenables. Certes, le coût de la construction augmente, ce fut le cas notamment du gros oeuvre. Il y a quelques années, lorsqu'une seule entreprise répondait à un appel d'offres public, cela suffisait à faire le bonheur du maître d'oeuvre et de l'architecte. Aujourd'hui, c'est moins le cas et on constate des défaillances dans le secteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je voudrais évoquer le cas des primo-accédants, peu abordé dans la communication par ailleurs très complète. Il conviendrait à mon sens de simplifier les choses en matière de prêt à taux zéro. Les droits de mutation et les frais de notaire pourraient également être réduits pour ces primo-accédants : ils constituent un frein à l'accession à la propriété, dans la mesure où les banques exigent souvent que ceux-ci soient apportés par l'acheteur. En contrepartie, on pourrait faire de ces frais réduits un « chèque primo-accédant » qui pourrait être revu au bout des trois ans d'occupation. Je cite aussi la TVA à taux réduit, qui pourrait permettre des incitations dans certains cas. Quant au volet administratif, il importe d'accélérer la délivrance des permis de construire : des délais de six ou dix mois ne sont pas favorables à la construction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Cette communication fourmille d'idées pertinentes : la commission des finances du Sénat devrait se concentrer sur quelques-unes d'entre elles, décisives, pour créer une mobilisation collective. Par exemple, rappeler comme cela vient d'être fait les idées reçues sur le coût de la construction peut faire avancer les choses - quitte à décomposer ensuite ce coût pour identifier précisément les dérapages.

En ce qui concerne les normes, il faut sortir de cette situation où tout le monde est d'accord sur le diagnostic et où rien ne bouge ensuite. Là aussi, la solution consiste à identifier quelques idées symboliques et à progresser ensemble. J'ai par exemple écrit l'année dernière à la préfète de mon département sur les normes absurdes de contrôle de l'air à l'intérieur de certains lieux recevant du public. J'ai mis les rieurs de mon côté - c'est une méthode qu'il faut savoir utiliser. Le ridicule tue, y compris les normes absurdes. Il en va de même pour les normes sismiques pour les zones où la terre ne tremble pas : le conseil national des normes s'est prononcé il y a trois mois à l'unanimité pour la suspension de ces normes dans les zones 1 (très faible risque) et 2 (faible risque).

Enfin, concernant les dépenses fiscales, il appartient à la commission des finances du Sénat de rappeler que l'impôt n'est pas un outil de politique publique. Sa fonction est de couvrir les dépenses. Les multiples dépenses fiscales sont injustes - puisqu'ils ne bénéficient qu'à ceux qui paient des impôts - et produisent de nombreux effets d'aubaine. L'exemple du logement est particulièrement significatif et convaincant. Il faut résorber cela, revenir à la finalité première de l'impôt, et mettre en place des aides directes qui sont plus ciblées et permettent des politiques sélectives.

Je salue une fois de plus les excellentes idées avancées par le groupe de travail et qui méritent que l'on s'en saisisse et que l'on se mette en réseau pour les faire avancer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Le groupe de travail sur le logement a précisément été créé dans la perspective de nous rassembler et de produire des idées en dépassant le cloisonnement entre rapporteurs spéciaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

En effet, la logique de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a ses qualités mais aussi ses limites. Les missions sont parfois inégales et découpées de manière artificielle. Seuls des groupes de travail permettent d'analyser certains sujets transversaux, comme nous l'avons fait sur le logement et le numérique. Il est toutefois évident que nous n'avons pas épuisé le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

Votre communication est très éclairante. Il ne faut pas oublier la part de réalisme fiscal, voire de cynisme fiscal, qui sous-tend ces différentes mesures d'incitation : une personne qui se constitue un patrimoine sera ensuite taxée sur sa propriété, sur sa succession, sur les loyers perçus, etc. On relève toutefois que ces aides sont très souvent liées aux logements neufs : on devine derrière cela la puissance des grandes entreprises du bâtiment, et de l'adage selon lequel « quand le bâtiment va, tout va ».

La situation réelle du logement montre qu'il y a une incompréhension. La désertification des centres-villes et des centres-bourgs l'illustre bien. Certes, les travaux de rénovation sont coûteux, mais ils produisent des effets intéressants : les habitants reviennent, les emplois de proximité sont préservés et les collectivités territoriales n'entretiennent pas en vain les routes et les infrastructures publiques. On pourrait donc imaginer une incitation fiscale dans ce domaine - étant entendu que le « retour sur investissement » sera évidemment plus long. Il existe encore de nombreuses pistes à explorer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

La question des taux réduits de TVA constitue un dilemme. D'un côté, le secteur du bâtiment est en difficulté, et c'est une aide bienvenue. D'un autre côté, comment entreprendre de simplifier le dispositif ? Le rapport du groupe de travail constituera en tout état de cause une référence.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je partage également la grande utilité de ces groupes de travail sur des thèmes transversaux. Je pense, comme Yannick Botrel, qu'il est nécessaire d'adapter les dispositifs fiscaux aux logements anciens, notamment dans les centres-villes et les centres-bourgs, surtout en cas de remise aux normes - je parle bien sûr des normes véritablement utiles, telles que les normes environnementales. Je m'étonne moi aussi du nombre de logements vacants en centre-ville alors que l'on construit beaucoup de pavillons en périphérie.

Par ailleurs, je pense qu'il serait opportun de réfléchir à un produit fiscal spécifique pour les propriétaires âgés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Ce rapport va-t-il donner lieu à des propositions à l'occasion du projet de loi de finances ? Je pense notamment à la question des plus-values ou à des avantages fiscaux plus lisibles et plus incitatifs.

La réflexion doit être prolongée, notamment en ce qui concerne la question des centres-villes et des centres-bourgs, où la rénovation est susceptible de coûter plus cher que de construire du neuf, en raison notamment de la mise aux normes thermiques. L'Anah doit voir ses conditions et ses critères mieux adaptés car finalement, les propriétaires qui auraient les moyens de réaliser ces travaux, s'ils disposaient d'une aide pour les soutenir, n'entrent pas dans le champ des bénéficiaires de ses subventions.

Le prêt social location-accession (PSLA) est une formule intéressante pour l'accession à la propriété. Actuellement, l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties est de quinze ans : peut-être faudrait-il laisser la liberté aux maires pour l'introduire et en définir la durée, afin de permettre le développement de ce type de construction ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'idée du groupe de travail est bien d'aboutir à des amendements, notamment en matière de fiscalité. La question des normes relève davantage de la commission des affaires économiques. Il importe à cet égard d'arriver à un consensus.

La commission donne acte de cette communication aux membres du groupe de travail et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.