Intervention de Fabienne Keller

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 21 octobre 2015 à 9h00
Loi de finances pour 2016 — Mission « aide publique au développement » et article 48 et compte de concours financiers « prêts à des états étrangers » - examen du rapport spécial

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller, rapporteur spécial :

J'ai du mal à accepter le qualificatif utilisé à mon endroit par François Patriat.

Nous sommes à la veille de la COP 21, nous connaissons en Europe un afflux d'immigrés sans précédent, et nous sommes tous conscients que la solution de long-terme consiste à aider les pays du Sud à se développer. Nous discutons ici du budget qui met en oeuvre cette stratégie d'accompagnement des pays du Sud. Or, il s'agit du budget qui baisse le plus ! C'est cette incohérence que je souligne. Je crois qu'il faut envoyer un signal au Gouvernement, afin de ne pas sacrifier une nouvelle fois, comme c'est le cas depuis plusieurs années, les crédits de l'aide publique au développement. Après une dizaine d'années de tendance à la hausse, à l'issue de laquelle cette aide a atteint un montant égal à 0,5 % du revenu national brut (RNB), il se produit depuis quatre ans une nette inflexion.

J'en viens aux différentes questions qui ont été posées. Je remercie les rapporteurs pour avis Hélène Conway-Mouret et Henri de Raincourt pour leurs analyses et pour les travaux qu'ils ont réalisé sur l'aide publique au développement au sein de la commission des affaires étrangères. Ils sont peut-être plus diplomates que moi dans leur positionnement s'agissant du vote sur les crédits de cette mission. Henri de Raincourt a souligné, à juste titre, la croissance démographique attendue en Afrique. J'aime à dire qu'il y a des migrants « économiques » et qu'il y aura des migrants « climatiques » et des migrants « démographiques », en raison de la pression démographique africaine.

Philippe Dallier a souligné le poids que représente la taxe sur les billets d'avion pour le transport aérien, ce qui est juste puisqu'un quart de cette taxe est acquitté par Air France. Neuf pays adhèrent à ce dispositif, dont j'aimerais souligner les effets positifs : il a permis d'alimenter le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme avec efficacité. D'un autre côté, il est vrai que l'on peut regretter qu'il n'y ait que neuf pays contributeurs. Bien que la contribution par billet ne soit que de un euro pour un vol à l'intérieur de l'espace économique européen par exemple, il peut y avoir des « effets de bord », puisque cette taxe s'ajoute à d'autres charges comme les taxes d'aéroport. Dans notre précédent rapport, nous avions proposé que la COP 21 puisse être l'occasion d'un engagement de l'ensemble des pays sur la mise en place d'une taxe, à un niveau très faible, sur le carburant des avions et des bateaux, qui ne sont soumis actuellement à aucune fiscalité, avec l'idée de flécher les montants perçus vers des mesures d'adaptation au changement climatique.

Éric Bocquet a souligné, à juste titre, la question des migrants. S'agissant de la lutte contre la fraude fiscal, les pays du Sud ont exprimé le souhait, lors de la conférence d'Addis-Abeba, de traiter cette question à un niveau mondial afin de lutter contre un phénomène qui leur coût chaque année 100 milliards d'euros, mais les pays développés ont préféré rester dans le cadre de l'OCDE.

Richard Yung a posé une question relative au périmètre de la mission « Aide publique au développement ». Celle-ci comprend également les contributions de la France aux organisations internationales et donc à l'aide multilatérale. Il s'agit en particulier de la contribution à des fonds multilatéraux comme le guichet concessionnel de la Banque mondiale, des contributions volontaires à l'ONU ou de l'aide communautaire. Ces aides sont donc bien inclues dans le périmètre dont nous discutons aujourd'hui et dont l'évolution est négative. Certaines annulations de dettes ne transitent pas par le budget, c'est d'ailleurs l'objet de l'article 48 rattaché à la mission.

La part des taxes sur les billets d'avion et sur les transactions financières qui ne bénéficient pas au développement abondent le budget général ; 15 % seulement de la taxe sur les transactions financières bénéficie aux pays du sud.

Vincent Delahaye a souligné qu'il s'opposait au relèvement du plafond d'autorisation d'annulations de dettes aux pays pauvres très endettés. Je voudrais lui rappeler qu'il s'agit d'honorer les engagements pris en 2001 à Yaoundé d'annuler la totalité des créances résiduelles d'APD sur les pays ayant bénéficié de l'initiative PPTE. La Côte-d'Ivoire est effectivement le principal pays concerné par les annulations à venir, mais il n'est pas le seul à avoir bénéficié de cet engagement. Ces annulations se font dans le cadre des C2D, ce qui oblige ces pays à flécher les montants annulés vers des actions de développement.

Michel Bouvard a indiqué que le rapport ne développait pas suffisamment la question du rapprochement entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations. Ce projet, en cours d'élaboration, n'est pour l'instant pas très avancé. Le conseil d'administration de l'AFD n'a d'ailleurs pas été informé de ce rapprochement. Ce n'est que récemment que nous avons eu des informations, très succinctes au demeurant. L'objectif est de permettre à l'AFD de renforcer ses fonds propre afin d'accorder des prêts supplémentaires dans des pays où ses engagements ont déjà atteint le niveau maximum autorisé par les règles prudentielles, en particulier des pays du Maghreb.

Vincent Capo-Canellas a également soulevé le problème de la taxe sur les billets d'avion. On voit bien que lorsqu'une fiscalité n'est pas appliquée partout, elle peut poser des difficultés en termes de compétitivité.

Gérard Longuet a estimé que le rapport était relativement succinct s'agissant des bénéficiaires de l'aide publique au développement. Nous pourrons enrichir cette question-là dans le rapport définitif.

Jean-Claude Boulard a souligné l'importance de l'aide décentralisée. Nous sommes nombreux à partager l'idée qu'il s'agit en effet d'un levier important de coopération, qui s'inscrit dans la durée. L'AFD inclut d'ailleurs dans ses actions de coopération des financements complémentaires des collectivités. Ce sont souvent des moyens en personnel qui sont sollicités.

Yvon Collin et moi sommes des passionnés d'aide au développement, qui est une politique qui s'inscrit dans le long-terme. Or, compte tenu des pressions budgétaires à court terme, le budget de l'aide au développement est le budget le plus sacrifié. Nous souhaitons donc envoyer un signal au Gouvernement en lui demandant d'agir pour préserver l'avenir. C'est le moment ou jamais à quelques semaines de la COP 21.

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