Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 22 octobre 2015 à 10h30
Signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en France, près de 20 000 enfants sont aujourd’hui en situation de maltraitance et près de 80 000 se trouvent dans des situations à risque. Au reste, il ne s’agit là que des chiffres officiels, n’englobant probablement pas l’ensemble des cas.

Les médecins, qui sont les plus à même de découvrir les situations de maltraitance, ne sont à l’origine que d’environ 5 % des signalements, les signes de maltraitance n’étant pas toujours des plus manifestes ni des plus simples à détecter.

C’est à cette trop faible utilisation de la procédure de signalement que notre collègue Colette Giudicelli a voulu remédier au travers de la présente proposition de loi.

La crainte des poursuites judiciaires et disciplinaires est l’un des facteurs de ce faible taux de signalement de la part des médecins : elle peut dissuader un professionnel ayant un doute sur la réalité de la maltraitance envers un enfant d’avertir le procureur de la République.

Cette absence préjudiciable d’immunité freine les médecins dans leur action et, surtout, elle pénalise les enfants. Le texte que nous examinons aujourd'hui devrait lever les obstacles et permettre le plein déploiement de l’outil que constitue le signalement.

En outre, l’extension de l’immunité aux professionnels de santé, adoptée à l’Assemblée nationale, permettra d’élargir le dispositif de manière à couvrir tous ceux qui, dans l’exercice de leur profession, peuvent avoir connaissance de maltraitances à l’égard d’un enfant, la notion de « professionnel de santé » faisant référence non seulement aux professions médicales et aux auxiliaires médicaux, mais aussi aux auxiliaires de puériculture et aux pharmaciens. Les chances de détection des sévices infligés aux enfants devraient ainsi être améliorées.

Alors que le texte initial prévoyait l’obligation de prévenir le procureur de la République, le travail mené au Parlement et les échanges auxquels l’examen de la proposition de loi a donné lieu ont abouti à une plus grande cohérence. Ainsi, l’obligation a été légitimement écartée, car elle aurait, en cas de manquement, contribué à réengager une responsabilité dont on voulait, par ailleurs, affranchir les médecins. En outre, l’obligation de signalement imposée aux médecins aurait rendu les auteurs des sévices plus méfiants et donc peut-être éloigné les enfants maltraités des professionnels de santé. Le texte final permet donc de préserver une confiance qui, seule, peut assurer l’effectivité du dispositif proposé.

Le manque de connaissance des outils dont disposent les médecins constituait l’autre grande lacune du dispositif actuellement en vigueur. Le Sénat a donc, à juste titre, introduit l’obligation de former les médecins à la procédure de signalement.

Ces différentes modifications ont rendu le texte à la fois plus riche, plus lisible et, par conséquent – du moins nous l’espérons tous –, plus opérant.

Enfin, il semble que la saisine du seul procureur de la République, lequel est une autorité judiciaire, risquait de faire naître chez les médecins des réticences à procéder au signalement. À cet égard, l’alternative consistant à ouvrir aussi la possibilité de saisir la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes est bienvenue : ce maillon supplémentaire resserrera le réseau sur l’ensemble du territoire.

Le texte que nous examinons aujourd'hui a bénéficié d’une réflexion collégiale. Une fois le dispositif déployé, il pourra conduire progressivement à réduire les maltraitances, mais aussi à les prévenir, car un réseau d’acteurs nombreux et variés connaissant la procédure est le mieux à même de relever des informations, de les partager et, par conséquent, avec l’expérience, d’agir plus vite.

Saluant une fois encore l’excellent travail effectué par notre rapporteur François Pillet, nous suivrons sa recommandation et nous voterons cette proposition de loi telle que l’Assemblée nationale nous l’a transmise.

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